22 novembre 2024 |

Ecrit par le 22 novembre 2024

Inéligibilité des fichés S : le député de Vaucluse dénonce une élimination des opposants politiques

Alors que la députée LR Virginie Duby-Muller vient de déposer une proposition de loi visant à interdire l’élection des personnes fichées S, Raphaël Arnault, nouveau député de Vaucluse, se sent particulièrement visé par cette mesure et dénonce « une dérive autoritaire » ainsi « qu’une volonté d’éliminer les opposants politiques lors de futures élections ».

Réélue pour un 4e mandat, Virginie Duby-Muller, la députée LR (Les Républicains) de la 4e circonscription de Haute Savoie, vient de déposer une proposition de loi « visant à rendre inéligible les personnes inscrites à la catégorie ‘atteinte à la sûreté de l’Etat’ du fichier des personnes recherchées ». Dans son collimateur, ce que l’on appelle plus communément les ‘fichés S’.

Des questions de sécurité et de sureté nationale ?
« Dans un monde toujours plus violent et instable, il est de la responsabilité du législateur de protéger les institutions de la République afin d’empêcher d’accéder à certaines fonctions politiques des personnes dangereuses et dont les intentions violentes visent à créer les conditions du chaos dans notre pays, explique Virginie Duby-Muller. Il en va du maintien de l’ordre public et de la protection de la sûreté de l’Etat. »
« Les parlementaires en tant qu’élus de la Nation sont amenés à occuper des fonctions spécifiques dans nos institutions politiques et à disposer de pouvoirs qui imposent une grande responsabilité, poursuit la parlementaire. On ne peut que s’interroger sur la pertinence d’autoriser un individu fiché pouvant mettre en péril la sûreté de l’Etat de pouvoir accéder à des informations ou à des lieux sensibles sans préavis et sans limitation de sécurité. Cela pose la question de la sécurité et de la sureté nationale. »

Virginie Duby-Muller, députée LR (Les Républicains) de la 4e circonscription de Haute Savoie, à l’origine de la proposition de loi « visant à rendre inéligible les personnes inscrites à la catégorie ‘atteinte à la sûreté de l’Etat’ du fichier des personnes recherchées ». Crédit : Les Républicains à l’Assemblée nationale

Un agent de sécurité perdra son emploi, pas un député
« Dans le reste de la société, un agent de sécurité perdra son emploi immédiatement pour des raisons de sûreté à partir du moment où il est fiché S, rappelle la députée LR. Pourtant à un poste de responsabilité, tel qu’élu de la Nation, aucun contrôle à priori n’est effectué. Les élections législatives anticipées du 30 juin et du 7 juillet 2024 ont démontré qu’il est possible pour un individu fiché S de se faire élire à la fonction de député. »
Pour éviter cela, la députée haut-savoyarde propose « d’instaurer un ciblage des candidatures aux élections », quel que soit le type de scrutin (scrutin de liste, scrutin binominal ou scrutin uninominal) afin de permettre au préfet de vérifier si le candidat est fiché S lors des déclarations de candidatures. Objectif : avoir la possibilité de la refuser et permettre de la remplacer dans un délai de 24h. En cas de rejet, il sera possible pour le candidat de contester sous 24 h cette décision auprès du tribunal administratif qui aura alors 3 jours pour se prononcer. Sans jugement rendu dans ce délai de 72h, la candidature serait alors validée.

Le député de la 1re circonscription de Vaucluse dans le collimateur
Virginie Duby-Muller ne s’en cache pas, cette proposition de loi cible tout particulièrement Raphaël Arnault, le nouveau député de la 1re circonscription de Vaucluse. Militant antifa lyonnais revendiqué, la candidature de ce dernier avait suscité une levée de bouclier, puis un ralliement à l’occasion du second tour, en raison de son profil d’ultra-gauche et de son passé à la tête de l’organisation antifasciste La Jeune garde dont il est membre fondateur. C’est manifestement à ce titre, qu’il serait fiché S par plusieurs services de police et de renseignements.
Cependant, en général le fiché S ne sait pas qu’il l’est. L’intérêt étant effectivement qu’il l’ignore afin de pouvoir le surveiller plus facilement. De fait, certain candidat le découvrirait lors de leur dépôt de candidature, ou éventuellement lors de leur rejet alors que ce document n’a aucune valeur juridique.

« Un pas de plus dans la dérive autoritaire de la droite française dite ‘républicaine’. »

Raphaël Arnault, député de la 1re circonscription de Vaucluse

« Si cette proposition arrive dans un contexte particulier, certainement liée à mon arrivée à l’Assemblée nationale, elle constitue un pas de plus dans la dérive autoritaire de la droite française dite ‘républicaine’, réagit d’ailleurs Raphaël Arnault. Il s’agit purement et simplement de la volonté d’éliminer leurs opposants politiques lors de futures élections.

 
C’est au titre notamment de son activisme au sein l’organisation antifasciste lyonnaise La Jeune garde dont il est membre fondateur, que Raphaël Arnault serait fiché S par plusieurs services de police et de renseignements en tant que militant de ‘l’ultra-gauche’. Crédit : X/Raphaël Arnault

Un non-sens juridique ?
« Cette proposition de loi est d’abord un non-sens juridique, poursuit le député LFI vauclusien élu sous l’étiquette Nouveau Front Populaire. En droit, seule une condamnation par un tribunal peut empêcher l’exercice d’un droit civique : être candidat à une élection en est un. Or, il est bon de rappeler que la fiche S n’est pas une condamnation par un tribunal. Si l’on se réfère à la commission du Sénat à ce sujet, la fiche S est attribuée de manière arbitraire par les services de renseignements pour ficher une personne. On apprend qu’elle peut être déposée par n’importe quel policier anonymement. Autrement dit, n’importe quel policier pourrait décider d’empêcher n’importe quel militant de se présenter à des élections. Par ailleurs, il existe 16 types de fiche S dont un seul réservé aux terroristes. Aujourd’hui des lycéens qui ont bloqué leur lycée contre Parcursup se voit fiché S, des syndicalistes, des militants écologistes… En clair : des personnes s’opposant aux politiques anti-sociales et anti-écologiques des gouvernements néolibéraux ou encore s’opposant aux violences des milices néo-fascistes. »

Revendiquant son opposition « aux gouvernements néolibéraux » ainsi « qu’aux néo-fascistes », Raphaël Arnault s’est félicité d’avoir voté lors des dernières élections au sein de l’Assemblée sans serrer la main des jeunes élus du Rassemblement national désignés secrétaires pour cette séance. Crédit DR

Pour un moratoire sur le fichage de militants politiques
« Cette proposition de loi est donc un retour en force de l’arbitraire et de l’autoritarisme, insiste Raphaël Arnault. Des personnes que les institutions policières ont décidé de ficher pourraient se voir privées d’un de leur droit de citoyen élémentaire. C’est une atteinte grave à plusieurs libertés fondamentales. Nous ne laisserons pas passer ces attaques liberticides à l’Assemblée. Au contraire, nous proposerons un moratoire sur le fichage de militants politiques. Parce que la démocratie en dépend, les libertés fondamentales doivent être protégées de l’arbitraire des gouvernements. »

3 000 fichés S pour ‘Ultra-gauche’
En France, on comptabiliserait plus de 30 000 personnes fichées S sur les 620 000 individus apparaissant dans les différents fichiers mis à la disposition des forces de sécurité au sein du FPR (Fichier des personnes recherchées), soit respectivement 0,04% et 0,91% de la population.
Au total, une vingtaine de catégories composent ce fichier ou pour certaines il ne s’agit que de surveillance n’entraînant aucune action automatique de coercition à l’encontre d’une personne.
Par exemple, ce fichier est ainsi composé notamment de fichés ‘E’ (police générale des étrangers), ‘IT’ (interdiction du territoire), ‘R’ (opposition à résidence en France), ‘TE’ (opposition à l’entrée en France), ‘AL’ (aliénés), ‘M’ (mineurs fugueurs), ‘V’ (évadés), ‘J’ et ‘PJ’ (recherches de police judiciaire), ‘T’ (débiteurs envers le Trésor) ou bien encore ‘S’ (sûreté de l’Etat)…
En France, selon nos confrères de Libération sur ces 30 000 personnes fichées S, environ 3 000 le seraient pour ‘ultra-gauche’ (0,004% de la population). Dans le même temps, selon le ministre de l’Intérieur près de 10 000 personnes seraient suivies pour leur appartenance à cette mouvance en France.


Inéligibilité des fichés S : le député de Vaucluse dénonce une élimination des opposants politiques

Le gouvernement est dans l’attente du verdict du Conseil constitutionnel, qui doit rendre sa décision sur la loi sanitaire ce jeudi 5 août. Si le feu vert est donné, le texte qui comprend l’extension du pass sanitaire entrera en vigueur lundi 9 août. Dix juristes détaillent les « atteintes à la Commission du projet de loi de Macron. »

Contexte

Le pass sanitaire consiste en la présentation d’une preuve sanitaire : la preuve d’une vaccination, d’un test négatif ou d’un certificat de rétablissement, comme le précise le site du gouvernement. Depuis le 21 juillet 2021, le pass sanitaire est obligatoire pour les lieux de loisirs et de culture rassemblant plus de 50 personnes (salles de spectacle, les parcs d’attractions, les salles de concert, les festivals, les salles de sport, les cinémas…).

Et avec son extension le 9 août, il sera également obligatoire dans les cafés, restaurants, centres commerciaux, hôpitaux, maisons de retraite, établissements médico-sociaux, ainsi que pour les voyages en avion, train et car pour les trajets de longue distance. Sous réserve de la validation par le Conseil constitutionnel.

Dix juristes montent au créneau

Guillaume Drago, François-Xavier Lucas, Stéphane Caporal, Nicolas Sild et Cyrille Dounot sont professeurs. Capucine Augustin, Santiago Muzio, Claire Perret, Jérôme Triomphe et Maxellende de la Bouillerie sont avocats. Pour eux, « le projet de loi anti-covid heurte de manière disproportionnée nombre de libertés fondamentales et encourt à ce titre la censure par le Conseil constitutionnel. »

« Une obligation vaccinale de facto alors que non prévue par la loi »

« Soumettre l’exercice de certaines activités à la présentation d’un passe sanitaire aboutit en pratique à une obligation vaccinale pour le personnel intervenant (travaillant) dans les domaines listés ainsi qu’aux citoyens souhaitant y accéder : en effet, la contrainte représentée par le fait de devoir se rendre toutes les 48 heures dans un centre habilité pour y subir un prélèvement nasal non remboursé à compter de l’automne (environ 27 euros à ce jour pour un test PCR soit 405€ par mois) dans des centres qui seront probablement raréfiés et engorgés (du fait du non-remboursement) constitue une mesure d’effet équivalent à une obligation vaccinale. Cette obligation indirecte, puisque non prescrite par la loi, viole l’article 5 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui énonce que « nul ne peut être contraint à faire ce que la loi n’ordonne pas. » »

Une obligation « inconstitutionnelle »

« L’obligation vaccinale (conséquence du passe sanitaire ou directement par la loi) pour exercer certaines professions viole le droit à l’emploi et le droit de ne pas être lésé en raison de ses opinions ou de ses croyances, protégés par l’alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946 comme par l’article 8 de la Déclaration de 1789 qui garantit la liberté et impose au législateur de n’établir « que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Elle viole également le principe d’égalité, les libertés individuelles, le principe de protection de la santé, le droit à l’intégrité physique et à la dignité, le principe d’égal accès aux emplois publics, le principe de précaution, inscrits dans notre bloc de constitutionnalité. »

« Absence de justification par la nature de la tâche à accomplir »

« Une telle restriction aux droits et libertés individuelles et collectives est inconstitutionnelle car non justifiée par la nature de la tâche à accomplir, non proportionnée au but recherché et injustifiée au regard de l’objet de la loi (Conseil constitutionnel, n° 2018-757 QPC, 25 janvier 2019 ; n° 2001 455-DC, 12 janvier 2002). »

« En effet, si le but recherché avec le passe est de garantir, sur un lieu donné, la seule présence de personnes « protégées » contre le virus SARS-CoV-2, alors les personnes ayant des anticorps devraient bénéficier d’un passe et leur exclusion est discriminatoire. »

« Si le but recherché est de garantir, la seule présence de personnes ne présentant pas un « risque » de transmission du virus pour les autres, alors l’obligation de ce passe constitue une rupture d’égalité injustifiée à l’égard des non-vaccinés par rapport aux vaccinés, puisque les premiers sont contraints de réaliser un dépistage virologique afin de garantir qu’ils ne sont pas porteurs du virus, alors que les seconds sont exemptés de cette obligation alors même qu’ils peuvent être porteurs et contagieux ( Conseil d’État, référés, 1er avril 2021, n°450956 ). » […]

« […] quelle différence entre le personnel intervenant dans des activités de restauration commerciale soumis au passe et celui intervenant dans des activités de restauration collective ou professionnelle routière et ferroviaire qui n’y est pas soumis ? Quelle différence entre le caissier de restauration collective en contact avec de nombreux clients mais non soumis au passe et le cuisinier du petit restaurant de quartier qui ne côtoie pas la clientèle et n’en est pas moins soumis au passe ? […] »

Consentement libre et éclairé et respect de l’intégrité physique

« Tant que les vaccins disponibles sur le territoire français sont toujours en phase 3 d’essai clinique – (jusqu’au 27 octobre 2022 pour Moderna et au 2 mai 2023 pour Pfizer), il s’agit de médicaments expérimentaux utilisés dans un essai clinique (Directive 2001/20/CE, 4 avril2001, art. 2, d). Le nombre de vaccins administrés ne change pas cette qualification juridique. L’Agence européenne du médicament n’a délivré qu’une autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle, l’AMM non conditionnelle ne pouvant intervenir qu’à l’issue des essais cliniques (Règlement CE n°726/2004, 31 mars 2004, art. 6). Or, un vaccin en phase 3 ne peut s’adresser qu’à des volontaires donnant un consentement libre et éclairé (Art. L. 1122-1-1, Code de la santé publique ; Directive 2001/20/CE ; Code de Nuremberg de 1947). L’obligation porte donc atteinte au droit au respect de l’intégrité physique. »

Droit à la formation professionnelle

« L’obligation vaccinale des étudiants de certaines filières viole le droit à la formation professionnelle protégé par l’alinéa 13 du Préambule de la Constitution de 1946. Elle est d’autant plus disproportionnée que les jeunes ne sont pas une population fragile et ne courent pas de risque particulier de mourir de la Covid 19, sans compter la balance bénéfice-risque en défaveur du vaccin dans leur cas. Bien plus, cette obligation s’impose alors même que les étudiants ne seraient pas en contact avec des personnes vulnérables. »

Liberté d’aller et venir, égalité, protection de la santé

« L’exigence d’un passe pour accéder à certains lieux, ou services viole la liberté d’aller et venir, le principe d’égalité, la protection de la santé et le droit aux loisirs (articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946). Les contraintes fortes imposées à ceux qui ne présenteraient pas un passe ne respectent pas le principe de proportionnalité (nécessité, adaptation, proportionnalité proprement dite), et ne sont pas justifiées par l’objectif visé. »

« En outre, la violation du principe constitutionnel de garantie de la santé est patente du fait qu’une personne ne pourra recevoir des soins programmés que si elle (et également ses parents si elle est mineure) présente(nt) un passe sanitaire. De même, l’interdiction de visite à une personne accueillie en établissement de santé ou médico-social viole ce principe de garantie de la santé qui est, selon l’OMS, « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. ». Or, la solitude, plus encore de personnes fragilisées, met en péril leur santé psychique. »

« Incompétence inconstitutionnelle du législateur »

« Enfin en délégant au préfet la possibilité d’imposer un passe sanitaire pour accéder aux grands magasins, centres commerciaux et aux moyens de transport (métro, RER, bus !), le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence, violant l’article 34 de la Constitution. Nous appelons le Conseil constitutionnel à assumer pleinement ses responsabilités pour que soit respecté l’état de droit. »

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