3 juillet 2024 |

Ecrit par le 3 juillet 2024

L’œnotourisme pour partir à la reconquête des consommateurs

C’est une réalité difficile à entendre et à comprendre. Dans notre pays, la consommation de vin ne cesse de décroître depuis de nombreuses années. Dans ce domaine, les vins des Côtes-du-Rhône ne sont pas les mieux protégés. En réponse, la filière vinicole de la vallée du Rhône déploie de multiples actions et parmi elles, le soutien au développement de l’œnotourisme. Une stratégie des petits pas qui pourrait à long terme s’avérer payante.

Le vin n’est vraiment pas un breuvage comme les autres. Il est chargé d’histoire et de symboles. Pas moins de trois dieux (un égyptien : Osiris et deux grecques : Bacchus et Dionysos) l’ont consacré. Qui dit mieux ? Dans les religions judéo chrétiennes le vin est un symbole important : « le sang du christ », « le vin, fruit de la terre et du travail des hommes… ».

Le vignoble présente aussi cette spécificité d’avoir redessiné, et plutôt de belle manière, les paysages de nos campagnes. Mais, surtout le vin est une activité qui crée de la richesse et porte économiquement beaucoup de régions. Que serait la Champagne sans son vin qui lui a emprunté son nom ? On pourrait presque en dire autant pour la vallée du Rhône. Mais ce n’est pas tout. Depuis quelques années, le vin est aussi devenu un objet de tourisme avec toute une activité économique qui s’y rattache.

Tourisme viticole, Route des Vins, juillet 2009 © Christophe Grilhe

Les Côtes-du-rhône revendiquent d’en avoir été les pionniers en France

Chaque année, en France, ils sont plus de 10 millions à venir visiter un vignoble, un caveau, ou à assister à des fêtes ou manifestations liées au vin. Née en Californie, dans les années 70, l’œnotourisme débarque en Europe dans les années 80. Les Côtes-du-rhône revendiquent d’ailleurs d’en avoir été les pionniers en France. Soit. Dans notre pays, plus de 11 000 caves sont ouvertes à la visite. On estime le CA généré à 5,2 milliards d’euros. Les choses sont sérieuses. Un Conseil Supérieur de l’Œnotourisme a été créé en 2009. Atout France, l’agence d’attractivité touristique nationale, développe un plan d’actions à l’international. Normal, 42 % des 10 millions de visiteurs sont étrangers. Une chair universitaire a été créée, des formations spécifiques ont été mises en œuvre. Un label a été créé : « Vignobles et découvertes »… Bref, un vrai secteur économique à lui tout seul.

Cave de Clairmont © Jeff HABOURDIN L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

Avant, il y avait les fêtes votives, maintenant il y a les fêtes du vin

Partout en France, le nombre d’événements organisés autour du vin se développe de manière exponentielle. Dans la vallée du Rhône, 475 domaines viticoles et 310 structures accueillantes s’ouvrent à l’œnotourisme et 11 destinations ont été labélisées. Dans un premier temps, ce sont les ventes dans les domaines qui se sont développées. Assez stables, elle représentent, dans la vallée du Rhône, environ 10 % du CA des ventes de vins. Ensuite des activités annexes ont été créées, comme l’organisation d’événements festifs dans les domaines. Certains sont même allés plus loin avec la création de lieux de restauration, d’hébergement, de salles de séminaires… L’association Inter Rhône, qui impulse au développement de cette nouvelle forme de tourisme, a recensé à plus de 300 le nombre des manifestations organisées pendant l’année. Durant les mois d’été, on passe la vitesse supérieure.

CAVE DE TAIN © Terres de Syrah

Portes-ouvertes, week-end dégustations, randonnées gourmandes, BBQ géants, concerts d’opéra ou de jazz, balades en gyropode, expositions artistiques, brunchs dansants, visites culturelles… l’offre est aussi large que les appellations. Et c’est sans compter avec les manifestations de villages, où l’on fête l’arrivée de l’été, du rosé, des vendanges…

Tous les prétextes sont bons et le public est au rendez-vous. Avant, il y avait les fêtes votives, maintenant il y a les fêtes du vin ! Elles se sont inscrites dans le calendrier des manifestations culturelles au même titre que certains festivals. Incontournables autant pour les touristes que les résidents. Ces événements se sont imposés comme culturels et patrimoniaux. Trop fort !

Philippe Pellaton, Président d’Inter Rhone ©Clement Puig

Philippe Pellaton, Président de l’association Inter Rhône : « nous avons le vin, les paysages, nous devons aussi proposer des expériences à vivre… »

Pour Philippe Pellaton, Président de l’association Inter Rhône, « l’œnotourisme est avant tout un moyen de communication, un outil de proximité avec les consommateurs ». Mais faire découvrir les vins (et les faire acheter), n’est pas la seule fonction de l’œnotourisme, c’est aussi un outil marketing plus qu’intéressant. En effet, si 90 % de la vente de vin est concédé à des tiers : distributeurs, cavistes, restaurateurs…. l’œnotourisme est une occasion unique pour les producteurs de rencontrer les consommateurs et de pouvoir mieux comprendre leurs goûts et leurs évolutions. Le contact direct ça vaut bien des études de marché.

© Jeff Habourdin

« Mais l’œnotourisme doit se traduire d’avantage en termes économiques, nous en avons aujourd’hui la capacité et nos structures d’accueil  sont à niveau » précise Philippe Pellaton. « Nous avons le vin, les paysages, nous devons aussi proposer des expériences à vivre… nous devons savoir capter tous ces touristes qui viennent chez nous » ajoute-t-il. Philippe Pellaton observe, par ailleurs que les œnotouristes sont beaucoup plus jeunes que les traditionnels acheteurs de vin. Un constat plus qu’encourageant à un moment où la filière doit impérativement rajeunir l’âge moyen de ses consommateurs. Cette année, Inter Rhône consacrera 450 K€ pour communiquer autour des activités d’œnotourisme sur un budget total de 12 M€ de communication. Cette part consacrée à l’œnotourisme pourrait paraître faible, mais il convient d’y ajouter ceux des organisateurs d’évènements, et ils sont nombreux localement à communiquer. « Avec l’œnotourisme on sème des petits cailloux, mais c’est une stratégie au long court » conclue Philippe Pellaton.

Les vins de la vallée du Rhône
66 402 hectares de vignoble, répartis sur 6 départements et 3 régions
2,6 millions d’hectolitres récoltés par an
34 cépages
76 % en rouge, 14 % en rosé et 10 % en blanc
31 appellations et 17 crus (8 au nord et 9 au sud)
Plus de 5 000 exploitations viticoles

Distribution :
Export  33 %
Grande distribution  33%
Ventes traditionnelles (cavistes, restaurants, ventes directes) 28%
Hard discount  6 %

Pour aller plus loin
Sur les vins de la vallée du Rhône : www.vins-rhone.com/ et www.syndicat-cotesdurhone.com/
La carte des vins de la vallée du Rhône en réalité augmenté : www.vins-rhone.com/actualites/blog/la-carte-en-realite-augmentee-des-vignobles-de-la-vallee-du-rhone

L’agenda des manifestations :
www.vins-rhone-tourisme.fr/l-offre-oenotouristique
www.syndicat-cotesdurhone.com/agenda/


L’œnotourisme pour partir à la reconquête des consommateurs

Hors d’internet, point de salut ! C’est ce qui ressort des deux heures de présentation des nouvelles tendances en matière d’œnotourisme. Il existe 515 caves et caveaux labellisés dans le Vaucluse dans lesquels on est accueilli par un vigneron qui vous parle de ses raisins, de ses cépages, de ses assemblages, de sa passion et de son vin et qui vous propose de les déguster. Ces séances permettent de sympathiser avec les visiteurs et de les voir emporter des cartons d’AOC ou d’AOP dans le coffre de leur voiture ou dans les sacoches de leur vélo électrique. Une source non-négligeable de revenus supplémentaires pour les viticulteurs.

Mais il faut vivre avec son temps. Fini les découvertes au hasard des petits chemins à travers les vignes entre Vacqueyras, Gigondas, Luberon, Ventoux pour tomber sur des chais fermés. Découvrir un vignoble, sa cave, ses barriques et ses bouteilles à 360° sur internet et réserver fait gagner du temps à tout le monde.

Les vignerons doivent « s’adapter, se réinventer, se mettre à la page » selon une intervenante, donc apprivoiser le numérique, concocter un site séduisant et surtout attirer les jeunes générations qui sont nées avec une Playstation entre les mains, ne lisent pas les journaux et n’écoutent pas la radio. Cela doit leur permettre de structurer leur offre commerciale et de lancer un nouveau modèle de marketing à destination des consommateurs de demain.

« Il faut vivre avec son temps » lancera une influenceuse. A l’époque des bitcoins, du métavers, des NFT, des réseaux sociaux, le Web 3.0 est de mise. Dans le public de la Salle Benoit XII, certains quinquagénaires réfractaires se demandent si bientôt on n’assistera pas à une dégustation virtuelle, sans vin… Une autre adepte de l’innovation à tout crin suggère même d’attirer un nouveau public avec « des voyages en hélicoptère pour aller voir des dauphins » ou de « chercher de l’eau avec des baguettes de sourcier »… Décidément, l’imagination n’a pas de limites. Une start-up propose aussi ses « tiny houses », petites maisons en bois. Ces cabanes qu’on peut installer dans un pré, sur le piémont du Ventoux pour y passer un week-end nature. A ce détail près qu’il faut une autorisation préalable de la mairie et que le Géant de Provence est une réserve de biosphère donc protégée.

Après ce long moment de branchitude est venu le temps de remise des 5 « Distinctions d’œnotourisme » par Inter-Rhône. En commençant par « Le Caveau du Château » à Ampuis, dans les vignes septentrionales de la Vallée du Rhône, au cœur des Côtes-Rôties avec ses visites-découvertes payantes, puis « Le Château Mont Plaisir » à Valréas et ses initiations à la dégustation de truffes. Ensuite, « Le Domaine Cristia » à Courthézon et son circuit à travers les vignes, « Le Château de Mille » à Apt et sa vue imprenable sur le Ventoux et enfin, « Le Mas des Infermières » à Oppède, propriété du réalisateur Ridley Scott qui y a installé costumes et décors de ses films (Blade Runner, Alien, Gladiators) dans les gîtes proposés à la location. De quoi pimenter l’imagination des visiteurs cinéphiles !

Andrée Brunetti

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