22 novembre 2024 |

Ecrit par le 22 novembre 2024

Le Doliprane donne le tournis

Le Doliprane, un des fleurons de l’industrie pharmaceutique française va passer sous pavillon US. Sanofi, le géant français du médicament va céder une participation majoritaire de 50 % au fond américain Clayton Dubilier & Rice (CD & R). Cette opération financière, la plus grosse acquisition par emprunt de l’année (8,65 milliards d’euros) a de quoi interroger. La finance sera-t-elle toujours plus forte que la santé ? N’y a-t-il pas là un risque pour notre souveraineté sanitaire, déjà bien mise en mal ?

« La finance sera-t-elle toujours plus forte que la santé ? »

Élaboré par le pharmacien français Henri Bottu au début des années 60, le Doliprane est le médicament le plus consommé en France. 400 millions de boites y sont vendues chaque année. Et la France ne pèse que pour 10 % dans l’activité d’Opella, la filiale de Sanofi qui produit le Doliprane aux côtés d’une quinzaine d’autres médicaments. Avec un CA de 5,2 milliards d’euros Opella est numéro 3 mondial des médicaments sans ordonnance. La société revendique de répondre aux besoins de plus d’un demi-milliard de patients-consommateurs dans le monde. En d’autres termes, il s’agit là d’une vraie pépite (au propre comme au figuré) qui ne pouvait que susciter la convoitise.

« Faire de la France la première nation européenne et souveraine en matière de santé »

Business is business. Sauf que là, le sujet est sensible. On a tous en mémoire les difficultés d’approvisionnement en paracétamol pendant la première crise du Covid en mars 2020. On pourra aussi se souvenir des déclarations du Président de la République, en 2021, qui avait fixé comme objectif de faire de la France la première nation européenne et souveraine en matière de santé (réunion du conseil stratégique des industries de santé 2021). En février 2024, pour lutter contre la pénurie de certains médicaments le gouvernement avait annoncé un nouveau train de mesures. Cette feuille de route qui engageait plusieurs ministères devait également permettre de renforcer la souveraineté de notre pays dans ce domaine. Tout cela semble bien peu de chose face à la puissance de la finance internationale.

Cette opération qui devait être à l’origine une cession de parts devient alors un accord tripartite

En réponse aux inquiétudes de l’opinion publique et d’une grande partie de la classe politique nationale, la BPI (Banque Publique d’Investissements) a été appelé à rescousse pour s’inviter au board de l’entreprise moyennant une prise de participation de 2 %. Histoire de pouvoir être associé aux devenirs de l’entreprise. Cette opération qui devait être à l’origine une cession de parts devient alors un accord tripartite où Opella s’engage à maintenir les sites de productions en France et à y investir en développement 70 M€, mais uniquement sur une période de 5 ans. Quid après ?

On appelle cela aussi la technique de la vache à lait

Cette opération financière, qualifiée par le quotidien Les Echos de « deal de l’année » pour les 22 banques d’affaires qui y sont associées, est réalisée sous forme de LBO (Leveraged buy-out – rachat avec effet de levier). Une technique de financement qui consiste à acheter une entreprise en l’endettant. Le remboursement de la dette se fait alors sur « l’optimisation de son activité » : augmentation de la productivité, des prix, la réduction de ses coûts… et tout cela sur pression des financiers. On appelle cela aussi la technique de la vache à lait. On est loin des considérations thérapeutiques du pharmacien du Calvados qui mis au point cet antalgique au début des années 60…


Le Doliprane donne le tournis

Allez comprendre. Alors qu’ils exercent une activité qui nous ait totalement indispensable, qu’une majorité de français aime et soutient cette profession, les agriculteurs n’ont pas la considération qu’ils méritent, et en particulier économique. On parle même de déclassement social. Comme bien d’autres territoires, le Vaucluse est concerné par cette crise qui dure et qui ne semble jamais trouver de solutions.

On a tous des racines dans le monde agricole, et je n’y fais pas exception. Mon grand-père paternel était un éleveur et l’un de mes fils et sa compagne sont agriculteurs. D ‘ailleurs, Il préfère qu’on l’appelle « paysan ». Autrefois péjorative, cette terminologie claque aujourd’hui comme une revendication : le respect du terroir avant tout.

« On aura toujours besoin d’agriculteurs pour nourrir les hommes »
Alors qu’il n’était encore qu’un jeune enfant, mon fils se vit poser la question par son arrière-grand-père : « qu’est-ce que tu veux faire comme métier plus tard ? ». Sans hésiter, il lâcha : « agriculteur ! ». On ne saurait avoir fait meilleur plaisir à cet aïeul qui voyait là une filiation salvatrice après deux générations d’égarement. Le grand-père ne s’empêcha pas de poursuivre, affirmant avec conviction : « Tu as raison on aura toujours besoin d’agriculteurs pour nourrir les hommes ». La sagesse de ceux qui ont travaillé dur ne s’est malheureusement pas vérifiée ou en tout cas pas de la manière dont ils l’entendaient.

“En fait, il ne faut pas chercher bien loin les causes de la crise du monde agricole : on s’est éloigné du bon sens.“

L’avoine que gagnent aujourd’hui nos agriculteurs est loin de les nourrir totalement
A un autre moment, alors que j’étais derrière mon ordinateur, pendant des vacances à la ferme, ce même grand-père, étonné que je travaille pendant mes congés, m’interrogea : « dis-moi, est-ce que tu manges toute l’avoine que tu gagnes ?  Cette question, qui à l’époque m’avait beaucoup interpellé, résonne maintenant différemment. En effet, l’avoine que gagne aujourd’hui nos agriculteurs est loin de les nourrir totalement, c’est même eux qui en ont la plus petite part. En fait, il ne faut pas chercher bien loin les causes de la crise du monde agricole : on s’est éloigné du bon sens. Les agriculteurs comme d’autres métiers d’ailleurs, se trouvent à ne pas être du bon côté du manche alors que sans eux les industries agroalimentaires, les intermédiaires, la distribution ne sauraient exister. Un rapport de force qui serait juste et nécessaire de rééquilibrer.

Souvenons-nous, il n’y a pas si longtemps l’agriculture française était un des fleurons de notre économie nationale, un ambassadeur de notre excellence en matière alimentaire. Un secteur qui assurait à la France une balance commerciale excédentaire. Mais où avons-nous merdé ? Il est urgent que le bon sens conduise les décisions et les organisations mises en place. Le bon sens paysan évidemment, comme tous les grands-pères du monde sauraient avoir.


Le Doliprane donne le tournis

Nouvelles demandes des consommateurs, évolution des comportements, renouveau du Made in France, montée en puissance des achats de seconde main : la mode fait face à une mutation radicale et à la dé-consommation. Évalué à 29 milliards d’euros en 2019, le marché français de la mode et du textile est en recul depuis 11 ans malgré un léger sursaut en 2017, alors la filière se réinvente. On vous dit comment.

La dé-consommation et les achats de vêtements d’occasion –estimé à 1 milliard d’euros (source IFM)- monte en puissance, particulièrement auprès des 45-55 ans d’après la market place Vinted. Les marques cherchent un modèle économique pour intégrer cette forte tendance. Également la conjoncture économique dans le secteur industriel du textile et de l’habillement français s’est dégradé avec une baisse de -4,1% en 2019 tandis qu’une forte demande de recrutements persiste pour faire face aux départs en retraite et à des pénuries de main d’œuvre dans la production.

Visite de la manutention Brun de Vian Tiran
A la faveur d’un séminaire se tenant à l’Isle-sur-la-Sorgue et à la visite des ateliers de la manufacture Brun de Vian Tiran, en octobre dernier, Vanessa de Saint-Blanquat, directrice-générale de l’Union des industries textiles a évoqué les projets soutenus par la filière, notamment dans le cadre du Plan de relance du Gouvernement et le travail de lobbying, alors qu’approchent les échéances électorales des présidentielles.

Organiser l’éco-système de l’industrie textile
«Nous organisons des séminaires annuels avec l’ensemble des délégués généraux, des fédérations sectorielles et régionales qui composent l’Union des industries textiles ainsi qu’avec nos partenaires innovation que sont les pôles et notre centre technique. L’objectif ? Concevoir une réflexion commune sur l’écosystème de l’industrie textile. Les deux journées passées à l’Isle-sur-la-Sorgue avaient pour objet d’appréhender l’avenir textile et de réfléchir aux échéances politiques, notamment des présidentielles d’avril prochain. L’idée ? Valoriser l’industrie textile et son positionnement lors de la crise.»

les fibres naturelles deviendront un fil soyeux, manufacture Brun de Vian Tiran à L’Isle-sur-la-Sorgue

Une communication interactive entre les entreprises du textile
«Ce que nous voudrions ? Une unité de mouvement entre toutes les entreprises que nous représentons, utiliser de manière coordonnée les pôles, notre centre technique ainsi que le Ceti (Centre européen des textiles innovants). Nous valorisons aussi les partenariats entre les entreprises, notamment en matière de recyclage. Nous intervenons régulièrement, de manière indirecte, auprès du ministère de l’Économie pour la ré-industrialisation textile en France. Dernièrement ? Nous estimons que nos industriels ont porté à la connaissance du ministre une quarantaine de projets, dans le cadre du Plan de relance, dans ce sens et parmi eux une chaîne de production complète pour le Lin, dont la France est le 1er producteur.»

La crise ? Un révélateur !
«La crise a agi comme un révélateur : les business models, les modes de productions, de consommation, le rapport entre le consommateur et le producteur de produits finis ou semi-finis ont totalement changé. Nous avons réfléchi à la façon dont tous ces paramètres allaient impacter le fonctionnement de l’industrie textile à l’avenir et quelles devaient être les réponses à apporter. Faut-il proposer de nouvelles matières ? Car on reproche aux matières naturelles d’employer trop d’eau et de pesticides et aux matières synthétiques de diffuser des microbilles de plastique. Quelle pourrait être la matière idéale de demain, capable de répondre à ces enjeux environnementaux, tout en conservant des propriétés nécessaires pour garder la fonctionnalité des textiles.»

Un acteur incontournable pour assurer la souveraineté de la France
«L’innovation, la façon de fabriquer, la transition numérique et écologique sont des éléments majeurs de réflexion. Nous avons été identifiés, grâce à la crise, comme un acteur incontournable pour assurer la souveraineté de la France dans des domaines considérés comme stratégiques par le Gouvernement : la santé, l’aérospatiale, le vêtement de protection individuelle pour la Défense, l’armée, les pompiers… Nous sommes présents et fabriquons les composants ou produits finis qui entrent dans la fabrication ultime de ces produits. Des exemples ? Le tricot implanté –matière médicale implantée dans le corps humain lors de chirurgies, fils textiles remplaçant les ligaments- contribueront à la ré-industrialisation, même si tous les projets soutenus par la filière et examinés dans le cadre du Plan de relance ne concerneront pas la relocalisation,» relève Vanessa de Saint-Blanquat.

Le recyclage
«Le recyclage de l’habillement reste un problème pointu, notamment du fait de tout ce qui le compose et qui n’est pas du textile comme les fermetures éclair, les boutons et agrafes ainsi que les tissus qui sont composés de matières différentes. Les industriels sont confrontés à ces problèmes mécaniques qui sont de séparer les matières afin de les réutiliser comme autant de matières premières.»

Jean-Louis Brun, dirigeant de la manufacture Brun de Vian Tiran à l’Isle-sur-la-Sorgue

Emblématique Brun de Vian Tiran
«La marque Brun de Vian Tiran est très emblématique du secteur textile avec 214 ans d’existence, souligne Vanessa de Blanquat. Leur performance ? Allier savoir-faire et innovation. C’est ce qui sauvera les industries textiles dans ce domaine parce qu’il y a cette exigence de qualité et de savoir-faire et en même temps règlementaire et législative en matière de RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) extrêmement élevée en France puisque notre pays compile l’exigence française et européenne ; des effets que les pays hors Union européenne n’ont pas à satisfaire. Je pense également aux chardons métalliques que Pierre Brun a imaginé et fait créer car c’est l’industrie elle-même qui trouve les solutions aux défis d’aujourd’hui, que ce soit en matière d’évolution, de process, de méthodes et de typologies de travail.»

Ce que le grand public ignore
«Nos adhérents travaillent sur des marchés d’applications variés. Si on nous associe volontiers  à l’habillement et au linge de maison, l’industrie textile intervient dans de nombreux secteurs d’application comme la santé, le sport et loisirs (voiles de bateaux), les transports, l’aéronautique, l’aérospatiale… Le textile est aussi utilisé pour faire des tableaux de bord de voitures, entre dans la composition des ailes d’avion pour alléger la matière, ce qui réduit, au passage, l’impact carbone de l’avion. Un exemple ? Nous avons parmi nos adhérents une entreprise vosgienne ‘Schappe Techniques’ située à la Croix-aux-Mines, qui fabrique le bouclier thermique de la capsule qui va sur Mars ! Il y a aussi les géotextiles utilisés en agriculture et en génie civil pour les routes, les ponts, dans le bâtiment, comme aussi les chaussettes à béton qui remplacent les tubes en acier pour construire les fondations. L’avantage du textile ? Il est à l’image de la soie de l’araignée : souple, adaptable, léger, il ne rompt pas et porte des poids extrêmement lourds. Nous élaborons des matières entrant dans le façonnage des équipements individuels de protection, uniformes de l’armée et des pompiers, particulièrement sur les tissus non-feu et résistant aux coups, balles, coupures, ainsi qu’aux températures extrêmes –hautes et basses-. Dernièrement ? Nous concevons des emballages et des enveloppes pour remplacer les plastiques désormais proscrits, comme pour les fruits et légumes vendus en GMS (Grandes et moyennes surfaces).»

Les uniformes très techniques des pompiers

L’Union des industries du textile
L’Union des industries textiles représente 2 100 entreprises, exerçant une activité textile en France (filature, moulinage, tricotage, tissage, ennoblissement…). Elles emploient 61 296 salariés et 3 000 postes à pourvoir tous les ans, qui ont réalisé, en 2019, un chiffre d’affaires de 13,9 milliards d’euros –dont 9,4 milliards d’euros à l’exportation- dans des domaines d’application variés : la mode et le luxe, la maison, et dans des marchés techniques (automobile, aéronautique, santé, construction…). Près de 63% des entreprises sont des PME (Petites et moyennes entreprises). L’UIT fédère 23 fédérations textiles de région et de branche. Les deux grandes régions textilières sont les Hauts-de-France et l’Auvergne-Rhône-Alpes. L’union des industries du textile sera présente du jeudi 24 au lundi 28 mars au salon Maison et objet, au parc des expositions de Paris-Nord Villepinte (Ndlr : qui devait avoir lieu en janvier 2022).
Autre article traitant de ce même sujet ici et antérieur ici.

https://echodumardi.com/tag/souverainete-de-la-france/   1/1