Après plus de 200 dates de son Dom Juan… et les clowns mis en scène par Irina Brook, la Compagnie Miranda plonge cette fois-ci dans le mythe de Cyrano de Bergerac, autre chef-d’œuvre de littérature théâtrale. Rendez-vous est pris le dimanche 27 février à 16h, au théâtre du Chêne noir à Avignon.
La Compagnie propose une lecture, toujours aussi légère et respectueuse dans un univers poétique, et replace les clowns, qui cette fois seront sans nez, dans les premiers temps du cinéma muet. S’éloignant de l’image attendue du mousquetaire, Cyrano devient acteur ou réalisateur qui transforme sa vie en film des années 20. Il est masqué comme le sont ces ‘gueules cassées’ dont on a reconstitué le visage en bronze ou céramique.
« Héros blessé, il est l’artiste romantique qui ira jusqu’au bout de son histoire, séquence après séquence, jusqu’au clap de fin. Le spectateur se retrouve alors au centre d’un ‘tournage’, ronde effrénée et virevoltante, hystérie joyeuse de création, de changements de décors et de personnages. Dans cet hommage à Méliès, artisan génial de l’illusion cinématographique, le mythe de Cyrano se réinvente sous nos yeux avec humour et poésie », illustre la Compagnie.
Réservations : 04 90 86 74 87, du mardi au vendredi de 14h à 18h. Sur place, aux bureaux administratifs place de la Bulle, du mardi au vendredi de 14h à 18h. En ligne : https://www.chenenoir.fr/event/cyrano/
L.M.
‘Cyrano’ s’empare bientôt du Chêne noir
Il fait très froid dans les rues d’Avignon mais cela n’a pas, comme d’habitude, empêché les amoureux de théâtre de se rendre au Chêne noir. Nous avons tous fait docilement la queue leu leu pour présenter notre pass sanitaire alors que cet après-midi se tenait la manifestation des anti-pass.
L’absurde ? Il est déjà chez nous La Police avait entièrement bouclé Avignon et les voitures ne savaient plus par où se faufiler pour atteindre le centre, ni même comment s’échapper des culs de sac interminables de la ville aux mille sens interdits. Alors voitures et passants, chacun dans son monde, les uns à l’intérieur, les autres à l’extérieur des remparts, tournaient comme autant de poissons rouges dans des bocaux voisins. Ionesco se serait bien marré.
Le théâtre de l’absurbe Derrière moi, dans la file, un homme glisse à la femme qui l’accompagne qu’il n’apprécie que modérément Ionesco. Il a déjà vu par ailleurs la cantatrice chauve, bof ; le Rhinocéros ? Un poil mieux, Les chaises… On verra… Les textes de l’auteur n’ont pas l’air de le stimuler plus que ça, alors Les chaises ? On attend de voir.
Au Chêne noir Pour l’heure Julien Gélas discute avec Anna à l’entrée, tandis que Gérard, déchiffre chaque visage masqué qui passe avant de conquérir la salle du bas où se tiendront, dans quelques minutes, Les chaises de Ionesco. Ionesco ? Il fait partie de ces auteurs qui démontrent l’absurde, un peu comme son aîné, anglais, Charlie Chaplin, mais dans un tout autre registre : minimaliste, insolite, oserai-je dire presque incompréhensible ?
Étrange concordance Une femme s’installe à côté de moi, diserte. C’est ce que j’adore au théâtre, tout le monde se parle avec le plus grand naturel, heureux de festoyer de la pensée d’un auteur. Elle a reçu la newsletter du Théâtre du Chêne noir qui proposait des pièces à 10€. Elle a sauté sur l’occasion et en a pris trois mais n’a pas osé en prendre plus parce que son papa, 96 ans, connaît pas mal de bas, au creux de son Ehpad (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) à 300 km de là. Comme une pile, il semble manquer d’énergie, s’étendre, parfois, dans une douce léthargie et, alors que la fin semble proche, se ranimer et sourire à nouveau à la vie. Alors elle est tout le temps dans l’incertitude. En fait, sans un mot plus haut que l’autre, elle souffre beaucoup, derrière son masque, mais personne n’en sait rien. Sauf moi, ce soir.
L’histoire ? Deux vieux, à l’aube de leurs morts, vivent dans une maison dégradée dont les flancs sont battus par la mer. Lui, qui a vécu sans ambition, a préparé toute sa vie un message. Elle le couvre de toute son attention. Il est le seul rempart à sa perte de repères, celui qu’elle révère, qu’elle magnifie, peut-être plus que de raison. Lui a convoqué tous leurs amis pour leur délivrer un message qui sera d’ailleurs lu par un orateur, mais avant tout cela, ils sont plein de tendresse l’un pour l’autre.
Formidables comédiens J’adore, quand ils existent, les décors. Comme quand, tout petits, les mioches que nous étions regardaient émerveillés ‘Au théâtre ce soir’ à la TV. C’est ce qu’on fait dans les banlieues tristes et grises quand on n’habite pas Avignon. Je fonds pour les masques des comédiens, leurs accoutrements qui résonnent complètement dans ma mémoire lorsque, au fin fond de la campagne, on rencontrait exactement ces mêmes petits vieux.
Ionesco nous met au pied du mur Ionesco nous met en face de ses propres réalités : Pour qui existe-t-on, comment sommes-nous perçus par ces autres et cela a-t-il un lien avec la réalité ? Également qui sommes-nous, que représentons-nous pour les autres ? Qui sommes-nous pour ceux qui nous aiment, qui espèrent de nous ? Sommes-nous capables de penser, d’accompagner et d’aimer les autres jusqu’à leur fin ? Que reste-t-il de nos existences ? Les vieux ont-ils le droit d’exister ? La mémoire des défunts est-elle souhaitée par les vivants ? La vie n’est-elle que vacuité ?
Que vous dire ? Cette belle rencontre avec Eugène Ionesco, on la doit à la Compagnie des passeurs, en particulier aux comédiens Guillaume Lanson et Alice-Maïa Lefebvre qui portent la pièce très haut, dépassant la simple pitrerie pour plonger le public, venu très nombreux, dans les méandres de l’âme humaine. Enfin, c’est Renaud Gillier, l’orateur, -et aussi metteur en scène- qui porte l’estocade de ce drame humain avec une gestuelle très réussie. On vit cette magie de voir s’incarner un texte, au premier abord, totalement abscons, qui se révèle, par le jeu des acteurs, fin, dramatique, flamboyant de sens. Une belle coproduction de la Compagnie des passeurs avec le Théâtre du Chêne noir.
Après… Il est 21h passées lorsque nous quittons le théâtre. La plupart des restaurants sont fermés ou vides. Ça n’est pas nouveau et ça n’est pas bon signe. Les propos de ma voisine résonnent. Son papa a 96 ans et sa maman pas loin, pile l’âge des petits vieux de Ionesco (elle l’appelle mon chou et lui la nomme Sémiramis). Lui finit sa vie comme une bougie qui s’éteint et elle, atteinte de la maladie d’Alzheimer, perd tous ses repères, tout comme Sémiramis. Nous ? Nous venons de rire et d’applaudir l’indicible, notre propre décrépitude. Mais pour l’heure nous reprenons la voiture. Dans la nuit, sur le parking de la rue Martin Luther King à Avignon, des dames dans des vans vendent leur charme. Au creux du pare-brise avant, des lumières allumées ou éteintes rythment la fréquentation. Une silhouette massive s’avance doucement, respectueusement de la vitre avant. Dehors, en hiver et dans la nuit, il fait froid et l’humanité cherche du réconfort.
Les infos pratiques Les chaises d’Eugène Ionesco. Théâtre du Chêne noir. 8 bis, Sainte Catherine à Avignon. Aujourd’hui encore 16 janvier à 16h. de 13€ à 19€. 04 90 86 74 87 et www.chenenoir.fr
‘Cyrano’ s’empare bientôt du Chêne noir
Pour sa nouvelle création, la Compagnie des Passeurs s’empare du chef-d’œuvre de Ionesco, ‘Les Chaises’ une farce tragique tourbillonnante et virtuose.
Un couple de vieillards vit isolé dans un phare au milieu de nulle part. Ils attendent tous les grands hommes pour leur transmettre un message qui permettra de sauver le reste de l’humanité. Ils arrivent mais l’orateur n’est toujours pas là pour transmettre ce message…
La Compagnie des passeurs a choisi de traiter ce classique de Ionesco écrit en 1951 et joué pour la première fois en 1952 en farce digne d’un vaudeville. Il y aura des chaises sur scène bien sûr, des masques et il y sera aussi question d’amour et de mort.
Samedi 15 janvier. 20h. Dimanche 16 janvier. 16h. 10 à 19€. Théâtre du Chêne Noir. Billetterie ici. 8 bis, rue Sainte-Catherine. Avignon. 04 90 86 74 87. contact@chenenoir.fr
‘Cyrano’ s’empare bientôt du Chêne noir
Julien Gélas, le directeur du Théâtre du Chêne noir propose ‘Le jeu du président’. Entre Machiavel et la Boétie, une pièce inspirée par le mandat du président de la République, Emmanuel Macron. Six acteurs au jeu affûté déroulent au jour le jour la féroce subtilité de l’exercice du pouvoir. Tout le talent ici est de faire de la philosophie politique un moment de gourmandise étonnant et réjouissant. On a adoré.
Un président (Alain Leempoel), sympathique qui se nourrit de pouvoir autant que de son image. Un conseiller, Vicien (Didier Brice), enveloppant de bienveillance, flatteur à souhait qui enjoint le président à s’amuser en toute circonstance. Un secrétaire d’Etat (David Talbot) amoureux de Rimbaud et titillé par Verlaine, un directeur de cabinet qui se serait bien rêvé en chef cuisinier (Emmanuel Lemire) et un chargé de communication (François Brett) invité à… surtout ne rien faire.
L’élément perturbateur Voilà, le décor est planté qui ne serait pas complet sans l’arrivée de l’élément perturbateur, Eléonore, la fille de Vicien, qui vient d’entrer à HEC (Haute école commerciale) en réalité ‘Miss Balaise’ influenceuse de gauche et dissidente notoire du pouvoir au million de followers. Le début de l’intrigue ? Le président lui propose de faire un stage à l’Elysée. Dès lors la mécanique du pouvoir s’infiltre dans le giron familial faisant exploser toutes les certitudes.
Jeu de pouvoir et Je du président Dans ‘Le Jeu du Président’, Julien Gélas, propose d’infiltrer la mécanique du pouvoir. En un mot, le président est Machiavel et le jeu du pouvoir une partie d’échecs. La plus puissante de ses armes ? La rhétorique ou le pouvoir de convaincre et tout devient possible lorsque l’on distingue faits politiques et valeurs morales. Dans ses rets ? Un père, Vicien, conseiller à l’Elysée et sa fille Eléonore, l’homme d’expérience et la candeur de la jeunesse, au cœur d’un palais –royal ?- où se jouent les ambitions concurrentes.
Douce tyrannie Le décor (Thierry Flamand) infuse une ambiance posée et sereine mais les apartés, les réflexions, les coulisses des discours officiels donnent à voir et à comprendre un monde autrement plus complexe. En pleine période des gilets jaunes le Président improvise : «Je passe à l’antenne dans une heure. La situation devenait explosive. Votre attentisme, Vicien, était devenu ma passivité.» «Vous avez fait des annonces ?» interroge Vicien. «Plus que çà, j’ai pris des engagements, ça nous coûtera quelques milliards mais la paix civile est à ce prix. Je suis un homme de l’urgence, à la guerre les héros naissent lors d’un coup d’éclat. On ne réfléchit pas lorsqu’il faut sauver la France ! On a beau être un Béotien en politique, ça n’empêche pas d’avoir de l’intuition !»
Incisive écriture L’écriture de Julien Gélas est fine et rôdée comme une chanson. Elle puise les faits dans le quinquennat d’Emmanuel Macron, emprunte à Louis XVI et à François Hollande avec ses fameux ‘sans dents’ avec autant de gourmandise que de saine stupéfaction. «Le pouvoir en France depuis 5 ans est éminemment théâtral, analyse l’auteur et directeur de théâtre. Il me semblait nécessaire de se frotter à ce pouvoir éternel dans les intrigues, répété depuis les premiers empereurs antiques, et tout à la fois si particulier à notre époque technologique et spectaculaire.»
Références Estienne de La Boétie, le nom est lâché, un jeune homme d’à peine 18 ans lorsqu’il écrit le ‘Discours de la servitude volontaire ou le contr’un’… où l’art de dominer les ignorants. Nous voici nous délectant de philosophie politique sous la plume Julien Gélas sans doute très inspiré du grand auteur mort avant ses 33 ans. On se remémore cette phrase de lui : « Les hommes nés sous le joug, puis nourris et élevés dans la servitude, sans regarder plus avant, se contentent de vivre comme ils sont nés et ne pensent point avoir d’autres biens ni d’autres droits que ceux qu’ils ont trouvés ; ils prennent pour leur état de nature l’état de leur naissance ». Oui, sans doute, à condition, de maintenir le pouvoir d’achat, ce qui est d’ailleurs le souci du président depuis le 17 novembre 2018, date des premières manifestations et blocages des ronds-points partout en France. «Je me désole de la façon dont les artistes ont déserté le terrain de la politique, soupire Julien Gélas, il me semblait nécessaire d’aller me frotter à ce pouvoir.»
Une grande claque ! Alors, dans la chapelle désacralisée du XIIIe siècle du 8 bis, rue Sainte Catherine à Avignon, on se prend une grande claque. Le décor, la mise en scène (de Gérard Gélas avec l’assistance de Mouloud Belaïdi) qui tient plus à une chorégraphie bien huilée, l’écriture, le jeu des acteurs, les lumières (création Florian Derval), la musique avec, notamment, les Cavaliers de l’apocalypse, tout y est fluide. Ah, j’oubliais, au creux de l’intrigue s’est glissée une scène d’anthologie, plus affolante que Sharon Stone dans Basic instinct. La salle, pensant vivre une hallucination collective, est restée scotchée ! Parce que cette pièce est une réussite tant sur le fond que la forme, courrez la voir.
Les infos pratiques Le jeu du président. Création du Théâtre du Chêne noir. Jusqu’au 12 décembre puis du 16 au 19 décembre. De 21 à 30€. Location 04 90 86 74 87. 8 bis, rue Sainte-Catherine à Avignon. www.chenenoir.fr
‘Cyrano’ s’empare bientôt du Chêne noir
Le texte «Le jeu du Président» créé par Julien Gelas avait été lu dans le Cloître Benoit XII du Palais des Papes lors des cycles de lecture «Le souffle d’Avignon» pendant le Festival d’Avignon 2021. Il est désormais mis en scène et en lumière par Gérard Gelas.
La dernière création de Julien Gelas questionne la comédie du pouvoir. Dans cet espace de comédie et de tragédie que seul le théâtre permet nous aurons à cœur spectateurs, de lire entre les lignes et de suivre l’étrange pacte scellé entre le Président, son plus proche conseiller et sa fille. L’Élysée comme si vous y étiez…
Le coin du Chêne est ouvert 1 heure avant et après les représentations. Dans la salle John Coltrane, pour vous restaurer dans une ambiance conviviale et échanger avec les spectateurs et les artistes. Dégustation d’assiettes gourmandes concoctées par Mamie Lu Traiteur, accompagnées d’un verre de vin de Châteauneuf-du- Pape ou de boissons fraîches ou chaudes….Réservation possible uniquement par texto : 06 28 37 50 43.
Du 9 au 12 décembre et du 16 au 19 décembre. Les jeudis à 19h. Les vendredis et samedis à 20h. Les dimanches à 16h. 10 à 30€. Théâtre du Chêne Noir. 8 bis, rue Sainte-Catherine. Avignon. Réservation ici. 04 90 86 74 87. contact@chenenoir.f
‘Cyrano’ s’empare bientôt du Chêne noir
Ils seront trois pianistes. Pour trois concerts d’hier et d’aujourd’hui.
Elodie Sablier, issue des Conservatoires de Lyon et de Paris où elle obtient les premiers prix de piano et musique de chambre, en parallèle de l’école de jazz de Valence, a composé deux albums en Australie et un troisième en France : Graine de Sable.
Roland Conil, pianiste concertiste, issu des Conservatoires d’Avignon et de Genève, a longtemps enseigné au Conservatoire de musique du Grand Avignon. Il a joué pour l’Olrap, Musicatreiez et sous la direction de Pierre Boulez.
Julien Gelas, compositeur et pianiste a débuté sa carrière de concertiste en Chine. Son premier album solo «L’éclaircie» a donné lieu à de grandes tournées qui ont rassemblé des milliers de spectateurs.
Des nouvelles compositions originales de nos pianistes
Un voyage parmi les compositions contemporaines de ces trois musiciens ayant parcouru le monde… Mais Mozart, Bach, Debussy, Scriabine et Schumann seront également au programme de cette soirée. Samedi 30 octobre. 20h30.10 à 23 €. Théâtre du Chêne Noir. 8 bis, rue Sainte Catherine. 04 90 86 58 11. www.chenenoir.fr
‘Cyrano’ s’empare bientôt du Chêne noir
Le théâtre du Chêne noir propose un concert de piano mettant à l’honneur Mozart, Bach, Debussy, Scriabine, Schumann, Litz ainsi que des compositions originales des trois pianistes : Elodie Sablier, Roland Conil et Julien Gélas.
Elodie Sablier est issue des Conservatoires de Lyon et de Paris où elle obtient les premiers prix de piano et musique de chambre, en parallèle de l’école de jazz de Valence, a composé deux albums en Australie et un troisième en France : Graine de Sable.
Roland Conil, pianiste concertiste, issu des Conservatoires d’Avignon et de Genève a longtemps enseigné au Conservatoire de musique du Grand Avignon. Nommé en 1994 aux premières Victoires de la musique classique, il a joué pour l’Olrap, Musicatreize, et sous la direction de Pierre Boulez.
Julien Gélas, compositeur et pianiste, a débuté sa carrière en Chine, où il a sorti son premier album piano solo : L’éclaircie, qui a donné lieu à de nombreuses tournées dans les principales villes du pays, devant des dizaines de milliers de spectateurs. Il a composé la musique originale de Virgilio, l’exil et la nuit sont bleus de Gérard Gelas.
Les infos pratiques
Grande soirée piano. Samedi 30 octobre. 20h30. Durée 1h30. Production Théâtre du Chêne noir. 23€. 8 bis, rue Sainte-Catherine à Avignon. Réservation. 04 90 86 74 87 et ici. MH
‘Cyrano’ s’empare bientôt du Chêne noir
Il faisait très bon hier soir. Assises sur les marches d’un hôtel particulier en face du Chêne noir, nous attendions d’y rentrer tranquillement. Les aficionados du lieu arrivaient par grappe en devisant joyeusement. Que l’automne était doux ce vendredi soir qui clôturait la semaine par Albert Camus au Théâtre du Chêne noir. On peut encore y aller ce soir à 20h. Résa ici.
Plus précisément ? On allions voir ‘Lettres à un ami Allemand’. Une création du théâtre du Chêne noir avec Didier Flamand, sa voix chaude et un peu grave, sa longue silhouette, sa présence aristocratique. La pièce est mise en scène par Julien Gélas. Ensemble, ils font vivre le texte qu’Albert Camus a travaillé dans l’intimité de sa solitude, de la résistance, quelque part, à Paris, à partir de l’été 1943. En fait, il s’agit de chroniques écrites dans la Revue libre en juillet 1943, dans les Cahiers de la libération en 1944, dans la revue Libertés au début de l’année 1945.
La forme
La forme empruntée par le journaliste, essayiste, romancier, dramaturge, philosophe et prix Nobel ? Une lettre imaginaire à un ami imaginaire. La démonstration aussi d’un homme qui se distancie des évènements et de son torrent d’émotions pour appréhender ce qui se joue véritablement. La domination d’un pays sur un autre. La force brute pour réduire l’autre. Alors Albert Camus explique que l’on est plus fort et plus grand que ce petit bout d’humanité qui se fait bête. Que l’autre est soi et que l’homme, devant l’absurdité des événements, redonnera sens en s’appuyant autant sur son intelligence que son courage, la brutalité ne pouvant engendrer la justice.
Le Chêne noir
Voilà la belle salle de l’ancienne chapelle qui se remplit tranquillement. Sur scène une salle d’archives, la lumière blafarde des néons sur un bureau où trône un ordinateur. Il y a un homme au bout de son téléphone portable qui demande l’envoi de document et répète ‘Ne m’oublie pas’. Il –Didier Flamand- écrit le discours qu’il s’apprête à donner devant les Nations Unies dont le socle est ‘Paix, dignité et égalité sur une planète saine’. Il aura une heure pour convaincre la mémoire de revenir. Alors il cisèle ses phrases, répète son introduction, travaille sa diction, la résonance des mots.
Sa feuille de route ?
Son discours. Au centre de celui-ci ? La perte de sens de notre monde. Il met en garde contre l’enthousiasme des peuples pour les idéologies faciles. Le soulèvement initié par la faconde d’un sombre orateur. L’usurpation de la liberté pour cause d’extrémismes et de nationalisme, puis les agitateurs de peur qui exploitent la haine pour régner en maître. En fonds sonore et vidéo, des discours de haine de la seconde guerre mondiale, la liesse des peuples, le silence, les uniformes, les rues et places désertes, des hommes contenus par d’autres en uniformes, qui osent en pleine occupation, le chant des partisans. D’autres encore résistants et innocents embarqués en camion, assis sous la bâche puis placés face aux fusils. La jeunesse que l’on sacrifie ça et là. De vrais images, de vrais destins et la mort au bout si l’on oublie…
On salue
On salue le travail documentaire effectué par Julien Gélas et son équipe pour incarner le danger toujours présent prêt à basculer dans l’indicible. Le talent de Didier Flamand qui exprime la pensée de Camus avec justesse et intensité. Le monstre rode et l’histoire peut se répéter. On salue le talent de Didier Flamant qui vibre des défaillances de l’humanité et de l’impératif d’être présent à ce qui se joue. On a aimé la mise en scène, les mises en ambiances et lumières, à la fois percutantes, graphiques, dessinées, incarnées, chaotiques, le décor simple mais raffiné.
Ressenti
Tout est fort dans cette pièce. L’intensité de ce que vivent les hommes entre drame et bonheur. Au milieu ? La voix posée d’Albert Camus, de Didier Flamand et de Julien Gélas. Celles, froides, des dictateurs qui ne veulent pas d’union des nations. La mise en scène est soignée, simple, rigoureuse, instaurant la chorégraphie d’un patchwork d’images, de sons, de texte, de jeu mis au jour pour toucher la réalité du doigt. Parce que ce qui s’incarne derrière l’écran peut s’incarner devant. La salle bondée applaudit à tout rompre. Didier Flamand est ému et nous avec lui.
Les infos pratiques
Lettres à un ami Allemand. Avec Didier Flamand sur une mise-en-scène de Julien Gélas. Samedi 16 octobre 2021 à 20h Théâtre du Chêne noir. 8 bis, rue Sainte-Catherine à Avignon. 04 90 86 74 87. Résa ici.
Albert Camus
Albert Camus c’est ce gamin pauvre des quartiers les moins reluisants d’Alger, descendant des premiers arrivants des colonies. Sa maman est sourde et il est orphelin d’un père tombé à peine un mois après qu’il fût enrôlé dans le 1er régiment de zouaves en septembre 1914. Atteint à la tête par un obus en octobre de la même année; emporté à tout juste 28 ans. Après ? L’enfant bagarreur est aussi un élève brillant dont l’intelligence vive émeut son instituteur. Et cela revêtira une importance capitale. Pourquoi ? Parce que le professeur convaincra la grand-mère et forte-femme d’Albert Camus de le laisser poursuivre ses études obtenant même qu’il devienne boursier pour aborder le lycée. La pugnacité de l’instituteur aura été au fondement de la carrière du futur grand homme.
La force des blessures
Ce qui a forgé Albert Camus ? Une enfance marquée par l’absence d’un père, une mère sourde qui lit sur les lèvres mais est analphabète, la pauvreté, les copains de la rue. Plus tard ? Son incompréhension et son refus de la ségrégation entre français et arabes, son amour du foot, la découverte de la littérature, de la politique, du militantisme, l’absurdité de la guerre, le dépassement des passions et la dangerosité des idéologies. Enfin ? La découverte que l’autre est soi, que l’intelligence et le courage ne sont rien l’un sans l’autre, que le dépassement et l’accès à la lucidité se font aussi par la lecture, l’écriture, le théâtre populaire, et l’art.
Pourquoi son destin résonne-t-il tant ici ?
Camus c’est aussi un peu l’ode à la très en vogue laïcité : enfant pied-noir d’extraction modeste, nourri à la lecture, aux livres éclectiques par un oncle boucher anarchiste, voltairien, franc-maçon ; c’est aussi la rencontre d’un instituteur détecteur de talent. Albert Camus c’est aussi une comète, mille vies en à peine 46 ans, l’aventurier qui avait appliqué ses propres règles à son existence : lier l’intelligence au courage. Pourquoi ici ? Parce que son ami René Char lui a fait découvrir la Provence. Parce qu’il a vécu et habité l’Algérie puis s’est établi, les deux dernières années de sa vie à Lourmarin où ceux qui l’ont connu disaient qu’il était humble, discret, empathique, accessible. Que tout comme Hemingway il écrivait debout et conservait une véritable passion pour le football.
Et la Comète se love dans l’infini
Albert Camus est né le 7 novembre 1913 à Dréan, en Algérie française et mort à Villeblevin le 4 janvier 1960, à 46 ans. Les circonstances de sa mort ? Un accident de voiture alors qu’il reprenait la route pour Paris. Dans la Facel-Vega il y a, à la conduite, Michel Gallimard et à ses côtés Albert Camus tandis que Janine et Anne Gallimard l’épouse et la fille de Michel Gallimard ont pris place à l’arrière avec le chien Floc. La voiture de luxe percute un premier puis un deuxième platane. Albert Camus est tué sur le coup, Michel Gallimard décèdera six jours plus tard. Les deux femmes s’en sortent miraculeusement indemnes. En cause ? L’asphalte mouillé et… le fatal éclatement d’un pneu. Sa sépulture se trouve dans le cimetière de Lourmarin. Quant au chien Floc ? Il n’a jamais été retrouvé.
‘Cyrano’ s’empare bientôt du Chêne noir
Avignon, Théâtre du Chêne noir, la nouvelle création de Julien Gelas «Lettres à un ami allemand» selon le court recueil d’Albert Camus. «Lettres à un ami allemand» contient quatre lettres d’Albert Camus à l’un de ses amis allemands, lettres qu’il a écrites de juillet 1943 à juillet 1944. Ce n’est pas son œuvre la plus lue. Elle est pourtant essentielle et très actuelle par les thèmes abordés: le courage, la haine, le fanatisme…
Julien Gelas, directeur du Chêne Noir, met en scène une pensée humaniste
Camus, par ces lettres imaginaires en temps de guerre, sous l’occupation, remet l’homme au centre des combats et de ses choix. Ses chroniques sont à considérer comme un document de la lutte contre la violence. Elles n’opposent pas 2 nations mais 2 attitudes face à la guerre et au combat.
Didier Flamand donnera voix à ces lettres
En nous transportant dans les années 1940, le comédien Didier Flamand, seul en scène, convoquera les valeurs essentielles de justice et liberté. Vendredi 15 octobre à 20h. Samedi 16 octobre à 20h.10 à 23€. Théâtre du Chêne Noir. 8 bis, rue Sainte Catherine. 04 90 86 74 87. www.chenenoir.fr