21 décembre 2024 |

Ecrit par le 21 décembre 2024

Velleron : Il était une fois un village en résistance contre l’urbanisation

A Velleron, la mobilisation ne faiblit pas contre le projet de lotissement de la Grande Bastide et ses 200 logements. Ce dimanche encore, habitants, élus, associations et personnalités sont venus dire ‘non’ à cet aménagement qui pourrait avoir de grave conséquence sur les finances de la commune ainsi que pour sa qualité de vie.

« Il était une fois dans un charmant petit village du sud de la France : Velleron. Un Plan local d’urbanisme, un PLU, qui, en 2017, permit de passer une zone naturelle préservée de 7 hectares en zone à urbaniser et plus, plus, plus. » C’est ainsi que Philippe Armengol, maire de Velleron, a débuté son discours à l’occasion de la deuxième mobilisation contre le projet de la Grande Bastide, un lotissement de 200 logements, qui s’est déroulé ce dimanche à Velleron.
Un projet actuellement bloqué depuis avril 2022 par décision de la préfecture de Vaucluse mais qui fait l’objet d’une l’audience au tribunal de Nîmes, ce 18 décembre, où les aménageurs attaquent cette décision.

Une fable qui ne fait pas rêver
« Par l’odeur allécher, a poursuivi l’élu,  deux aménageurs venus d’Occitanie, se dirent mais quelle aubaine ! Et si nous y faisions un lotissement de 200 logements, de 26 000 m2 de planchers, de 500 à 600 habitants. Quelle belle opération financière ! »
Une fable qui ne fait cependant pas rêver la municipalité actuelle qui a profité de ce rassemblement pour rappeler conséquences économiques et environnementales de ce projet.
« Nous avons estimé à 7M€ les coûts pour la commune, sans compter, bien entendu, les coûts indirects », explique Philippe Armengol. Le Grand Avignon serait ainsi obligé de redimensionner la station d’épuration par exemple. Seule solution ? Augmenter les impôts locaux de 40% : « mais on ne le fera pas » annonce déjà le maire de ce village d’un peu plus de 3 000 habitants qui précise qu’une commune comme la sienne peut ‘encaisser’ une croissance démographique de l’ordre de 1,3% par an. « Là on parle d’un projet qui fera augmenter la population de 20% en 1 ou 2 ans maximum. »

Comme lors de la première mobilisation fin 2021, les habitants de Velleron ont dessiné un immense ‘non’ contre le projet de lotissement de la Grande Bastide. Crédit : Michel Bost

Une zone naturelle préservée à… urbaniser
« C’était une Zone naturelle préservée jusqu’en 2017 qui est passé ensuite en zone à urbaniser, plus, plus, plus…, poursuit Philippe Armengol. Avec une faune, une flore très riche qu’on anéantit. Il ne faut pas se leurrer car si on bétonne 26 000 m2 de planchers là-bas et bien on anéantit tout ce qu’il y a. Il y avait une zone humide de 2 700 m2, sur 1,5 mètre de profondeur. Une zone humide qui existait et qui a été rebouchée juste avant l’étude d’impact environnemental que les aménageurs devaient faire en 2018. »

Prise de responsabilité de l’Etat et soutien des élus locaux
Par les temps qui courent, le fait est suffisamment rare pour être souligné : le maire de Velleron a appelé les manifestants à applaudir les services de l’Etat. « Je veux remercier personnellement le préfet Bertrand Gaume qui a pris un Arrêté interruptif de travaux (AIT) de travaux en avril 2022 ». Une décision qui depuis a été maintenue par les services de la préfecture en Vaucluse.
Philippe Armengol a aussi salué l’appui de France Nature Environnement ou bien encore l’action du collectif les colibris noirs ainsi que les personnalités qui soutiennent la démarche (Dave, l’actrice Cécile Bois, l’acteur et doubleur Jean-Pierre Michael, Grand Corps Malade…).

Philippe Armengol, le maire de Velleron ici au micro, a reçu le soutien de très nombreux élus locaux. Crédit : Michel Bost

« Cette démesure parle aux élus. »

Philippe Armengol, maire de Velleron

Soulignant le nombre d’écharpes tricolores réunies lors de cette journée, Philippe Armengol détaille : « Pourquoi nos collègues élus d’autres territoires sont là ? C’est parce que cette démesure, elle leur parle. Ils se disent, ‘Quoi ? 20% d’augmentation de population, faillite économique, faillite écologique, faillite sociale. Non ! Je n’en veux pas moi non plus car cela me fait peur’. Donc, on vient nous aider dans ce combat. On vient aider ce village en raison de tous ces enjeux. »

« Mais nous, on sera solidaires avec vous quand cela s’avérera nécessaire, annonce déjà le maire. Car ce que l’on défend sur Velleron, nous le défendrons ailleurs aussi. Et la fin de cette histoire, je vous le dis ici, c’est nous ensemble qui l’écrirons. » Prochain chapitre : la décision du tribunal administratif de Nîmes qui devrait être annoncée dans les 15 suivants l’audience prévue ce mercredi 18 décembre.


Velleron : Il était une fois un village en résistance contre l’urbanisation

Les données de la Division de la population des Nations unies donnent un aperçu de l’ampleur de l’urbanisation dans le monde ces dernières décennies. L’Afrique et l’Asie – dont les populations urbaines sont déjà respectivement plus importantes que celles d’Europe, d’Amérique latine ou d’Amérique du Nord – sont les continents où la part de citadins a le plus augmenté depuis le milieu du 20ème siècle.

Alors qu’en 1950, moins d’un Africain et d’un Asiatique sur cinq vivait en ville, ce chiffre est passé à respectivement 45,4 % et 53,4 % en 2024. L’Amérique latine et les Caraïbes ont également connu une forte croissance urbaine au cours de cette période : la part de citadins y a presque doublé pour atteindre plus de 80 %, soit un taux supérieur à celui de l’Europe (75,8 %). C’est en Amérique du Nord que la part de la population vivant en ville est actuellement la plus élevée : 83,4 %.

À l’échelle du globe, depuis 2010, le nombre de citadins a dépassé celui des personnes habitant en milieu rural. En 2024, il est estimé que plus de 57 % de la population mondiale vit en ville. Selon les projections démographiques, ce chiffre pourrait grimper à plus de 68 % à l’horizon 2050, principalement porté par la poursuite du développement urbain en Afrique et en Asie.

De Valentine Fourreau pour Statista


Velleron : Il était une fois un village en résistance contre l’urbanisation

D’ici 2050, il est estimé qu’autour de 70 % de la population mondiale vivra en ville, contre 54 % en 2020. Cette hausse est liée d’une part à la croissance démographique, mais aussi à la poursuite de l’urbanisation, en particulier dans les « mégavilles » ou mégapoles, c’est-à-dire les agglomérations qui comptent 10 millions d’habitants ou plus, comme le rapporte une étude de l’Institut pour l’économie et la paix (IEP).

On compte actuellement 33 mégapoles dans le monde. Les plus peuplées d’entre elles sont Tokyo (37,3 millions), Delhi (32,3 millions), Shanghai (28,7 millions), Dhaka (22,6 millions), São Paulo (22,5 millions) et Mexico (22,1 millions). L’Asie héberge la plupart de ces agglomérations géantes (dix-neuf), suivie des Amériques (sept), de l’Afrique (trois), puis de l’Europe (deux : Paris et Moscou).

D’ici 2050, quatorze autres villes devraient atteindre ce statut : la moitié d’entre sur le continent asiatique, quatre en Afrique et une respectivement en Europe (Londres) et sur le continent américain (Chicago). À cette date, le classement des plus grandes mégapoles devrait alors être le suivant : Delhi (49,6 millions), Dhaka (34,6 millions), Tokyo (32,6 millions), Le Caire (32,6 millions) et Mumbai (32,4 millions).

L’Afrique est la seule région du monde qui devrait continuer d’afficher une croissance démographique élevée d’ici la fin du siècle. Cela se reflète sur notre carte, les grandes villes africaines étant parmi celles qui connaîtront les plus fortes hausses de leur population. Dar es Salam et Nairobi devraient par exemple voir leur nombre d’habitants doubler au cours des trois prochaines décennies.

À l’inverse, seules trois mégapoles verront leur population décliner : la capitale russe Moscou (-3 %), ainsi que les villes japonaises d’Osaka (-12 %) et de Tokyo (-12 %). Malgré la diminution du nombre d’habitants à Tokyo, due au vieillissement démographique et à la baisse du taux de natalité, la capitale japonaise devrait tout de même rester la quatrième mégapole la plus peuplée au monde en 2050.

De Tristan Gaudiaut pour Statista


Velleron : Il était une fois un village en résistance contre l’urbanisation

L’Etat veut interdire toute consommation nouvelle de terre pour construire, d’ici 2050. L’artificialisation, réalisée majoritairement dans des petites communes de moins de 2000 habitants, va donc empêcher les français de vivre dans leur maison, sur un bout de terrain. Ce projet de ‘zéro artificialisation nette’ veut mettre un coup d’arrêt à l’exode urbain, en faisant flamber le prix du foncier. Il met le feu aux poudres au Sénat qui découvre une loi laissant les maires sans moyens, ni confiance, pour conjuguer développement et sobriété foncière. Jean-Baptiste Blanc sénateur LR du Vaucluse et rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits du logement et de l’urbanisme s’est emparé du sujet.

Parler du réel est devenu chose très difficile. Notre démocratie ne vit plus qu’avec des leçons de morales à quatre sous, des sujets montés en épingle par des groupes de pression, d’une vision aristocratique de la citoyenneté privant les gens de tout droit à la parole, forcement divergente – au sens d’Orwell – si elle ne s’inscrit pas dans le corset du discours technocratique qui a remplacé la pensée, et par conséquent, toute forme de débat.
Dernier exemple en date, voici la ‘zéro artificialisation nette’ des sols qui prétend densifier l’habitat, mieux utiliser les espaces réputés vacants et rendre au sol ses fonctions naturelles en les ‘renaturant’.

Qui pourrait donc bien s’opposer à une telle proposition, consistant à sauver la planète ?
Au départ, une excellente idée, comme on les aime en classe de sixième, où, après mûres délibérations, l’on convient que l’on est tous pour la paix (et contre la guerre).
Qui pourrait donc bien s’opposer à une telle proposition, consistant à sauver la planète ?
Mais à l’arrivée, cetteloi Zéro artificialisation nette (ZAN) enterre, à jamais, le rêve intime français, décrit en son temps par Voltaire : vivre dans sa maison, sur un lopin de terre à soi que l’on peut cultiver à son aise. C’est fini, et c’est prévu pour 2050.

Le ZAN sur-métropolise la France et punit la ruralité
Une partie des sénateurs sont vent debout contre les décrets d’application de cette loi, publiés le 29 avril dernier, comme l’explique Jean-Baptiste Blanc sénateur LR et rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits du logement et de l’urbanisme. « Après avoir fait une trentaine de déplacements dans notre pays, les élus sont en ébullition sur ce sujet. Que disent-ils ? Que le ZAN sur-métropolise la France, punit notre ruralité, que l’Etat abandonne tout le monde puisqu’il n’y a aucune ingénierie prévue pour atteindre les objectifs annoncés (…) Ils reprochent au gouvernement de revenir sur la loi alors que nous avions voté une territorialisation, demandé que l’on tienne compte, par exemple, de la trajectoire des élus qui sont dans la sobriété foncière et que l’on fasse tout simplement confiance aux élus au travers des schémas de cohérence territoriale d’urbanisme (…). Personne ne comprend pourquoi le gouvernement retranche tout cela à la loi ».

Comment tout ça a commencé ?
Avril 2021, la ministre du logement Wargon claironne fièrement dans les médias que l’habitat individuel n’a plus d’avenir en France, non sans créer la polémique : elle vit à Saint-Mandé dans une maison de 150 m2 estimée à 1,5 M€ (2,2 selon la moyenne de ‘Meilleurs Agents’), dans une ville très cossue qui ne respecte pas le quota de construction HLM. « Si la ministre a choisi Saint-Mandé et pas une autre ville, c’est qu’elle est venue y trouver un cadre de vie résidentiel, luxuriant, un urbanisme maîtrisé et une ville proche de Paris. Elle ne peut pas fustiger les villes qualifiées de « riches qui ne veulent pas de HLM” et en même temps, habiter un joli pavillon», lâchait le maire LR de Saint-Mandé. (Source : Le Figaro immobilier).
Voilà pour l’ambiance bobo « faites ce que je dis mais pas ce que je fais ».

Une urgence pour les maires et les sénateurs
Le 29 juin 2022, le sénateur Blanc publie un rapport, suivi d’une conférence de presse alertant les maires. Ces élus pour qui « le choix de l’urbanisme est le plus important de leur mandat » devront faire fissa pour affronter cette « révolution à bas bruit ». Ils ont jusqu’au 22 octobre prochain pour faire des propositions au gouvernement : le 6 juillet, près de 1 250 contributions des maires étaient parvenues au Sénat pour expliquer ce qu’ils reprochent à ce texte qui « impose le modèle de construction de la ville sur la ville (…) C’est l’Etat profond qui a tout décidé de façon orthogonale, et ce sera Gilet jaune multiplié par deux au bout » prédisent Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances, Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques et Jean-Baptiste Blanc qui sont unanimes à la conclusion de cette conférence de presse : c’est bien un « zéro pointé net, sans rature ni bavure » qu’il adressent au projet zéro artificialisation nette.

Retrouvez ici la vidéo de la table-ronde de la commission des affaires économiques du Sénat du 27 juillet dernier sur le sujet de la zéro artificialisation nette à laquelle a notamment participé le sénateur Vauclusien Jean-Baptiste Blanc.

Que peut-on reprocher à ce texte, en l’état du paysage constructif actuel ?
Pourquoi la loi parle d’artificialisation et non d’imperméabilisation des sols – une notion qui a le mérite d’opérer une distinction simple entre ce qui est naturel et ce qui ne l’est pas – comme on le fait par exemple en Allemagne ? Parce qu’il faut bien exagérer, sans en avoir l’air, un phénomène dont il faut connaître les limites. Détaillons tout ceci :

  • Actuellement, ‘l’artificialisation’ des terres reste modeste à l’échelle nationale : les 36 millions de logements qu’occupent les Français se concentrent sur 4 % du territoire national. 
  • Alors même qu’il conviendrait d’inciter à la végétalisation des espaces urbanisés, la loi inclut les parcs et jardins parmi les surfaces artificialisées (eh oui !), ainsi que « toute opération d’aménagement pouvant entraîner une imperméabilisation partielle ou totale, afin de les affecter notamment à des fonctions urbaines ou de transport » : habitat, activité, commerces, équipement publics…
  • En France, 200 kilomètres carrés seraient ainsi ‘artificialisés’, soit quatre fois plus que ne le justifierait la croissance officielle de la population. On parle donc de 150 kilomètres carrés en trop, à récupérer sur les friches industrielles, mais aussi sur les parcs et jardins publics ou même les potagers privés. Juste pour se rendre compte : 200 kilomètres carrés, c’est la surface détruite par les incendies de Gironde, en une semaine, au mois de juillet, en grande partie grâce aux écologistes qui s’opposent à la gestion des milieux naturels.

‘L’artificialisation’ est donc la rencontre d’une idéologie globalement anti Gilets jaunes et d’intérêts financiers qu’il ne faut pas être grand clerc pour désigner : les promoteurs d’une ‘smart city’ qui construit toujours plus haut des logements toujours moins grands. Et puis, il y a ces Français indécrottables, dont on ne sait que faire, en rupture avec le rêve banlieusard des ‘intellectuels’ des années 60, porté par l’emblématique architecte Roland Castro.

Rien de neuf, pourtant : au sortir de la seconde guerre mondiale une enquête de l’Institut national d’études démographiques (Ined) montrait que 72% plébiscitaient la maison isolée avec jardin. Les enquêtes, après les années 2000, aboutissent à des taux de préférence pour la maison individuelle dépassant les 80%.

Pourquoi donner aux gens ce qu’ils veulent en l’organisant ? Ce serait la Démocratie. Sortons un moment du fameux ‘cercle de la Raison’ qui sait, mieux que nous, ce qui est bon pour nous. Qu’adviendrait-il, si la totalité des ménages résidaient dans une maison construite sur une parcelle de 1 000 m2, soit à peu près la taille actuelle des habitations dans les zones péri-urbaines ? ‘L’artificialisation’ du territoire serait alors seulement de 10% du territoire, note le rapport Blanc.

A lire aussi : “La fin du village?“

Quel sont les premières victimes de cette loi ?
Entre 2000 et 2018, les prix des logements anciens et neufs en France métropolitaine ont augmenté de 115 %. Durant cette période, le coût de la construction n’a progressé que de 50 %.
La hausse des prix des logements serait donc expliquée en grande partie par la hausse des prix des terrains, constatait Notaires de France, dans une étude d’avril 2020. 
Jean-Baptiste Blanc évalue l’enjeu pour les années à venir. « Les Français sont très attachés au modèle de la maison individuelle avec terrain, qui reste souvent, à distance des centres villes, le seul mode de logement accessible aux classes moyennes modestes. Celles-ci risquent d’être les premières victimes de la limitation de l’accès au foncier qui en renchérira le coût dans les années à venir ».

Les collectivités doivent pourtant satisfaire la demande de logement des habitants qui ne veulent plus vivre dans des grandes villes – durablement endettées et mal gérées à cause du clientélisme électoral – de plus en plus violentes et plus chères (taxes foncières, stationnement, interdiction de circuler).
Entre 2009 et 2020, la moitié de l’artificialisation nouvelle des espaces naturels, agricoles et forestiers a eu lieu dans des communes de moins de 2 000 habitants, qui ne regroupent pas moins d’un quart de la population.

C’est cet exode urbain, vers ces communes paisibles, que le gouvernement veut arrêter à tout prix. « Il font tout pour que la richesse reste là où elle est », acquiesce Jean-Baptiste Blanc, soulignant un mouvement de fond. « Les gens ont découvert le télétravail lors des confinements et voient que l’exil urbain est possible avec le très haut débit numérique ».

Le sénateur vauclusien a sillonné la France pour aller à la rencontre des élus des territoires afin d’expliquer les enjeux de la la loi ‘zéro artificialisation nette’

Un défi impossible à relever
L’adjectif ‘nette’ dans l’objectif ‘zéro artificialisation nette’, fait référence à la possibilité de compenser l’artificialisation d’une surface par la renaturation d’une autre surface.
C’est un tour de passe-passe, et personne ne sait comment le réaliser. Encore moins nos petites communes qui n’ont pas les moyens financiers de faire face à l’incroyable flambée du foncier qui s’annonce. « La transformation d’un sol artificialisé en sol naturel est particulièrement difficile, surtout avec l’objectif de recréer un sol qui offre les mêmes services qu’un sol naturel ».
Le rapport Blanc explique aussi que, « selon France Stratégie, le coût de la renaturation d’un sol artificialisé, après dépollution, “ de-imperméabilisation” et construction d’un ‘technosol’ est de 95 à 390€ par mètre carré, coût auquel il faut ajouter celui de la déconstruction ».

Faisons le calcul pour un terrain de 1 000 m2 : 240 000€, en moyenne, auxquels il faudra ajouter le prix initial du terrain. Quel particulier pourra bien y construire une maison pour sa famille ? Les particuliers n’auront d’autre choix que de se positionner sur un parc immobilier à prix d’or, dans la moindre campagne poisseuse. Les libérations de terrain ne profiteront donc qu’aux grands opérateurs privés et aux collectivités qui en ont les moyens, sans possibilité de renaissance des espaces ruraux.
La feuille de route est prête : « dès les dix prochaines années, la consommation totale d’espace observée à l’échelle nationale entre 2021 et 2031 devra être inférieure de moitié à celle observée lors des dix années précédentes ».

Contractualiser avec des moyens
L’opposition, représentée par les trois sénateurs de la commission, veulent remplacer l’élément de langage ‘zéro artificialisation’ par celui de ‘modération foncière’ : il serait alors possible de revoir l’objectif à l’aune de chaque territoire, en tenant compte de la demande sociale et des intérêts économiques locaux. Mais aussi de dégager des lignes budgétaires et fiscales adéquates – au moins un milliard – pour créer un guichet unique proposant un service d’ingénierie aux communes qui en ont le plus besoin, en instituant un comité d’observation pour suivre le sujet. Le gouvernement a pour l’heure annoncé un fonds de recyclage des friches de 650M€ en mai dernier. « Nous préparons pour début octobre un texte unifié pour LR afin d’obtenir plus de moyens, mais aussi de permettre la contractualisation des objectifs en laissant aux Régions les schémas, mais pas les règlements. Les élus sont de bonne foi. Ils constatent, comme tout le monde, les abus que l’on voit sur les littoraux, et même chez nous, sur certaines zones du Grand Avignon par exemple. Ils sont par conséquent d’accord avec l’idée de ‘renaturer’, mais pas de payer les pots cassés en s’alignant sur une vision technocratique du ‘tout environnemental’, une culture d’énarques qui a le monopole de l’intérêt général et sur l’idée qu’il y a Paris et le désert français se transformant en ville à l’américaine. Il y a donc un juste milieu à trouver en permettant le développement local et regardant ce qu’on peut faire en fonction de la pression foncière. Pour cela, il faudrait en réalité une refonte de la fiscalité qui récompense les élus vertueux. Le sujet est donc loin d’être épuisé pour aboutir à ses objectifs initiaux ».


Velleron : Il était une fois un village en résistance contre l’urbanisation

Dans le cadre du projet de loi 4D (Déconcentration, décentralisation, différenciation, décomplexification) qui doit être examiné par le Sénat en juillet prochain, Alain Milon, sénateur de Vaucluse, et Pierre Gonzalvez, maire de l’Isle-sur-la-Sorgue et co-président de l’AMV (Association des maires de Vaucluse) proposent de se pencher sur les obligations en matière de logement social pour les communes. Objectif ? Mettre de l’ordre dans une réglementation souvent inatteignable notamment en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

« Aujourd’hui, si une commune comme Pertuis appliquait à la lettre les obligations en matière de réalisation de logement social la commune atteindrait ses objectifs en 2250 et compterait alors plus de 200 000 habitants », explique Alain Milon, sénateur LR (Les Républicains) de Vaucluse. C’est pour mettre fin à ce type d’incohérences que le parlementaire, accompagné de Pierre Gonzalvez, maire de l’Isle-sur-la-Sorgue, présente une proposition de loi « portant diverses mesures d’adaptation des obligations pesant sur les communes en matière de logement social » dans le cadre de la prochaine loi 4D qui passera ce mois-ci à l’Assemblée nationale avant d’être débattue par les sénateurs à partir de juillet.
En effet, afin de rattraper le manque de logements sociaux, l’Etat a mis en place une série de dispositifs permettant de pénaliser financièrement les communes n’atteignant pas les seuils fixés par la loi. Ces pénalités peuvent même être multipliées par 5 selon le niveau de ‘bonne volonté’ des communes. Ultime sanction, la commune peut perdre la maîtrise en matière d’urbanisme (instruction des permis de construire, droit de préemption, attribution des logements sociaux…) au profit des services de l’Etat. En Vaucluse, 25 communes sont concernées par cette réglementation (voir fin de l’article), dont certaines ont été pointées du doigt récemment par la Fondation Abbé-Pierre.

Malgré la succession des lois, il manque toujours 600 000 logements sociaux en France
« Loi SRU, loi Alur, loi Duflot, loi Elan… Les textes se sont succédés et pourtant il manque plus de 600 000 logements sociaux en France, poursuit Alain Milon qui rappelle que l’article 55 de la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la Solidarité et au renouvellement urbains impose à certaines communes de disposer d’un nombre minimum de logements sociaux. Si le rôle d’accélérateur de la production de logement social de cet article est indéniable et si aujourd’hui aucun des acteurs parties prenantes du logement social ne remet en cause ce dispositif, dans les faits, de nombreux élus locaux, pourtant volontaires, sont confrontés à la difficulté de se conformer aux dispositions de l’article 55 de la loi. Les mêmes écueils sont unanimement rapportés : rareté ou cherté du foncier ne permettant pas de produire un effort accru de construction de nouveaux logements sociaux donnant le sentiment d’objectifs triennaux inatteignables… De même, les communes attractives voient leur parc de logements privés augmenter entrainant de facto une obligation supplémentaire de réalisation de logements sociaux. Ainsi, le rattrapage devient impossible à atteindre voire même, au contraire, l’écart se creuse. Et au final, force est de constater que les objectifs fixés par la loi aux communes concernées ne pourront être atteints à l’échéance 2025. »

« Faire en sorte que les maires puissent travailler dans la sérénité. »

« Notre but est de faire en sorte que les maires puissent travailler dans la sérénité, précise Pierre Gonzalvez. C’est une question primordiale pour nos collectivités car on fixe des objectifs inatteignables et les maires le savent. »
Pour celui qui est également co-président de l’AMV (Association des maires de Vaucluse), ce déficit ne résulte donc pas d’une mauvaise volonté des communes concernées qui se voient pourtant lourdement pénalisées et sanctionnées. En effet, les sanctions prononcées par les préfets à l’encontre des communes carencées ont été alourdies successivement par les différentes lois sans pour autant que ces prélèvements produisent l’effet escompté sur le manque de logement sociaux.
« Pire, le dispositif impacte lourdement les capacités d’investissement des communes concernées », regrettent les deux élus.
Ainsi, chaque année, les services de l’Etat procèdent à un inventaire pour dénombrer le nombre de logements sociaux existants sur la commune et actualisent le taux de logements. Les communes dites ‘déficitaires’ doivent alors verser un prélèvement sur leurs recettes ; prélèvement qui s’apparente aussi bien à une sanction qu’à une incitation à rattraper leur retard dans la mesure où certaines dépenses consacrées au logement social peuvent en être déduites.

Double peine pour la commune
« Si le dispositif des dépenses déductibles encourage l’accompagnement financier des communes à la création de logements sociaux, il oblige les collectivités à réaliser des ‘avances de trésorerie’, avant de bénéficier d’un retour sur investissement, constatent les élus vauclusiens. Or, nombreuses sont les communes ne disposant pas d’une situation financière leur permettant de supporter cet effort financier. Et l’effort est d’autant plus soutenu que cette avance de trésorerie doit être supportée pendant 2 ans. »
« Par ailleurs, pour bénéficier du système vertueux des dépenses déductibles et assécher entièrement le prélèvement SRU, une commune doit pouvoir engager, au moins deux années consécutives, à la fois le paiement de la pénalité et celui d’une dépense déductible du même montant. En d’autres termes, débourser deux fois le montant de sa pénalité. »
Enfin, le système des dépenses déductibles a ceci de pervers qu’il est supporté par le budget communal à deux reprises : une première fois en section d’investissement pour engager la dépense déductible (par exemple, le coût des travaux engagés pour la viabilisation d’un terrain) et dans une moindre proportion, en section de fonctionnement au titre de l’amortissement de la dépense. »

Des sanctions multipliées par 5
En effet, afin de rattraper le manque de logements sociaux, l’Etat a mis en place une série de dispositifs permettant de pénaliser financièrement les communes n’atteignant pas les seuils fixés par la loi. Ces pénalités peuvent même être multipliées par 5 selon le niveau de ‘bonne volonté’ des communes.
Ces pénalités sont versées à l’EPF (Etablissement public foncier) ou l’EPCI (Etablissement public de coopération intercommunale) de la commune déficitaire avec pour but d’être utilisé pour soutenir la création de logements sociaux. Cependant, ces prélèvements ne bénéficient pas nécessairement au territoire qui s’en est acquitté. « En d’autres termes, l’effort financier supporté par la commune qui s’acquitte de son prélèvement SRU pâtit d’une forme de déperdition, en étant dilué sur un territoire plus vaste ou utilisé de manière restrictive », explique le sénateur Alain Milon.
Ultime sanction, la commune peut perdre la maîtrise en matière d’urbanisme (instruction des permis de construire, droit de préemption, attribution des logements sociaux…) au profit des services de l’Etat via le préfet du département.

« Si vous voulez être le bon élève, vous pouvez massacrer votre territoire »

« Si vous voulez être le bon élève, vous pouvez massacrer votre territoire », constate Pierre Gonzalvez dont la commune affiche un taux de logements sociaux de 13%. « Pour atteindre les objectifs, il faudrait construire 540 logements d’ici 2022, mais en raison du coût du foncier à l’Isle-sur-la-Sorgue nous ne pourrons pas en faire plus de 150. Il ne s’agit pourtant pas de sacrifier la qualité à la quantité car, à termes, cela créé les mêmes problèmes que les zones difficiles. Il faut faire en sorte que le logement social soit accepté et pour cela il faut veiller à proposer des programmes de qualité. »

Un vecteur d’aménagement du territoire et plus une contrainte
« Dans ce contexte, il apparait impératif d’adapter les dispositions législatives relatives au dispositif issu de l’art 55 de la loi SRU, insistent les 2 élus. Afin de valoriser les politiques publiques en la matière, il convient d’adopter diverses dispositions permettant de satisfaire aux objectifs fixés en matière de logement social et d’intégrer ce volet comme vecteur d’aménagement d’un territoire. Valoriser l’approche qualitative, et non uniquement quantitative, est une condition sine qua non. Ce changement de paradigme est indispensable pour que le logement social ne soit plus perçu uniquement comme une contrainte susceptible de sanction mais devienne un outil d’intégration urbaine et de cohésion sociale. Cette évolution nécessite de repenser l’approche en flux de production et non plus en stock de logements. »
Leur proposition de loi* vise ainsi à ne plus calculer le pourcentage de logements sociaux à créer sur le stock de résidences principales mais sur le flux de logements sociaux produit annuellement. L’initiative a aussi pour but d’élargir le périmètre des dépenses déductibles pour permettre aux communes productrices de logements sociaux de se voir justement compenser des efforts financiers supportés et de rendre plus transparent l’évaluation des services de l’Etat dans l’appréciation du pourcentage appliqué en cas de carence et de valoriser le critère qualitatif comme critère de pondération.

Le programme Moulin des toiles de Grand Delta Habitat à Entraigues-sur-la-Sorgue en 2009 (archives).

Les communes de Vaucluse pénalisées et carencées
Au total, 25 communes sont concernées en Vaucluse par l’article 55 de la loi SRU. Ce texte s’applique aux communes de plus de 3 500 habitants afin elles disposent d’un parc de 25% de logements sociaux (le seuil été fixé à 20% jusqu’en 2014) d’ici 2025.

8 communes sont carencées, c’est-à-dire qu’elles payent des pénalités pour ne pas avoir atteints les seuils du nombre de logements sociaux. Ces communes perdent également la maîtrise en matière d’urbanisme au profit des services de l’Etat.

  • Cheval-Blanc
  • Courthézon
  • L’Isle-sur-la-Sorgue
  • Mazan
  • Pernes-les-Fontaines
  • Pertuis
  • Saint-Saturnin-lès-Avignon
  • A cela s’ajoute les communes gardoises du Grand Avignon de Villeneuve-lès-Avignon, Les Angles, Rochefort-du-Gard et Pujaut.

13 communes sont uniquement pénalisées mais non-carencées (à noter que Caumont-sur-Durance et Robion sont sorties de la carence en 2021 pour rejoindre ce groupe).

  • Aubignan
  • Carpentras
  • Caumont-sur-Durance
  • Cavaillon
  • Entraigues-sur-la-Sorgue
  • Lauris
  • Monteux
  • Morières-lès-Avignon
  • Orange
  • Le Pontet
  • Robion
  • Sorgues
  • Vedène

3 communes sont exemptées en raison de leur inconstructibilité ou leur plan d’exposition au bruit.

  •  Bédarrides
  • Sarrians
  • Jonquières

1 commune dépasse le seuil des 25% et n’est donc pas pénalisée.

  • Avignon où le taux de logement sociaux s’élève à 32%.
Les Dentelles de Mistral habitat (aujourd’hui devenu Vallis habitat) à Bédarrides en 2016 (archives).

*Proposition de Loi

Article 1 :
L’article L302-5 I est ainsi modifié
Le pourcentage de logements sociaux à créer n’est plus calculé sur le stock de résidences principales mais sur le flux de logements sociaux produit annuellement.

Article 2 :
L’article   L 302-5 III est ainsi modifié :

  • Après l’alinéa 2 est rajouté « ou soumises aux restrictions liées à la loi littoral ».
  • Au 3ème alinéa du 6° : remplacer dix ans par vingt ans
  • Après le 3ème alinéa 6°sont ajoutés :
  • les logements intermédiaires.
  • Les logements étudiants individuels
  • Les emplacements des aires permanentes des gens du voyage et les terrains familiaux locatifs destinés aux gens du voyage
  • Les places d’hébergement d’urgence
  • Les copropriétés dégradées avec engagement dans le cadre d’un cahier des charges
  • Le 6ème alinéa du 6 : « et pendant les cinq années suivant la levée d’option » est supprimé.

Article 3 :
Après le 11ème alinéa de l’article L 302-7 est ajouté :

  • Les communes volontaires qui sont déficitaires peuvent créer un budget annexe, érigé sous forme de service public administratif, et destiné à recevoir les pénalités SRU.

Ce budget annexe a vocation à recevoir les pénalités SRU qui sont habituellement versées à l’établissement public foncier local ou à l’EPCI. Placé auprès du budget général de la commune, il a un objet unique : favoriser la production de logements sociaux.

Alimenté en recettes par les versements annuels des pénalités SRU, ses dépenses sont consacrées exclusivement au soutien d’opérations immobilières intégrant la création de logements sociaux : acquisition de foncier bâti ou non bâti, subvention versée à l’aménageur ou au bailleur social, coût des travaux engagés pour la rénovation d’un bâtiment, la viabilisation des terrains…

Ce dispositif de « consignation » des pénalités SRU, consolidées en recette par les versements successifs, permet aux communes de bénéficier d’une réserve financière immédiatement disponible. Les crédits disponibles sur le budget annexe pouvant être mobilisables sans délai.

En outre, le stock de recettes générées par les pénalités annuelles profite directement au territoire déficitaire en logements sociaux.

Considérant que les dépenses engagées à travers ce fonds proviendront des pénalités SRU, elles ne pourront être déductibles. Cependant, la commune pourra effectuer un versement complémentaire du budget général vers le budget annexe, en sus de la pénalité SRU. Ce versement complémentaire ferait l’objet d’une dépense déductible.

Ce budget annexe sera assorti d’une comptabilité particulière, à l’instar de celle existante pour les budgets annexes des lotissements. A ce titre, la pénalité SRU ne serait pas intégrée dans le patrimoine immobilisé de la collectivité puisqu’elle aurait vocation à être utilisée le plus rapidement possible. Dès lors, les opérations comptables correspondantes seraient retracées dans des comptes de stocks (classe 3) et non dans les comptes d’immobilisations (classe 2).

Pour assurer la transparence de l’utilisation des fonds, le dispositif serait assorti de plusieurs modes de contrôle :

– un débat annuel sur l’utilisation de ces fonds ait lieu chaque année au sein du conseil municipal, au stade du Débat d’Orientation Budgétaire (DOB) ;

– un rapport annuel sur l’utilisation des fonds soit adressé au représentant de l’Etat, en même temps que l’envoi annuel de l’état déclaratif des dépenses et moins-values déductibles,

– l’ examen de l’utilisation des fonds par la commission départementale chargée du contrôle du respect des obligations de réalisations de logements sociaux à l’occasion du bilan triennal d’application de la loi, en présence notamment du Maire de la commune (ou du Président de l’EPCI compétent en matière d’habitat si la commune est membre d’un tel établissement) et des bailleurs sociaux.

Article 4 :
Après l’alinéa 5 de l’article 302-7 est ajouté :

Peuvent être intégrés dans les dépenses déductibles :

  • Le montant des pertes de recettes fiscales : taxe d’aménagement et taxe foncière
  • Le coût de l’ingénierie consacré à la mise en œuvre d’outil d’amélioration de l’habitat : les frais d’étude ou d’ingénierie engagés par les communes pour favoriser la mise en œuvre de ces outils sont intégrés dans le périmètre des dépenses déductibles.
  • Le coût des travaux d’aménagement générés par la création de nouvelles opérations de logements sociaux : création ou élargissement de voie, aménagement et sécurisation des espaces publics, reprise en enrobé des voiries…

Article 5 :
A l’article L302-9-1 IV alinéa 2 est inséré
Pour l’application d’un pourcentage majoré, le critère qualitatif doit être retenu comme critère de pondération de prise en considération des efforts fournis par les communes, au regard notamment du nombre de logements sociaux produits.

Ce critère qualitatif peut être pris en considération

  • A l’échelle de la réalisation elle-même sur le niveau de prestations.
  • Par une approche territorialisée des réalisations afin d’éviter les concentrations et de reproduire les problématiques de quartiers prioritaires.
  • La liste intégrale des critères et le pourcentage affecté à chacun permettant aux services de l’Etat de statuer sur le taux de majoration retenu doivent être communiqués à la Commune dans le cadre d’une grille d’évaluation clairement définie.

Velleron : Il était une fois un village en résistance contre l’urbanisation

Tout se mondialise, tout s’urbanise mais le village s’éternise dans l’imaginaire des français entre mythes et réalités. Comment cette ruralité dont on nous parle lorsqu’elle perd ses écoles, ses commerces et ses habitants s’organise-t-elle pour proposer un projet de vie en commun ? Brantes, Crillon-le-Brave et Villes-sur-Auzon : trois exemples vauclusiens qui soulignent les enjeux humains et territoriaux des stratégies de survie et d’attractivité de « smart villages »…

1h15 d’Avignon, voici Brantes et son paysage escarpé qui se déploie. « Au premier plan, on voit les oliviers et amandiers, plus haut les lavandes, puis les pins et enfin le sommet rocheux et abrupte de la face nord du mont Ventoux ». Ainsi croqué par son maire, le village est une carte postale.

Roland Ruegg approuve. « Nous avons un paradis devant les yeux ». Mais que faire pour qu’il ne nous passe pas sous le nez ? Brantes a essuyé une attaque de loup, fin mars. Trois brebis en ont fait les frais. Nous voilà ainsi dans une vraie ruralité où l’homme est face à la nature. Au plus haut, Brantes compte près de 500 habitants (1835) et, au plus bas, environ 60 dans les années 1990. « Depuis, nous avons regagné des habitants. La population hivernale est actuellement de 90 personnes. Et elle triple en été, sachant que 60% de notre parc immobilier est maintenant composé de résidences secondaires ».

Pas de heurts entre ces populations, même si le prix des terrains à bâtir est attractif pour les ressortissants de l’Europe du Nord. « Une part de notre identité change, mais nous conservons une vraie structure villageoise au sein d’une nature sauvage qui amène des projets ». Une bergère s’est installée, une bière de Brantes a vu le jour cette année grâce à un citoyen de sa Majesté. Et puis il y a toujours, dans le fil de la tradition, potier, faïencier, ferronnier. On voudrait aussi permettre à d’autres artisans de s’installer. Un élevage de chèvres serait le bienvenu. Le loup complique la viabilité économique du projet, parce qu’il faut traire matin et soir et de surcroît garder un œil attentif sur le troupeau. Mais le loup est aussi un indéniable « label d’authenticité » dans un village où les estivants restent souvent le nez collé à leurs portables. On est donc entrés dans l’ère du « en même temps ». Un véritable défi pour les élus et acteurs des espaces ruraux, qui ont un rapport affectif avec leur territoire.

Comment sauver les meubles ?

Pour préserver l’attractivité d’un territoire, il s’agit non seulement d’être combatif, mais innovant.

Fin 2016, Roland Ruegg apprend que 16 classes vont être fermées dans le Vaucluse et que sa commune, en zone rurale de montagne, va perdre sa classe unique. C’est un drame. Sans enfants, pas d’avenir. « Nous avons obtenu le soutient d’autres maires du département et de sénateurs pour garder l’école. L’année prochaine nous aurons 12 enfants, dont la moitié en maternelle. Nous sommées rassurés. L’annonce d’un début de scolarité obligatoire à 3 ans  est un gage de pérennité». Un pur ballon d’oxygène dans cette ruralité qui cherche à se réinventer. Car il ne suffit pas de sauver les meubles, encore faut-il une stratégie.

En l’occurrence permettre à des jeunes parents de s’installer sans compromettre le cachet du village. Eh oui, on est loin d’être dans le désert !

Les espaces naturels couvrent 90% de l’arrière-pays vauclusien qui gagne de la population au rythme de 1 % par an depuis le début de la décennie, un peu moins de 0,5% sur l’intercommunalité de Brantes. Autour de ce nid d’aigle à l’habitat ramassé, le risque de sacrifier de trop rares terres arables ou de pâture est bien réel. « C’est toujours au moment du vote du PLU que l’on perd des voix », constate Roland Ruegg dont la commune est rattachée à une zone « Natura 2000 » et au Ventoux, réserve de biosphère pour l’Unesco.

Un atout pour empêcher l’artificialisation du paysage et la fin du village. C’est ce qui a failli arriver à Crillon-le-Brave, à une dizaine de kilomètres de Carpentras et à 25 minutes du bassin d’emploi d’Avignon. Une vue splendide cette fois située au pied versant sud du Géant de Provence et des dentelles de Montmirail qui lui vaut la présence d’un Relais et Château et une heureuse restauration du cœur du village.

Zéro commerce en 2010 : la grande distribution a tout pompé. Guy Girard est furieux contre ce système de désertification. « Comment faire revenir la vie dans le village ? On a d’abord préempté une propriété pour permettre l’installation d’un Bistrot de pays. Les gens ont joué le jeu. Mais on faisait aussi le constat d’une offre privée qui ne pouvait pas se développer ». Trop de saisonnalité, un rendement aléatoire, des retours sur investissements à planifier à très long terme : « les gens préféraient investir au cœur des zones de chalandise même s’il ne s’y passe vraiment pas grand-chose en dehors des transactions commerciales », tance M.Girard.

Impossible de lutter ? Non, car Crillon amorce son essor démographique au rythme de 5% par an. En 2014, la mairie achète une maison de village en plein centre. Elle veut créer un « four à bois » traditionnel, instrument par excellence d’une convivialité villageoise à retrouver de toute urgence…

Ce sera une boulangerie. Mais pas n’importe laquelle. La mairie met 250 000 euros sur la table. Pétrin à bras plongeants, four biomasse à sole tournante – le premier du Vaucluse – le projet prévoit un équipement très qualitatif « quatre à cinq fois plus onéreux » que pour une boulangerie ordinaire. Et un logement au dessus du local. Le tout pour 600 euros de loyer par mois et un investissement de 15 000 euros pour le professionnel. « On a reçu 30 candidatures ! Il faut dire que les banques ne sont pas tendres avec les métiers de bouche. Il faut pour obtenir un crédit de 200 000 euros et une ligne de trésorerie présenter 300 000 euros de garanties », peste Guy Girard. Plus d’un quart des 150 communes du Vaucluse n’ont plus de boulangeries. Celle de Crillon-le-Brave (600 habitants) ouvre pourtant en juillet 2017. « Ca fonctionne très bien avec un très beau chiffre d’affaires et un succès qui va bien au-delà de la commune », s’enflamme le maire qui enchaîne sur la création d’une petite épicerie. « Partis de zéro, le village répond à l’attente de convivialité et de rencontre des habitants et nouveaux venus ». Pas moins de 40 constructions en neuf et en résidence principale sur le feu et une petite population de télétravailleurs qui pointe le nez : Crillon fait figure d’exemple, celui d’un « bourg centre » qui offre une vraie « qualité de vie » au plus près des pôles d’emploi et de services urbains. Une stratégie qui marche. Le maire a été réélu, en 2014, avec 80% des voix.

Cesser de croire à une érosion inéluctable

Dernier exemple, celui de Villes-sur-Auzon (1350 habitants), première commune du Vaucluse à reprendre une station service de distribution de carburant en régie municipale. La problématique est au cœur de l’élection municipale de 2014, gagnée par Frédéric Rouet, promoteur de l’initiative de la dernière chance car la station, ayant été rachetée par la municipalité dans les années 90, n’avait plus de gérant depuis un an.

L’affaire est pliée en quatre mois. Le temps d’une mise aux normes et d’un complète automatisation pour 70 000 euros, dont 12 000 sont pris en charge par une subvention du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (Fisac). Située sur l’axe Carpentras – Sault, la pompe fait le plein. « Entre 500 000 et 700 000 euros de chiffres d’affaires qui vont dans nos caisses. Depuis quatre ans, nous n’avons plus besoin des banques pour financer notre ligne de trésorerie. Nous faisons aussi un bénéfice (40 000 euros en 2015) bien utile pour compenser les baisses de dotations» qui, pour la première fois depuis huit ans, se sont stabilisées en 2018 selon le Président de la République. « Malgré l’augmentation de la dotation globale de fonctionnement, 22 000 communes, dont de nombreuses petites villes, subissent en 2018 une baisse de leur dotation forfaitaire», tempère l’Association des petites villes de France.

La mairie n’est pas trop gourmande : entre 10 et 13 centimes de marge au litre. Mais l’automobiliste s’épargne un trajet d’une une dizaine de kilomètres aller simple pour s’approvisionner à meilleur prix. « C’est un élément important qui conforte aussi l’attractivité du village doté d’une cave coopérative, de quatre restaurants, une petite vingtaine de commerces et un camping», ajoute le maire qui continue sur cette politique de service.

« En octobre dernier, nous avons inauguré notre agence postale communale qui fonctionne 6j/7 et 25 heures par semaine au sein de la mairie, soit le double de ce que proposait le groupe La Posta avant son départ de la commune. Nous proposons les mêmes services, mais des retraits d’argent plafonnés à 350 euros par semaine. Les gens ont l’air contents », estime l’édile qui bénéficie d’une aide du groupe La Poste d’environ 1100 euros par poste. « On a aussi repris les anciens locaux de La Poste (120 m2) pour y créer deux cabinets médicaux de généralistes. Nous finalisons un accord avec un jeune en fin d’études présenté par notre praticien actuel. Il pourra s’installer dans notre village qui représente un potentiel de 2000 patients. »

Il faut donc cesser de croire à une érosion inéluctable précipitant la disparition de notre terroir. On voit bien que des stratégies se mettent en place et qu’il ne faut plus tout attendre de la puissance publique.

Dès 2015, les « maisons de service public » ont été remplacées par des Maisons de service au public  (voir encadré) regroupent missionnaires de service publics relevant de l’Etat, des collectivités ou de l’Administration et opérateurs de services privés (commerces alimentaires, bureau de tabac, etc.). L’offre de service globale, sur mesure, peut être organisée sous un même toit ou de manière itinérante ou encore selon des modes d’accès dématérialisés. Il en existe 8 en Vaucluse (un millier en France) : Mérindol (2016), Sablet, Maubec, Cucuron, la Bastide-des-Jourdans, Sault, Mormoiron et Carpentras.

Les implantations postales sont souvent les plateformes de cette mutualisation de moyens humains, physiques et numériques comme à Mormoiron, à quelques encâblures de Villes-sur-Auzon. La Poste accueille depuis mi-avril des permanences de la Direction départementale des Finances Publiques de Vaucluse durant les campagnes de déclaration et de paiement des impôts. C’est utile et ça concerne les 12 000 contribuables qui relevaient de la perception de Mormoiron. Pour le reste, il faudra compter sur le numérique…

Vers un écosystème digital rural ?

On a tous pleuré à chaudes larmes sur la disparition des cabines téléphoniques, bien qu’horriblement chères. Qui sait aujourd’hui que l’Union Européenne ouvre en mai 2018 les inscriptions de la première des quatre vagues du programme « Wifi4EU » qui apportera un financement de 15 000 € aux communes rurales candidates pour installer dans un lieu public un accès wifi gratuit ? 1000 communes seront retenues selon le principe premier arrivé, premier servi.

Les touristes de Brantes pourraient ainsi dévorer leur ration quotidienne de « méga-octects » via portables et tablettes. Mais les villageois pourraient aussi y trouver leur compte, comme le démontre « Ruralitic », un forum national qui œuvre afin d’aider et de conseiller les agglomérations rurales qui ont décidé de se tourner vers le numérique. Soutenu par des partenaires de premier plan (Caisse des Dépôts, Orange, SFR, Nokia ou encore Enedis) et plus de 150 élus, cette vitrine propose des solutions pour mieux connecter les habitants entre eux et leur permettre déclencher de nombreux projets numériques participatifs que ce soit en matière d’économie, de santé, ou d’accès à l’éducation.

Un « smart village » où l’on gère mieux en commun les ressources dans le cadre d’un projet d’avenir.

H.T.

Ces services qui disparaissent et ceux qui reviennent

Violès
Cela fait 3 ans qu’élus, commerçants et habitants se mobilisent pour la remise en fonction de l’unique Distributeur automatique de billets (Dab) du village forcé à la voiture bélier en avril 2015. Malgré les pétitions (près de 1 100 personnes sur 1 649 habitants!), le Crédit agricole fait toujours la sourde oreille arguant l’insécurité qui règne à Violès en prétextant plusieurs cas de vandalisme ces dernières années.

Vedène
Le 30 avril 2015, l’unique station-service du centre-ville ferme ses portes. Elle laissera la place à un programme immobilier de logement.

Sivergues
Mai 2016, Gisèle Martin, maire de Sivergues pousse un coup de gueule contre l’isolement téléphonique de la quarantaine d’habitants de sa commune. Pas d’antenne-relais alors que le village fait partie des 268 communes recensées par le programme national de résorption des zones blanches. Pire même, les lignes fixes aériennes sont parfois coupées jusqu’à 15 jours avant que l’opérateur n’intervienne. C’est pour cette raison que le village s’est mobilisé afin de conserver son unique cabine téléphonique qui devrait disparaître dans le cadre de la suppression par Orange des dernières cabines encore en fonction en France (voir encadré ci-contre). Des difficultés également rencontrées par le village voisin de Buoux. Les deux communes devraient cependant conserver leur cabine quelques mois de plus, histoire qu’Orange trouve en n une solution.

Gigondas
Le bureau de Poste a fermé ses portes le 28 février 2017. Depuis, c’est l’épicerie locale du centre de ce village de 550 habitants qui, avec le soutien de la commune, est devenue un point-relais proposant l’essentiel des services postaux. Quant au bureau de poste, il a cédé la place à un projet de bar-restaurant.

Mérindol
Juillet 2016, la première Maison de services au public (MSAP) de Vaucluse ouvre à Mérindol. Un espace qui va permettre à ce village du Luberon de près de 2000 habitants de bénéficier de l’ensemble des services de La Poste (courrier, colis, Banque postale, téléphonie) ainsi d’un accès aux services en ligne de Pôle emploi, de la Carsat (Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail) et de la MSA (Mutuelle sociale agricole). Depuis, 7 autres Maison de services au public ont vu le jour à Cucuron, La Bastide-des-Jourdans, Maubec, Mormoiron, Sablet, Sault et Carpentras.

Suzette
En juin dernier, la commune de Suzette inaugure le restaurant ‘Le temps des cerises’. Un projet municipal mené dans le cadre d’une Délégation de service publique (DSP) gérée par une association car le restaurant fait partie du domaine public. Après évaluation des différents candidats c’est une commission d’attribution qui a désigné les occupants en fonction de leurs capacités professionnelles, leur expérience et leur solvabilité. Auparavant, il a cependant fallu rénover l’établissement qui a ainsi bénéficié de 31700€ HT de travaux, dont 15500€ apportés par le fonds de concours exceptionnel destiné à soutenir les projets d’investissement de proximité de la Cove (Communauté d’agglomération Ventoux-Comtat Venaissin), qui a également appuyé le projet en assurant la maîtrise d’ouvrage de la DSP. Outre le restaurant, cet espace, qui vise à redynamiser le village, propose également des activités de traiteur, des plats à emporter, un coin presse, un dépôt de pain ainsi que des services de proximité. A terme, il accueillera aussi des activités culturelles et festives.

Sainte-Cécile-les-Vignes
La commune a acquis en fin d’année au Conseil départemental de Vaucluse un terrain de 1625m2. Une parcelle qui devrait être cédée à un investisseur privé afin d’aménager une station-service, un portique de lavage et un lavomatic.

Mormoiron/Méthamis
Avec la fermeture, depuis le 1er janvier dernier, de la Trésorerie de Mormoiron ce sont près de 12 500 contribuables qui doivent désormais se rendre à la perception de Carpentras. Une situation que dénonce notamment Claude Pagès, le maire de Méthamis (419 habitants), qui s’oppose à cette disparition après celle de la Trésorerie de Sault il y a quelques années déjà. Déplorant la création d’un désert administratif, sa commune a pris une délibération contre cette fermeture et incite les 14 villages dépendant de l’ancien établissement de Mormoiron à faire de même.

Villedieu
En début d’année, la commune a lancé une opération de collecte de fonds via le site internet de la Fondation du patrimoine. Objectif: restaurer la façade du Café du centre, un établissement existant depuis plus de 150 ans. Auparavant, la municipalité a procédé, pour 300000€ à une partie de la rénovation de ce bâtiment qui constitue un élément de dynamisation de l’activité du coeur du village.

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