Le Théâtre du Chêne noir propose 14 spectacles. « Cette édition signe le retour à la normale assure Julien Gélas, le directeur du Chêne noir. Une fois la programmation faite, je me suis rendu compte que deux thèmes majeurs émergeaient : l’amour et la guerre. Des thématiques qui résonnent avec l’actualité, car, aujourd’hui nous nous trouvons encore dans une logique de guerre, de confrontation, au niveau international. Qu’est-ce-qui fait qu’on tienne plus à la liberté qu’à la volonté de puissance ?«
Le théâtre était archi-plein lors de ce dimanche 3 juillet où le soleil écrasait la ville sous une chaleur sans souffle. Il n’y avait pas un chat dans la rue hormis les aficionados du théâtre du Chêne noir et aussi quelques voitures et transits perdus à la recherche d’une adresse, d’une location, dans les boyaux étroit de la ville médiévale.
La salle s’est très vite remplie. Alors que le public bruissait à peine, face à la scène, une table depuis laquelle Julien Gélas annonçait le programme et où metteurs-en-scène et comédiens prenaient chacun à leur tour, la parole. Certains étaient diserts, d’autres plus synthétiques, ou encore graves ou bien légers et plein d’humour. Ils portaient le bermuda, la casquette, quand d’autres arboraient de chics ensembles sable. Il régnait un esprit de famille heureuse de se retrouver dans sa maison de campagne.
Et puis il y a cette sensation d’un retournement
Car la scène, avec ses chaises et ses artistes en se remplissant, ressemblait finalement à la salle d’un théâtre qui regarde une scène emplie de spectateurs. D’ailleurs ils étaient quelques-uns, comédiens, écrivains à scruter le public, à étendre leurs tentacules invisibles pour collecter ambiance, impressions, guettant les plus fugaces réactions. A ce moment peu de gens arboraient de masque, alors comédiens et metteurs-en-scène voulaient encore pouvoir décrypter les visages.
Le programme, qu’en penser ?
On y fera sans doute de belles découvertes. Il y aura déjà les pièces vues cet hiver alors qu’elles n’étaient pas encore tout à fait rodées mais déjà bien maîtrisées laissant surgir émotions et mises-en-scène efficaces sans parler du soin apporté à d’ingénieux décors.
Ce qu’on a vu cet hiver
Nous avions déjà écrit sur ces trois pièces dont vous pourrez retrouver les critiques en cliquant sur les titres : ‘Les chaises’ d’Eugène Ionesco. La création fut portée au cœur même du Covid «Le spectacle évoque l’amour, la fin de vie, la disparition, la perte de la mémoire. Si ces thèmes ne sont pas joyeux Ionesco les traite sous la forme de farce avec beaucoup d’humour et de dynamisme », relatait Renaud Gillier, le metteur-en-scène et comédien. Il est le formidable orateur dans les Chaises…
Salle John Coltrane. 10h15. Du 7 au 30 juillet. Relâche les 11, 18 et 25 juillet.
‘Lettres à un ami Allemand’ d’Albert Camus
«C’est un défi et un magnifique texte pour ce qu’il dit de nous, de ce que nous vivons, de l’histoire de humanité qui ne fait que se répéter,» soulignait Julien Gélas. «A un certain âge on a envie de faire des choses essentielles. Un moment fort à partager,» relatait Didier Flamand qui interprète le texte.
Lettres à un ami allemand. Salle Léo Ferré. 11h45. Du 7 au 30 juillet. Relâche les 11, 18 et 25 juillet.
‘Le Jeu du Président’ de Julien Gélas
«J’ai écrit ce texte pendant le confinement, se souvient Julien Gélas. J’étais fasciné par le début de quinquennat d’Emmanuel Macron. J’observais que tout ou presque était théâtral. Une matière formidable pour composer un drame contemporain. Je me suis inspiré des crises des gilets jaunes, du Covid, de la manière dont Emmanuel Macron s’était emparé du pouvoir et de la politique -ce qui m’a rappelé beaucoup d’illustres personnages-. J’ai imaginé un personnage étrange, un conseiller occulte, Vicien, qui serait à la fois la mauvaise conscience et la conscience humaniste et désespérée de ce président. L’idée de Vicien ? Mener le président à sa perte en exacerbant tous ses défauts. Une inspiration de ‘Le roi s’amuse’ de Victor Hugo.»
Le Jeu du président. Salle Léo Ferré. 17h15. Du 7 au 30 juillet. Relâche les 11, 18 et 25 juillet.
La servante de Proust de Georges Belmont
«Céleste Albaret –la femme du chauffeur du grand auteur- fut la gouvernante et la seule confidente de Marcel Proust, indiquait Arnaud Bertrand le metteur-en-scène. Elle se met à son service alors que la guerre de 1914-18 éclate. Elle arrive de Lozère et sait à peine lire et écrire. Alors que ces deux êtres n’avaient rien en commun –elle la campagnarde, lui le dandy mondain à la culture encyclopédique- une solide relation va les lier. Agée de 82 ans Céleste décide d’écrire cette fabuleuse relation.
Salle John Coltrane. 17h35. Du 7 au 30 juillet. Relâche les 11, 18 et 25 juillet.
Les nouveautés ?
Il y aura ‘Blanche Neige et les sept nains’, des frères Grimm, un spectacle jeunes enfants –nominé aux Molière- réalisé avec beaucoup de fougue et de moyens techniques sur le plateau », annonce Julien Gélas. Le spectacle fera la part belle à la musique, à la poésie, des hologrammes et du mapping.
Blanche neige et les 7 nains. Salle Léo Ferré. 9h45 du 7 au 31 juillet. Relâche les 11, 18 et 25 juillet.
‘L’Arlésienne’ d’Alphonse Daudet
dont tous les personnages seront interprétés par l’acteur et metteur-en-scène Daniel Mesguich qui commente de sa belle voix profonde : «Alphonse Daudet est le plus grand des acteurs mineurs avec une Arlésienne écrite de main de maître, une histoire implacablement structurée, mathématique. J’avais envie de faire le conteur tout en jouant la pièce. J’interprète tous les personnages : le vieux berger Balthazar, le jeune héros Frédéri, le gardian… La pièce de théâtre a été inspirée à Alphonse Daudet par le neveu de Frédéric Mistral qui s’était suicidé. Sa particularité ? Elle fût accompagnée, en son temps, par la musique de Georges Bizet qui devint célèbre par la suite.
L’Arlésienne. Salle John Coltrane. 10h15. Du 7 au 30 juillet. Relâche les 11, 18 et 25 juillet.
‘Fabien’ de Marcel Pagnol
Sera donné, sur scène, par 9 comédiens. Marcel Pagnol a eu l’idée du texte en parcourant la Foire du Trône. Elle fut sa dernière pièce de théâtre et jouée, pour la dernière fois, en 1956. Sans doute à cause du sujet abordé. Au départ ? Le cirque et le théâtre forain : un monde artisanal, de la magie, des clowns et des monstres. Le thème ? Les violences psychologiques conjugales dans un foyer au cœur du cirque. «J’ai cherché à faire rire le public à travers ce drame, parce que je suis convaincu que le rire ouvre les esprits et l’on peut faire passer plus de messages ainsi, explique Marc Pistolesi le metteur-en-scène. Je n’ai pas voulu dénoncer mais montrer ce qui se passe dans ce foyer qui vit dans un cirque en balançant le public, comme une femme violentée psychologiquement, par une caresse, deux gifles, une caresse, deux gifles. Elle ne sait jamais sur quel pied danser. Dès que l’on rentre dans le drame, l’on rentre dans le rire et dès que l’on rentre dans le rire, l’on rentre dans le drame. Ça virevolte comme la piste aux étoiles, comme le cirque.
Fabien. Salle Léo Ferré. 13h15. Du 7 au 30 juillet. Relâche les 11, 18 et 25 juillet.
‘Un amour de Blum’
Le saviez-vous ? L’ancien président du Conseil Léon Blum –également écrivain et critique littéraire- fut emprisonné en 1940 par le gouvernement de Vichy puis déporté dans le pavillon de chasse de Himmler à 600 m des murs de Buchenwald puis à Dachau. Une jeune-femme déjà mariée, de 27 ans sa cadette –Jeanne Levylier- qui deviendra sa dernière compagne et 3e épouse, le soutiendra de prison en prison, y compris en camps de concentration et dans la terreur d’être fusillés à tout moment. L’homme politique réunira tous les arguments pour répondre au procès qui lui est fait poussant Philippe Pétain lui-même à ajourner celui-ci afin d’éviter qu’un regain de popularité ne mette Blum à l’affiche. Le couple sera finalement sauvé par l’armée américaine et les francs-tireurs italiens. Ce que raconte la pièce ? Cette mystérieuse et improbable histoire d’amour au milieu de l’horreur. «Elle est jeune et solaire, il a 27 ans de plus qu’elle et est l’ami de grands auteurs tels que Proust, Gide… Il tombera fou amoureux d’elle.» raconte le metteur-en-scène Gérard Gélas, précisant que la musique a été concoctée par Julien Gélas.
Un amour de Blum. Salle John Coltrane. 13h30. Du 7 au 30 juillet. Relâche les 11, 18 et 25 juillet.
Changer l’eau des fleurs de Valérie Perrin
«C’est parti d’un voyage entre Paris et Avignon où Caroline Rochefort a lu dans l’avion ‘Changer l’eau des fleurs, relate Salomé Lelouch. L’histoire ? Violette Toussaint vit dans un cimetière dont elle est gardienne, partageant le quotidien des fossoyeurs, des personnes qui se recueillent sur les tombes. Une défunte exige d’être enterrée auprès d’un inconnu. Son fils enquête, » raconte Salomé Lelouch. «Violette célèbre la vie dans un lieu de mort qui parle de la mémoire,» relève Mikaël Chirinian, metteur-en-scène avec Salomé Lelouch.
Changer l’eau des fleurs. Salle Léo Ferré. 15h15. Du 7 au 30 juillet. Relâche les 11, 18 et 25 juillet.
La délicatesse
C’est au départ un roman de David Foenkinos. « Je voulais faire de ce texte un parcours initiatique. «Phase 1 : On cherche à avoir l’idéal, lorsqu’on l’atteint on le perd, il meurt, affirme Thierry Surace, le metteur-en-scène. Phase 2 : La meurtrissure, le repli sur soi, la victimisation et finalement le combat pour survivre ou pour apprendre à vivre. Phase 3 : Accepter la laideur des choses pour prendre le monde dans sa globalité et de ce fait, pouvoir trouver le bonheur. L’idée ? Que le spectateur suive ce cheminement. Vous ne sortirez pas grandi, mais, j’espère épanoui et content d’avoir entendu un beau texte mis, malgré lui, au théâtre.»
La délicatesse. Salle John Coltrane. Du 7 au 30 juillet. Relâche les 11, 18 et 25 juillet.
Les passagers de Frédéric Krivine
«Une femme, commerçante Palestinienne, est convoquée par la Police pour recueillir son témoignage sur un attentat à la bombe survenu dans un bus après qu’elle en soit descendu. Ce fait divers a eu lieu en Israël, détaille Julien Gélas et la jeune-femme en a été accusée. Au départ l’interrogatoire plutôt neutre met au jour l’idéologie de la femme. Ce thriller, cette réflexion très minutieuse, dissèque les motivations, les événements qui font que l’on passe à l’acte, que l’on essaie de se révolter, détaillant les tenants et aboutissements. Finalement pourquoi passe-ton de l’esprit au crime ?»
Les passagers. Salle John Coltrane. 19h30. Du 7 au 31 juillet. Relâche les 11, 18 et 25 juillet.
Fleurs de soleil de Simon Wiesenthal
«L’histoire se passe durant la 2e guerre mondiale. Un cas de conscience qui parle du pardon », relate lors d’une vidéo Thierry Lhermitte dans ce seul-en-scène. Simon Wiesenthal a passé sa vie à poursuivre les nazis, hanté par l’assassinat de millions de juifs innocents et d’autres comme les handicapés, les homosexuels, les gens du voyage, les résistants… Arrive le moment où il recueille les confessions d’un jeune soldat nazi, Karl, qui lui narre une scène terrible. Se pose alors la question du pardon. Peut-on accorder soi-même la rédemption au nom d’autres victimes ? Arrêté en 1941 Simon Wiesenthal sera interné dans 5 camps de concentration. Il sera libéré lors de l’invasion soviétique.
Fleurs de soleil. Salle Léo ferré. 19h55. Du 7 au 30 juillet. Relâche les 11, 18 et 25 juillet.
Le temps des trompettes de Félicien Chauveau
«ici l’on aborde les 36 premières années de Jean-Baptiste Poquelin dit Molière en faisant écho au monde contemporain, raconte Félicien Chauveau, metteur-en-scène, auteur et comédien. En tant que directeur de troupe j’ai trouvé, dans le temps des trompettes, des correspondances avec ma propre vie : Aller frapper à la porte des princes, chercher des aides à droite et à gauche, des protecteurs, connaitre des déboires, beaucoup voyager.»
Le temps des trompettes. Salle John Coltrane. 21h20. Du 7 au 30 juillet. Relâche les 11, 18 et 25 juillet.
Andromaque de Racine
«Il est question de l’héritage des crimes des parents, détaille Robin Renucci en vidéo. Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque qui aime son défunt époux Hector pour défendre la vie de son fils, Astyanax. C’est aussi une histoire de guerre, de guerriers, de dette de guerre, et du poids de la guerre chez les enfants. Cela nous touche particulièrement dans le contexte que nous vivons. On retrouve chez Racine souvent 8 personnages, 4 points cardinaux, 4 espaces et un spectacle en diagonale. On parle des parents, des Dieux, des humains. C’est une façon mathématique de raconter une histoire.»
Andromaque. Salle John Coltrane. 21h30. Du 7 au 17 juillet. Relâche le 11 juillet.
Fragments de Hannah Arendt
«Bérengère Warluzel s’est prise de passion pour Hannah Arendt, révèle Charles Berling, m’apportant, pendant le Covid, un assemblage de textes, des fragments tirés de beaucoup de ses œuvres. Le défi ? Trouver l’émotion profonde et donc théâtrale de ce qu’elle raconte. La question ? Comment partager ensemble cette pensée, cette lucidité et cette foi –dans l’être humain- qui nous réveille dans toutes les dimensions qui nous réunissent, ce qui fait le bien commun, qu’on est bien ensemble. Nous avons d’ailleurs été saisis de voir le public bouleversé par cette pensée claire, forte quand nous avions joué l’an passé chez Présence Pasteur. Nous avons réalisé deux versions. L’une avec Bérengère Warluzel seule en scène et l’autre avec ses enfants adolescents : Romane, Isaure, Guilad, et Ariel Oren pour montrer que ces textes sont abordables par tous.»
Fragments. Salle Léo Ferré. 21h30. du 19 au 30 juillet. Relâche le 25 juillet.
Les infos pratiques
Théâtre du Chêne noir. 8 bis, rue Sainte-Catherine à Avignon. 04 90 86 74 87. www.Chenenoir.fr Tous les spectacles ici.