Le groupe Eurenco, fabricant d’explosifs et d’additifs pour carburants destinés aux marchés civils et de la défense, vient d’inaugurer son nouveau siège social situé à Sorgues. Pour la société, qui dispose déjà d’une unité de production historique implantée à quelques centaines de mètres, cette arrivée marque un ancrage encore plus important dans le Vaucluse. Preuve en est, le leader européen des poudres et explosifs s’associe à la CCI de Vaucluse pour ouvrir prochainement une formation pyrotechnie sur le campus consulaire d’Avignon.
Si le transfert du siège social d’Eurenco depuis Massy en région parisienne avait été décidé en 2020, c’est fin mai que le groupe a officialisé cette arrivée. Pour l’occasion, Emmanuel Chiva, Délégué général de l’armement, était aux côtés de Thierry Francou, PDG d’Eurenco pour inaugurer le nouveau siège sorguais s’étendant sur 2 000m2 avec un potentiel d’extension de 1 000m2 supplémentaires.
« Si la décision de s’installer ici a été prise avant le Covid, avec la crise sanitaire il nous a fallu un peu de temps pour nous installer même si nous avons commencé à occuper les locaux depuis 1 an déjà », explique le PDG d’Eurenco.
Priorités aux entreprises locales pour ces travaux de plus de 1M€
Pour cela, l’entreprise a consacré un peu plus de 1M€ afin de réaménager et moderniser pendant 6 mois ces anciens locaux appartenant jusqu’alors à la société Saint-Gobain.
« Toutes les entreprises sélectionnées pour les travaux se situent toutes à moins de 30 kilomètres d’ici », insiste Thierry Francou qui a tenu également à saluer l’accompagnement dont a bénéficier ce projet d’installation de la part de la préfecture de Vaucluse, de la commune de Sorgues et de l’intercommunalité, du Département, de la Région ainsi que de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Vaucluse « alors que le foncier économique manque ».
Pour Eurenco, ce déménagement permet également de se rapprocher d’un de ses sites de production historique que les Vauclusiens connaissent plutôt sous le nom de ‘poudrerie’ ou de SNPE (Société nationale des poudres et des explosifs) dont Thierry Francou a été nommé président depuis quelques mois sur proposition du ministre de l’économie*.
En effet, descendante directe de la ferme des Poudres et Salpêtres créée sous le règne de Louis XIV, la SNPE, dont cette dénomination remonte à 1971, dispose d’une ‘Poudrerie nationale’ implantée à Sorgues depuis 1915 au lieu-dit ‘la Traille’, entre l’ancienne route nationale 7 et le Rhône.
« Ce nouvel environnement de travail au cœur de la Région Sud est également une preuve supplémentaire de notre engagement à renforcer notre ancrage territorial, et vient conclure une nouvelle phase de notre transformation pour faire face aux défis d’aujourd’hui et de demain, se félicite le PDG d’Eurenco. Pour nous, notre ancrage local est déterminant. Nous sommes dans le territoire depuis un siècle et nous y serons encore dans un siècle. »
Un pôle de recherche stratégique
Actuellement, le nouveau siège accueille déjà près de 120 salariés de la direction générale ainsi que l’ensemble des fonctions ‘support’ du groupe (achat, Ressources humaines, finances…). Le site abrite également un centre recherche et de développement regroupant près d’une trentaine de personnes travaillant en étroite collaboration avec les 4 autres sites du groupe implanté à Bergerac ainsi qu’en Belgique et en Suède.
Cette unité de R&D travaille notamment sur des modélisations de simulations ainsi que sur du développement 3D. Ces équipes de recherche (une cinquantaine de personnes pour les 4 sites) élaborent ainsi les meilleures façons d’optimiser la combustion de la poudre.
« Ce qui est important c’est la capacité d’allumage de l’ensemble des grains de poudre situés dans les différentes chambres car c’est ce qui permet de maîtriser la montée en pression et propulser un obus à une quarantaine de kilomètres », explique Alain Tronche, directeur technique d’Eurenco.
Ces modélisations permettent ainsi de comprendre ce qui se passe dans une culasse d’un canon de type Caesar, qui s’illustre actuellement en Ukraine, dont une partie des munitions à charges modulaires sont conditionnées dans l’usine de Sorgues.
« Si on fait trop de ‘grains’, le canon explose car la pression est trop haute, complète Thierry Francou. Si on ne brûle pas assez vite, le projectile ne sort pas suffisamment vite et il va moins loin. C’est très fin et la forme du grain est importante. »
Le laboratoire travaille aussi sur les allumeurs de charge du missile pour Mica anti-aérien. Les ingénieurs d’Eurenco devant notamment maîtriser des vitesses de propagation de l’ordre de 8 000 mètres/seconde. Les poudres d’Eurenco servent aussi à la confection d’obus de mortier, de munitions de gros calibre, de cartouche de chasse…
Vers une économie de guerre ?
« Nous avons la capacité de fabriquer ces matières premières de base, de mettre en forme ces grains et ensuite de les mettre dans des systèmes qui vont aller chez les munitionnaires, complète le PDG d’Eurenco. Nous servons ainsi l’ensemble des munitionnaires européen depuis nos sites. La maitrise d’un produit pyrotechnique en toute sécurité avec une performance donnée c’est une reconnaissance des compétences des équipes d’Eurenco actuellement. »
Cette réorganisation des activités intervient alors qu’avec la guerre en Ukraine, la situation internationale a rappelé durement les réalités des enjeux de souveraineté industrielle en matière de défense.
Ainsi, l’usine de Sorgues, premier employeur industriel de la commune avec 365 salariés, devrait voir sa production d’explosifs à haute performance largement augmenter dans les années à venir. Une ‘remontée en charge’ déjà entamée depuis plusieurs années avec de nombreux investissements, comme notamment en 2021 avec la réalisation d’une station de traitement actif des rejets du site sorguais, qui vise à doubler les capacités de production de ce groupe employant au total près de 1 200 collaborateurs.
Une ré-industrialisation illustrée également par la récente décision d’augmenter la capacité de production de poudres de gros calibre principalement destinées à l’artillerie de 155mm sur le site de Bergerac.
« Aujourd’hui, ces investissements sur l’ensemble des sites nous permettent de monter en capacité, assure Thierry Francou. Mais la problématique ce n’est pas la demande, c’est qu’elle est le bon niveau de réponse et quelles sont les moyens, les compétences et les personnes qu’il faut mettre en place pour atteindre ces objectifs ? » En attendant, le groupe a réalisé une chiffre d’affaires en hausse de +30% en 2022 pour atteindre 300M€.
« Nous devrions aussi enregistrer une augmentation de +30% pour l’année 2023 et atteindre le doublement de notre CA en 2025 comme cela avait été prévu par le groupe, poursuit le PDG d’Eurenco. Nous devrions continuer à croître ensuite. Nous avons des produits phares, très demandés avec une visibilité sur nos marchés jusqu’à quasiment 2030. » De quoi envisager la perspective de réaliser 800M€ de chiffre d’affaires à cette horizon.
Eurenco recrute et lance une formation avec la CCI de Vaucluse
Afin de faire face à ce développement, le groupe entend aussi se donner les moyens humains pour relever ces défis. Ainsi, après avoir lancé en début d’année sa campagne de recrutement des alternants, le leader européen des poudres et explosifs veut encore embaucher. Actuellement, une trentaine de postes sont à pourvoir au sein du groupe dont 18 à Sorgues (11 CDI et 7 alternants).
« Nous avons recruté 300 personnes sur l’ensemble du groupe depuis 2019 et nous allons encore continuer à embaucher, précise Thierry Francou. Nous cherchons des personnes de tous niveaux : opérateurs, techniciens, ingénieurs… »
Afin d’anticiper une partie de ses besoins en personnel, Eurenco, la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Vaucluse et l’association Campus pyrotechnie du futur viennent d’ailleurs de s’associer afin de créer une antenne de cette formation peu répandue au sein du campus de la CCI à Avignon.
Avec cette annonce officielle, qui vient d’être faite au salon du Bourget, l’objectif pour la CCI 84 est de développer son campus qu’elle souhaite renommer ‘Académie Vaucluse Provence’. En effet, si la chambre consulaire vauclusienne offre déjà un répertoire important de formations, elle ambitionne de développer son offre dans le secteur industriel dont ont besoin les entreprises locales.
« C’est un des grands projets de notre mandature : la formation !, insiste Gilbert Marcelli, président de la CCI de Vaucluse. L’Académie Vaucluse Provence accueillera l’ensemble des formations inter-métiers que nous allons construire avec les fédérations professionnelles et les entreprises des territoires de notre Région Sud. C’est un immense honneur de recevoir, en Avignon, au sein de notre campus, les formations dispensées par le Campus pyrotechnie de Bourges. Nous allons travailler main dans la main pour une plus grande réussite de nos entreprises ».
« Cette antenne va nous permettre de renforcer et accélérer la formation des nouveaux arrivants au sein du groupe, confirme Thierry Francou. Dans un marché en forte tension, les formations délivrées pour toutes les catégories de personnels permettront de renforcer notre ADN de pyrotechnicien. »
La formation débutera en novembre prochain
Créé à Bourges en février 2022, le Campus pyrotechnie du futur est spécialisé dans les formations liées aux métiers de la pyrotechnie en s’appuyant sur les entreprises nationales du domaine. Dans ce cadre, l’association entend déployer certaines de ces formations à proximité de sites industriels pyrotechniques afin de répondre au mieux à leurs besoins.
Pour le Campus « la situation géographique d’Avignon répond à cet enjeu compte tenu de la présence d’acteurs majeurs dans la région. »
Par ailleurs, « cet accord de partenariat avec un acteur majeur de la pyrotechnie militaire est la traduction du bien fondé de notre démarche, à vocation nationale, pour diffuser la culture pyrotechnique, ses innovations, en assurer son attractivité et développer ses compétences », complète Gérard Frut, président du Campus pyrotechnie du futur.
La première formation dispensée par l’association sur le campus de la CCI de Vaucluse, au profit des industriels de la région, dont principalement d’Eurenco, aura lieu à partir de novembre 2023. Elle devrait réunir plus d’une vingtaine de personnes pour débuter.
Laurent Garcia
*Depuis le 1er janvier 2023, l’État a pris la totalité du capital de la holding SNPE, qui détient 100% d’Eurenco, sa filiale opérationnelle. Eurenco est ainsi l’entité ‘active’ de la SNPE qui n’a pas de personnel et appartenait auparavant au groupe public Giat Industries, propriétaire du fabricant de blindés et de munitions Nexter qui vient d’ailleurs de fusionner ses marques avec l’Allemand KMW sous la nouvelle bannière KNDS.
Production d’additifs : le site de Sorgues renforcé
Veryone, société du groupe Eurenco, est le leader mondial de la production et de la vente du Nitrate d’éthyle hexyl (NEH). Cet additif chimique améliorant la combustion et réduisant les émissions du carburant diesel, est produit sur deux lignes de production de Sorgues. Tout récemment, Veryone vient d’acquérir les équipements de l’usine d’EPC groupe, un de ses concurrents basé au Royaume-Uni, après que ce dernier a décidé de se désengager de cette activité.
En rapatriant dans le Vaucluse cette partie ‘additifs’, qui représente tout de même un tiers du CA total du groupe, Eurenco va créer 18 emplois (11 CDI et 7 alternants) sur son site de Sorgues qui disposera d’une capacité de production de l’ordre de 80 000 tonnes par an. L’objectif étant, grâce à ses 7 sites de stockage dans le monde (16 000 tonnes de stock au total), de fournir du NEH n’importe où et n’importe quand sur le marché mondial destinés aux grandes compagnies pétrolières et les fabricants de ‘packages’ de performance pour carburants.