(Vidéo) Musée Angladon, Un regard curieux sur le musée ce mercredi
Pascal Dibie, ethnologue malicieux auteur de nombreux livres alliant qualité littéraire et érudition, s’attache à étudier notre relation aux lieux et objets du quotidien avec humour, sensibilité et une connaissance encyclopédique.
On lui doit, entre autres, une ‘Ethnologie de la porte‘, ce patrimoine matériel si banal mais riche en significations et accès à tous les imaginaires; une Ethnologie du bureau, «aventure de plus de trois siècles partagée au quotidien par cinq milliards de personnes dans le monde », et une Ethnologie de la chambre à coucher, nouvelle porte sur l’intime universel. Pour un soir, dans le cadre de la programmation associée à l’exposition Curiosité. Voyage dans nos réserves, il convie à une redécouverte de notre maison-musée et de ses collections. Un exercice de curiosité appliquée.
(Vidéo) Musée Angladon, Un regard curieux sur le musée ce mercredi
Le Musée Angladon propose l’exposition ‘Curiosité, Voyage dans nos réserves’, rythmée par plus de 80 objets, sculptures, dessins, estampes et céramiques. Le musée propose une déambulation à travers les 18e, 19e et 20e siècles, emportant le visiteur au gré des grandes transformations sociales, urbaines et artistiques. A voir jusqu’au 3 novembre 2024.
Le Musée Angladon abrite des œuvres exceptionnelles achetées par Jacques Doucet comme ‘Les deux danseuses’ de Jacques Degas, ‘Wagons de chemin de fer à Arles’ de Van Gogh, ‘Le couple’ de Picasso, ‘Nature morte au pot de grès’ de Cézanne, ‘Portrait de femme’ dit ‘La blouse rose’ de Modigliani, ‘Paysage de neige à Louveciennes’ de Sisley.
Enfant accroupi. Chine. 18e siècle. Copyright Fabrice Lepeltier
L’exposition est organisée en quatre parties ou voyages regroupés par thème. La première d’entre-elle fait la part belle au 18e siècle avec dessins et pastels. On découvre ainsi les délicates et fragiles sanguines de François Boucher, un portrait de femme attribué à Jean-Michel Liotar, une étude pour l’Accordée du village de Jean-Baptiste Greuze ou encore un portrait de fillette attribué à Louis Roland Trinquesse.
Arts décoratifs et arts de la table Nous sommes là projetés dans le life style du 18e siècle, cette fois dans les arts décoratifs et un luxueux art de vivre où élégantes faïences, porcelaine blanche à décors or et polychrome d’époque Louis XV en provenance de la manufacture de la reine enchantent les intérieurs nobles et bourgeois. Le voyage est là qui s’immisce au gré de ces chenets en bronze doré ornés d’un personnage chinois tenant une longue vue et un globe terrestre. L’époque nous indique là être captivée par les mystères du Cosmos.
Le goût pour les chinoiseries Evoque la curiosité pour une Orient fantasmée au gré de cette statuette représentant un enfant accroupi en céramique vernissée turquoise, un impressionnant masque de Nô du Japon, des estampes dont une grande vague d’Hokusaï.
Jean-Baptiste Greuze. Etude pour l’accordée du village. Copyright Alexandra de Laminne
19e et 20e siècle, les progrès de la modernité Cette entrée dans la modernité débute par un manteau de soirée créé en 1900 par Jacques Doucet pour ensuite admirer les sculptures de nus féminins de Charles Despiau. L’époque est à la fascination pour les courbes féminines, à la vénération et au désir comme avec ‘l’Incantation’, une illustration de Félicien Rops et aussi ‘Son altesse la femme’ d’Octave Uzanne. Puis apparaissent la métamorphose des villes comme Londres et Paris dont s’imprègnent des graveurs nommés Auguste Lepère ou Edgar Chahine.
Enfin, l’exposition s’achève sur le modèle féminin, les classes de danse, des portraits préfigurant peut-être le début de l’émancipation féminine symbolisée par le portrait d’une femme papillon prête à prendre son envol, œuvre réalisée par le graveur Mario Fortuny.
Coupe à compartiments. Chine. 18e siècle. Copyright Fabrice Lepeltier
En savoir plus
Jacques Doucet Est une personnalité de la vie artistique et littéraire parisienne des années 1880-1920. Il fonde à Paris l’une des premières Maisons de Haute couture. Il fait fortune en habillant une riche clientèle d’actrices et de femmes du monde dont Réjane, Sarah Bernhardt, Liane de Pougy, la belle Otéro. Il forme Paul Poiret et a pour assistante Madeleine Vionnet. Amateur d’art passionné, il constitue tout d’abord une importante collection d’objets d’art consacrée au XVIIIème siècle : tableaux, dessins, sculptures, œuvres d’ébénisterie et de marqueterie, estampes et livres. En 1912, il vend une grande partie de cette première collection à la suite de la mort tragique de la femme qu’il aimait en secret. Conseillé par Henri-Pierre Roché ou André Breton, il se lance alors dans une nouvelle collection, dédiée cette fois-ci aux artistes de la modernité : Sisley, Manet, Brancusi, Cézanne, Degas, Van Gogh, Matisse, Picasso… En 1924, il est le premier acquéreur des Demoiselles d’Avignon de Picasso. Il devient également mécène pour les écrivains et poètes de son temps, comme Suarès, Aragon, ou Breton.
Léon Dubrujeaud (1845-1920) et Marie Doucet (1854-1937) Léon Dubrujeaud est le mari de la sœur de Jacques Doucet, Marie. Diplômé de l’Ecole des beaux-arts de Paris, entrepreneur de travaux publics, président de la Chambre de Commerce de Paris, il partage avec son épouse et son beau-frère un intérêt pour les arts du papier et les objets attestant d’un certain luxe de vie. Il acquiert volontiers de l’estampe de son temps, par Fantin-Latour, Forain ou Steinlen, souvent directement auprès des artistes eux-mêmes. C’est aussi un remarquable bibliophile qui soutient financièrement certaines éditions d’art particulièrement coûteuses.
Les deux fils de Léon et Marie, André et Jean, grandissent dans cet univers raffiné. Poète à ses heures, André Dubrujeaud (1877-1915) es attaché de conservation au Musée des arts décoratifs. Il décède, jeune soldat, d’une pleurésie. Plusieurs lettres montrent que le chagrin familial est immense. Jean Dubrujeaud (1880-1969) est diplômé de la Haute École de commerce de Paris et, sur le papier, industriel. Il endosse plus volontiers le rôle de gestionnaire de fortune, conseillant la veuve de Jacques Doucet, jouant les intermédiaires dans certaines ventes de tableaux, et héritant lui-même en 1937 d’une fortune colossale. Il a un fils naturel, Jean, d’une lingère, Marie-Félicie Angladon, installée dès 1927 à Avignon.
Jean Angladon (1906-1979) et Paulette Martin (1905-1988) Jean Angladon-Dubrujeaud (Jean Angladon de son nom d’artiste), est le petit-neveu de Jacques Doucet. Il rencontre Paulette Martin aux cours des Beaux-Arts d’Avignon. Ils se marient en 1932. Tous deux artistes et amateurs d’art, ils développent chacun un travail de peinture, de gravure et d’illustration. Ils collaborent notamment avec l’éditeur Pierre Seghers pour les premiers numéros de la revue Poètes casqués. Ils exposent régulièrement et s’inscrivent dans la mouvance de l’école d’Avignon, du groupe des Trente et du nouveau groupe des Treize, aux côtés de Chabaud, Chartier, Lesbros. Ce sont aussi de grands voyageurs, des lecteurs insatiables, curieux de tout, rassemblant nombre de souvenirs de voyages, photos, cartes postales, et constituant une riche bibliothèque. Ils enrichissent les collections grâce à de nombreuses acquisitions de peintures, sculptures et meubles, avec une attention particulière pour les 15e, 16e et 17e siècles. Reconnu par son père quelques années plus tôt, l’héritage que Jean Angladon en reçoit en 1969 modifie totalement sa vie.
La Fondation Angladon-Dubrujeaud Sans descendance, Jean Angladon et Paulette Martin sont habités par la volonté de partager avec le grand public les merveilles que la famille conserve depuis deux générations. Ils décident de créer un musée d’art, et choisissent ensemble, en 1978, l’édifice de la rue Laboureur, qui devient leur demeure. Après la mort de Jean Angladon, il revient à son épouse seule de déployer une énergie considérable pour parvenir à mettre en œuvre ce projet. Elle désigne la Fondation de France comme exécutrice testamentaire, lui demandant de créer et faire connaître la Fondation Angladon-Dubrujeaud qu’elle désigne comme son héritière universelle. Le Musée Angladon ouvre ses portes au public le 15 novembre 1996. Il doit son nom à ses fondateurs.
L’exposition Curiosité. Voyage dans nos réserves bénéficie du soutien de partenaires et mécènes :La Banque populaire Méditerranée, Emile Garcin propriétés et le spécialiste des transports de voyageurs haut de gamme depuis 1875 Lieutaud.
Les infos pratiques Musée Angladon– Collection Jacques Doucet- 5 rue Laboureur 84000 Avignon – Horaires : jusqu’au 31 octobre du mardi au dimanche de 13h à 18h. Le musée est entièrement accessible aux personnes à mobilité réduite. accueil@angladon.com. +33 (0)4 90 82 29 03.
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Le musée Angladon, situé au 5 rue Laboureur à Avignon, a signé une convention de mécénat avec la Banque Populaire Méditerranée. Une collaboration qui a pour but de contribuer à l’attractivité du territoire et à partager les collections du musée avec un public plus large.
C’est dans les salons du musée Angladon-Collection Jacques Doucet que le partenariat de mécénat entre la galerie et la Banque Populaire Méditerranée a été signé. Le Musée, porté par une fondation reconnue d’utilité publique, expose au sein d’un hôtel particulier avignonnais la collection du célèbre couturier-collectionneur de la Belle Epoque, Jacques Doucet.
Des tableaux, des objets d’art précieux que le musée souhaite rendre accessible à tous. La structure culturelle, qui possède un fort ancrage culturel sur le plan local, contribue depuis plusieurs années à l’attractivité territoriale du département et n’hésite pas à s’appuyer sur les mécénats pour poursuivre sa mission de démocratisation de l’art graphique et culturelle sur la ville d’Avignon.
Une mission à laquelle la Banque Populaire Méditerranée a souhaité s’associer à travers ce partenariat de mécénat. Ancrée dans le tissu économique local et défendant des valeurs de proximité territorial, la structure a trouvé avec le musée Angladon la même volonté d’offrir une politique et des services accessibles à tous.
« Notre banque est proche de ses clients, elle a envie d’accompagner les acteurs du territoire qui contribuent à son développement et lui apportent une valeur ajoutée », souligne Karine Brasleret, directrice de Groupe Avignon-Luberon pour la Banque Populaire Méditerranée.
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Le Musée Angladon propose actuellement l’exposition Printemps 2024 jusqu’au 5 juin. L’accrochage de saison donne à admirer l’Ancienne route d’Aramon de Lesbros.
«Belles formes, belles valeurs, belles couleurs», tel était le crédo artistique d’Alfred Lesbros (Avignon 1890 – Avignon 1940), invité d’honneur une fois de plus au sein de notre salle d’exposition saisonnière. Sa toile, intitulée Ancienne route d’Aramon, était acquise personnellement par Paulette et Jean Angladon auprès du maître provençal dont ils étaient proches et qu’ils admiraient. Alfred Lesbros est de ceux qui ont créé à Avignon le groupe des Treize, rassemblant entre 1912 et 1913, des peintres et sculpteurs avignonnais dont Clément Brun, Claude Firmin, Jean-Pierre Gras. Proche de Jules Flour et Pierre Grivolas, il est influencé par les grandes tendances artistiques qui traversent le début du XXème siècle, de l’impressionnisme au cubisme. Par ses audaces formelles et chromatiques, il occupe une place à part dans l’école avignonnaise.
Le Musée proposera l’exposition ‘Curiosité, voyage dans nos collections du 6 juin au 3 novembre 2024.La curiosité, objet de doutes, d’interrogations, mais surtout formidable moteur de recherches, constitue le fil rouge de l’exposition de l’été 2024 au Musée Angladon – Collection Jacques Doucet d’Avignon.
La curiosité, un vilain défaut ? Une gourmandise, comme l’affirmait Victor Hugo, qui ajoutait : «voir, c’est dévorer» ? Ou plutôt «la condition essentielle du progrès» car à l’origine de toute connaissance, selon Alexandra David-Neel.
Pour la directrice Lauren Laz, c’est une nécessité, intimement liée à la vocation d’un Musée : étendre sans cesse la connaissance de ce que l’on conserve. Cette nécessité a poussé l’équipe du Musée à revisiter la totalité des collections, interroger les réserves, rouvrir les armoires, les tiroirs de cette demeure qui conserve un patrimoine constitué par plusieurs générations de collectionneurs : successivement Jacques Doucet (1853-1929), grand couturier-collectionneur de la Belle Époque, Léon Dubrujeaud (1845-1920), son beau-frère, puis Jean Angladon (1906-1979), son petit neveu, et son épouse Paulette Martin (1905-1988), tous deux artistes avignonnais, ont rassemblé un fonds de plus d’un millier d’œuvres et d’objets. Des trésors qui disent les regards à l’œuvre et entraînent le public sur les traces d’une curiosité vagabonde.
Car ces collectionneurs n’ont pas mis de limites à leur soif de découverte. Épris de formes, ils ont enquêté sur toutes les époques, tous les styles, sous toutes les latitudes. Sans prétendre embrasser la totalité de ces visions foisonnantes, l’exposition en dévoile des facettes essentielles, œuvres sensibles, sculptures, dessins et estampes, céramiques d’ici et d’ailleurs, articulées autour d’une chronologie, de lignes de force et de types d’objets.
Enfant accroupi. Chine. 18e siècle. Copyright Fondation Angladon-Dubrujeaud
À commencer par les dessins du XVIIIe siècle où le regard s’attache à la pureté de la ligne, à la simplicité d’un trait sur le papier. On découvre ainsi la délicatesse d’un Portrait de jeune femme, signé Jean-Michel Liotard, ou encore la sensualité d’une sanguine de Boucher. Les figures féminines, draperies, visages, personnalités de théâtre, évoquent les raffinements d’un siècle où s’élargissent les horizons. Les porcelaines, objets du quotidien, mises en lumière dans leur singularité, leur font écho, bien au-delà des frontières de l’Europe.
Les miniatures XVIIIe venues d’extrême orient se posent comme des énigmes. Que nous dit cet Enfant accroupi en céramique bleue réalisé en Chine au XVIIIe siècle ? Cet épouvantail à rats dont les cavités oculaires s’éclairaient de bougies ? Le vermillon d’un beau tapis chinois guide nos pas vers d’autres merveilles exotiques : l’étrange présence d’un masque en bois japonais, des mangas dont la fragilité a traversé les siècles, une grande vague d’Hokusaï….
Le passage d’un siècle à l’autre, du XVIIIe au XIXe, ouvre la question de la modernité. Placé au cœur des collections du Musée, ce moment charnière est celui des grandes transformations sociales, urbaines, artistiques. Cette partie de l’exposition s’ouvre sur un somptueux manteau de soirée signé Jacques Doucet. Le couturier-collectionneur habilla de dentelles les élégantes d’une époque où les figures féminines prenaient du relief et de la personnalité. Dans l’art, la beauté classique des drapés cède le pas aux audaces d’un Félicien Rops, puis aux sculptures méditatives de Charles Despiau, ouvrant sur les traces de Rodin les chemins du XXème siècle.
Avec Jean et Paulette Angladon, grands amateurs de voyage, s’illustrent aussi les transformations du paysage urbain, le déploiement du loisir. Les deux artistes, curieux insatiables, ont tout collectionné, photos, serviettes d’hôtel, cartes postales… C’est cette ardeur qui est transmise ici, comme une invitation à toujours poursuivre l’aventure du regard.
En savoir plus Le musée donne à voir des œuvres de Cézanne avec sa nature morte au pot de grès, Degas avec les deux danseuses, Modigliani avec son portrait de femme dit Blouse rose, Picasso avec le couple, Sisley avec son paysage de neige à Louveciennes, VanGogh avec ses wagons de chemin de fer à Arles.
Les infos pratiques Musée Angladon, Collection Jacques Doucet. 5, rue Laboureur à Avignon. accueil@angladon.com 04 90 82 29 03 Ouvert du mardi au samedi de 13h à 18h. Dernière admission à 17h15. MH
Portrait de jeune-femme. jean-Michel Liotard. Copyright Fondation Angladon-Dubrujeaud
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Du 27 septembre au 31 décembre 2023le Musée Angladon met à l’honneur le Douanier Rousseau (1844-1910) avec deux de ses tableaux, L’Enfant à la poupée (huile sur toile, 67 x 52, vers 1892), conservé au Musée de l’Orangerie, ainsi que La Basse-cour (huile sur toile, 24,6 x 32,9, [1896-1898]), conservée au Musée national d’art moderne-Centre Pompidou.
Ces deux tableaux font l’objet de prêts exceptionnels, en échange de La Blouse rose d’Amedeo Modigliani, présentée au Musée de l’Orangerie dans l’exposition Amedeo Modigliani. Un peintre et son marchand, et de trois dessins de Picasso prêtés au Centre Pompidou pour l’exposition Picasso. Dessiner à l’infini. Cet accrochage donne l’occasion d’un hommage au peintre dit naïf, admiré par les avant-gardes du XXème siècle.
Henri Rousseau trouve très logiquement place au sein du Musée qui doit l’essentiel de sa collection à Jacques Doucet (1853-1929). En effet, le couturier-collectionneur fut un admirateur de l’artiste. Il fit l’acquisition de La charmeuse de serpent auprès de Robert Delaunay. Ce dernier le lui céda à la seule condition que Doucet le léguât au Louvre. C’est ainsi que La Charmeuse, l’un des plus grands tableaux de Rousseau, et aussi l’un des plus célèbres, entra dans les collections nationales en 1936. Les toiles de Rousseau s’inscrivent ici, dans la salle du Musée consacrée à l’Ecole de Paris, en dialogue avec les précurseurs de la modernité avec qui il entretint des liens féconds. En particulier Picasso, qui organisa en 1908, dans son atelier du Bateau-Lavoir, un banquet en l’honneur de ce «demi-raté et conscient de l’être», mais aussi Delaunay, qui fut son ami proche, et Apollinaire, qui rédigea son éloge funèbre.
Dans cette mouvance, le Douanier occupe une place singulière. Employé de l’octroi, ce qui lui vaut son surnom, il entre tardivement en peinture, à l’âge de vingt-huit ans, pressé d’exprimer la fraîcheur de sa vision, soucieux de ne pas tomber dans la réaction aux conventions de l’art occidental, travers qui caractérise bien des courants de la modernité en peinture. Ouvrant des fenêtres dans le prosaïsme pesant de l’époque, Rousseau croit aux vertus de la science et du progrès, et trouve seul son chemin en peinture. L’honnêteté de cette position qu’il s’acharne à tenir dans son art comme dans sa vie, la naïveté qu’il chérit, la candeur qu’il exprime renforcent l’autorité de son œuvre et lui donnent le statut d’exemple pour toute une génération d’artistes d’avant-garde. Selon Apollinaire, qui contribue à bâtir son mythe, Rousseau peint sa propre réalité, dans des toiles minutieuses à la poésie déconcertante, où le proche semble lointain, l’étrangeté familière, le moderne ancien et l’ancien nouveau.
Les toutes premières critiques sont dures à son égard. Georges Courteline acquiert pour un franc son Portrait de Pierre Loti qu’il considère comme « le clou et le pivot du musée des horreurs ». En 1905, le Salon d’automne présente, aux côtés de tableaux d’Henri Matisse, André Derain et Raoul Dufy, Le lion, ayant faim, se jette sur l’antilope, à l’origine sans doute du mot railleur de Louis Vauxcelles faisant de la salle où il est présenté, une « cage aux fauves ». La force primitive de ses toiles et le traitement clinique de cette imagerie interpelle pourtant la communauté artistique. Fascinés par la figuration primitive et exotique de Rousseau, notamment dans ses Jungles luxuriantes, Picasso et Delaunay, comme Gauguin, voient dans son œuvre la mise en image d’un retour bénéfique aux origines, porté par un inconscient libéré, tendu vers une simplification des formes, montrant la possibilité d’une expression nouvelle, guidant ainsi les mouvements à venir, fauve, cubiste, surréaliste.
Il sera également question d’Alfred Lesbros avec sa place des Corps Saints à Avignon, tirée de la réserve du musée Angladon.
Alfred Lesbros (Avignon 1873 – Avignon 1940) est un maître provençal ayant appartenu au Groupe des Treize qui rassembla, entre 1912 et 1913, des peintres et sculpteurs avignonnais dont Clément Brun, Claude Firmin, Jean-Pierre Gras. Proche de Jules Flour et Pierre Grivolas, il est influencé par les grandes tendances artistiques qui traversent le début du XXème siècle, de l’impressionnisme au cubisme. Par ses audaces formelles et chromatiques, il occupe une place à part dans l’école avignonnaise.
Avignon, source d’inspiration Alfred Lesbros est né à Montfavet en 1873 dans une famille de propriétaires terriens installés dans le Vaucluse depuis plusieurs générations. Il habite au centre de Montfavet toute sa jeunesse, non loin d’une petite rue portant maintenant son nom. Il se fixe à Avignon en 1897. Il fréquente l’Ecole des beaux-arts sous la direction de Pierre Grivolas et se familiarise avec ses principes de lumière pointilliste, avec des surfaces et touches de couleur séparées, cernées de foncé bleu ou noir. Il est influencé par Puvis de Chavannes, ses fresques du Panthéon et l’Art nouveau qui triomphe en 1900. Gauguin, Toulouse-Lautrec, Maurice Denis l’inspirent ; il aime leur liberté, leur simplicité.
Durant la période 1900-1914, à côté de son travail de commerçant à Avignon, il peint le dimanche, surtout à Villeneuve les Avignon. Il se lie d’amitié avec les peintres Joseph Hurard, Joseph Meissonier, Jules Flour, Léon Colombier. A partir de 1908, il expose au Salon des indépendants à Paris, et dès 1915 sa situation lui permet de s’installer dans un vaste atelier et de se consacrer totalement à son art. Il se lance dans des recherches picturales à base de pochoirs, qu’il expose en 1922 au Salon d’Automne et au Salon des indépendants à Paris, où il sera présent jusqu’en 1928.
De 1934 à 1936, c’est pour lui la grande période de la joie et de la couleur, des rues d’Avignon, des fêtes. Dans ces années-là, il se rapproche du fauvisme, admire Matisse et Marquet. Il hante plus souvent la ville, travaille autour du palais des papes et de la métropole, à des motifs plus familiers. Il vit rue Baracane et découvre la beauté de son quartier : la place des Corps Saints, l’été, est un asile de fraîcheur. Des couleurs vives bien que dans l’ombre, des indications amusantes reproduites avec une feinte naïveté, la luxuriance de couleurs posées en larges touches, d’une manière un peu impressionniste construisent son credo artistique des « belles formes, belles valeurs, belles couleurs ». Il demeure toute sa vie sensible aux choses de la rue comme peintre de la « réalité poétique ». Il laisse un millier de toiles. En 1981, 41 ans après sa mort, une rétrospective lui est consacrée au Palais des Papes.
Le groupe des Treize Alfred Lesbros est de ceux qui créent à Avignon le groupe des Treize. Auguste Chabaud, Gontier, Maureau, Jean-Pierre Gras, le graveur Germain, l’estiment. La jeune génération, où se côtoient Paulette Martin et Jean Angladon, les fondateurs du Musée, mais aussi des artistes comme Tramier, Devèze, Chartier, Labastie, l’admire et vient lui demander conseil. Artistes et intellectuels se retrouvent alors tous les soirs dans le décor 1900 de la « Rich’Tavern », aujourd’hui disparue, où les rejoignent les Parisiens de renom de passage dans le midi.
Dans ce contexte d’effervescence intellectuelle et artistique, le groupe des Treize se constitue en réaction au « diktat » de la Société vauclusienne des amis des arts. En effet, cette institution décide d’organiser en juin 1912 une exposition réservée « exclusivement aux paysagistes vauclusiens », excluant de ce fait les graveurs, sculpteurs, architectes, ainsi que les artistes non vauclusiens. Le groupe des Treize, a contrario, tient à privilégier l’ouverture aux différentes techniques, et à ne pas limiter ses horizons géographiques aux frontières du département. Il organise sa première exposition en décembre 1912. Un succès, réitéré l’année suivante. Mais en 1914, plusieurs de ses membres dont Lesbros sont mobilisés, la guerre coupe court à l’enthousiasme et aux projets. Le groupe des Treize a vécu.
Les infos pratiques Musée Angladon – Collection Jacques Doucet. 5, rue du Laboureur à Avignon. 04 90 82 29 03. Du mardi au dimanche, de 13h à 18h. Dernière admission à 17h15 www.angladon.com Mireille Hurlin
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Pour sa grande exposition, le musée Angladon présente les créations du grand bottier parisien d’origine italienne, Raymond Massaro (1929-2019). Issu d’une lignée d’artisans bottiers, dont il est le digne héritier, celui qui a « appris son métier au pied des femmes », a associé son nom à des stars de cinéma, des têtes couronnées, des vedettes du show-business et autres reines du Paris mondain comme Marlène Dietrich ou Romy Schneider, mettant son art au service de grands couturiers comme Grès, Chanel, Lagerfeld…
Celui à qui l’on doit la ballerine à élastique, inventée en 1955 pour Madame Grès, ou la célèbre sandale bicolore créée en 1958 pour Coco Chanel. Cette exposition conçue avec Laurence Massaro, la fille de l’artisan, présente une centaine de pièces, prototypes et modèles de chaussures iconiques.
S’y dévoilent les croquis, dessins et formes de bois sculptées, les créations les plus raffinées, chaussures-bijoux en dentelles ou brodées de perles, les modèles extravagants, dont un incroyable escarpin en vernis noir, mais aussi les classiques.
L’atelier familial de souliers de luxe est créé en 1894, 2 rue de la paix à Paris et repris par Raymond Massaro en 1967. Elle est rachetée en 2002 par les ateliers Chanel. La Maison Massaro met l’expertise de ses artisans au service des particuliers, des stylistes et des créateurs désirant développer de nouvelles formes et de nouveaux modèles.
Les dates importantes 1929 : Naissance de Raymond Joseph Massaro à Paris ; 1947 : CAP chaussures femme Louis XV et apprentissage dans la maison Massaro ; 1967 : Direction de l’entreprise familiale ; 1994 : Maître d’Art par le Ministère de la Culture ; 2003-2004: Exposition « Massaro, une dynastie de bottiers » au Musée international de la chaussure à Romans-sur-Isère. Décès de Raymond Massaro en Avril 2019.
Un ouvrage évoque le parcours de Raymond Massaro, ‘Secrets de bottier’, avec une préface d’Inès de la Fressange, paru le 15 décembre 2017 et édité par sa fille Laurence Massaro des éditions éponymes situées au Thor. Laurence Massaro a collaboré à la maison Massaro de 1993 à 1995 avant de choisir la voie de l’édition. Sensible aux itinéraires de vie sortant des rangs et aux liens de transmission, la fille unique de Raymond Massaro, aujourd’hui basée en Provence, se devait de recueillir les mémoires de son père.
Les infos pratiques Musée Angladon pour l’exposition ‘Ma vie à vos pieds’ de feu Raymond Massaro, Bottier. Exposition de chaussures de créateur.. Jusqu’au 8 octobre 2023. 5, rue Laboureur à Avignon. 04 90 82 29 23. Site du Musée Angladon ici. Du mardi au dimanche. De 13h à 18h. Toutes les infos pratiques ici et ici. 15€. MH
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Alexandra Siffredi, la médiatrice du Musée Angladon a déniché une pépite dans les réserves du Musée. C’est un paysage du XVIIème siècle relevant de l’Ecole de Frankenthal, qui fait l’objet de notre accrochage de saison.
Le Musée Angladon – Collection Jacques Doucet met en lumière en cette saison automne-hiver un paysage de l’Ecole de Frankenthal tiré de ses réserves. Cette huile sur toile (68,4 X 99,3 cm) appartenant à la collection Angladon – Dubrujeaud est l’œuvre d’un peintre anonyme du XVIIème siècle. Elle est exposée dans la salle dédiée aux accrochages de saison.
Une toile d’inspiration champêtre Cette toile d’inspiration champêtre, aux tons subtils de bruns, gris et bleus, trouve son origine dans le village de Frankenthal, en Bavière rhénane, devenu entre XVIème et XVIIème siècles un lieu de foisonnement artistique. En 1587 un groupe de protestants des Pays-Bas, fuyant les persécutions religieuses, s’y installe. Parmi eux, le peintre Van Coninxloo, originaire d’Anvers, qui devait révolutionner l’art du paysage.
Romantisme de la nature De nombreux artistes travaillent ensuite à Frankenthal, attachés à peindre des sites romantiques ou tragiques, avec une prédilection pour les paysages forestiers, les architectures fantastiques et les villes incendiées.
Une école d’influence Le style romantique de l’Ecole de Frankenthal rayonne bien au-delà de la Bavière, influence des peintres travaillant à Nuremberg, Augsbourg, Francfort, et survit longtemps en Allemagne. Lieu de passage entre les Pays-Bas et l’Italie, Frankenthal joue également un rôle de premier plan dans la diffusion du style italo-flamand né à Venise, qui se diffuse rapidement au nord des Alpes.
Les ateliers D’octobre à mai le Musée propose les Ateliers du jeudi. Actuellement c’est atelier fusain et photos avec une étude de Jean-Siméon Chardin ‘Intimité de la lumière et mystère de la composition ; à partir du 1er décembre ce sera Manet et peindre de la texture ; à partir du 26 janvier ce sera Vuillard-Nabis-Paravent avec l’étude des collages et motifs décoratifs avec figure.
Les infos pratiques Musée Angladon, Collection Jacques Doucet. Du mardi au samedi de 13 à 18h.8€.5, rue Laboureur à Avignon 04 90 82 29 23.
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Le phare d’Antibes, œuvre de Paul Signac (1863-1935) est exposée au Musée Angladon Collection – Jacques Doucet à Avignon jusqu’au 1er mars 2023 dans le cadre d’un échange avec le Musée d’arts de Nantes.
Les œuvres voyageuses Ce tableau, réalisé en 1909, est prêté par le Musée nantais, tandis que Wagons de chemin de fer à Arles, tableau de Van Gogh appartenant aux collections du Musée Angladon, est exposé à Nantes dans le cadre de l’exposition Le voyage en train.
Au musée Angladon Au musée Angladon, Le phare d’Antibes de Signac voisine pour quelques mois avec La porte entrebâillée (1891), œuvre tout aussi pointilliste, de son contemporain Édouard Vuillard (1868-1940). La composition en est solidement architecturée. Le phare et son reflet dessinent un mouvement descendant qui guide le regard du ciel à l’eau en passant par le relief montagneux. Entre les touches bleues et roses apposées à la façon d’une mosaïque, apparaît le blanc de la toile qui accentue la luminosité de la palette.
Le voisinage de la mer détruit la petitesse Paul Signac, inventeur avec Georges Seurat de la technique ‘divisionniste’, est aussi un grand amoureux de la mer, navigateur chevronné, amateur de régates. Il aime à citer Stendhal : ‘Il faut toujours revenir à cet axiome : le voisinage de la mer détruit la petitesse’. En 1887, il découvre les paysages méditerranéens à Collioure. En 1892, il descend sur son bateau, l’Olympia – hommage à Manet –, un voilier, de l’Atlantique à la Méditerranée, en passant par le canal du Midi. L’eau, la mer, les ports, la lumière de Méditerranée prennent alors une place prépondérante dans son travail. Il s’installe à Saint-Tropez, où il restera jusqu’à la Première guerre mondiale, précédant ainsi toute une génération de jeunes peintres, de Matisse à Bonnard.
Un peintre postimpressionniste Né en 1863 à Paris, Paul Signac est, grâce à la technique divisionniste qu’il a développée aux côtés de Seurat, l’un des plus célèbres peintres postimpressionnistes. Peintre, théoricien de la couleur, il a joué un rôle capital dans l’évolution de la peinture, à la fois comme artiste et comme propagandiste du style ‘scientiste’. En 1885, Seurat peint le tableau-manifeste du pointillisme, Un dimanche à la Grande Jatte.
et divisionniste Dès 1886, Signac adopte la technique divisionniste, qui préconise l’application de petites taches de couleur pure juxtaposées, obligeant l’œil et le cerveau du spectateur à combiner optiquement les couleurs. Aux petits points, le peintre préfère ensuite, comme dans Le phare d’Antibes, de larges touches de couleur pure qui semblent s’intercaler entre la scène représentée et le spectateur. Cette mise à distance affirmant la prévalence de l’effet pictural sur l’illusion réaliste ouvrira la voie aux expérimentations sur les contrastes de couleurs pures des Fauves. MH
(Vidéo) Musée Angladon, Un regard curieux sur le musée ce mercredi
François Moschetta se produira vendredi 30 septembre, à 19h30, dans le jardin du Musée Angladon à Avignon. Le pianiste interprétera des œuvres de Debussy, Mozart, Chopin et Scriabine piochées au hasard par les spectateurs et en résonance avec les interprétations de Matisse.
Henri Matisse, Jacques Doucet. Deux personnages-clés des avant-gardes se regardent, s’admirent, se rêvent… et s’écoutent avec le pianiste François Moschetta, vendredi 30 septembre à 19h30, dans le jardin du Musée Angladon. Au programme de ce concert, présenté dans le cadre de l’exposition ‘Le désir de la ligne. Henri Matisse dans les collections Doucet’ : Debussy, Mozart, Chopin et Scriabine.
François Moschetta a à cœur de partager avec le spectateur-auditeur son regard de pianiste sur l’exposition ‘Le désir de la ligne’. En déambulant dans l’exposition, il a relevé citations et particularités du travail de Matisse qui font écho à l’art qu’il pratique : le piano. Les spectateurs tireront au hasard des phrases et François Moschetta interprétera une des œuvres de Debussy, Mozart, Chopin ou Scriabine.
‘Habituellement, dans un jukebox, on met une pièce et ça déclenche le morceau qu’on a sélectionné. Aujourd’hui, je vais jouer le rôle du jukebox ! Explique François Moschetta, à partir des citations de Matisse piochées par le public, je vais choisir un morceau, parler des compositeurs, parler de mon instrument et expliquer pourquoi ce morceau résonne avec le travail de Matisse. On est très loin d’une conférence’.
‘Le désir de la ligne’
A travers l’étude des œuvres de Matisse acquises par Doucet, l’exposition ‘Le désir de la ligne’ tend à expliquer les liens entre le couturier, collectionneur et mécène Jacques Doucet (1853-1929) et l’artiste Henri Matisse (1869-1954). En confrontant les œuvres de Matisse à celles d’autres artistes, également collectionnées par Doucet, une nouvelle vision du parcours de l’un des représentants majeurs de l’art du XXe siècle est proposée.
Vendredi 30 septembre à 19h30, Jardin du Musée Angladon, Avignon. Tarif : 12€ plein tarif / 6€ tarif réduit. ‘Le désir de la ligne. Henri Matisse dans les collections Doucet’, du 2 juin au 9 octobre.