22 novembre 2024 |

Ecrit par le 22 novembre 2024

Welfare, l’Honneur de la Cour rendu aux Invisibles

Quand Tiago Rodrigues propose à Julie Deliquet d’investir la Cour d’Honneur en ouverture du  77e festival d’Avignon
On connaît la genèse du projet : l’amour du théâtre pour le cinéaste et l’amour du cinéma pour la metteuse en scène. Fréderick Wiseman, cinéaste de documentaire américain – oscarisé et Lion d’Or pour l’ensemble de sa carrière-  contacte la metteuse en scène Julie Deliquet , trouvant intéressant d’adapter au théâtre son documentaire Welfare tourné en 1975 à New York.  Il avait déjà vu et apprécié les adaptations réalisées par la jeune directrice du Théâtre Gérard Philippe à Saint-Denis : Fanny et Alexandre de Bergmann ou Un conte de Noël de Deplechin.

De l’écran au mur du Palais
L’adaptation de Julie Deliquet garde l’époque (1973), l’unité de lieu, l’unité de temps (une journée) et les thèmes traités dans le film de Wiseman portés par 15 acteurs.
L’action se passe donc dans un gymnase accueillant la permanence d’urgence d’un centre d’aide sociale, à New-York en 1973 : mères célibataires, paumés, immigrés, sans-abri, soldat vétéran attendant d’être reçus un après l’autre par les travailleurs sociaux. L’adaptation garde l’esprit du film en relayant les thèmes récurrents : accès aux droits, dossiers incomplets, acharnement de l’administration, manque de personnels mais choisit de réunir les acteurs sur un grand plateau – en l’occurrence un terrain de basket.- pour à la fois les distinguer et les réunir.

La parole restituée
Il y a dans Welfare un tourbillon de mots et de situations avec des problématiques sociales qui, bien que se ressemblant, restent figées dans la litanie des réclamations diverses, la répétition des situations désespérées, l’échec des solutions d’urgence, permettant de mettre en valeur chacun des dix personnages-demandeurs, en exhumant des histoires singulières et des trajets de vie sans pathos. Ce qui peut manquer est peut être ‘absence de dramaturgie car en collant aux situations décrites dans le documentaire de Wiseman, on frise effectivement une succession de cas individuels.

Au suivant
La dramaturgie se crée cependant par ce temps long vécu également par nous spectateurs, qui aurions presque envie de lever la main pour répondre à la sempiternelle question «A qui le tour, au suivant ?» qui se pose sur le plateau. Cinquante ans après, dans un autre pays, on connaît tous quelqu’un que l’on pourrait emmener dans ce centre pour résoudre des problèmes de faim ou de logement.

Alors oui ! La mise en scène est peut être sans surprise : exposés des cas individuels, mi-temps où les barrières s’estompent, puis reprise des consultations où la tension monte et où les travailleurs sociaux «craquent» eux aussi. Mais les comédiens sont merveilleux, magnifiques passeurs de parole et témoins d’histoires,  visiblement étroitement impliqués et associés à la création de cette fresque sociale, spécialement pour Avignon.

La parole de Julie Deliquet lors du Café des Idées au Cloître Saint-Louis
«Il y a autant de prises de paroles qu’il y a de langage. Donc ça a demandé de l’étude, du soin, de l’attention, de prendre le temps de l’écoute pour pouvoir accueillir aussi les différences de langages. C’est une parole publique, on ne passe pas par le prisme de l’intime puisque cette parole elle est faite pour être entendue par un autre. Donc déjà la question de la légitimité ne se pose pas. C’est une parole nécessaire, avec de la stratégie, faite pour être entendue. Rien n’est victimisant dans l’oeuvre de Wiseman car c’est une parole qui fait réadvenir citoyen ou citoyenne et en ça, c’est le théâtre de la vie quotidienne. On n’est jamais dans une conversation d’intimité, on n’est pas dans une confession, on est vraiment dans une parole qui agit, on est dans du Verbe d’état, dans du Verbe d’action. L’Autre, le spectateur, a aussi une écoute active, on partage, on se questionne ensemble…»
Welfare. 10, 11, 12, 13 et 14 juillet. 22h. 10 à 45€. Cour d’Honneur du Palais des Papes. Réservation ici.
Rétrospective Frederick Wiseman. Jusqu’au 25 juillet. Cinéma Utopia. La Manutention.


Welfare, l’Honneur de la Cour rendu aux Invisibles

La complexité du monde si chère à Tiago Rodrigues dans ses choix artistiques sera mise à l’épreuve dès demain avec ‘Groove’ qui commence par une déambulation sur la voie publique

Ouvrir le festival  avec Bintou Dembélé, la grande chorégraphe qui mélange les danses urbaines avec de la musique érudite était un choix judicieux pour ancrer le théâtre dans l’espace public et pour le plus grand nombre. Ca allait de soi également pour cet arpenteur de la cité, nouvellement adopté, qu’est le directeur du Festival d’Avignon Tiago Rodrigues. Les dramatiques événements de ces derniers jours appellent bien sûr à de la prudence, vigilance et sécurisation maximale mais la réappropriation des rues par la fête, la danse, la déambulation sera bien présente lors des 3h  de performance qui pousseront  ensuite les portes de l’Opéra Grand Avignon après plusieurs arrêts-séquences réunissant les danses hip hop, le Krump, le voguing ou l’électro. Ce spectacle produit par la structure Rualité,-contraction de rue et réalité – prendra tout son sens en ce jour d’ouverture d’un Festival dans un monde tourmenté.

G.R.O.O.V.E. Les 5, 6, 8, 9 et 10 juillet. 17h. 10 à 30€. Opéra Grand Avignon.

Matinale animée par Olivia Gesbert. 9 juillet. 10h30 à 11h30. Cour du Cloître Saint Louis.

Programme de 7 films courts réunis les 6, 8 et 11 juillet. 14h. Cinéma Utopia. La Manutention.

La projection du 8 sera suivie d’une rencontre avec Bintou Dembélé et Féroz Sahoulamide.

Ancrage dans la réalité également avec Welfare mis en scène par Julie Deliquet qui investit la Cour d’Honneur

Dure réalité s’il en est, que celle de la vie d’un centre social qui concentre en une unité de lieu des vies humaines qui se télescopent. Mais du théâtre avant tout qui veut «regarder la réalité sociale en face» pour  offrir aussi «un horizon collectif». Le choix de Julie Deliquet d’adapter au théâtre le film de Frederick Wiseman Welfare (1973) va rencontrer à coup sûr son public et l’actualité d’un monde où l’on s’interroge sur le délitement du lien social.

Welfare. Du 5 au 14 juillet. Relâche le 9. 22h. De 10 à 45€. Cour d’honneur du Palais des Papes.  

Matinale animée par Olivia Gesbert. 6 juillet. 10h30 à 11h30. Cour du Cloître Saint Louis.

Territoires Cinématographiques. Rétrospective Frederick Wiseman du 9 au 25 juillet. Cinéma Utopia. La Manutention

Projection Welfare. Du 9 au 25 juillet. La projection du 9 juillet à 14h sera suivie d’une rencontre avec Frederick Wiseman et Julie Deliquet. Tout le programme du Festival ici.

WELFARE D’apres Frederick Wiseman, Traduction Marie-Pierre Duhamel Muller, Mise en scene Julie Deliquet, Adaptation scenique Julie Andre, Julie Deliquet, Florence Seyvos, Collaboration artistique Anne Barbot, Pascale Fournier Scenographie Julie Deliquet, Zoe Pautet Lumiere Vyara Stefanova, Musique Thibault Perriard Costumes Julie Scobeltzine, Marionnette Carole Allemand, Decors Francois Salle, Bertrand Sombsthay, Wilfrid Dulouart, Frederic Gillmann, Anouk Savoy, Ateliers du Theatre Gerard Philipe Centre dramatique national de Saint-Denis. Avec Julie Andre, Astrid Bayiha, Eric Charon, Salif Cisse, Aleksandra de Cizancourt, Evelyne Didi, Olivier Faliez, Vincent Garanger, Zakariya Gouram, Nama Keita, Mexianu Medenou, Marie Payen, Agnes Ramy, David Seigneur et Thibault Perriard (musicien).

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