22 novembre 2024 |

Ecrit par le 22 novembre 2024

Avignon, Cécile Helle ‘Ville ancienne et quartiers du futur’

Lors d’une interview donnée en juin, Cécile Helle, maire d’Avignon, a évoqué sa vision et ses actions très concrètes en faveur d’une ville, pour tous, où il fait bon vivre.  

L’établissement scolaire Joly Jean se prénommera Ecole Melly et Paul Puaux Copyright Ville d’Avignon

«Le projet phare de mon action ?
La construction de l’école Joly Jean qui a reçu la médaille d’or des bâtiments durables méditerranéens (BDM) pour sa construction vertueuse et respectueuse de l’environnement avec une empreinte écologique maîtrisée. C’est aussi le premier écoquartier d’Avignon ouvert sur son environnement et favorisant le vivre ensemble toutes générations confondues. L’organisation de la cour a été étudiée en collaboration avec la sociologue bordelaise Edith Maruéjouls, géographe du genre, qui a travaillé sur l’égalité filles garçons, notamment dans les cours de récré. Son credo ? Que chacun, fille comme garçon trouve sa place, et cela passe en premier par celle dont on dispose dans la cour de l’école.»

L’importance des blocs sanitaires
« Nous avons également travaillé sur les blocs sanitaires car beaucoup d’enfants mettent en place des stratégies d’évitement, parfois même toute la journée, pour ne pas aller aux toilettes. Pourquoi ? Parce qu’ils considèrent le lieu insécure. Ainsi, les blocssanitaires sont devenus mixtes et accessibles par classe d’âge. Les portes sont matérialisées de haut en bas de l’espace et des parties vitrées, à l’arrière des blocs, ont été placées à hauteur de vue du personnel encadrant afin de s’assurer de la sécurité de l’enfant. Depuis dix ans que je suis là, c’est le premier bâtiment conçu et réalisé de A à Z, avec une attention toute particulière parce qu’il s’agit d’un bâtiment public destiné aux enfants. Il faut être là, particulièrement attentif à la qualité de ce que l’on produit. » Cela fait 25 ans qu’Avignon n’avait pas construit d’école. Celle-ci sera inaugurée en septembre prochain.

Infrastructures
«L’établissement scolaire maternelle et élémentaire accueillera 11 classes dont une pour les enfants atteints d’autisme pour lesquels un espace snoezelen –sécurisant- a été prévu. Le bâtiment sera ponctué d’une halle créative, d’un studio musical, d’un laboratoire des petits génies, d’une salle de repos dotée d’un petit planétarium, d’espaces de motricité libre et de petites alcôves de travail dans les circulations en relation directe avec les salles de classe.»

Des espaces ouverts pour relier les quartiers
«L’école accueillera également les parents et les habitants du quartier : la salle polyvalente de l’école est conçue pour être entièrement ouverte sur le quartier, et disponible pour les associations en dehors des temps scolaires. Un café des parents, ouvert en dehors des heures de cours, donnera sur l’espace public, en relation directe avec cette salle polyvalente. »

Melly et Paul Puaux
Suite à la consultation menée par la Ville auprès des habitants, le futur établissement scolaire du quartier Joly Jean portera les noms du couple avignonnais Melly (1943-2021) et Paul Puaux (1920-1998), les amis intimes de Jean Vilar, fondateur du festival d’Avignon qui créèrent la Maison Jean Vilar en 1979. Plus de 1 000 personnes ont répondu au questionnaire qui proposait entre autres, Winnie et Nelson Mandela qui ont recueilli 235 voix ; Elisabeth et Robert Badinter pour 152 voix. Melly et Paul Puaux sont arrivés grands gagnants avec 268 voix.

Un intérieur de l’école maternelle et primaire Melly et Paul Puaux Copyright Ville d’Avignon

Écoquartier Joly Jean
L’Écoquartier Joly Jean s’étend sur 42 hectares de friches agricoles et délaissés urbains dont 21 hectares seront laissés à la nature. Environ 1000 logements, dont 200 à vocation de logements sociaux y seront, à terme, réalisés pour accueillir 3 000 habitants. L’habitat sera protéiforme : collectif, intermédiaire, composé d’habitats groupés, coopératifs et de maisons individuelles. L’énergie sera en partie fournie en géothermie et en solaire. Le lieu sera rythmé par l’implantation d’activités et l’aménagement de vastes espaces publics. Des jardins partagés et des composts collectifs et individuels sont également prévus. Le nouveau quartier permettra de relier Cap Sud à l’avenue Moulin Notre Dame par une trame verte de 1,4 kilomètre, incluant le parc du Clos de la Murette. La ZAC (Zone d’activités concertées) Joly Jean, anciennement nommée ZAC du Canal Puy, a été créée en décembre 2009. Elle est située à 4 km du centre-ville, au sud d’Avignon et intègre les deux secteurs de la ZFU (Zone Franche Urbaine) : Coupe d’Or et Cabrière.

Le réseau urbain de chaleur et de rafraîchissement
«Le deuxième projet novateur est, pour moi, le réseau de chaleur et de rafraîchissement qui concernera l’ensemble des quartiers populaires situés au Sud d’Avignon et déjà engagés dans le projet de rénovation urbaine. L’enjeu ? Apporter une source de chaleur et de rafraîchissement vertueuse, énergétique, écologique, économe et durable aux habitants.»

Où en sommes nous du projet ?
«Le programmiste a déjà identifié les sources de chaleur potentielles qui sont la géothermie profonde et peu profonde, la biomasse, la chaleur fatale produite par exemple par les unités de station d’épuration de l’agglomération. L’idée est de pouvoir englober les résidences de logements collectifs, notamment celles des bailleurs sociaux situées le long des quartiers Sud comme Saint-Chamand.»

Un projet accessible aux acteurs publics
«Nous envisageons également de nous tourner vers les acteurs publics ou d’équipements publics comme l’Hôpital d’Avignon d’ailleurs en plein projet modernisation, de rénovation et de réhabilitation. L’activité y est très consommatrice d’énergie, notamment pour chauffer ou rafraîchir les locaux selon les saisons. Le Min (Marché d’intérêt national) et les entreprises environnantes pourraient également se brancher sur ce réseau d’énergie sans empreinte écologique.»

Le meilleur moment pour le faire
«Ce réseau de chaleur et de rafraîchissement arrive à point nommé alors que nous sommes en plein NPNRU (Nouveau programme de renouvellement urbain), notamment avec le bailleur social Grand Delta Habitat. Il y a deux ans en arrière, je me suis battue avec à mes côtés le préfet Bertrand Gaume et l’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru) pour dire à quel point il ne fallait pas revenir au chauffage individuel qui est, pour moi, une aberration écologique, économique et sociale.»

Dans le détail
En décembre 2023, le conseil municipal a validé la création d’un réseau public de chaleur et de fraîcheur issu a 80% minimum d’énergies renouvelables et de récupération : géothermie sur nappe, valorisation des eaux usées issues de la station d’épuration de Courtine, bois énergie ou électricité verte. Le réseau fournira a des prix stables et compétitifs quelque 16 800 logements, équipements et bureaux, soit une surface de 270 000 m2. Les zones concernées seront situées, dans un premier temps, dans les quartiers Nord et Sud Rocade, Ouest, Saint-Chamand, Nord, Est et dans le nouveau quartier Bel Air. La conception, la réalisation et l’exploitation du réseau seront confiées a une société dans le cadre d’une délégation de service public d’une durée de 29 ans. La création d’un réseau public de chaleur et de fraîcheur s’inscrit dans la politique volontariste de transition écologique menée par la Ville depuis 2014, en accord avec les objectifs du Plan local pour le Climat. Sa mise en œuvre permettra d’éviter l’émission de plus de 18 000 tonnes de CO2 par an.

Le téléphérique urbain
«Le téléphérique urbain est là aussi un projet novateur que je mène avec le Grand Avignon. Il mettrait en connexion le nouveau quartier Confluence avec le centre-ville en passant par une station intermédiaire en Courtine. Il serait également intéressant de créer une station aux Allées de l’Oulle et aussi au parking Piot. Le téléphérique pourrait aussi passer au-dessus de la voie ferrée PLM (Paris-Lyon-Marseille) pour aller jusqu’à l’hôpital. Cette idée de téléphérique a déjà fait son chemin à Brest, Toulouse, Grenoble et à Saint-Denis de la Réunion. Je viens d’ailleurs de rencontrer des élus de l’île dont les propos étaient dithyrambiques : alors qu’ils prévoyaient 500 000 passagers la première année de sa mise en service, c’est un million de personnes qui s’est approprié ce téléphérique en un temps record.»

La mobilité des villes du futur
«Pour certains, un téléphérique peut être perçu comme un objet un peu incongru, un peu touristique, un peu ludique, mais pour les usagers c’est comme prendre le bus, même avec son vélo pliant. Ce projet est d’autantd’emprise au sol. Le téléphérique est la mobilité des villes du futur. » Ndlr : les villes de Créteil, d’Ajaccio et de Nice vont accueillir un téléphérique. Marseille et Bordeaux –en phase de concertation avec le public- s’y intéressent et Lyon y a renoncé face à l’opposition des habitants.

Des parcs pour ponctuer la ville
«La ville de demain ne peut se concevoir sans la réintroduction de la nature en ville. Nous instaurons, ainsi, tout un maillage de parcs indiqués sur Internet, sur les cartes diffusées par l’Office de tourisme et par QR code. La plupart de ces parcs accueillent des jeux d’eau afin qu’enfants comme adultes, habitants comme visiteurs, puissent goûter à un havre de paix et de fraîcheur. »

La Forêt enchantée Copyright Barbara Ferraggioli pour la Ville d ‘Avignon

Une forêt enchantée à Pont-des-Deux-Eaux
«La forêt enchantée prendra place dans la continuité du parc Chico Mendès, proche du canal de Vaucluse, à l’emplacement d’une prairie replantée d’arbres. Cet espace, grandi par les frondaisons accueillera le puzzle, plusieurs équipements proposant un accès aux livres via un container- bibliothèque, aux sports avec le gymnase André Grimard qui y sera déplacé et posé, complété par une halle sportive couverte et sans murs.»

Une bibliothèque, un gymnase et une halle sportive, un lieu pour les musiques actuelles
«Celle-ci proposera des casiers connectés dont certains seront dotés de ballons de hand et de basket et d’autres accueilleront les affaires personnelles des usagers. Enfin, un second container accueillera les activités musicales dévolues aux musiques actuelles. Avec son kiosque et son théâtre de verdure, la Forêt. Enchantée invite à profiter d’une journée en plein air.» L’ensemble de la forêt enchantée sera livré, par phases, à partir du printemps 2025 jusqu’en 2028.

La bibliothèque – containers Copyright Ville d’Avignon

Porter la modernisation de la ville
«La ville possède nombre d’équipements vieillissants âgés d’entre 50 à 60 ans et nécessitent, aujourd’hui, d’être réhabilités, modernisés et de devenir accessibles à tous. Or, dans ces chantiers, il y a toujours des surprises, particulièrement en rénovation et en milieu historique ce qui m’amène à dire que les seuls leviers pour faire avancer les projets sont l’énergie et la dynamique que vous leur consacrerez. Cela demande de la conviction et le goût pour l’intérêt général.»

Ma vision d’Avignon
«Une ville méditerranéenne qui continue de progresser dans sa qualité de vie et dans l’accueil touristique car l’on sait que les visiteurs peuvent se détourner des lieux frappés par la canicule. Cela veut dire travailler, maintenant, à atténuer le changement et le réchauffement climatique. Cette dimension de restaurer l’équilibre entre espaces bâtis, espaces de vie et présence de la nature est essentielle.»

La Barthelasse
«En cela nous disposons d’atouts avec la plus importante île fluviale d’Europe que sont la Barthelasse et l’île Piot, où il suffit de traverser le Rhône pour disposer d’un environnement complètement naturel, productif et vivrier où l’agriculture foisonne juste à côté de la ville.»

Confluence
«Dans ce cadre je pourrais tout aussi évoquer Confluence dont l’extrême pointe propose un espace naturel remarquable avec une vue à 360° sur la Durance –cette fougueuse rivière alpine qui se joint au Rhône. J’invite tous les avignonnais à de plus en plus s’approprier, en famille, entre amis, ces lieux, pour se retrouver sous les arbres et profiter la fraîcheur des fleuves. Face aux épisodes de réchauffement climatique, la Ville d’Avignon possède de sérieux atouts : eau, nature, végétation à condition d’accélérer sur l’anticipation et l’intégration de ces ressources en les rendant de plus en plus présentes et visibles.»

Gare centre d’Avignon Copyright Ville d’Avignon

Le parvis-jardin de la gare centre
de la gare centre Exit le bitume et les voitures qui enfermaient le bâtiment de la gare dans une cohorte de voitures comme autant de cages métalliques. À la place, une consigne à vélos d’une capacité de 500 cycles, et, dans un deuxième bâtiment, le restaurant d’application de la CCI de Vaucluse en étage tandis que le rez-de-chaussée accueillera des bureaux d’Orizo. «Je me suis battue pour que l’on conserve ces vieux arbres, pour certains, âgés de 200 à 300 ans, pour que la gare devienne un îlot de fraîcheur, un lieu agréable où l’on peut attendre son train assis sur un banc et sous les frondaisons. C’est vers ces projets vertueux que nous devons tendre.»

La place du BTP dans la ville
«Nous sommes, avec le BTP 84, les urbanistes, les architectes, les bureaux d’études, les paysagistes, les entreprises, les co-constructeurs de la ville. La ville est une aventure humaine et collective où la solidarité prédomine car un seul maillon défaillant peut mettre en difficulté toute la chaîne. Pourtant les difficultés surgissent, les défaillances aussi, particulièrement dans le contexte économique que nous vivons. C’est là, particulièrement, que s’exerce notre capacité à dépasser, ensemble, les difficultés, pour mener à bien les projets.»

La dimension patrimoniale de la ville
«Les projets à dimensions historiques sont tout aussi passionnants avec la rénovation des tours du Palais des papes où se sont exercés les talents des compagnons du Devoir, des compagnons du Tour de France. Les anciens bains publics Pommer –fermés depuis plusieurs décennies- disent eux aussi tout de notre histoire. Les entreprises qui y travaillent se savent investies d’une importante responsabilité et sont fières de la transmission de ces écrins patrimoniaux.»

Les bains Pommer
Les bains Pommer, lieu d’hygiène de 520 m2 situé rue Philonarde dans l’intramuros d’Avignon, deviendront bientôt un espace muséal dévolu à la culture et à la détente, favorisant le jardin dont il dispose. Le lieu, de style Belle époque remarquable, avec sa verrière surplombant l’établissement, est classé aux Monuments historiques depuis 1992. Il a abrité les bains publics de la ville de 1890 à 1972, année de sa fermeture.
C’est Elisabeth Pommer,
arrière-petite-fille du fondateur Auguste Pommer qui a entretenu le lieu durant plus de quatre décennies, pour ensuite léguer l’établissement à la Ville en 2017. Le parcours touristique proposera la visite des installations techniques, des cabines, du hall d’entrée historique, du logement de la famille avec sa terrasse autour de l’atrium et se conclura par un passage dans le jardin et de la boutique gérée par la Ville ainsi que d’un petit restaurant salon de thé mis en gérance.
Trois immeubles
En parallèle, trois immeubles mitoyens, ont été acquis par la Ville –via Citadis en charge des travaux- à la famille pour la somme de 1,5M€. Ils font actuellement l’objet d’un chantier de réhabilitation et de restructuration. Cinq grands logements y seront créés et mis en vente à destination de familles primo-accédantes.Le chantier
La livraison du chantier est prévue fin 2024, début 2025. Le montant global de l’opération est de 6 M€ (études et travaux) dont la Ville a pris à sa charge 4,229 M€, le Département 511 000 €, l’État 500 000 € et la Drac 760 000 €. Les travaux ont débuté en février 2023 pour une livraison au 1er trimestre 2025.

Extrait du hors série N°2 Echo du mardi Spécial Fédération du BTP 84 Juin 2024.


Avignon, Cécile Helle ‘Ville ancienne et quartiers du futur’

Un téléphérique à Avignon ? L’idée avait déjà été avancée par la maire d’Avignon lors de sa première campagne des municipales de 2014. A l’époque, ce projet avait autant suscité l’étonnement que les railleries. Nos confrères de France bleu Vaucluse en avaient même fait un ‘1er avril’ en 2017. Persévérante, Cécile Helle a remis le sujet sur le tapis lors des vœux 2023 aux acteurs économiques locaux. Cette perspective avait alors engendré largement moins de moqueries. Il faut dire que depuis, des projets de téléphériques urbains ont fleuri un peu partout en France, comme à Toulouse où la ville rose a mis en service le plus long transport urbain par câble de l’Hexagone. C’est d’ailleurs à Toulouse que la maire d’Avignon a convié la presse locale afin de découvrir ce mode de transport présentant l’avantage de franchir de grand obstacle à moindre coût tout en limitant l’emprise foncière.

Mis en service en mai dernier à Toulouse, avec ses 3 kilomètres Téléo est aujourd’hui le plus long téléphérique urbain jamais construit en France. Fin 2016, c’est pourtant Brest qui, après quelques déboires a finalement remis au gout du jour le téléphérique dans le paysage des villes françaises. Depuis, les projets se sont multipliés. Certain ont déjà vu le jour comme à Saint-Denis de la Réunion, qui vient tout juste de fêter ses 1 an d’activité ce mercredi 15 mars avec 1,49 million de voyageurs en 12 mois de fonctionnement.
D’autres sont sur les rails, ou plutôt sur les câbles, comme à Ajaccio ou Grenoble où l’on en aux phases de DUP (Déclaration d’utilité publique) pour des mises en exploitation respectivement espérées pour fin 2024 et début 2025.
Pour leur part, Marignane, pour relier l’aéroport de Marseille-Provence à la gare SNCF de Vitrolles, Bordeaux, pour franchir la Garonne, Nice, pour rejoindre Saint-Laurent-du-Var, l’Île-de-France, entre Créteil et Villeneuve-Saint-Georges, sont à des degrés différents d’avancement de leurs projets. A l’inverse, il a aussi ceux qui ont fait machine arrière, comme Orléans et Lyon, en raison tout particulièrement de l’opposition des riverains à cette solution de mobilité.

Le meilleur moyen de franchir les obstacles
Tous ces projets ont en commun la nécessité de devoir franchir des obstacles : fleuve, autoroute, rocade, colline, lycée, quartier d’habitation… Et avec sa rocade, son emprise ferroviaire SNCF, le Rhône, la Durance et même ses remparts, des obstacles Avignon n’en manque pas.
« Comparativement à d’autres modes de transport en commun, un téléphérique urbain est le meilleur moyen de franchissement des obstacles », précise Denis Baud-Lavigne, animateur de l’activité Transport Urbain par Câble en France au sein du groupe Poma, leader mondial dans le domaine à qui l’on doit le nouveau téléphérique de Toulouse. 
En effet, grâce à sa grande capacité de franchissement (la portée la plus importante à Toulouse est de l’ordre de 1 000 mètres) et sa faible emprise au sol, le téléphérique apparaît aujourd’hui comme une des solutions les plus économiques et les plus écologiques en matière de déplacement urbain. Peu polluant, peu bruyant, ce mode de transport avait d’ailleurs été plébiscité pour ses qualités vertueuses par le Grenelle de l’Environnement de 2009.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il existe plus de 180 réseaux de téléphériques à travers le monde mais finalement peu encore en France.

Si le téléphérique urbain est un mode de transport en commun relativement nouveau en France, il en existe plus de 180 dans le monde. Principalement en Amérique Latine, où Poma est apparu, dès 2004, comme un pionner des transports urbain par câble mais aussi maintenant en Afrique. (source : stationdeski.net)

« C’est une solution innovante », explique Cécile Helle, maire d’Avignon, venue spécialement dans la ville rose pour un retour d’expérience grandeur nature. A Toulouse, Tisséo collectivités, le syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération de Toulouse a opté donc opté pour un téléphérique comprenant 5 pylônes et 3 stations. De quoi permettre d’offrir aux 5 000 voyageurs quotidiens un temps de trajet de 10 minutes là, où il faudrait compter 40 à 50 mn en voitures et sans bouchons entre l’université Paul-Sabatier et le campus de cancérologie Oncopole avec une fréquence de 1 minute 30 en période de pointe et 2 mn 30 le reste du temps.

Mistral et téléphérique : une cohabitation possible ?
Pour cette visite en compagnie d’un groupe de techniciens de la Communauté d’agglomération du Grand Avignon, qui a la compétence transport pour le territoire intercommunal, et de Técélys, le délégataire des transports du Grand Avignon, Cécile Helle ainsi que Fabrice Martinez-Tocabens, son adjoint délégué aux mobilités, ont pu tester les infrastructures dans des conditions particulièrement venteuse. Ici, pas de Mistral mais du vent d’Autan avec des rafales soufflant à plus de 70 km/h durant le trajet emprunté par la petite délégation avignonnaise.
Au final, malgré des bourrasques régulières le ressenti n’est pas désagréable dans ces cabines de 34 places (un mixte de places assises et debout permettant aussi voyager avec un vélo ou d’accueillir un fauteuil roulant ou une poussette).

Cécile Helle, maire d’Avignon et Fabrice Martinez-Tocabens, son adjoint délégué aux mobilités, testent le téléphérique de Toulouse sous les bourrasques du vent d’Autant.

« Notre téléphérique est conçu pour fonctionner jusqu’à 108km/h de vent, assure Jérôme Brandalac, conseiller auprès du directeur général des services chez Tisséo. Nous réduisons la vitesse d’exploitation à partir de 80km/h de vent et nous l’arrêtons à 92km/h pour des raisons de confort. » Depuis sa mise en service en mai dernier, l’infrastructure n’a, à ce jour, connu aucune mise à l’arrêt en raison du vent alors que Tisséo avait tablé sur 3 jours d’immobilisation dans son plan d’exploitation.
« Le vent n’est pas plus un problème que par rapport aux autres modes de transport », confirme Patrick Vial, chargé de mission systèmes au sein de Tisséo collectivités, puisque le métro, en aérien, et le tramway de Toulouse voient aussi leur vitesse commerciale être impactée par le vent.

Comment ça marche ?
Quand un fabricant travaille sur la possibilité de réaliser un téléphérique urbain, il étudie d’abord les données locales provenant de l’étude et de la cartographie de la rose des vents. Objectif : déterminer la moyenne des pics de vents nécessitant une éventuelle mise à l’arrêt de l’infrastructure et ainsi déterminer un taux de disponibilité acceptable répondant aux besoins du maître d’ouvrage.

« Il existe ensuite des réponses techniques », insiste Denis Baud-Lavigne de Poma. En effet, si la majorité des équipements de transport urbain par câble mis en service à travers le monde n’utilise qu’un câble (plus de 80%), il existe d’autres infrastructures utilisant 3 câbles.
A ce jour, l’isérois Poma maîtrise l’ensemble de ces technologies avec, comme à Toulouse, un téléphérique comprenant 3 câbles (2 câbles porteurs et 1 câble tracteur), où, comme à Saint-Denis de la Réunion, 1 seul câble, à la fois tracteur et porteur, pour ce téléphérique de 2,7km.
Le nombre de câble permet, entre autre, de mieux stabiliser les nacelles.
Ainsi, une infrastructure ‘mono câble’ est généralement opérationnelle jusqu’à 80km/h de vent. Pour une ‘tri-câble’, la résistance au vent peut atteindre les 100 voir 110km/h. Un autre critère rentre également en ligne de compte dans la stabilisation de l’ensemble : l’écartement des câbles.
« C’est le cas à New-York où, en raison d’un effet venturi lié à la présence des immeubles de Manhattan, il y a de fortes contraintes de vents qui ont nécessité la mise en place de câbles espacés de 3 mètres contre 1 mètres à Toulouse par exemple », détaille Denis Baud-Lavigne. De quoi permettre au téléphérique de la ‘grosse pomme’ de continuer de fonctionner jusqu’à des rafales atteignant les 108km/h.

A Toulouse, les cabines comptent 34 places (assises et debout). C’est plutôt vers ce format que la Ville d’Avignon privilégierait. A New-York, cette capacité est portée à 110 places (toujours assises et debout) alors que Poma a déjà réalisé des téléphériques d’une capacité de 200 places où plus petit, comme à Saint-Denis de la Réunion (46 cabines de 10 places assises).

Des contraintes de confort plus que de sécurité
Ces limites de vitesses du vent ne concernent cependant pas le niveau d’utilisation maximal des téléphériques urbains en toute sécurité. En effet, ce mode de transport encaisse des vents bien plus fort comme à la Réunion où, selon nos confrères de Réunion 1, l’installation conçue pour faire face aux conditions cycloniques peut résister à des vents de plus de 250 km/h.
Ainsi, si le seuil de 110km/h est évoqué c’est plutôt pour des raisons de confort d’accueil des passagers. « Ce sont d’abord des contraintes de confort des usagers qui limitent l’utilisation, et cela bien avant les aspects sécuritaires », confirme l’animateur de l’activité Transport Urbain par Câble en France de Poma.
A Toulouse, les 15 cabines (+1 de réserve) s’appuie donc sur cette technologie dite ‘3S’ permettant de prendre appui sur 5 pylônes, dont le plus haut culmine à 71 mètres, au lieu d’une vingtaine si la solution du mono câble avait été retenue. Le coût est deux fois plus important mais cela permet de limiter l’emprise au sol.

Imaginer la ville du futur
Conquise par l’équipement connecté au métro, au tramway et au bus de la capitale de l’Occitanie, Cécile Helle estime « qu’il faut faire, comme à Toulouse, en associant toutes les formes de mobilité dans la réflexion menée sur les déplacements de l’agglomération avignonnaise. Il n’y a pas de solution unique et il nous faudra les combiner pour améliorer l’accessibilité d’Avignon. Car l’enjeu est de renforcer l’attractivité et le développement économique de notre territoire. »

Si aujourd’hui aucune étude n’est réalisée par le Grand Avignon, Cécile Helle souhaiterait que si un projet de téléphérique urbain devait voir le jour il puisse relier la gare TGV et le nouveau quartier de Confluence aux allées de l’Oulle. Le tracé direct ferait moins de 2 kilomètres. Autre alternative, desservir la zone de Courtine avec un parcours de 2,3km environ.

L’édile avignonnaise songe ainsi déjà à relier le centre-ville, depuis les allées de l’Oulle jusqu’à la gare TGV de Courtine et son nouveau quartier d’Avignon-Confluence dont le chantier du premier macro-lot devrait enfin bientôt débuter. Pour la maire d’Avignon, cette liaison aérienne serait aussi l’occasion de renforcer l’image de ville du futur qu’elle entend impulser entre son cœur historique et ces quartiers en devenir.
« Nous avons une très forte notoriété patrimoniale. Il faut la compléter par une image nouvelle. Quand on veut attirer des entreprises, de nouveaux acteurs culturels et économiques cela compte », martèle la maire d’Avignon qui souhaiterait que le téléphérique s’appuie sur ‘l’axe civique’ imaginé par l’urbaniste catalan Joan Busquets a qui le Grand Avignon et la Ville ont confié en 2017 le projet urbain de Confluence (voir image ci-dessous).

Dans la vision du maire d’Avignon, le téléphérique pourrait aussi s’appuyer sur ‘l’axe civique’ imaginé par l’urbaniste catalan Joan Busquets a qui le Grand Avignon et la Ville ont confié en 2017 le projet urbain de Confluence.

Mais pour cela, il faudra d’abord convaincre le Grand Avignon qui devra financer cet équipement qui aura coûté 100M€ pour Toulouse (70M€ pour l’infrastructure, le reste comprenant la maintenance et l’entretien ainsi que des investissements divers). Il faudra également être persuasif avec les ABF (Architectes des bâtiments de France), les gardiens de l’orthodoxie patrimoniale que Toulouse aura cependant réussi à séduire en changeant la forme des pylônes (de rond à carré).
Reste enfin, à séduire surtout la population avec ce projet novateur qui présente cependant l’avantage de nécessiter une faible emprise au sol (compter 25m2 à 30m2 pour un pylône ‘3S’) et un coût bien plus avantageux qu’un tramway pour franchir les emprises SNCF, la station d’épuration ou bien encore la rocade. Autre atout du téléphérique, moins d’expropriation, surtout dans cette zone où il y a peu d’habitation et moins de couteuses déviations des réseaux (eaux, électricités, gaz, assainissement…).

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