19 avril 2025 |

Ecrit par le 19 avril 2025

Avignon met à l’amende les locations saisonnières de courte durée

Paul-Roger Gontard, adjoint au maire d’Avignon, en charge du développement territorial urbain et aux grands projets, entouré de conseillers municipaux, a déclaré la guerre à la propagation des locations saisonnières de courte durée. A partir du 1er janvier 2026, chaque propriétaire devra faire une déclaration de propriété et sera assujetti à un seuil maximum de 90 nuitées par an –contre 120 jours au niveau national- et ne pourra détenir plus de deux propriétés de location de courte durée. Cette disposition devrait être votée lors du prochain conseil municipal. Avignon compte plus de 2 200 locations saisonnières de courte durée, dont le plus grand nombre se situe dans l’hyper centre historique de la Cité papale. Il y en aurait plus de 15 000 en Vaucluse.

Rendez-vous était donné, en milieu de cette semaine, devant le 7 rue d’Annanelle dans l’intramuros d’Avignon, au pied du trottoir du mobilier urbain, une barrière et sur celle-ci deux boîtes à code contenant des clefs de location de courte durée. Voilà, le loup est entré dans la bergerie, ou pire, la lèpre qui désertifie la ville. Autour de Paul-Roger Gontard, Jean-Marc Bluy, ajoint au centre-ville, Joanne Textoris conseillère municipale à la ville-jardin, jardins partagés et parcs naturels urbains ; Fabrice Tocabens délégué à la ville apaisée et respirable ; Laurence Lefevre ajointe à la propreté et à la qualité de vie.

Boite à clefs, Copyright MMH

Un inquiétant constat
«Depuis 2004, une nouvelle loi, désormais, gouverne ce sujet dans notre pays, a commencé Paul-Roger Gontard, adjoint au maire d’Avignon, en charge du développement territorial urbain et aux grands projets. Elle donne la possibilité aux communes de se saisir du sujet et de créer une réglementation spécifique pour chaque ville afin d’encadrer les logements locatifs de courte durée. Si nous sommes une ville touristique, nous sommes aussi une ville avec des habitants qui ont des besoins de logements. Aujourd’hui, ces deux besoins entrent en concurrence or, un chiffre tout simple nous a interpelés : les Airbnb ont doublé en 8 ans dans notre ville.»

A l’origine, un coup de pouce
«Finalement à l’origine et l’essentiel d’Airbnb, était la mise à disposition de son logement, pour pouvoir faire un peu de beurre dans les épinards, resitue Paul-Roger Gontard, mais certainement pas d’en faire une activité économique à part entière, et encore moins d’en faire un dispositif qui fait basculer l’immobilier.»

La location de courte durée, une nouvelle lèpre pour la ville ?
«La principale concentration de ces locations de courte durée figure dans le centre ancien d’Avignon. Ainsi, Avignon a subi, l’an dernier, une baisse de 4% de résidences principales en son centre-ville et une augmentation de 3% de résidences secondaires. Il y a donc bien un glissement de l’un vers l’autre. La location de courte durée devient une activité économique déguisée. Ce glissement conduit à multiplier les logements vacants puisque ces locations de courte durée, empêchent l’installation de résidents occupants qui nourriraient un échange avec la ville tout au long de l’année.»

De gauche à droite Jean-Marc Bluy, Patrice Tocabens, Joanne Textoris et Paul-Roger Gontard

Quand la location saisonnière déconstruit le logement
«Lors de l’achat d’immeuble, l’investisseur va chercher à optimiser l’espace pour le rentabiliser et, donc, ‘fabriquer’ le plus possible de petits logements. Les personnes de passage demandent peu de confort au regard des quelques jours qu’elles y passent, contrairement à celles qui s’y installent à l’année. Donc ce curseur-là est aussi déterminant pour la préservation et la conservation du patrimoine immobilier de la ville. Ces divisions intérieures de logements empêcheront, demain, de faire venir des familles dans le centre ancien.»

Recensement, diagnostic et enjeu
«Nous disposons d’un zonage aujourd’hui, il nous faut avoir une photographie encore plus précise à la rue, à l’immeuble, parce que nous sentons bien qu’il y a une pression, sur une partie de la ville –l’hyper-centre ancien-, à ce sujet, et que cela porte atteinte à l’équilibre de celle-ci, sans parler des dommages causés à l’activité hôtelière ou à la location de résidences de longue durée. Nous avons également calculé que le seuil de rentabilité, pour une location saisonnière, se faisaitt à un peu plus de 90 jours. En abaissant le chiffre de 120 jours –au terme de la Loi nationale- à 90 jours à Avignon, l’objectif serait d’inciter les propriétaires à prendre un locataire à l’année.»

Joanne Textoris Copyright MMH

Témoignages
«Je réside au centre-ville depuis 30 ans, abonde Joanne Textoris, conseillère municipale. Face à ma maison, il y a un petit immeuble qui a été divisé en petits appartements où résident des personnes venues pour 15 jours, un ou deux mois, mais pas davantage. Ce qui veut dire que l’on se prive de bonnes relations de voisinage. On ne se connaît plus. Tisser du lien social avec les voisins devient de plus en plus éphémère. D’abord, parce que les gens du centre-ville vieillissent et disparaissent, et qu’ensuite, il n’y a plus que des gens de passage qui, non plus, ne prennent pas soin de la rue, des lois, qui laissent les poubelles n’importe où se garent n’importe où. Donc c’est un problème qui affecte la vie sociale de tous les jours en centre-ville.»

Laurence Lefevre Copyright MMH

Une question de propreté
«Je suis adjointe à la propriété urbaine, glisse Laurence Lefevre. Donc, je suis souvent interpellée et fais intervenir la brigade de l’environnement pour contrôler les sacs qui sont laissés, gisants, sur le bord du trottoir, de la route… Très souvent, ils gisent à côté d’une boîte à clés. C’est-à-dire qu’il s’agit souvent d’usagers de locations saisonnières de courte durée peu ou pas renseignés sur les horaires de collecte et les points d’apport volontaires. Alors, c’est vrai que ça peut paraître accessoire, mais c’est très important pour le cadre de vie des Avignonnais. Cela participe à l’accueil qu’ils ont également d’Airbnb, qui s’est considérablement développé. Je milite pour que ces dispositifs dispensent les informations pratiques, afin que les visiteurs s’adaptent à notre ville, et non pas la ville à Airbnb. C’est très important, parce que les riverains, eux, demeurent ici toute l’année et sont acteurs qui participent au dynamisme de la ville. C’est la raison pour laquelle  les loueurs seront sensibilisés à dispenser les informations nécessaires à leurs locataires.» 

L’arme du crime
«Nous avons d’importants signalements de citoyens et d’élus qui marchent dans la ville et voient de trop nombreuses boîtes à clefs, reprend Paul-Roger Gontard. Ici, ces deux boîtes sont accrochées, sans autorisation, sur le domaine public. D’autres sont apposées sur des façades alors qu’il faut une autorisation de la copropriété. Il faut que cela cesse, conclut Pierre-Roger Gontard, qui appose sur chaque boite une étiquette datée. Si dans 15 jours les boites ne sont pas retirées du mobilier urbain, elles seront coupées et remises aux objets perdus.

Les chiffres de la location saisonnière
En 2022, près de 23 millions de nuitées ont été passées en Provence-Alpes-Côte d’Azur via des plateformes en ligne. C’est le chiffre le plus élevé de France. La France est d’ailleurs le pays de l’Union Européenne qui totalise le plus grand nombre de nuitées de ce type d’hébergement : Airbnb, Booking, Expedia Group et Tripadvisor. La moitié de ces réservations se fait en période estivale. Ce volume de fréquentation est du même ordre de grandeur que la totalité des nuitées passées dans les hôtels classiques, Paca ne se classant que 3e derrière l’Ile-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes. Airbnb totalisait plus de 660 000 annonces de locations de courte durée en France en 2023 (source : INSEE).

Taxe de séjour, ce que touche le Vaucluse
En 2021, Airbnb avait reversé 400 000€ de taxes de séjour à Avignon et 570 000€ en 2022 ;150 000€ pour l’Isle-sur-la-Sorgue, 100 000€ pour Gordes ; 50 000€ pour Apt et 50 000€ pour Cavaillon. Au total, Airbnb a versé plus de 148M€ de taxes de séjours aux communes françaises. Un volume en croissance de 60% en 2022 par rapport à 2021.


Avignon met à l’amende les locations saisonnières de courte durée

Avignon vient de publier un livret intitulé ‘Avignon, habiter la ville de demain’ comme une introduction facilitée au PLU, Plan local d’urbanisme. Un digest, présenté par Paul-Roger Gontard, adjoint au développement territorial et urbain, pour dire ce que la Ville veut : 6 500 nouveaux logements dans les 10 prochaines années et comme ça gagner du temps. La condition d’acceptation des permis de construire ? Des habitats de belle qualité, confortables et spacieux financièrement accessibles, dans un environnement agréable à vivre.

Anne-Lise Maicherac, Ingrid Hautefeuille, Jean-Baptiste Martin et Paul-Roger Gontard Copyright MMH

L’ambition ? 6 500 logements de bonne qualité alors que sont menées de grandes opérations d’aménagements déjà fléchées comme le Nouveau programme de renouvellement urbain, l’Ecoquartier Joly-Jean, le quartier durable méditerranéen de Bel Air et le quartier métropolitain d’Avignon-Confluence. La feuille de route ? Des logements individuels et collectifs accessibles et durables avec une réelle qualité d’usage.

La mission ?

Retenir les jeunes familles propriétaires occupantes. Pourquoi ? Parce qu’elles fuient Avignon pour en gagner la périphérie. En cause ? L’absence, en ville papale, de propositions intéressantes tant du point de vue de la qualité de se loger, que d’un environnement séduisant, le tout à prix raisonnable. L’autre défi ? Concevoir des habitats confortables toute l’année, particulièrement lorsque l’on habite le Sud et en temps de réchauffement climatique.

Copyright Ville d’Avignon

C’est dire l’importance de l’habitat
mais aussi de sa mixité, des commerces, de la qualité des voieries, de la ponctuation de l’espace par des espaces végétalisés et aussi l’accès à de vastes espaces naturels. Si les espaces extérieures revêtent autant d’importance c’est que le confinement est passé par là mais aussi et surtout par ce que la température grimpe de plus en plus en installant la canicule durablement, peut-être 4 semaines durant à l’horizon 2050.

En face de nous
Pour nous expliquer tout cela, Paul-Roger Gontard, avocat de métier mais surtout adjoint au maire, délégué du développement territorial et urbain et aux grands projets et aussi Conseiller communautaire du Grand Avignon. Pour présenter le fascicule de 48 pages, il est entouré d’ Anne-Lise Maicherak directrice d’études planification et projet urbain de l’Aurav (Agence urbaine Rhône-Avignon-Vaucluse ; d’Ingrid Hautefeuille –une ancienne de l’Aurav-et Jean-Baptiste Martin respectivement directrice de projets et Directeur de l’urbanisme, de l’habitat et de l’écologie urbaine de la Ville d’Avignon, ingénieur en chef.

Le principe ? Gagner du temps
‘Avignon habiter la ville de demain’ vient en complément du PLU (Plan local d’urbanisme) pour en détailler les principaux axes et surtout pour en diffuser l’ambition. Auprès de qui ? Des promoteurs, architectes, acteurs de la construction de la Ville pour de futurs logements qualitatifs.

Ce qui est mis en exergue ?
Les 4 niveaux échelles du projet visant l’intégration du projet dans la commune, puis dans le quartier, surtout la qualité de l’intervention allant jusqu’aux détails de la construction.

Copyright Ville d’Avignon

D’où proviennent les freins ?
De la hausse des prix du foncier depuis plusieurs décennies et d’une Loi Zan, zéro artificialisation nette qui contribue –malgré elle- à cette hausse. Hors l’argent que l’on met dans le foncier manque cruellement à la construction, qui fait elle-même face l’augmentation des matériaux. « Une étude du cabinet Adéquation que nous avons diligenté observe que, dans les décennies précédentes des programmes se sont développés qui n’étaient pas en adéquation avec le besoin des familles avignonnaises ni avec les évolutions environnementales du territoire, relève Paul-Roger Gontard. Il s’agissait de typologie de logements relativement uniformes, de faible dimension, souvent de trop petits logements. Ce qui a conduit les 30-35 ans, une tranche de vie où la famille s’agrandit, où les revenus se font plus confortables, à partir d’Avignon pour gagner la périphérie, parce qu’ils ne trouvaient pas les logements répondant à leur demande, à Avignon.»

En conséquence ?
«Nous perdons des foyers avignonnais alors que nous continuons à gagner des jeunes de moins de 30 ans ainsi que des plus de 55 ans, parce que la ville demeure économiquement attractive. Résultat ? Un tiers des personnes qui travaillent à Avignon y habitent. Nous vivons donc un flux de déplacements pendulaires quotidien. C’est une perte de temps, cela génère des frais de déplacements.»

Très concrètement
«‘Avignon, habiter la Ville de demain’ est un guide pédagogique qui entre dans les détails de typologies de logements, de surfaces, de nombre de m2 limitatifs en surface, non pas à la baisse mais à la hausse couplée à une hauteur de plafond à 2,70m, ainsi que l’adjonction d’espaces extérieurs. Nous prenons en compte le réchauffement climatique pour lequel nous prévoyons plus de 4 degrés en moyenne en été et 4 semaines de canicules à l’horizon 2050. Cela influera les nouvelles constructions à la faveur d’un retour à des logements traversant où l’on pourra faire circuler l’air. Le patrimoine végétal existant sera aussi préservé, les constructions devant tenir compte des arbres déjà existants.»

De nouvelles façons d’habiter
«Nous recevons de plus en plus de demandes d’habitats tels que l’habitat participatif (concevoir, créer gérer collectivement un habitat), intergénérationnel (étudiants, familles et personnes âgées), le béguinage (pour personnes âgée autonomes), le co-living (mélange de résidence étudiante, coworking et hôtel) et l’atelier-logement (artisans, micro entreprises, professions libérales locataires bénéficiant d’un logement avec un espace de travail). Il existe également des logements modulables et évolutifs qui disposent d’une pièce supplémentaire qui peut glisser d’un logement à l’autre pour être utilisée temporairement, à l’occasion de la visite d’amis ou de la famille par l’un des logements contigus et selon la réservation au préalable de cet espace. Les rez-de-chaussée de collectifs pourraient passer initialement du stationnement à des commerces en anticipant les normes de construction et les gaines techniques pour de futurs changements d’usages.»

Copyright Ville d’Avignon

L’exigence ?
«Le territoire a besoin de 6 500 logements à 10 ans, réaffirme Paul-Roger Gontard. Près de 1 000 sont actuellement actés. Nous avions besoin de transparence sur les exigences de la Ville, notamment auprès des porteurs de projet pour expliquer aussi qu’on ne joue plus au Monopoli à Avignon. Pourquoi on ne vient plus chercher un prix de foncier qui a explosé ces dernières années. Si celui-ci continue de croître nous ne pourrons plus tenir des exigences de qualité dans les espaces habitables de demain. Ce que nous proposons ? Une relation public-privé et partenariale relativement efficace. Avec ce document, nous invitons les porteurs de projets immobiliers à venir nous voir avant l’achat des terrains et avec leur dossier afin de tout caler en amont. Et en cas de foncier au prix anormalement élevé ? Cela pourrait passer par l’EPF (Etablissement public foncier).»

Notre préoccupation ?
«Rééquilibrer un déséquilibre qui s’est installé dans le temps et que l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) a pointé du doigt pas plus tard que ce début novembre, évoquant de la ségrégation sociale, à l’échelle du Grand Avignon comme nulle part ailleurs en France ou presque. On s’est trouvé pointé du doigt sur l’évolution des populations à l’échelle du neuf urbain, comme étant le territoire, avec Marseille, où l’on a le plus rassemblé, dans des espaces communs, des populations de même identité, ou de similitude sociale. Alors que nous portons exactement le processus contraire.»

Ce qu’on veut ?
«C’est de la mixité. Alors oui, forcément, quand on a une ville qui a aujourd’hui un taux de pauvreté de 33% et qui porte 80% du logement social du Grand Avignon, l’effort portera sur des logements qui accueillent des familles, des foyers qui ont un peu plus de moyens et qui sont justement les familles qui quittent Avignon. Pas parce qu’ils n’ont pas envie d’y vivre, mais parce qu’ils ne trouvent pas les logements.»

Les infos pratiques
‘Avignon, habiter la ville de demain, une coopération public-privé pour faire évoluer nos pratiques’. Le guide de la Ville d’Avignon a été coréalisé avec l’Aurav (Agence d’urbanisme Rhône Avignon Vaucluse) en collaboration avec le CAUE (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement), le Grand Avignon, Citadis et l’Etablissement Public Foncier. Les Ateliers Saint-Bénezet, rencontres de professionnels de la construction et de l’aménagement face aux bouleversements climatiques.

Les sources
Plan local d’urbanisme d’Avignon, Avignon 2030 Inventer la ville de demain, les chiffres ici. ‘Habiter la Ville de demain’

https://echodumardi.com/tag/paul-roger-gontard/   1/1