22 novembre 2024 |

Ecrit par le 22 novembre 2024

Jusqu’au 29 juillet, le Bar à Vins fait son festival à Avignon

Dans la magnifique Cour de l’Hôtel du marquis de Rochegude, rue des Trois Faucons, construit en 1732-33 et inscrit au titre des Monuments historiques en 1932, chaque été, la Maison des Vins accueille environ 8000 festivaliers. Des touristes et des vauclusiens qui viennent goûter une sélection des vins des Côtes du Rhône.

A partir de 19h, vignerons, cavistes, négociants et sommeliers échangent avec eux, parlent de leur terroir, que ce soit Laudun, Cairanne, Beaumes-de-Venise, Roaix, Signargues, Visan ou Sainte-Cécile.
Parmi les sommelières, Géraldine Clément, une des meilleures ambassadrices de la Vallée du Rhône, qui anime régulièrement des ateliers au Carré du Palais, sur la place du Palais des Papes. Et Virginie Faure, diplômée de l’Université du Vin de Suze-la-Rousse, qui organise des formations et propose des circuits d’oeno-tourisme à la demande dans le Luberon (vi.toutautourduvin@orange.fr).

Michel Chapoutier, ancien président d’Inter-Rhône.

Parmi les invités croisés à La Maison des Vins, ce soir-là, le bouillonnant Michel Chapoutier, ancien président d’Inter Rhône et vigneron des crûs les plus réputé de Tain l’Hermitage, Crozes-Hermitage ou Saint-Joseph. Mais aussi, Christian Paly, président de l’INAO (Institut National des Appellations d’Origine) et viticulteur à Tavel et Lirac.

« Normalement, nous devrions avoir une belle récolte à l’automne, » dit-il, « Il y a longtemps qu’on n’avait pas vu de si beaux grains, de si belles grappes en nombre et en taille. Pourtant, au début de la campagne, les vignes ont manqué d’eau, au printemps, c’est très rare. Mais en mai, inversion de la météo, avec beaucoup de pluie, du coup on a dû lutter contre le milidou en accélérant la cadence des traitements ».

Christian Paly, vigneron de Lirac et Tavel et président de l’INAO.

Côté marchés, précise Christian Paly : « La consommation globale de vin est régulièrement en baisse. Les jeunes boivent plutôt de la bière et des cocktails. Fini le gigot ou le poulet du dimanche avec une bonne bouteille. En plus la typologie aussi, a évolué, la ‘buvabilité’, si je puis oser ce néologisme a atteint ses limites. On ne peut plus faire du vin trop alcoolisé à 14°. Il faut proposer des rouges légers mais fruités et intenses. Pareil pour les rosés à plus ou moins long terme. En plus, les consommateurs ont des attentes sociétales, avec une gestion de l’eau plus stricte, un développement plus durable, une plus grande prise en compte de l’environnement, de la bio-diversité, nous devons mettre au point des espèces végétales, des cépages plus résistants au stress hydriques, aux maladies, sans avoir recours aux intrants. Et pour arrêter de subir les crises sanitaires ou le changement climatique, nous devons absolument innover, c’est notre slogan, à l’INAO ».

« Il faut proposer des rouges légers mais fruités et intenses. »

Christian Paly.

Autre son de cloche, celui du Président du Syndicat Général des Vignerons des Côtes-du-Rhône, Denis Guthmuller : « Tout va bien, même si nous avons subi quelques courts épisodes de gel voire de grêle et si quelques parcelles ont été frappées par le mildiou. On a un tel beau temps après de bonnes pluies, que la vendanges 2023 devrait être magnifique, nickel!

Denis Guthmuller, président du Syndicat général des vignerons.

Il n’y a pas qu’Avignon qui fête les Côtes-du-Rhône en juillet. Dans les vignobles qui longent le Rhône, plus de 300 soirées d’animations sont prévues cet été. Sans pourvoir les citer toutes, « Soirée Muscat » chez Xavier Vignon à Beaumes-de-Venise le 11 juillet, « Bodega de la Cave » les 13 & 14 juillet à la Maison Sinnae de Laudun, « Gigondas sur table » le 17 juillet, « Quand Vin le soir », un wine-bar à Rasteau le 19, « L’éphéverre » au Domaine du Bois de Saint-Jean à Jonquerettes le 21 juillet, « Vin Mètre Cube by Cairanne » les 27 & 28 juillet à Cairanne par la jeune génération des vignerons de l’appellation.
A consommer, évidemment, avec modération!

Contacts : www.vins-rhone.com
www.cotesdurhone.com
04 90 27 24 00


Jusqu’au 29 juillet, le Bar à Vins fait son festival à Avignon

Philippe Pellaton, président de la cave Sinnae à Laudun, vient d’être élu président d’Inter-Rhône. Il succède à Michel Chapoutier pour un mandat de 3 ans durant lequel il entend poursuivre la politique de montée en gamme, de hiérarchisation et environnementale de l’interprofession.

Philippe Pellaton, 51 ans, est le nouveau président d’Inter-Rhône. Il succède à Michel Chapoutier, qui vient d’achever 2 mandats de 3 ans à la tête de l’interprofession regroupant 1 500 opérateurs des vins AOC (Appellation d’origine contrôlée) des Côtes-du-Rhône et de la vallée du Rhône. Selon les modalités de gouvernance en usage au sein de l’interprofession, c’est donc un représentant de la production qui succède à un élu du secteur du négoce.

Un changement dans la continuité puisque Philippe Pellaton était déjà vice-président d’Inter-Rhône depuis 2010 et membre de la commission promotion depuis 2004. Il est aussi le président depuis 18 ans de la maison gardoise Sinnae (ex-cave coopérative de Laudun Chusclan Vignerons). Cette cave, créée en 1925, regroupe aujourd’hui 200 vignerons coopérateurs répartis sur 25 communes avec plus de 2 800 hectares de production et un potentiel de 130 000 hectolitres annuel. Il s’agit du premier producteur en volume des Côtes-du-Rhône et Côtes-du-Rhône Villages (8 millions de bouteilles).

« Certaines appellations des Côtes-du-Rhône sont aujourd’hui loin de leur potentiel de production ».

Le nouveau président d’Inter-Rhône entend poursuivre le mouvement de « premiumisation », en continuant de relever la valeur des vins de la Vallée du Rhône tout en diversifiant la production vers les blancs (15% d’ici 5 ans contre 10 % actuellement) et les rosés (20 à 25 % au lieu de 15 %).

En parallèle de cette diversification de la production, Philippe Pellaton réaffirme sa volonté de valoriser par la hiérarchisation et la montée en puissance des Côtes-du-Rhône Villages avec indication géographique et des Crus. Le nouveau président envisage une belle marge de progression puisque, pour lui, « certaines appellations des Côtes-du-Rhône sont aujourd’hui loin de revendiquer tout leur potentiel de production ».

Philippe Pellaton souhaite, enfin, continuer d’accompagner l’ensemble du vignoble dans une démarche environnementale type HVE (Haute valeur environnementale) ou RSE (Responsabilité sociétale des entreprises).

« Depuis plusieurs années, les pratiques vertueuses d’un engagement RSE sur les plans économiques, sociaux et environnementaux sont reconnues par les acteurs du vignoble, vignerons, caves coopératives et négociants, insiste-t-il. L’objectif est de maintenir l’équilibre entre l’efficacité économique, le respect de l’environnement et le progrès social. » Une approche que Philippe Pellaton souhaite rendre pérenne et collective en incitant « toutes les parties prenantes des Côtes du Rhône et de la Vallée du Rhône à le suivre, il pourra s’appuyer sur l’exemplarité d’Inter Rhône qu’il souhaite faire labelliser ».

« Nous nous inscrivons dans un moment de grande confusion. »

Le nouveau président d’Inter-Rhône est aussi revenu sur les conséquences de la conjoncture actuelle. Si le Covid-19 a focalisé l’attention, le secteur a également été touché par la mise en place des taxes douanières voulues par l’administration Trump aux Etats-Unis ainsi que la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne : les deux premiers pays clients à l’export des vins de la Vallée du Rhône.

« Nous nous inscrivons dans un moment de grande confusion, tant au niveau national qu’au niveau international, explique-t-il. Nous venons de traverser 6 mois compliqués et nous avons devant nous 6 mois sans visibilité. »

Si pour l’instant le Brexit semble ne pas avoir eu de conséquences sur la demande outre-Manche, le marché américain a connu une baisse de -20 % sur les 12 derniers mois et de -46 % entre janvier et août 2020. En Chine, autre pays convoité par Inter-Rhône, le recul est de plus de 40 % sur les 8 premiers mois de l’année.

L’impact est cependant moins important puisque la Chine représente moins de 50 000 hl, là où les Etats-Unis pèsent 150 000 hl par an. « Il s’agit de 2 pays ciblés par Inter-Rhône depuis des années qui constituent des relais de croissance, tant en volume qu’en valeur », précise Philippe Pellaton qui entend par ailleurs restructurer le pôle technique de l’institut rhodanien afin d’en faire un véritable outil de mutation du secteur au profit des adhérents d’Inter-Rhône.

 

Un vigneron engagé dans le combat syndical

Titulaire d’un diplôme d’ingénieur en agriculture obtenu à l’école d’ingénieurs en agronomie, agro-alimentaire et environnement de l’Isara de Lyon, Philippe Pellaton a d’abord occupé un poste de responsable commercial dans un laboratoire vétérinaire avant de s’installer comme jeune agriculteur en 1999 à Laudun, sur l’exploitation familiale. Il y reprend les 8 ha de son grand-père. Aujourd’hui, son exploitation compte 35 ha certifié HVE (Haute valeur environnementale). Il produit une partie en bio et réalise 20 % de sa production en blanc.

Particulièrement actif en termes de représentation syndicale, il a enchaîné 4 mandats de président du Syndicat général des vignerons des Côtes-du-Rhône. Une présidence qu’il va abandonner en décembre prochain. Depuis juillet dernier, il a également cessé son mandant au sein de la Fédération des AOC (Appellations d’origines contrôlées) du Sud-Est. Il fera bientôt de même d’ici quelques semaines au sein de la Confédération nationale des vins d’origine (Cnaoc). En revanche, après avoir été président du Comité régional vins de l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao), Philippe Pellaton en restera membre.


Jusqu’au 29 juillet, le Bar à Vins fait son festival à Avignon

Malgré la conjonction des incertitudes sur les marchés internationaux puis l’impact de la crise sanitaire liée au Covid-19, les vins de la Vallée du Rhône ne manquent pas d’atouts pour sortir leur épingle du jeu dans un secteur qui reste fortement concurrentiel.

Pour Michel Chapoutier, président d’Inter-Rhône l’interprofession des vins de la Vallée du Rhône depuis 2014 il est indéniable que la crise sanitaire du Covid-19 « a affecté directement l’ensemble des opérateurs de la filière viticole. » Ainsi, dès le mois de mars, un recul important des volumes en sorties de chais a été observé, avec une baisse de -20% sur le mois de mars 2020 par rapport à mars 2019.

Cette tendance s’est accentuée dans les semaines qui ont suivi puisque les sorties de chais du mois d’avril affichent un recul de 30 %.  Outre une baisse voire une disparition des commandes, la filière locale déplore aussi des difficultés logistiques, tant pour les expéditions vers la France que vers l’étranger, ainsi que des problèmes d’approvisionnement. La désertion des caveaux de vente a frappé également de plein fouet les appellations pour lesquelles la vente directe est un circuit important, telles que le Duché d’Uzès, Cornas, Vinsobres, Grignan-lès-Adhémar, ou encore les vins doux naturels de Rasteau.

« Le confinement, un véritable coup d’arrêt porté aux moments de convivialité. »

« L’effet de la crise est différent d’un pays à l’autre, traduisant la dimension culturelle des réactions à la crise et des habitudes de consommation, précise Etienne Maffre vice-président. Chine et Etats-Unis proposent deux modèles opposés –avec une forte baisse de la consommation dans l’empire du milieu tandis qu’Outre-Atlantique on observe un maintien, voire une progression, de la consommation pendant la crise. » En Chine, pendant la crise du Covid les exportations françaises ont reculé de -35% sur le 1er trimestre 2020 (-37% pour la Vallée du Rhône). L’annulation des festivités du Nouvel An chinois et la fermeture des restaurants ont fortement accentué le recul de la consommation de vin et particulièrement des vins français.

Toutefois, quel que soit le pays (France compris), le confinement, véritable coup d’arrêt porté aux moments de convivialité et à la vie sociale via la mise à l’arrêt forcée du secteur CHR (cafés, hôtels, restaurants) et les regroupements familiaux ou entre amis, a été brutal, touchant plus durement les AOC (Appellations d’origine contrôlée) pour lesquelles le circuit traditionnel national est majoritaire, telles que Saint-Joseph, Crozes-Hermitage et Condrieu.

« L’importance du e-commerce dans la distribution du vin va se pérenniser. »

« Le principal circuit gagnant de la crise est le e-commerce, constate Philippe Pellaton vice-président d’Inter-Rhône. Quel que soit le pays, ce circuit a enregistré les plus forts taux de progression et devrait devenir incontournable. » Aux Etats-Unis, en dépit de la fermeture des restaurants, la vente de vin en ‘off-trade’ a enregistré un véritable boom sur la période (+29,5%). Durant celle-ci, les Américains ont développé de nouvelles habitudes de consommation à domicile pendant mais aussi en dehors des repas. En Chine aussi, le e-commerce serait le grand gagnant de la crise. Il a encore renforcé son poids dans la distribution et représenterait 25% des ventes de vins. Dans le même temps, la restauration, les cavistes et les supermarchés ont également été fortement touchés avec des effets négatifs sur le moyen et haut de gamme. Petite révolution cependant dans les linéaires de vin de la grande distribution, les Côtes-du-Rhône y deviennent l’AOP (Appellation d’origine protégée) de France la plus vendue (en volume) et devancent, pour la première fois de leur histoire, les Bordeaux.

« Tout porte à croire que l’importance du e-commerce dans la distribution du vin va se pérenniser et se développer au-delà de cette période, poursuit Philippe Pellaton, la crise sanitaire a poussé de nombreux acteurs à se tourner vers ce circuit et à investir dans des outils et solutions de vente en ligne, dont les effets devraient perdurer. » Un monde d’après qu’Inter-Rhône n’a pas peur d’affronter.

« Airbus met les vins français dans la difficulté. »

Mais avant de se focaliser sur le monde d’après, Michel Chapoutier rappelle qu’il y a aussi le monde d’avant. Celui où les vignobles de la Vallée du Rhône avaient déjà été mis à mal par la guerre commerciale que se livrent l’Europe et les Etats-Unis au sujet de l’aéronautique. A l’automne, un arbitrage rendu par l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) jugeant illégales les subventions européennes accordées à Airbus a autorisé les Etats-Unis à mettre en place des taxes sur les produits importés d’Europe pour un montant de 7,5 milliards de dollars. L’administration Trump a donc mis en place de nouvelles taxations qui sont entrées en vigueur le 18 octobre 2019. Parmi les produits touchés, les vins tranquilles français, espagnols et allemands, au degré d’alcool inférieur à 14°, ont été impactés par une taxe à hauteur de 25% de leur valeur. Les exportations françaises ont subi le contrecoup de ces taxes et ont enregistré un recul sur les 2 derniers mois 2019, effaçant les très bonnes performances du début d’année.

« La perte de ce marché a blessé notre filière régionale, explique Michel Chapoutier qui rappelle que les Etats-Unis « constituent le 1er marché à l’export avec 25% de notre chiffre d’affaires mais surtout 50% de nos marges. L’Etat doit donner de l’argent aux viticulteurs, car ce n’est pas à nous de rembourser ce qu’il a donné à Airbus. » A cela s’ajoute le Brexit et les inconnues concernant les échanges avec le Royaume-Uni qui, avec 142 000 hl par an, reste un débouché majeur pour les vins de la région ainsi que le ralentissement de l’économie chinoise avec des importations de vins en Chine en recul depuis le second semestre 2018. Pourtant les représentants d’Inter-Rhône restent optimistes car ils estiment que les vins de la Vallée du Rhône ne manquent pas d’atouts pour faire face à cette adversité.

« De nombreux atouts à faire valoir. »

Pour relever les défis ‘du monde d’après’, l’interprofession veut notamment miser sur ses 500 caveaux « devenus des lieux de vente importants pour les entreprises du vignoble (ndlr : jusqu’à 10 à 25 des ventes selon les appellations). Véritables lieux d’accueil pour le consommateur, ils permettent de dégager des marges supérieures à celles qui sont réalisées dans des circuits plus intéressants pour les intermédiaires. » Par ailleurs, avec 14 millions de touristes qui se déplacent chaque année dans les trois régions dans lesquelles sont produits nos vins, l’oenotourisme représente un potentiel que la filière se doit de développer encore. Depuis plus de dix ans, l’interprofession accompagne les opérateurs dans le développement et la structuration de l’offre oenotouristique. « Nous sommes la première région viticole à avoir fait certifier des routes des vins », se félicite Etienne Maffre. L’incertitude sur les voyages internationaux pousse également les opérateurs à miser davantage sur la clientèle hexagonale. Les budgets communication et développement d’Inter-Rhône, jusqu’alors affectés à hauteur de 70% à l’export vont être rééquilibrés (2 M€) au national (50%). L’interprofession veut également miser sur des vins plus accessibles en blanc ou en rosé ainsi qu’en servant des rouges plus frais. « Les blancs sont certainement l’avenir de notre territoire », assure Etienne Maffre.

« Nos vignobles de la Vallée du Rhône attaquaient l’année 2020 avec de solides atouts et une bonne compréhension des enjeux auxquels nous devions faire face, conclut Michel Chapoutier. Des difficultés se présentaient sur certains marchés à l’exportation ou en France, mais nos appellations ne traversaient pas de crise structurelle. Le Covid est arrivé. Nos marchés, nos circuits, nos entreprises ont été ébranlés et un temps désorientés par cette crise conjoncturelle. Entre les impacts immédiats, comme l’effondrement des circuits traditionnels, et des évolutions plus durables, tel que le e-commerce, cette crise nous oblige à dresser un état des lieux et à se questionner sur le monde d’après. » Le plan de relance s’exprime ainsi, sur 3 axes : l’accompagnement des prescripteurs (cavistes, acheteurs, sommeliers ou journalistes), la réponse aux attentes des consommateurs et la maîtrise des marchés.

Philippe Pellaton, Michel Chapoutier et Etienne Maffre

Les gardiens du vignoble

Restaurants, cavistes, caveau, salons, exportations : rien ne va plus dans le monde du vin en 2020, année de l’hygiénisme et des sanctions douanières imposées par Donald Trump depuis octobre dernier. Comment faire face à cette nouvelle mondialisation ?

Dans le monde du vin, on en parle comme de ‘la taxe Airbus’. Elle frappe une partie de la filière viticole française depuis mi-octobre 2019 et concerne plus de 85 000 entre- prises. Cette sanction douanière, imaginée par l’administration américaine, consiste en une taxe de 25% sur les vins français non pétillants affichant moins de 14 degrés d’alcool. Elle a été autorisée par les autorités internationales (OMC) dans le cadre du différend opposant Washington à Bruxelles concernant les subventions à Airbus et Boeing. Dans cette bataille de géants, ce ne sont ni les champagnes, ni les cognacs de la grande marque du luxe français qui trinqueront. Mais bien les maisons qui, de longue date, ont mené une stratégie d’exportation comme Gabriel Meffre.

■ Juillet, mois de tous les dangers

Négociant éleveur et producteur installé à Gigondas depuis 1936, la maison vauclusienne dirigée par Etienne Maffre « a eu le déclic dans les années 90, alors que nous nous étions résolument tournés vers la vente en bouteille sous nos propres marques, en suivant une politique de qualité et de valorisation de notre production ». Jusqu’à nos jours, où les marchés étrangers –Pays-Bas, Grande-Bretagne, Canada et Etats-Unis– absorbent 75% de la production issue de trois bassins (Vallée du Rhône, Langue- doc et Provence).

L’exportation représente ainsi 70% du chiffre d’affaires, naviguant toujours un peu au-dessous des 40M€. C’est un pari rentable pour le terroir. « Chaque année, nous pouvons investir 2 à 3% de nos revenus au profit des bâtiments et des vignes. Nos dernières acquisitions foncières remontent à septembre dernier et portent sur un vignoble de 12 hectares, situés en Cairanne (7ha), Rasteau (2ha), et côte du Rhône Village (3ha) ». Gabriel Meffre s’étend donc sur 90 hectares dans la partie méridionale de la vallée du Rhône et affronte la crise américaine en plein renouveau de son activité. Un marché loin d’être négligeable en terme de profit puisqu’il contribue à 10% de la marge de la société. « Si nous n’avions pas fait le choix de partager avec nos distributeurs américains le coût de la surtaxe, nous aurions abouti à un doublement du prix de la bouteille chez le détaillant. Dans ces conditions, rien de plus simple pour le consommateur que de passer d’un vin français à un vin italien qui n’est pas surtaxé. Et, une fois perdues, les parts de marché sont très difficiles et coûteuses à regagner. Nous avons donc fait l’effort de les maintenir en commun autant que possible. » Cette initiative a bien fonctionné auprès des importateurs. « Au mois de janvier, nous avons eu une hausse de 65% des ventes qui cache, en réalité, un effet d’aubaine. Les importateurs ont constitué un stock important en vue du second round de négociations entre l’UE et les Etats-Unis qui doit avoir lieu au mois de juillet où il sera question d’élever les droits de douane de 25% à 100% sur les vins français. » Les mois de mars (-35%) et d’avril (-40%) ont cependant concrétisé l’effondrement inéluctable des ventes de Gabriel Meffre sur le marché américain, comme celles de tant d’autres producteurs entrés, depuis lors, dans une autre bataille, celle du confinement. « On ne pourra pas tenir au-delà de juillet en ce qui concerne la compensation de la taxe», confirme Frédéric Chaudière, à la tête du Château Pesquié (Ventoux, Mormoiron).

■ La gestion des stocks, clé stratégique du ‘nouveau monde’ du vin

Restaurants, hôtels, cavistes, caveau, salons (Düsseldorf), expor- tations : rien n’ira plus dans le monde du vin si on ne peut pas reprendre au plus vite. Des solutions à grande échelle, comme un plan de distillation européen de 10 millions d’hectolitres, sont à l’étude pour parer au plus pressé. Mais les viticulteurs vont aussi devoir hâter la mutation de leurs exploitations, comme l’explique Frédéric Chaudière dont la famille a pris ses distances avec l’agriculture conventionnelle depuis les années 80 pour mener à bien son projet d’exprimer le terroir du Ventoux. La renommée du Château Pesquié, aujourd’hui en totalité en agriculture biologique, a largement franchi nos frontières. « Trois quarts de nos ventes se fait hors de nos frontières, dans une quarantaine de pays, avec des volumes de 550 000 à 600 000 bouteilles par an. » Un parfait exemple du « Made in France » dont l’ADN, composé de bistrot, de vin et de gastronomie plaît tant aux étrangers. Les Français, saoulés par les discours hygiénistes, y reprendront peut- être goût cet été. Mais ce n’est pas la tendance de fond. « On voit une méconnaissance de nos pratiques, pas seulement chez les consommateurs mais chez nos riverains, venus s’installer dans nos campagnes. Nous sommes devenus, les viticulteurs, suspects avec la diabolisation des traitements phytosanitaires ou de tout ce qui n’est pas bio ». L’effort de qualité, peu compris en dépit des nets progrès qui ont été accomplis, est contrarié par une nouvelle difficulté. « Notre enjeu essentiel est de pouvoir avoir des récoltes assez régulières. Or, l’aléa climatique grandit. En 2017, nous avons eu –c’est rare– des gelées importantes. En 2018, c’est du jamais vu, le mildiou est apparu en Ventoux. Avec ce type d‘événements, les pertes de récoltes se chiffrent entre 30 et 50%. La gestion des stocks deviendra donc la nouvelle constante stratégique de nos exploitations dans les années à venir à cause de ces écarts de production extrêmement marqués ».

Fort heureusement, dans cette perspective, les producteurs pourront compter sur des canaux de distribution qui montrent une grande souplesse en pleine crise. « Le poids des ventes en ligne a doublé depuis le début de l’année. En Italie, pays avec lequel on travaille peu, le site ‘Vino 75’ a réalisé au premier trimestre l’équivalent de toutes les ventes de l’année dernière. En France, nous allons probablement doubler ou tripler notre chiffre d’affaire avec le site de livraison de repas au bureau « Frichty », se réjouit Frédéric Chaudière. L’opportunité est venue d’une annula- tion de commande de la compagnie japonaise Ana qui avait mis le Château Pesquié à la carte de sa ‘business class’ avant d’être clouée au sol par les mesures sanitaires. Un stock qui a servi à alimenter le site en ligne français.

Hervé Tusseau

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