11 avril 2025 |

Ecrit par le 11 avril 2025

‘Vertical combat’ : la mobilisation d’une mère pour son fils

A l’issue d’une banale chute à vélo à 17 ans, le jeune Paul Darbier devient tétraplégique. Un an après, sa famille ne cesse de multiplier les actions régionales et nationales auprès de célébrités de tout horizon.

« Je ne sais pas quand, je ne sais pas comment, mais je sais que je vais me remettre debout », des mots qui résonnent encore dans l’esprit de Caroline Darbier, originaire des Angles. L’association ‘Vertical combat’ poursuit une noble cause : sensibiliser le plus grand nombre et soulever des questionnements sur la prise en charge en France. Accident de voiture, plongeon en eau peu profonde, chute de ski, de VTT, ils sont plus de 1 200 chaque année à grossir les rangs des personnes victimes d’une malheureuse chute dont personne n’est à l’abri. Avant même son accident de VTT, Paul Darbier est un miraculé. Né avec une malformation cardiaque qui lui donnait une espérance de vie de 2 ans, le jeune Anglois est opéré à cœur ouvert à l’âge de 4 mois. « C’est sans doute pour ça qu’il s’est tourné vers le sport très tôt, il en faisait tous les jours », explique sa mère.

Banale chute à vélo

Paul a 17 ans. En avril 2020, période de confinement, le jeune passionné de sport tourne comme un lion en cage. Un besoin viscéral de prendre l’air le conduit dans la garrigue à proximité de chez lui, avec son vélo. Une activité somme toute banale pour un jeune de son âge fourmillant d’énergie, mais qui malheureusement connaitra une issue redoutable. La roue butte contre une motte de terre, le VTT se balance vers l’avant projetant vigoureusement le jeune Paul au sol.

« Il est tombé sur la tête, le casque de protection n’a pas protégé la nuque qui a donc supporté tout le poids du corps », nous confie sa maman qui a vu les images de l’accident tournées par l’ami de son fils. Très vite, Paul est hélitreuillé au CHU de Montpellier, parfaitement conscient, mais dans l’incapacité de ressentir la moindre sensation. Le verdict est sans appel, la chute a entrainé la lésion de la moelle épinière au niveau des cervicales, à l’origine d’une paralysie des 4 membres. Paul est tétraplégique.

Une succession de ‘montagnes

Placé en coma artificiel durant quelques semaines, le réveil est « abyssal ». Paul est dans sa chambre de réanimation avec une trachéotomie, un accès direct à la trachée envoyant l’air dans les poumons. Il ne peut ni bouger, ni manger, et ne parlera pas pendant 6 mois. « La douleur était atroce, il a fallu le mettre sous morphine », se remémore sa mère. On lui dit que sa vie désormais ce sera ça, qu’il devra apprendre à se servir de son menton.

Caroline et son époux découvrent alors un monde dont ils ignoraient tout. « Il a fallu franchir une succession de montagnes. Il y a d’abord le drame que l’on vit au moment de l’accident, et puis la bataille colossale qui s’en suit. On doit lutter contre l’administration, expliquer aux gens notre réalité, entreprendre des démarches, se faire entendre, trouver un établissement d’accueil, liste-t-elle. On a finalement été contraint de l’amener en Espagne où on lui a retiré la trachéotomie aussitôt. » Le seul institut qui répond est à Barcelone, l’Institut Guttmann. C’est dans ce centre spécialisé en rééducation fonctionnelle que Paul a pu bénéficier d’une méthode de soins plus actifs (5h de kinésithérapie par jour) et tournés vers la récupération de fonctions perdues.

Le jeune Paul Darbier

« Je ne veux pas de cette vie »

Deux solutions s’offrent à la famille, « soit on s’effondre, soit on devient acteur et on transforme notre épreuve en quelque chose de positif. On en a fait notre cheval de bataille. C’est un drame, certes. Mais cet accident servira à tous les jeunes qui, inconscients, font par exemple des plongeons dangereux au Pont du Gard ou sont victimes d’autres chutes dramatiques. C’est une réalité aujourd’hui, je suis en relation avec plusieurs jeunes dans la même situation que mon fils. »

Très vite, Paul fait preuve d’un courage et d’une maturité remarquable. Quelque chose lui dit que la vie n’est pas un cadeau, qu’il faut la mériter, se battre. « Je suis persuadé que ça m’est arrivé pour quelque chose », confie-t-il un jour à sa mère. Les parents tiennent à le rassurer, il est ce qu’il est, debout ou assis, ça ne change rien. Un raisonnement que Paul rejettera aussitôt avec ardeur. Le jeune homme de 18 ans a la vie devant lui, il ne veut pas de ce quotidien et tient fermement à se battre jusqu’au bout. Preuve en est avec son fauteuil roulant manuel. « C’est important de faire comprendre qu’une personne avec l’envie de se battre a le droit de se battre, souligne madame Darbier. On ne peut pas imposer à un jeune de 18 ans de rester enfermé et de bouger son fauteuil avec son menton pour le diriger. »

Aujourd’hui, Paul poursuit son courageux chemin dans un centre près de Gap, dont les pratiques sont dans la lignée de celles en Espagne. « Ils sont supers, à l’écoute, dynamiques et ont compris les enjeux et la philosophie de Paul », se réjouit-elle. Ce dernier continue à travailler de manière acharnée ses membres et ses muscles pour ne pas perdre. « Quand on ne fait plus d’exercices, les tendons se rétractent, le muscle s’atrophie, les calcifications se forment. Il est primordial de maintenir le travail sur le corps pour qu’il soit prêt le jour ou la médecine apportera des solutions », explique sa maman.

Faire évoluer la prise en charge en France

Comment faire avancer la prise en charge en France pour que ne soit plus proposé que l’acceptation du handicap mais une voie vers des techniques de guérison ? Voilà le moteur de l’association ‘Vertical combat’ aujourd’hui. « Un spécialiste m’a conseillé de ‘respecter le sommeil neurologique’. Sauf qu’à force, tout le corps s’endort, alerte-t-elle. Les centres en France sont des centres d’adaptation au handicap, tournés davantage vers l’acceptation. Mais l’espoir est permis, notamment grâce aux essais clinique. »

Caroline nous fait part d’une anecdote, « un jeune dans le même cas que mon fils est parti en Pologne dans un centre avancé. A son arrivée, les spécialistes pensaient qu’aucune rééducation n’avait eu lieu alors que le jeune avait déjà fait 7 mois en France… Des patients français partent se faire opérer en Chine, donnant lieu à des récupérations étonnantes. » Toutefois, Caroline ne souhaite pas tomber dans la généralité, de nombreux chirurgiens Français prennent conscience du chemin à parcourir et s’ouvrent sur les techniques pratiquées ailleurs.

Courrier de Brigitte Macron

La mobilisation prend une telle ampleur que la première dame adresse un jour un courrier à Caroline. Brigitte Macron, Sophie Cluzel, alors chargée des Personnes handicapées et le ministre de la Recherche, y souligneront l’importance accordée par le gouvernement à l’aide aux famille. « C’est très sympa, mais nous sommes toujours en attente du remboursement par la sécurité sociale des frais d’hospitalisation qui s’élèvent à 183.600€, s’impatiente-t-elle. Je suis disposée à en discuter avec le gouvernement, à ouvrir le débat, mais la réalité des familles est tout autre. La logique de la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) n’est pas toujours pertinente, notamment sur l’étude des besoins lorsque la personne rentre chez elle. Il y a quelque chose à faire, c’est étonnant que la France n’avance pas. » Le courrier informait la famille qu’elle serait contactée prochainement, aucun coup de fil depuis.

Et d’ajouter : « l’Etat français subventionne des organismes de recherche publique en orientant les investigations sur les nouvelles technologies tournées sur l’inclusion. Elles ne sont malheureusement pas orientées vers la guérison des lésions médullaires post-traumatiques. A ce jour, les essais cliniques indépendants ont été promus par des organismes de bienfaisance de la recherche et des groupes de volontaires comme les associations de patients. Cette situation explique le temps nécessaire pour récolter les fonds utiles à faire avancer la recherche. »

« Il faut un accompagnement immédiat »

Au Portugal, en Espagne, en Italie, en Suisse, les centres de récupération existent : il s’agit de positionner le patient dans une dynamique de travail intensif. Toutes les études en cours démontrent que c’est ce travail intensif qui permet de retrouver une mobilité et la récupération de fonctions perdues. Un travail intensif consiste à stimuler le patient plus de 5h tous les jours. « Un traitement, quel qu’il soit, nécessite une rééducation fonctionnelle importante : sans elle, les fibres nerveuses et axones ne peuvent repousser. Un tel centre n’existe pas en France à ce jour, déplore-t-elle. Les patients qui souhaitent avancer se tournent alors vers l’étranger pour trouver des solutions plus actives. La création d’un tel centre en France est un enjeu majeur que nous souhaitons encourager par nos actions. »

Pour Caroline et son époux, l’accompagnement fait défaut. « Quand son enfant est en réanimation, on se sent très seul. Un détail tout bête, comment étais-je censée communiquer avec mon enfant pendant 6 mois avec sa trachéotomie ?, interroge-t-elle. L’aide aux familles, ce n’est pas juste sur le papier, il faut un accompagnement réel et tout de suite après l’accident. Ce sont des choses à mettre en place avec les familles concernées, directement confrontées au problème. »

Les tennis de Tsonga

Pour soutenir l’association Vertical combat lancée par l’entourage proche de Caroline, le centre commercial Aushopping Avignon nord a mis en place une opération de solidarité : 1like = 1 euro. L’objectif des 1000 euros a très vite été dépassé avec un compteur affichant désormais 1500 likes. Aushopping remettra un chèque de 1000€ le 23 septembre à l’association. La sœur de Paul, Marie, a également relevé ses manches pour réaliser une tombola dans son lycée. Résultat ? 7 000€ récoltés.

La prochaine action ? Une grande soirée caritative au sein de la Maison Bronzini le 30 septembre. 10% du chiffre d’affaires sera reversé à l’association, mais également une tombola et des dons directs seront mis en place. « Il y a beaucoup d’initiatives dans la région car les gens sont touchés, c’est un jeune gardois victime d’une banale chute à vélo qui peut arriver à tout le monde », explique Caroline Darbier.

Une vente aux enchères aura également lieu en novembre. Des artistes et sculpteurs offriront des tableaux, le Conseil départemental de Vaucluse, par le biais de sa présidente Dominique Santoni, offrira le maillot dédicacé de Tadej Pogacar, vainqueur du Tour de France 2020 et 2021. « J’ai également rencontré Mathias Bourgue, un talentueux tennisman devenu le parrain de l’association, nous compte Caroline Darbier. Il est engagé aux côtés de Paul avec force et bienveillance. Il a permis de récolter des t-shirts, des ballons, des casquettes de sportifs professionnels, etc. On aura par exemple les tennis de Tsonga lors de la vente aux enchères. »

Le message de soutien de Tsonga à découvrir ici: https://www.instagram.com/vertical_combat/

D’Omar Sy à Michel Drucker

Sportifs, acteurs, chanteurs, présentateurs tv, de nombreuses personnalités ont déjà soutenu Paul par un message vidéo : Dave, Edouard Baer, Mathias Bourgue, Michel Drucker, Sébastien Chabal, Charlotte Consorti, Gérard Darmon, Martin Fourcade, Grand Corps Malade Officiel, Mike Horn, Luka Karabatic, Omar Sy, et tellement d’autres.

Le message de soutien d’Omar Sy à découvrir ici: https://www.instagram.com/vertical_combat/

« J’ai rencontré le skieur Edgar Grospiron lors d’une rencontre entrepreneuriale. Je me suis dit que finalement, pour devenir champion du monde, il fallait dépasser ses peurs, ses moments de doute, de désespoir, il y a un pont à faire avec les difficultés que Paul rencontre, explique-t-elle. Même si selon Edgard, ses montagnes sont infiniment plus hautes pour mon fils, il a tenu à jouer le jeu. Il a contacté des sportifs de haut niveau qui ont envoyé des vidéos d’encouragement de quelques minutes. Ils n’ont pas idée à quel point ces messages ont fait du bien à mon fils dans sa chambre d’hôpital. »

Caroline a également été en contact avec le skieur Kevin Rolland, médaillé de bronze olympique en half-pipe à Sotchi en 2014 et champion du monde de half-pipe en 2009. Suite à une mauvaise chute en 2019, le pronostic vital est engagé, le sportif frôle la mort et reviendra de très loin. Son message à Paul ? « Même lorsque tu es au plus bas, il y a toujours quelque chose de positif. Il faut que t’y accroches, de toutes tes forces. » Kevin Rolland a aujourd’hui repris la compétition.

Toutes les informations : www.verticalcombat.fr. Faire un don, cliquez ici. Après votre don, l’organisme vous fera parvenir un reçu fiscal. Si vous êtes imposable, il vous permettra de bénéficier d’une réduction d’impôts de 66% du montant de votre don.


‘Vertical combat’ : la mobilisation d’une mère pour son fils

Émilie Pamart, maître de conférences à Avignon Université en Sciences de l’information et de la communication au Laboratoire culture et communication, revient pour l’Echo du mardi sur son projet de recherche : ‘Tiers-lieux culturels en Région Sud’.

Un projet démarré en 2020

« Mes recherches sur les tiers-lieux culturels s’inscrivent dans le cadre d’un projet scientifique de recherche nommé Tiers lieux culturels en Région Sud. Dans une logique pluridisciplinaire, ce projet associe un groupe de chercheurs en sciences de l’information et de la communication, sciences de gestion et sociologie qui travaillent, depuis plusieurs années, au sein d’un collectif thématique de recherche : le réseau Creamed en région Sud et Corse. » Démarré en 2020, ce projet de recherche vise à apporter un éclairage sur les dynamiques créatives et innovantes des Tiers-lieux culturels (TLC) ainsi que les reconfigurations induites au niveau de l’écosystème culturel territorial de la Région Sud. L’échelle internationale est aussi intégrée à ce projet par le biais de collaborations de recherche en cours avec le Luxembourg et le Laboratoire culture et communication d’Avignon Université.

Un tiers-lieu culturel, c’est quoi ?

Aujourd’hui, il n’existe pas de consensus sur la notion de TLC, même si une définition a déjà été proposée. Différentes catégories de tiers-lieux ont été identifiées, dont les tiers-lieux culturels. « La notion de TLC est revenue dans l’actualité notamment en période de covid et de télétravail. L’idée était de pouvoir disposer d’espaces autres que le domicile, pas toujours adapté pour télétravailler. Ces lieux peuvent par exemple accueillir des travailleurs indépendants. Les tiers-lieux sont des espaces ouverts, hybrides, qui ont la spécificité de permettre une rencontre entre des acteurs venant de différents domaines professionnels, mobilisant des ressources multiples. » Et de citer en exemple les lieux proposant des espaces de coworking, les fab labs et living labs.

« Tout l’enjeu est d’aboutir à une définition issue d’un travail empirique »

Dans ses TLC vont notamment se déployer une programmation culturelle, l’accueil d’artistes, l’accompagnement, le travail d’innovation artistique en lien avec les enjeux du numérique. « Nous retrouvons cette idée d’espace hybride mais avec une spécificité : le partage des savoirs et de la culture. Aujourd’hui, il n’existe finalement pas de définition construite à partir d’un certain nombre d’études de cas. Tout l’enjeu de notre projet est d’arriver à une définition issue d’un travail empirique. Nous souhaitons faire émerger des éléments qui nous permettront d’enrichir ces définitions qui circulent sur ces TLC, les nourrir d’observations et d’un travail scientifique fondés sur l’analyse comparative de ces différents TLC. »

L’appel à projets du ministère

Le ministère de la Culture a lancé un appel à projets visant à accompagner le développement de TLC afin de favoriser les échanges et les rencontres collaboratives autour de pratiques artistiques et culturelles. L’objectif ? Permettre à des écosystèmes de trouver des lieux de rencontre. Ces lieux alternatifs sont à promouvoir notamment au cœur de territoires encore dépourvus d’une solide offre culturelle. Les projets proposés devront être innovants et reposer explicitement sur le partage d’un espace commun favorisant la création et la diffusion artistique autant que les échanges citoyens sur des sujets culturels et impliquant la participation active des usagers. L’appel à projets s’adresse à toute association ou collectivité souhaitant créer ou développer un TLC sur son territoire d’action.

La ‘Villa Créative

« C’est dans le cadre de ce travail de recherche sur les tiers-lieux culturels que j’ai porté mon attention sur la Villa Créative. Cette dernière figure désormais dans le corpus des lieux étudiés pour la recherche. L’intérêt manifesté pour ce projet est lié à la possibilité d’observer et de rendre compte de sa mise en récit par l’institution qui le porte à savoir Avignon Université, notamment dans la phase de publicisation du projet auprès des usagers potentiels du lieu (enseignants-chercheurs, étudiants, habitants, professionnels de la culture, résidents du lieu, etc.) »

L’objectif est d’appréhender la ‘Villa Créative’ comme tiers-lieux culturel par le prisme de la communication. « Autrement dit, il va s’agir d’interroger le processus communicationnel à l’œuvre pour rendre public ce TLC (tiers-lieu culturel) et le faire exister au sein de la communauté universitaire, de son territoire d’inscription mais aussi de l’écosystème culturel et des industries culturelles et créatives. Ce projet scientifique est aussi l’occasion de former les étudiants par la recherche dans le cadre des ateliers d’enquête du Master Culture et Communication, parcours Arts et technique des publics. »

La Friche de la Belle de Mai, le Hublot à Nice, le Port des créateurs à Toulon

Les TLC sont notamment caractérisés par la pluralité des acteurs qu’ils accueillent et l’ouverture sur les habitants. « Ce sont finalement des espaces interfaces entre la sphère artistique culturelle et le territoire caractérisé par la diversité de ses habitants. Les TLC revendiquent une culture de l’expérimentation et de l’innovation. Le Hublot à Nice, la Friche de la Belle de mai, le Port des créateurs à Toulon, la Fabulerie à Marseille, voilà les TLC à partir desquels nous travaillons dans le cadre des travaux de recherché financés par la région sud. »

Travailler de manière collaborative et partenariale

« A travers un travail empirique de terrain, nous associons à la réflexion les TLC. » Tout l’enjeu des journées d’étude : coproduire de la connaissance en discutant avec ces professions, en privilégiant une approche collaborative et partenariale pour coconstruire une définition à partir de regards croisés de chercheurs et de professionnels. « D’ailleurs, toutes nos journées ont lieu dans des TLC », souligne Emilie Pamart.

Les prochaines journées d’études à Avignon

Les prochaines journées d’études TLC en région Sud se tiendront à Avignon Université les 8 et 9 juillet 2021. La thématique de ces journées ? Le rôle des Tiers-lieux culturels dans l’animation de l’écosystème de la création, des industries culturelles et créatives et la professionnalisation de ses acteurs. « Les TLC sont aussi des lieux qui accompagnent des artistes en début de carrière pour les accompagner à valoriser leur travail, à communiquer sur leurs œuvres et à les professionnaliser. Cela concerne aussi bien les artistes émergents que confirmés. Ce qui est important dans le processus de professionnalisation ? C’est l’intégration dans des réseaux professionnels, une des vocations des TLC. »


‘Vertical combat’ : la mobilisation d’une mère pour son fils

Des chercheurs de l’Université d’Avignon sont à l’origine d’un dispositif unique protégeant les plantes (vignes et fraises) en les exposant à un rayonnement. UV Boosting conçoit des équipements de stimulation de défense naturelle des plantes par flashs UV, permettant de réduire les besoins en fongicides.

« Il n’existe aucune technologie comparable sur le marché »

Lauréate du concours d’innovation ‘i-nov’ du programme d’investissements d’avenir opéré par l’Ademe, la start-up a ainsi bénéficié d’un soutien financier. « Ce projet se distinguait des autres parce qu’il n’apporte aucun intrant et agit en préventif. Il n’existe aucune technologie comparable sur le marché. Ses effets ont été reconnus dans le cadre des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques », explique Thomas Eglin, coordinateur recherche et développement à l’Ademe.

Après avoir découvert que les flashs UV-C augmentent la résistance des plantes face à divers pathogènes, les chercheurs de l’Université d’Avignon Laurent Urban et Jawad Aarrouf déposent un premier brevet en 2015. C’est donc accompagnés par l’Université d’Avignon et la Satt Sud-Est, qu’ils s’associent à Yves Matton, co-fondateur de Technofounders, pour créer ensemble UV boosting en 2016.

Réduire la dépendance aux produits fongicides

Cette technologie innovante consiste à stimuler les défenses naturelles de la plante grâce aux flashs UV-C, provoquant le déclenchement d’un mécanisme de défense avant même l’apparition d’un pathogène : la plante est ainsi plus résistante et les dégâts du pathogène sont limités. Les équipements proposés ont divers avantages et permettent notamment une cadence de traitement flexible, s’adaptent à l’’essentiel des engins agricoles standards et ne nécessitent pas de consommable.

Sécuriser les récoltes

Cette solution pour lutter contre les champignons qui contaminent la vigne, permet de réduire de 30 à 60 % l’usage des pesticides. Elle aide les viticulteurs à anticiper les réglementations et à sécuriser les récoltes en biologique tout en répondant aux nouvelles attentes des consommateurs. Enfin, Hélios, c’est son nom, peut être utilisé quelle que soit la météo, et n’entraîne aucun phénomène de résistance de la plante. 

UV boosting participera à la journée portes ouvertes organisée le 9 juin par KRD équipements. Frederick Breysse et Nicolas Pascouau seront sur place pour présenter les diverses solutions. Pour vous inscrire, cliquez ici.


‘Vertical combat’ : la mobilisation d’une mère pour son fils

Visionnaire, ambitieux et profondément humain : voilà comment définir l’homme qui en quelques mois a projeté la cité des papes au cœur de la recherche scientifique mondiale.

Nommé parmi les chercheurs les plus influents au monde, Farid Chemat s’est lancé il y a 20 ans à la conquête de la chimie verte à base de végétal. L’homme aux multiples casquettes, professeur des universités en chimie, enseignant-chercheur à Avignon université et directeur du Groupe de recherche en eco-extraction des produits Naturels (Green), vient de déposer une candidature auprès de l’Unesco afin de transmettre les résultats de ses recherches au monde entier. Rencontre avec l’un des plus éminents scientifiques de la région, et bien au-delà.

Tout commence en 2009

C’est avec humilité et bienveillance que Farid Chemat évoque son parcours, ses découvertes majeures, ses expériences, mais aussi ses frustrations. En 2006, il crée un groupe de recherche nommé Green : une équipe résolument tournée vers l’international avec pas moins de 7 nationalités différentes et 8 doctorants engagés dans des contrats industriels. Les chercheurs sont animés d’une volonté commune, celle de mettre au service de l’humanité des procédés intelligents et naturels permettant notre subsistance sur le long terme. La renommée internationale du laboratoire est telle qu’elle suscite un jour la curiosité des députées de Vaucluse Brune Poirson et Souad Zitouni qui organisent rapidement une visite au laboratoire.

Au cœur des échanges : l’ambition de l’université de créer un bâtiment dédié à son axe identitaire ‘agro et sciences’, lieu de croisement et de fertilisation de l’enseignement, de la recherche, de l’entrepreneuriat et de l’innovation. « En 2009, j’ai voulu faire une révolution en me tournant vers l’éco-extraction. Tout d’abord pour les problématiques écologiques : pas de solvant, pas d’eau et pas d’énergie, explique le chercheur. Mais cela reste une solution onéreuse en matière d’innovation à breveter, qui rend la compétitivité plus féroce. » A ce jour, plus de 20 brevets ont été déposés par le groupe de recherche de Farid Chemat, permettant de disposer de 20 ans d’avance en matière d’innovation.

Farid Chemat

Agro-alimentaire, cosmétique, parfumerie

L’équipe Green se focalise alors sur l’éco-extraction de produits naturels qui consiste à isoler des composés d’intérêts à partir de ressources naturelles (plantes, fleurs, graines, racines, microalgues, levures, bactéries, etc.), destinés à des domaines variés tels que l’agroalimentaire, la cosmétique ou la parfumerie. La technique est révolutionnaire en ce qu’elle utilise des procédés innovants et des solvants plus respectueux de l’environnement. « L’épuisement des ressources fossiles, le réchauffement de la planète et l’augmentation de la population mondiale représentent les principales transitions que nous devons affronter pour l’avenir de l’humanité, explique le professeur. Les solutions viendront des changements dans la production de nos énergies renouvelables et de nos produits chimiques à partir de nos ressources d’origine végétale. En raison de leur biodiversité, les plantes pourraient être suffisantes en tant que ressources mondiales durables pour des millions d’années pour toute l’humanité ».

L’extraction végétale ? Tout le monde en fait !

Tout le monde fait de l’extraction dans la consommation de tous les jours. Par exemple, lorsque vous faites couler votre café du matin, le mécanisme est exactement celui-ci. Tout le monde connait l’extraction de la lavande ou de huile d’olive, répandue dans la région. Seulement voilà, les procédés d’extraction sont loin d’être ‘éco friendly’. Deux tonnes de roses et plus de 20 tonnes d’eau sont nécessaires pour produire un litre d’huile essentielle de rose. Résultat : 1 990 kilos de plantes sont jetés et 10 fois plus d’eaux usées, quantité faramineuse de déchets à l’ère de l’épuisement des ressources naturelles.

L’enseignant tient à le souligner, il n’a pas la science infuse et ne se targue pas d’avoir trouvé la solution au problème, mais apporte sa pierre à l’édifice que d’autres peuvent compléter. « Nous avons trouvé un procédé qui permet d’extraire l’huile essentielle à partir des plantes fraiches, sans ajouter de l’eau ni du solvant », soutient Farid Chemat. Résultat : la plante reste intacte afin d’être réutilisée dans le cadre de ses autres molécules.

Le professeur aborde alors un deuxième problème majeur, celui de l’industrie agroalimentaire. « Une culture est égale à un produit fini, le reste est jeté. C’est le cas pour le colza, le tournesol ou l’olive. Nous sommes en train de jeter notre alimentation du futur, notre subsistance. Il faut impérativement arrêter cette logique de culture unique qui est selon moi un non-sens. Chaque année en France, l’industrie, mais également les consommateurs, produisent entre 5 et 10 millions de tonnes de déchets végétaux », abonde Farid Chemat.

Virage de l’industrie pour le ‘green

Dénigrée au 20e siècle, l’extraction du naturel a désormais le vent en poupe. La société et les industriels ont fait un virage à 180 degrés, envisageant quelque chose de plus naturel comme solution alternative au pétrole. « L’extraction était un domaine mal aimé au départ mais qui a connu une progression exponentielle. Nous étions ainsi en phase lorsque j’ai créé mon laboratoire. C’est un procédé relativement simple et peu technique. Tous les industriels ont besoin de ça. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois », philosophe le professeur. Seulement voilà, le professeur regrette une naïveté et un manque de formation, le chainon manquant a été oublié. Pour avoir un chercheur confirmé, 20 ans sont nécessaires, la recherche ne se fait pas du jour au lendemain.

Naturex, Airbus ou Arkopharma

Parmi les plus fidèles collaborateurs du laboratoire : Naturex, dont le siège social est à Avignon, est le leader mondial des ingrédients naturels d’origine végétale. L’entreprise offre à ses clients des ingrédients sourcés de façon responsable dans la nature pour les industries agroalimentaire, nutraceutique, et cosmétique. « Nous travaillons depuis 10 ans avec eux. Les colorants, qui étaient auparavant pétrochimiques sont dorénavant naturels. Pour extraire l’antioxydant et le colorant, il n’y a pas mieux que le végétal. Nous travaillons également avec la société Arkopharma pour ses nouveaux produits plus efficaces et plus respectueux de l’environnement dont le procédé a été fait au laboratoire. Nous avons également eu la chance de collaborer avec la société Airbus afin d’extraire l’huile à partir de levure et ainsi fabriquer du bio-kérosène », liste Farid Chemat. Au moins dix contrats de collaboration voient le jour par an avec des entreprises, permettant de financer les thèses des doctorants et post-doctorants.

Membre de l’équipe GREEN présentant l’éco extraction pour le grand public (jeune et moins jeune) lors du souk des sciences à la place de l’horloge Avignon

L’Université d’Avignon, appui moral

« Vous êtes une petite université, comment avez-vous réussi tous ces projets ? », cette rhétorique, Monsieur Chemat en est coutumier. A cela, il réplique par la proximité avec le président qui apporte un soutien moral considérable. La taille de l’université permet également une souplesse et une réactivité des services. Le professeur se réjouit par ailleurs du virage opéré au cours des ateliers pratiques, rendu possible grâce à l’accessibilité du végétal. « J’applique la totalité de mes recherches dans l’enseignement. Il fut un temps ou les étudiants en chimie n’avaient pas le droit de toucher, sentir, gouter ni regarder car c’était toxique. Ils ont maintenant la possibilité de le faire dans le cadre de leur travaux pratiques sur du thym ou du romarin par exemple. Les sens ont une importance capitale dans l’apprentissage », souligne-t-il.

Unesco, transmettre ses découvertes au monde entier

L’équipe Green a déposé une candidature auprès de l’Unesco pour un projet de chaire universitaire en éco-extraction du végétal, dans le cadre de ces activités de partage de connaissances avec les pays du sud. La première sélection a été réussie, l’équipe conduite par Monsieur Chemat est donc en lice pour la décision finale du jury international qui est attendue en janvier 2022.

« Nous souhaitons que le monde entier puisse en profiter. Nous ne souhaitons pas gagner de l’argent, l’Unesco n’offre aucun avantage financier mais un label qui nous permettra de partager nos recherches avec le monde entier », ambitionne Farid Chemat. Le scientifique et son équipe réaliseront alors leur objectif en plusieurs étapes : le partage avec les chercheurs des pays du sud, la mise en place de formations en ligne, la création d’une chaine Youtube exposant toutes les ressources en libre accès ou même une exposition itinérante. « Nous voulons donner et partager à destination de l’éducation, maillon essentiel du développement économique », projette-t-il.

Ressources végétales à profusion dans les pays du Sud

Le label Unesco permettra de rayonner vers l’Afrique, destination prioritaire pour l’Unesco. « Les pays du sud possèdent énormément de ressources végétales, mais ne savent pas les valoriser. Mao Tsé-toung disait : quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner du poisson », philosophe le professeur qui en est convaincu, l’éducation est le pivot central, permettant de sortir de la pauvreté et de créer les machines du futur. Il est à ce titre en relation avec plusieurs centres de recherche : Maroc, Algérie, Tunisie, Madagascar, Côte d’Ivoire, Île Maurice, Grèce, Espagne, Croatie ou Allemagne. Tous ont adhéré au projet.

Trop à l’étroit pour le rayonnement international

Si les contrats industriels tombent régulièrement sur le bureau du professeur, ce dernier déplore un certain manque de moyens et d’appui symbolique de la part de la Région Sud. « Nous sommes quelque peu à l’étroit et je suis contraint de refuser des collaborations industrielles même régionales en raison du manque d’espace de travail, regrette-t-il. J’ai été déjà approché par l’université de Sidney par exemple, qui souhaitait nous offrir un lieu de recherche. Je ressens de la frustration vis-à-vis des problématiques que rencontrent les entreprises et de ne pas pouvoir les aider. »

Selon le professeur, il incombe a la région de faire preuve d’initiative et d’impulser la recherche. « Je demande les moyens pour pouvoir rayonner encore plus. Mon rêve est que la région sud devienne la ‘Green Valley’, dans l’extraction de huiles essentielles, attirant les plus grands groupes dans le domaine de cette chimie du végétal. Cela aurait pourrait représenter 50 000 emplois supplémentaire en Paca », ambitionne-t-il.

A l’échelle régionale, Monsieur Chemat regrette peut-être un manque d’intérêt concernant sur la naturalité. « Il n’y a pas d’action spécifique, par exemple une bourse de thèse régionale dédiée à la Naturalité pour une des universités de la région. Si notre projet est validé par l’Unesco, nous ne serrons pas en mesure d’accueillir toutes les personnes souhaitant se former sur notre site. C’est pleinement frustrant », déplore le scientifique.

6 000 chercheurs font partis des plus cités dans le monde, dont 140 travaillent dans le domaine de l’agriculture. Parmi eux, seulement 4 Français ont été distingués, dont le professeur Farid Chemat. Un travail d’équipe qui s’investit dans une thématique portée depuis plus de 20 ans et née à Avignon. L’équipe Green attend impatiemment la réponse de l’Unesco. Une chose est sure, « label ou pas », les chercheurs débuteront leur projet en septembre 2021.


‘Vertical combat’ : la mobilisation d’une mère pour son fils

Paola Ranzini, professeure des universités en études théâtrales à l’Université d’Avignon, est membre senior de l’Institut universitaire de France (IUF) depuis le 1er octobre 2020 pour les 5 ans à venir.

Professeure des universités à Avignon Université depuis 2003, Paola Ranzini est spécialiste du théâtre. Ses thématiques de recherche portent sur les évolutions des théories et des pratiques de la mise en scène en Europe, les approches et les lectures des classiques sur la scène (interculturalité, transferts culturels), les processus de création et la génétique des spectacles. Dans le cadre de l’IUF, son projet de recherche porte sur la thématique ‘Transferts culturels et génétique des spectacles. Marivaux sur les scènes européennes’. Ce dernier concerne un questionnement qui a accompagné toute sa carrière de chercheuse.

« J’évoque souvent un passage d’Antoine Vitez rappelant que « les œuvres du passé sont des architectures brisées, des galions engloutis et nous les ramenons à la lumière par morceaux, sans jamais les reconstituer » », explique Paola Ranzini. « J’aime penser que mon travail, qui se veut à la fois philologique et historique, consiste précisément à ramener à la lumière des morceaux de galions engloutis, tout en étant consciente que je ne pourrai pas les reconstituer, mais seulement en donner une image et une interprétation. »

Créé en 1991, L’IUF désigne chaque année des enseignants-chercheurs sélectionnés par un jury international pour la qualité exceptionnelle de leurs recherches. L’IUF a pour mission de favoriser le développement de la recherche de haut niveau dans les universités et de renforcer l’interdisciplinarité, en poursuivant trois objectifs : Encourager les établissements et les enseignants-chercheurs à l’excellence en matière de recherche, Contribuer à la féminisation du secteur de la recherche et assurer une répartition équilibrée de la recherche universitaire dans le pays, et donc à une politique de maillage scientifique du territoire. Pour la promotion 2020, l’IUF a distingué 110 lauréats (40 membres seniors et 70 membres juniors).

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