23 juillet 2024 |

Ecrit par le 23 juillet 2024

‘Queenie’ : de la Martinique aux gangs de Harlem

‘Stéphanie Saint‐Clair, reine de Harlem’, c’est l’incroyable histoire vraie d’une jeune Martiniquaise devenue chef de gang à Harlem dans les années 1920.

C’est le début d’une vie rocambolesque à Harlem… Bien que noire, fluette, pauvre et étrangère, elle affronte la mafia blanche, la pègre noire et la police new-yorkaise pour se hisser avec un courage « hors du commun » en haut de l’échelle sociale. Elle devient Madame Queen, la puissante patronne de la loterie clandestine de Harlem. Véritable icône aux États-Unis, ‘Queenie’ est une figure emblématique de la cause noire et féministe.
Stéphanie St-Clair, reine de Harlem est un récit haletant qui interroge sur la capacité de chacun à se réinventer. Dans une maison de retraite du Queens à New York, une femme de quatre-vingts ans, native de la Martinique, déroule le récit de sa vie à son neveu Frédéric qui, ayant jusque-là ignoré son existence, vient la questionner sur les raisons de son exil cinquante ans auparavant.
Ce spectacle, tiré du roman de Raphaël Confiant « Madame Saint-Clair, reine de Harlem » est un récit à une voix, adapté pour la première fois au théâtre. Après en avoir fait l’adaptation, Isabelle Kancel incarne non seulement Stéphanie St-Clair à tous âges, mais aussi tous les autres personnages de cette histoire hors du commun.

D’après Raphaël Confiant. Artiste : Isabelle Kancel. Mise en scène : Nicole Dogue.

Jusqu’au 31 juillet 2021 à 17h45 (sauf le lundi). Espace Roseau Teinturiers. 45, rue des Teinturiers. Contact et réservation : 0690 636 608. BilletRéduc : https://www.billetreduc.com/272691/evt.htm


‘Queenie’ : de la Martinique aux gangs de Harlem

Pour sa 15e édition le jury du Club de la Presse du Grand Avignon-Vaucluse vient de dresser sa présélection de 10 spectacles du festival Off de théâtre d’Avignon. Pour cela, ce jury, composé de professionnels de la presse et de la communication, a auparavant sélectionné plus de 300 pièces de théâtre répondant aux critères suivants :

• jouées pour la 1re fois à Avignon
• écrites par des auteurs contemporains
• interprétées par au moins deux comédiens (troupe professionnelle uniquement) sur scène avec une durée minimale de 1h
• à l’affiche pendant la durée du festival
• tous publics
• les spectacles de marionnettes, de mime, de musique, de cirque, de danse et les seuls en scène ne peuvent pas concourir au prix.

A l’issue de cette première étape, voici la liste de 10 spectacles retenus par le Jury :
• 10h30 – ‘Soie’ au théâtre Le Petit Chien par la Compagnie Il va sans dire
• 11h40 – ‘Vision d’Eskandar’» au 11.Avignon par le Collectif Eskandar
• 15h30 – ‘Insatiables’ au Théâtre des Lucioles par la Compagnie Scènes Plurielles
• 16h45 – ‘Je ne marcherai plus dans les traces de tes pas’ au 11.Avignon par la Compagnie de l’Arcade
• 18h10 – ‘Caligula’ à La Factory – Salle Tomasi par la Compagnie des perspectives
• 18h55 – ‘Le Petit coiffeur’ à l’Actuel théâtre par l’Atelier Théâtre Actuel
• 19h00 – ‘Kids’ au Théâtre Au Bout Là-bas par Le Vélo Volé
• 19h30 – ‘Fleur de peau – Conte Urbain’ au Théâtre les 3 Soleils par la Compagnie des contes urbains
• 20h15 – ‘Orphelins’ à l’Albatros/Côté jardin par La puce à l’orteil
• 21h00 – ‘Les vivants’ au Théâtre des Corps Saints par Pony production

C’est donc parmi ces 10 sélectionnés que le jury choisira mercredi 28 juillet à 15h ses 3 Coups de cœur 2021. Ils seront décernés en présence de Sébastien Benedetto, président d’Avignon Festivals & Compagnies au Village du Off situé école Thiers – 1, rue des écoles – dans l’intra-muros de la cité des papes.


‘Queenie’ : de la Martinique aux gangs de Harlem

Une nouvelle création prend ses quartiers tous les soirs, jusqu’au 31 juillet au théâtre Pierre de lune à Avignon. Le spectacle ? ‘Les sœurs Tatin’, une réadaptation de Tchekhov dans une esthétique à la Jacques Demy, un théâtre musical et frais. 

Les éloges fusent pour ce joli projet artistique porté par Laetitia Gonzalbes de la compagnie Kabuki. Une pièce superbement jouée par deux actrices aux timbres magnifiques. Le spectateur assiste à une échappée artistique où la créativité et le mélange des arts sont rois. Un moment doux, émouvant et joyeux.

La véritable histoire de la tarte Tatin ! Stéphanie, 74 ans, a perdu sa sœur il y a un an. Elle retrouve dans la lecture de la pièce « Les trois sœurs » d’Anton Tchekhov un peu d’elles. Elle ouvre le livre et nous raconte, elle se souvient… Le deuil à faire suite au décès de leurs parents. La vie dans l’hôtel dont elles ont hérité et qui deviendra le berceau de leur création : la fameuse tarte Tatin.

Photo : Fabienne Rappeneau

Prisme du cinéma

« Au théâtre nous sommes dans la cuisine des sœurs Tatin. Un univers saupoudré de kitch à la Jacques Demy. C’est par la lorgnette du cinéma que nous
découvrons la vie de l’hôtel restaurant. Une vie provinciale faite de rêves, de personnages extrêmement humains qui voient le temps passer, sans éclats. Sur nos papilles gustatives : conversations absurdes et débats philosophiques, amours et désespoirs, travail et ennui… Nous suivons les états d’âmes complices de ces charmantes sœurs Tatin qui n’ont qu’un rêve : devenir célèbres et vivre à Paris! », Laetitia Gonzalbes, autrice et metteuse en scène.

Les deux prodiges

Roxane Le Texier (Stéphanie Tatin) en connaît des recettes à succès. Elle a fait partie des ingrédients magiques de belles productions théâtrales. Elle a interprété Marie-Antoinette dans 1789, Les Amants de la Bastille, puis Aloyisa Weber dans Mozart, l’Opéra Rock. Roxane a joué au Théâtre Rive Gauche dans Hôtel des deux mondes, d’Eric-Emmanuel Schmitt, mise en scène par Anne Bourgeois. Roxane a récemment intégré la compagnie des Moutons Noirs pour sa nouvelle création, TITANIC, où elle incarne le rôle de Rose. Elle sera également Ulla, rôle principal féminin, dans Les Producteurs, comédie musicale mise en scène par Alexis Michalik, prochainement au Théâtre de Paris.

Anaïs Yazit (Caroline Tatin) est une jeune pousse qui s’est vite retrouvée dans les brigades de grands chefs. Partenaire remarquée, elle a formé un duo de choc avec Elliot Jenicot à sa sortie de la Comédie Française dans Je m’appelle Erik Satie comme tout le monde créé au Théâtre de la Contrescarpe. Dans sa cuisine de comédienne : le rythme des palmas de flamenca et un adorable grain de voix éraillé. Anaïs a joué également dans des spectacles musicaux : Cendrillon, le temps d’aimer, La magie des rêves et Le baiser du jouet.

Photo : Fabienne Rappeneau

Informations pratiques : jusqu’au 31 juillet à 19h25, 3 rue Roquille, Théâtre Pierre de lune, Avignon. Réservation : 04 84 5122 33. En savoir plus sur le site internet : https://www.compagniekabuki.com/show-item/les-soeurs-tatin/


‘Queenie’ : de la Martinique aux gangs de Harlem

Un homme s’endort au pied d’un mûrier en lisant « le livre de l’intranquillité ». Dans son rêve tout devient possible… Les rencontres les plus surréalistes s’enchaînent dans une Lisbonne imaginaire, où les personnages du présent, croisent les fantômes du passé. C’est une déambulation théâtrale, poétique, et, chorégraphique, une quête hallucinée à la recherche d’un des plus grands poètes du XXème siècle : Fernando Pessoa (1888-1935 à 47 ans). Un spectacle musical et poétique de Benjamin Perez.

Inspiré du livre de l’intranquillité

«Nous vivons tous, ici-bas, à bord d’un navire parti d’un port que nous ne connaissons pas, et voguant vers un autre port que nous ignorons, nous devons avoir les uns envers les autres une amabilité de voyage. » Fernando Pessoa. A travers les (més)aventures d’un voyageur arrivant pour la première fois à Lisbonne, le spectateur est invité à entrer dans univers étrangement familier. Familier car fait d’éléments connus du folklore lisboète (le tramway sinuant dans les rues étroites de la capitale, la nostalgie langoureuse du fado, la douceur de la liqueur de cerises griottes, la ‘ginjinha’ et aussi étrange car, comme la poésie de Fernando Pessoa, il n’a d’universel que sa singularité.

Voyage au creux de la vie et du monde

De rencontres en rencontres, de rêves en rêves, le voyageur est tantôt confronté à ses peurs, ses fantasmes, ses idéaux et ses illusions. Rêves de gloire et de grandeur dans un monde où il faut d’abord exister avant d’être. Mais aussi cauchemars, peur d’être réduit à une seule chose : devenir un artiste ou rien. Terreur à l’idée de n’être qu’une seule version de soi-même, de n’exprimer qu’une infime partie de ses possibilités, en somme, peur de rater sa vie, exister sans avoir exploré la totalité de ses vies. « Les poètes n’ont pas de biographie. C’est leur œuvre qui est leur biographie », a dit le poète mexicain Octavio Paz au sujet de son confrère portugais Fernando Pessoa. Ce dernier déclarait lui-même dans un poème : «Si, après ma mort, vous voulez écrire ma biographie, rien de plus simple. Elle n’a que deux dates – celle de ma venue au monde et celle de ma mort. Entre une chose et l’autre tous les jours sont à moi.»

La musique dans tout cela ?

Elle est le fil conducteur, le moyen de transport, la porte des étoiles et du temps, elle marque l’exil, le déracinement, la douce nostalgie, entre fado –qui veut dire destin, chants populaires et mélancoliques portugais- et musique Klezmer –des juifs ashkénazes de Europe de l’Est et centrale-. Et pour la petite histoire ? ‘Le livre de l’intranquillité’ –journal intime que l’auteur attribue à son double Bernardo Soares- est le chef d’œuvre du grand poète et libre penseur. Là, “je me constelle en cachette et où je possède mon infini”, où il explore à l’infini ces proliférations de soi-même.

L’un des meilleurs livres du monde mis en musique sur scène

Il figure sur la liste des 100 meilleurs livres de tous les temps établie en 2002 par le Cercle Norvégien du Livre, ainsi que sur la liste des 50 œuvres essentielles de la littérature portugaise établie en 2016 par le très prestigieux ‘Diário de Notícias’. En 2018, une nouvelle édition augmentée et réorganisée sous le titre de Livre(s) de l’inquiétude est publiée en français.

«Pour moi, Pessoa, c’est justement ce passager clandestin»

« qui voyage discrètement parmi les siens sans être remarqué, sans être vu ou observé, relate Benjamin Perez. Comme s’il était à la fois un être exceptionnel et absolument quelconque. Une personne qui n’est personne. Des personnes il en a été plusieurs. Tour à tour Alberto Caeiro, Alvaro de Campos, Bernardo Soares… autant de masques (du grec persona) qu’il a porté pour exprimer les différentes facettes de sa personnalité polymorphe. A moins que ses hétéronymes n’aient réellement existé et que lui, Fernando Antonio Nogueira Pessoa ne soit qu’un modeste employé de bureau, préposé aux affaires d’import-export, un anonyme qui se rêvait poète mais qui a préféré laissé ça à d’autres, ou plutôt à d’autres versions de lui-même. »

Grâce à eux

Benjamin Perez (texte-voix-interprétation), Theodora Carla (interprétation – chant- musique). Auteurs Benjamin Perez, Fernando Pessoa.
Requiem pour Pessoa. Théâtre de la Carreterie. Avignon 16h20 les jours pairs. Durée 1h. 19,50€ Jusqu’au 31 juillet. Réservation juqu’au 30 juillet. Résas 04 90 87 39 58 et 07 69 71 98 12.

En savoir plus sur Fernando Pessoa, un homme banal en apparence, un immense écrivain et poète en réalité

‘Queenie’ : de la Martinique aux gangs de Harlem

On prête à Baruch de Spinoza (1632-1677 à 44 ans), philosophe juif, un amour-passion pour Clara Maria, fille du Maître et médecin Franciscus Van Den Enden, qui livre son enseignement dans sa propre école, iconoclaste et hétérodoxe aux esprits neufs d’Amsterdam. Ce dernier a, dit-on, influencé, le grand philosophe portugais-hollandais, Baruch de Spinoza. En l’absence de son père, Clara Maria, très jeune fille de 16 ans, cultivée, latiniste accomplie et musicienne, enseigne le latin aux amis et disciples de son géniteur. Ce sera le cas de Spinoza qui enseignera lui-même dans cette école. Une relation teintée de confrontations philosophiques et de passion amoureuse se noue entre la jeune enseignante et le grand esprit du  siècle.

Fougue et sagesse

Une réalisation inédite d’un texte élaboré par Avner Camus Perez, dans lequel raison et passion s’entremêlent pour un moment théâtral plein de fougue et de sagesse. Le propos philosophique nous entraîne sur les chemins philosophiques de la liberté, de l’imagination et de Dieu.

Grâce à eux

Spinoza ou l’insaisissable Clara Maria. de et mis en scène par Avner Camus Perez avec Raphaël Plutino, Manon Palacios et Avner Camus Perez. Compagnie du visage.

Les infos pratiques

Spinoza ou l’insaisissable Clara Maria. 16h. Les jours impairs jusqu’au 31 juillet à 16h. 19,50€. Tout public. Théâtre de la Carreterie. 101, rue de la Carreterie à Avignon. Réservation 04 90 87 39 58 et 07 69 71 98 12.
M.H.


‘Queenie’ : de la Martinique aux gangs de Harlem

‘Figaro-ci, Beaumarchais-là propose un biopic théâtral prenant la forme de l’ultime interview de Beaumarchais. Lui qui fut horloger et fils d’horloger veut remettre les pendules à l’heure. Il pense à la postérité et craint que la musique de Mozart n’éclipse peu à peu son nom du Mariage de Figaro. «Ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux avec délices», il raconte ses fortunes et ses échecs pour couper court à toute calomnie avant qu’elle ne devienne «un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription.»

Le saviez-vous ?

Celui qui est à l’origine de la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) fut également homme d’affaires, espion pour le roi, inventeur, agioteur, trafiquant d’armes, éditeur -de Voltaire-, courtisan et libertin. Ce qui lui valut beaucoup d’inimitiés, beaucoup de procès et quelques séjours en prison.

Le plaisir de découvrir, derrière les œuvres, une personnalité

«Ce spectacle ne prétend pas être une exégèse de la vie de Beaumarchais. Il est le prétexte, en évoquant certains épisodes de sa vie, à faire découvrir les multiples facettes d’un homme, témoigne Sylvie Deschamps. Celui qui incarne dans l’inconscient collectif à travers Figaro, mais à son corps défendant, l’esprit de la Révolution française alors qu’il ne cherchait qu’à améliorer sa condition et accéder à un rang que sa naissance ne lui avait pas donné.» «Ce portrait amène à comprendre que la vie de l’homme est indissociable de son œuvre. Et que sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur, » relate Gérard Linsolas qui offre ici une lecture sensible de l’avocat et de l’homme hors du commun qui incarna, contre vents et marées –gloire, exil, prison-, vraiment sa vie.

Grâce à eux

Ce biopic théâtral est écrit et interprété par Gérard Linsolas. La mise-en-scène est de Sylvie Deschamps. Les costumes de Christelle Bourassier et l’éclairage de Luc Rosier. Compagnie du Bélier.
Figaro-ci, Beaumarchais-là, biopic théâtral de Gérard Linsolas théâtre de la Carreterie. 101, rue Carreterie. 14h les jours pairs. Réservations 04 90 87 39 58 et 07 69 71 98 12. 17€.


‘Queenie’ : de la Martinique aux gangs de Harlem

Avoir le courage de déplaire

La journaliste Léa Salamé y a consacré un livre, l’écrivaine Leïla Slimani, prix Goncourt à 35 ans pense que pour être une femme puissante, il faut peut-être avoir le courage de déplaire. Dans ce Festival, il y a des femmes formidables : autrices, actrices, metteuses en scène, danseuses qui ne cherchent pas à plaire mais qui ont quelque chose à dire.

Le long cri d’amour d’Angelica Liddell

Certains la fuient, d’autres la suivent. Elle ne peut laisser indifférente mais mieux elle a conquis son public fidèle avec sa dernière proposition ‘Liebestod’ qui a trouvé son écrin à l’Opéra Confluence. Inspirée par la figure du torero Juan Belmonte, elle se livre ici à une mise à nu, mise à mort qui atteint le sublime. Sincérité, provocation, exhibition, psychanalyse ou sacrifice en public? Qu’importe puisque ses propos nous touchent, sa performance nous laisse sans voix et les tableaux qui se succèdent sont d’une beauté tragique.

Fraternité, conte fantastique

Dans un tout autre registre, Caroline Guiela Nguyen nous conte une dystopie glaçante mais ô combien émouvante. Suite à un cataclysme, la moitié de l’humanité a disparu. La peine est si profonde, les cœurs sont si lourds que l’horloge du monde s’arrête. Il faut donc soulager sa peine. Les rappeuses Nanii et Saaphyra, deux bêtes de scène, y contribuent en nous apportant la révolte mais aussi le sourire.

Lamenta, fusion de la danse traditionnelle grecque et contemporaine

La force du Miroloï,  chant de lamentation joué pour les absents, est complètement incarnée par les neuf danseurs grecs qui extériorisent leur peine avec toute la puissance physique dont ils sont capables.

Et le mistral magnifia Isabelle Huppert dans la Cerisaie

Avec juste ce qu’il faut d’ambiguïté et de douce folie, la frêle silhouette d’Isabelle Huppert, flottant dans son pantalon vert-bleu, cheveux au vent, orchestre un bal de mouvements, de course poursuite des partitions, d’oreilles qui se tendent pour mieux entendre. Ça tangue, ça chancelle, oui le changement d’un monde se profile et c’est ainsi.
Le Festival d’Avignon se poursuit jusqu’au 25 juillet. 04 90 14 14 14. www.festival-avignon.com


‘Queenie’ : de la Martinique aux gangs de Harlem

Une adaptation réussie de ‘Soie’ d’Allessandro Baricco

La compagnie ‘Il va sans dire’ dont nous avions tant aimé ‘The Great Desaster’ en 2019 nous propose une épopée chorale de Villedieu -en Vaucluse- au Japon, dans les années 1860. On aime retrouver en premier plan le comédien Olivier Barrère dans le rôle de cet entrepreneur vauclusien qui part tous les ans au Japon pour acheter illégalement des œufs de vers à soie pour la sériciculture provençale. C’est une histoire bouleversante où il est aussi question de pastis et de saké, de soleil et de lumière, de désir et de sagesse.
Jusqu’au 31 juillet. Relâche les 13, 20 et 27. 10h30. 15 et 22€. Petit Chien. 76, Rue Guillaume Puy à Avignon. 04 84 51 07 48.

‘Home’ de Magrit Coulon, un théâtre-documentaire émouvant

L’horloge accrochée nous indique que le spectacle va commencer à l’heure mais aussi que nous allons vivre en direct, sans ellipse pendant plus d’une heure avec 3 pensionnaires des ‘Home’ belge, ‘maison de retraite’ chez nous. Alors oui! Le temps est long, les minutes s’étirent, les gestes sont suspendus, les sourires crispés mais de cette lenteur insupportable jaillit soudain l’humanité de la parole récoltée au fil d’une enquête de plusieurs mois dans un Home de Bruxelles. Les 3 comédiens sont extraordinaires de maîtrise et de justesse.
Du 6 au 27 juillet. Relâche les 8, 15 et 22 juillet. 10h. 7 et 10€. Théâtre des Doms. 1 bis, rue des Escaliers Sainte-Anne. 04 90 14 07 99

«Ivanov» d’Anton Tchekhov en Provence

Un Ivanov rafraîchissant débarrassé de l’hiver russe et de son folklore mais qui ne concède rien à ces questions existentielles : ‘qu’ai-je fait de ma vie ?’ ; ‘Où va le monde?’ et à la satire sociale chère à Tchekhov. Une réécriture enlevée dans l’esprit de troupe de la compagnie ‘Eternel Eté’.
Du 7 au 31 juillet. Relâche les 12, 19 et 26 juillet. 13h05. 15 et 22€. Théâtre de l’Oulle. 19, Place Crillon. 09 74 74 64 90.

Soie ©Philippe Hanula

‘Queenie’ : de la Martinique aux gangs de Harlem

A Avignon, la salle ronde du théâtre de la Condition des soies plante à elle seule le décor : Nous entrons et nous nous asseyons au creux du Moulin de Fontvieille. Philippe Caubère, pardon, Alphonse Daudet arrive, élégant, en habit, chapeau, veston, gilet, chemise blanche amidonnée, pantalon anthracite rythmé de lignes fines et blanches, sur-chaussures, un lourd registre à la main. Il va donner : ‘Les lettres de mon moulin’ Son regard bleu acier fait le tour des gradins, la salle est comble. Les enfants sont au premier rang, tous les âges ornent les bancs conçus en demi-lune. La voix, tout d’abord basse du comédien, doucement fait sa place, captivant déjà l’auditoire. C’est le spectacle des jours impairs qu’il va donner. Alors c’est ‘L’installation’, l’acte d’achat du moulin de Fontvieille d’Alphonse Daudet. Celui qui, sans doute, inspira l’écrivain à bien des égards, même s’il n’y vécut point.

Évidemment

Évidemment, si les récits d’Alphonse Daudet bercèrent notre enfance, joués et mis en scène par Philippe Caubère, comme lui nous devenons «Eblouis par la force d’évocation, la tragédie, le style, l’univers de ce monde attendrissant et terrible de la Provence, conté dans un mélange de religion et de vie sociale. J’ai voulu raconter les nouvelles que j’aimais le plus. » Nous voici donc projetés du XXIe siècle dans une bulle temporelle du IXXe siècle, plus précisément autour de 1869, date de publication originale des Lettres de mon Moulin.

Les lettres de mon moulin

Le petit monde d’Alphonse Daudet (1840-1897) surgit bien de cette silhouette, de ce regard des postures, de l’échange d’un personnage à un autre, même lorsque celui-ci est une chèvre, un vieil hibou poussiéreux où un végétal. Au fur et à mesure du jeu, Alphonse Daudet s’anime et avec lui, émergent des personnages hauts en couleur, porteurs de thèmes universels : les lapins étonnés de voir la porte du moulin s’ouvrir sous les pas du poète dans ‘L’installation’ ; La surprise du voyageur parisien découvrant la vie des voyageurs provençaux dans ‘La diligence de Beaucaire’ ; le métier de meunier qui disparaît et l’élan solidaire des villageois dans ‘Le secret de maître Cornille’ ; Le goût pour une courte liberté férocement gagnée dans ‘La chèvre de Monsieur Seguin’ ; Le jeune-homme qui se consume d’amour pour une jeune-fille compromise dans ‘l’Arlésienne’ ; La légende de l’homme à la cervelle d’or qui paie de sa vie de s’être trop servi de celui-ci et où Alphonse Daudet précisa : «Malgré ses airs de conte fantastique, cette nouvelle est vraie d’un bout à l’autre. Il est de par le monde de pauvres gens qui sont condamnés à vivre de leur cerveau, et paient en bel or fin, avec leur moelle et leur substance, les moindres choses de leur vie… » ; Le cauchemar du ‘Curé de Cucugnan’ qui rêve que tous ses paroissiens vont en enfer et, enfin, le récit d’une des rencontres amicales qui lièrent, durant plusieurs décennies, Alphonse Daudet au poète Frédéric Mistral.

Philippe Caubère propose Les Lettres de mon Moulin, un spectacle en deux parties lors des jours pairs et impairs,
à la Condition des soies à Avignon
©Michèle Laurent

Du coup, on y revient

Et parce qu’Alphonse Daudet est une friandise à laquelle on revient, on fonce pour une deuxième soirée des jours pairs, toujours à la Condition des soies, pour se laisser emporter par le talent de Philippe Caubère et aussi pour la jubilatoire ‘Mule du Pape’ où le comédien se surpasse à vivre une vengeance de 7 ans ; où il nous étreints le cœur en nous rapportant l’effondrement d’une femme regardant le bonheur s’enfuir par sa fenêtre avec ‘Les deux auberges’ ; on se régale ‘Des trois messes basses’ hilarantes de mimiques, de bruitages et de personnages ; On finit sous les bancs lorsque ‘l’élixir du père Gaucher’ nous emporte vers d’ivres paradis puis on redescend tranquillement lorsque ‘Nostalgie des casernes’ nous cueille indécis de savoir si ce que l’on vit est meilleur que ce que l’on a vécu’.

Impressions

Il y a trois types de personnes pour venir saluer Philippe Caubère. Les inconditionnels qui connaissent tout de sa carrière et le vénèrent ; ceux qui viennent voir la bête de scène, celui qui lâchera quelques vacheries au détour d’une réplique bien sentie et, enfin, ceux qui auront été attirés par le thème de la pièce. Clairement ? Les trois en auront pour leur grade et leur argent. Car tous les travers, gentillesses et monstruosités qu’Alphonse Daudet décrit sont bien notre miroir. N’empêche, quelle performance d’acteur ! Imaginez-vous la longueur des textes ? La précision des mots qu’il se flagelle à dire dans le bons sens sous peine de se reprendre immédiate, se conspuant lui-même ? Le corps et l’esprit qui s’emmêlent pour tout dire, tout faire, rendre intelligible, mimer, ouvrir à un imaginaire encore plus grand… Et dans les coulisses, le labeur, l’opiniâtreté. Savez-vous qu’il interroge sa répétitrice à peine une fois par soirée ? Celle-là-même lui répondant vertement comme on replace un enfant… Un spectateur me fait savoir que s’en devient même un jeu ! Pour finir ? Notre plaisir est immense de cette salle comble qui l’applaudit longuement. Alors il sourit, s’évente de ses mains pour ramener plus près de lui les applaudissements ; Il fait même signe de se piquer au creux du bras de notre enthousiasme à saluer l’homme et ses performances. L’enfant terrible du Théâtre du Soleil, s’étant fait un nom et une carrière après Ariane Mnouchkine rayonne de son propre feu depuis bien longtemps déjà ce qui fait d’Avignon un rendez-vous incontournable pour lui comme pour nous.

Les infos pratiques

Les lettres de mon moulin d’Alphonse Daudet, interprétées et mises en scène par Philippe Caubère. Théâtre de la Condition des soies. Salle Molière. 19h15. Durée 1h35. Jusqu’au 25 juillet. Un spectacle donné en deux parties pour deux soirées donnant à voir, lors des jours pairs 6, 8, 10, 13, 15, 17, 20, 22, 24 juillet : Installation, La diligence de Beaucaire, Le secret de Maître Cornille, La chèvre de Monsieur Seguin, L’Arlésienne, La légende de l’homme à la cervelle d’or, Le curé de Cucugnan, Le poète Mistral. Et les jours impairs : 7, 9, 11, 14, 16, 18, 21, 23, 25 juillet. Relâches les 12 et 19 juillet. La mule du Pape, Les deux auberges, Les trois messes basses, L’élixir du révérend père Gaucher, Nostalgie de casernes. A partir de 8 ans. 22€. 13, rue de la Croix à Avignon. 04 90 22 48 43. Réservation ici.

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