L’Hexagone est exposé à « un risque assez élevé » d’épidémies liées au moustique tigre (Aedes albopictus) dans les cinq prochaines années, a alerté l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, dans un communiqué publié vendredi 13 septembre. Parmi les maladies concernées : principalement la dengue, mais aussi le chikungunya et le Zika, des infections virales qui se transmettent à l’être humain par les piqûres des moustiques du genre Aedes.
Originaire d’Asie du Sud-Est, le moustique tigre s’est implanté en France métropolitaine en 2004, dans le département des Alpes-Maritimes. Cantonné dans un premier temps au sud-est du pays, l’insecte s’est ensuite rapidement propagé sur l’ensemble du territoire. Comme le montre notre carte, basée sur les données du ministère de la Santé et de la Prévention, en 2014, le moustique tigre n’était installé que dans 20 départements situés dans la moitié sud du pays. Dix ans plus tard, sa présence est désormais avérée dans au moins 78 départements (sur les 96 départements métropolitains). Selon les données les plus récentes disponibles cette année, la pointe de la Bretagne, une partie de la Normandie, le nord des Hauts-de-France et la région Champagne-Ardenne faisaient partie des rares zones encore épargnées par le moustique tigre.
Le constat est clair avec les dérèglements du climat les moustiques prolifèrent partout dans le monde. Jusqu’alors l’emploi de pesticides était l’unique réponse. Mais leur utilisation montre aujourd’hui toutes leurs limites, y compris sur la santé des hommes. Fort de ce constat plusieurs entrepreneurs se sont lancés dans des solutions alternatives, respectueuses des hommes et de l’environnement. C’est le cas de Qista, installée à Sénas. Mais, la démarche de cette jeune entreprise va bien plus loin…
Dans le monde, un enfant meurt toutes les 5 secondes, d’une maladie infectieuse suite à une piqure de moustique (paludisme et chikungunya principalement). Ce constat fait froid dans le dos, surtout que les quantités de pesticides répandues dans la nature n’ont jamais été aussi importantes. Pire, au moins 80% des moustiques que l’on trouve en Afrique ont développé des résistances aux pesticides, qui rendent ces derniers de moins en moins efficaces. Et certains de ces produits éradiquent aussi les prédateurs des moustiques : hirondelles et chauve-souris, un comble. Donc il est plus que nécessaire de mettre en place des solutions alternatives qui soient efficaces et durables.
Pierre Bellagambi confie sa première borne à la Tour du Valat
Pierre Bellagambi, le créateur de la société Qista, est née à Arles, au milieu des moustiques, comme il aime à préciser. Donc, il connaît le sujet… Dés 2012, il travaille sur un projet de borne anti-moustiques qui n’utilise pas de pesticide, mais un principe de bio-mimétisme. Il s’agit d’attirer les dites bestioles par l’émission de substances naturelles qui ressemblent aux molécules émises par la respiration et la transpiration de l’homme. Une fois alléchée par ces effluves faites de CO2 et d’un leurre olfactif dont la maison a le secret, les moustiques sont aspirés par la machine, et ils meurent par déshydratation.
Pierre Bellagambi confie sa première borne à la Tour du Valat, le célèbre institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes, installé en Camargue au milieu des dits insectes. Le test fût concluant. En 2014, Pierre décide de créer sa société et de se lancer dans l’aventure. D’abord installée à Saint-Rémy-de-Provence et ensuite à Aix-en-Provence (technopole de l’Arbois-Méditerranée) son entreprise est implantée, depuis 2021, à Sénas. Une position stratégique située à proximité de l’autoroute A 7. « La mairie nous a bien accompagné dans notre installation » précise, Pierre Bellagambi.
L’entreprise annonce qu’elle disposera très prochainement d’une boutique en ligne sur Amazon
Qista compte aujourd’hui 60 salariés et devrait, en 2024, réaliser un CA de l’ordre de 6 M€, dont 25 % à l’exportation. Pierre Bellagambi, son créateur s’est associé au fond d’investissement de Thierry Dassault. L’entreprise qui a bénéficié du plan France Relance est aujourd’hui en phase de bouclage d’une levée de fond de 5 M€ pour poursuivre son développement. L’entreprise annonce qu’elle disposera très prochainement d’une boutique en ligne sur Amazon. Qista , qui souhaite conserver son indépendance et avoir la maitrise sur l’ensemble de son processus de production et de commercialisation, ne sous-traite quasiment aucune fonction. Tout est conçu, fabriqué et distribué depuis Sénas. Du vrai made in France à 100 %. L’entreprise est détenteur de 3 brevets et dispose de son propre service de R&D avec un laboratoire où travaillent plusieurs scientifiques, dont le docteur Mélanie Dahoui, entomologiste et parasitologue.
Aujourd’hui, Qista a vendu et installé 13 000 machines partout dans le monde. Ses clients sont à 60 % des particuliers. L’entreprise développe toute une gamme de bornes avec une entrée de gamme à moins de 1 000€. D’autres marchés s’ouvrent à elle, notamment celui des collectivités. Ainsi, récemment les villes de Hyères et de Libourne se sont équipées respectivement 425 et 100 bornes pour protéger les zones publiques comme les squares, les écoles, les marchés, les maisons de retraite ou encore les proximités des cimetières (à cause de l’eau des fleurs des tombes…).
Si un tel équipement représente un certain investissement son utilisation est bien moins couteuse et sans impact sur l’environnement que l’emploi de pesticides. 1 gramme de leurre et 10 Kg de CO2 permettent de traiter un hectare sur deux mois avec un coût estimé 5 fois moindre que les pesticides.
Une borne intelligente
Certaines des bornes développées par Qista sont plus que des simples pièges à moustiques. Elles ne se contentent pas de les éliminer, elles les comptent et transmettent ses données à Qista qui se constitue peu à peu un observatoire de l’évolution des populations de moustiques. « Elle est la seule à faire cela » précise non sans une certaine fierté Pierre Bellagambi. Des données très précieuses pour prévenir et éradiquer avec précision. L’OMS s’intéresse d’ailleurs à ces données, qui peuvent être croisées avec les conditions climatiques et leurs évolutions. Les corrélations sont plus qu’intéressantes. Pour le PDG de l’entreprise la lutte contre la prolifération des moustiques c’est aussi avoir accès à ce type d’informations.
Qista aux Jeux Olympiques
Qista été choisie par l’organisateur des épreuves d’équitation des jeux olympiques qui se tiendront dans l’enceinte du château de Versailles. Il s’agit de protéger les chevaux d’éventuels moustiques porteurs de maladies. Pour Qista c’est sans doute une très belle médaille, une de plus qui vient s’ajouter aux très nombreuses récompenses et prix reçus par l’entreprise pour ses innovations et sa démarche en faveur de l’environnement. Un vrai champion !
Alors que sa présence est avérée en Vaucluse depuis plus de 10 ans maintenant, et à quelques jours du lancement du plan officiel de lutte contre le moustique tigre, vigilance-moustiques publie la carte du moustique tigre 2023 qui confirme une nouvelle fois la progression de l’espèce en métropole. C’est désormais 71% du territoire national qui est infesté par cet insecte.
Vigilance-moustiques, site d’information sur la présence de moustiques en France et dans le monde et son partenaire la marque Manouka de produit anti-moustique, viennent de dévoiler la carte de la présence de l’Aedes Albopictus (plus connu sous le nom de moustique tigre) en France. Le Vaucluse, où la présence de cet insecte pouvant transmettre des maladies comme le chikungunya, la dengue ou le zika est officiellement avérée depuis 2011, fait partie des 68 départements métropolitains où le moustique tigre est considéré comme ‘Implanté et actif’ (7 autres sont placés en vigilance orange : voir carte ci-dessous). « La progression du moustique tigre cette année se poursuit avec 4 nouveaux départements colonisés et placés en vigilance rouge, explique vigilance-moustiques. Il s’agit de La Meurthe et Moselle, le Loir et Cher, le Loiret, et le Val d’Oise. A cette liste, s’ajoute 3 nouveaux départements en vigilance orange, tous situés en Bretagne qui était jusque-là épargnée : L’Ile et Vilaine, le Morbihan et le Finistère. »
Le phénomène épidémique s’amplifie avec 65 cas en 2022 D’année en année, des épidémies se déclenchent régulièrement en métropole et sont stoppées plus ou moins rapidement grâce au dispositif de lutte mis en place par l’Etat du 1er mai au 30 novembre. Dans ce cadre la direction générale de la santé lancera donc le 1er mai prochain le plan national anti-dissémination contre la Dengue et le Chikungunya rebaptisé (depuis l’identification du risque Zika) ‘plan anti-dissémination d’arboviroses’, et concentre sa communication sur les départements où le moustique tigre est présent de manière active. Pour autant, depuis 10 ans, le nombre de ‘cas autochtones’ enregistrés lors des épidémies augmente sensiblement avant qu’il soit possible de les juguler. En 2011, les 1ers foyers épidémiques de dengue ont été recensés dans les départements du Var et des Alpes maritimes et ne concernaient que 2 à 4 individus. En 2014, 1 foyer de 12 cas autochtones a été enregistré près de Montpellier. En 2015, 7 cas autochtones furent enregistrés à Nîmes En 2022, ce sont 9 foyers épidémiques totalisant 65 cas autochtones de dengue qui ont été recensés dans la partie sud de la France malgré la mise en œuvre du plan anti-dissémination. L’expérience montre cependant que les départements en vigilance orange passent la plupart du temps au rouge dans les années qui suivent et méritent donc une attention particulière.
De quoi inquiéter plusieurs spécialistes qui n’ont pas hésité à faire part de leurs craintes dans les colonnes de nos confrères du Parisien en février dernier : « Je suis inquiète pour l’été car en métropole la population n’est pas sensibilisée, elle ne connaît pas ce moustique », assure ainsi, Anna-Bella Failloux, directrice de l’unité Arbovirus et insectes vecteurs à l’Institut Pasteur à Paris. « Une fois l’épidémie partie, c’est très compliqué de l’arrêter », confirme Xavier de Lamballerie, chercheur et directeur du centre national de référence des arbovirus. En effet, les phénomènes épidémiques sont très rapides pour se propager comme on a pu le constater en Italie en 2007, période où le Chikungunya et la dengue n’étaient pas spécialement surveillés. Fin juin: une personne porteuse de la maladie arrivait dans le pays. Début juillet, le premier cas autochtone était déclaré et au bout d’un mois et demi les autorités transalpines recensaient déjà 300 cas… Dans tous les cas, « 2022 est une année charnière où on a franchi une étape de plus dans le risque », reconnaît déjà Marie-Claire Paty, coordinatrice de surveillance des maladies vectorielles chez Santé publique France.
Comment reconnaître le moustique tigre ? L’Aedes Albopictus est plus petit qu’une pièce de 1 centime (quelques millimètres), il a un vol assez lent et il est facile à écraser en vol. Vu de plus près, on distingue qu’il est noir avec des rayures blanches sur les pattes et sur l’abdomen, ce qui lui vaut son surnom de moustique tigre. Habitué dès son origine asiatique à naître dans des petits gites (plantes retenant l’eau), il a pu aisément coloniser toutes sortes de gites larvaires accidentels que lui propose l’environnement urbain et péri-urbain (coupelles sous les pots de fleurs, arrosoirs, vieux pneus, gouttières bouchées, etc…). Venu d’Asie, le moustique tigre est d’une adaptabilité hors du commun, ce qui lui a permis de coloniser 60 pays dans le monde, et de faire partie des 10 espèces les plus invasives au monde. Afin d’orienter l’action des organismes en charge de la ‘lutte anti-vectorielle’, il est essentiel de signaler la présence du moustique tigre partout où il se trouve. En cas d’observation d’un spécimen suspect, le prendre en photo, si possible avant de l’avoir écrasé, ou bien après l’avoir neutralisé sans l’abîmer, puis envoyer la photo à Vigilance-moustiques qui l’enverra aux organismes compétents pour authentification.
Comment agir ? Veiller à ne pas laisser d’eaux stagnantes dans son environnement proche : vider les soucoupes des pots de fleur (ou mettre du sable dedans), vider et retourner les pneus, seaux ou arrosoirs ainsi que tous les petits objets (jouets d’enfants…) laissés à l’extérieur, nettoyer les gouttières ou canalisations bouchées, traiter les mares avec des larvicides, recouvrir les cuves de récupération des eaux de pluie, nettoyer les replis des bâches laissées à l’extérieur, les bâches de piscine, renouveler l’eau des vases, de la gamelle du chien… De manière générale, surveiller la moindre cavité qui peut se remplir d’un peu d’eau sans pouvoir se vider naturellement. Il suffit de quelques millilitres d’eau stagnante pour que le moustique tigre femelle puisse y pondre des centaines d’œufs. Le moustique tigre ne vole pas très loin de ses propres ailes (100 à 200 mètres). Il est donc possible de vérifier dans le périmètre immédiat autour de la découverte si d’autres sont présents, qu’il faudra signaler de la même manière.
*Un foyer est dit épidémique à partir du moment où l’on constate 2 cas autochtones déclarés, groupés dans le temps et l’espace.
Comment le moustique tigre a colonisé l’Hexagone
« Elles courent, elles courent » les maladies à transmission virale et il faut anticiper les risques sanitaires » explique un spécialiste au Ceser, le Conseil économique social et environnemental régional.
Hélas, il ne s’agit pas de ‘La maladie d’amour’ de Michel Sardou mais des MTV (Maladies à transmission virale) « qui sont en pleine expansion » affirme Denis Fontenille, entomologiste (spécialiste des insectes) auprès de l’IRD (Institut de recherche pour le développement) dont le siège est à Marseille depuis 2008. « Cette recrudescence s’explique par l’accélération des déplacements, la mondialisation des échanges des biens et des personnes, les voyages, le commerce international et le changement climatique qui donne des températures caniculaires l’été sur le pourtour méditerranéen favorables au développement des parasites en tous genres. » Venu au Ceser (Conseil économique, social et environnemental) de la Région Sud, Porte d’Aix à Marseille à la demande des membres de la commission ‘Prospective’, il a expliqué pourquoi un Covars (Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires) vient d’être lancé par le Ministère de la Santé. « Il y a une inter-action entre l’homme et son environnement. Ces maladies véhiculées par des insectes, (moustiques et tiques), se propagent grâce à des piqures et provoquent notamment la dengue, le chikungunya, la fièvre jaune ou le paludisme ».
Denis Fontenille, qui fait partie du Covars et qui a travaillé à l’Institut Pasteur, au Sénégal, au Cameroun, au Cambodge, au Canada, ajoute que nos régions sud, (Provence et Occitanie) sont particulièrement exposées, en raison du climat, des températures élevées, tout comme les départements et territoires d’Outre-Mer. « On dénombre 3 600 espèces de moustiques dans le monde, 65 sont déjà présentes en France métropolitaine et 50 en Paca. Pas seulement celui qui sévit en Camargue, autour d’Arles et des Saintes-Maries-de-la-Mer, mais aussi le ‘moustique-tigre’, et il est là pour longtemps. Il est apparu en Asie du Sud-Est, au Japon, grâce aux transports routiers, ferrés et aériens, il est arrivé chez nous en provenance d’Italie en 2004. Il est très invasif, il pond ses larves dans des gouttières, des coupelles et il prolifère de façon exponentielle. D’ici 2050, 70% de la population sera urbaine, il est donc urgent de lutter contre ces MTV. »
Explosion de la dengue en 2022 en Provence-Alpes-Côte d’Azur Le spécialiste des maladies à transmission virale insiste : « On a assisté à une explosion de la dengue en 2022 en PACA, plus de 50 cas, autour de Saint-Jeannet et de Saint-Laurent du Var dans les Alpes-Maritimes, de Fayence, dans le Haut-Var. 12 cas ont été recensés en Occitanie, 2 en Corse. A coup sûr, ces chiffres vont augmenter. » La fièvre jaune a été importée à l’âge d’or du port de Marseille, quand des centaines de navires accostaient sur le Vieux-Port et les quais de la Joliette avec leur chargement de marchandises exotiques et tropicales et avec leurs marins venus d’Orient et d’Extrême-Orient. Avec la chute d’activité de l’ex-1er port de France, la maladie a reculé, mais on a détecté des cas de fièvre jaune il y a 2 ans à Marseille. Autre sujet de préoccupation : la leishmaniose qui concerne d’abord les chiens. Elle est en progression heureusement; l’injection de médicaments anti-parasitaires la neutralise.
Disparition du paludisme pour les hommes mais apparition du ‘Dragon jaune’ pour les agrumes Une nouvelle maladie se propage désormais aux agrumes, celle du ‘dragon jaune’, qui entraîne des dégâts considérables dans le Bassin méditerranéen. Citrons, oranges, mandarines, clémentines, pomélos sont menacés, en métropole mais aussi en Corse, en Guadeloupe et en Martinique. En liaison avec les chercheurs du Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) une nouvelle espèce, le citron-caviar a été créée, qui résiste à la maladie. Une bonne nouvelle, toutefois, dans ce monde des MTV : « Le paludisme a été éradiqué chez nous. L’hygiène s’est imposée, le niveau de vie a progressé, les vaccinations aussi, les zones humides ont reculé, en dehors de la Camargue. Désormais, il concerne surtout les pays africains ».
Les insecticides ne constituent pas une solution Avant de conclure son intervention devant le Ceser, Denis Fontenille a évoqué les pistes à venir. « Evidemment, certains préconisent de nouveaux insecticides, c’est hors de question, ils polluent et ils ne tuent pas que les insectes, ils sont toxiques pour nous aussi. Il faut encourager la biodiversité, des stratégies alternatives, ne pas attendre d’être pris à la gorge. Des astuces simples, déjà sont à la portée de tous, supprimer les coupelles sous les pots de fleur, les eaux stagnantes qui attirent les moustiques, évacuer l’eau des gouttières et porter des manches longues quand on arrose le jardin, l’été. »