22 décembre 2024 |

Ecrit par le 22 décembre 2024

Locations Airbnb en copropriété : l’étau se resserre…

Maître Lionel Fouquet nous rappelle que pendant de nombreuses années, il suffisait de se reporter au règlement de copropriété pour considérer la question, étant précisé que 2 situations pouvaient se présenter :
• La clause d’habitation bourgeoise stricte qui autorise uniquement un usage d’habitation des lots au sein de l’immeuble.
• La clause d’habitation bourgeoise simple qui autorise en plus de l’usage d’habitation, un usage permettant l’exercice d’une profession libérale, et ce, à l’exception des activités commerciales.

La jurisprudence considérait que les locations saisonnières n’étaient prohibées que dans le premier cas, la clause d’habitation bourgeoise stricte. De plus en plus, force est de constater que ce principe est battu en brèche, et que même en présence d’une clause simple, ou mixte, la location saisonnière se voit interdite au sein des copropriétés.

1. Plusieurs arguments sont soulevés pour y parvenir et au premier chef celui de l’esprit même de l’occupation bourgeoise de l’immeuble.
La Cour d’appel de PARIS considère dans un arrêt rendu le 15 juin 2016 n°15/18917 que si la location meublée n’était pas en elle-même, « contraire à la destination bourgeoise d’un immeuble, le caractère commercial de la location de meublés touristiques la rendait incompatible avec une telle destination ».
Plus récemment, la Cour de cassation a statué le 8 mars 2018 (RG n°14-15864), que la rotation de courtes périodes de location dans des « hôtels studios meublés » n’est pas compatible avec la destination d’un immeuble à usage d’habitation, avec possibilité d’usage mixte professionnel-habitation et à l’exclusion de toute activité commerciale, dès lors que le règlement de copropriété traduit une volonté de stabilité des occupants.
Ainsi, la jurisprudence tend de plus en plus à privilégier le caractère résidentiel de l’immeuble, même si sur ce point certaines juridictions continuent à faire de la résidence.
Par exemple, dans un arrêt rendu le 13 décembre 2017, la cour d’appel de Pau a indiqué que la location meublée de courte durée « pourrait difficilement être prohibée dans une zone touristique comme Anglet où de nombreux logements bourgeois sont loués à la semaine pendant la saison d’été »

2. L’autre argument retenu pour faire opposition aux locations saisonnières de courte durée est celui de la commercialité de l’activité.
Cette commercialité peut se déduire notamment des services annexes proposés en marge de la location :
« Une location en meublé n’est pas, en elle-même, contraire à la destination bourgeoise d’un immeuble, à moins qu’elle ne s’exerce pour des locations de courte durée avec fournitures de services annexes (ménage, fournitures de literie, transferts vers l’aéroport) qui apparentent cette exploitation à une activité commerciale et non plus civile, étant observé que si l’activité de loueur en meublé est juridiquement de nature civile, elle est fiscalement de nature commerciale, étant imposée au titre des bénéfices industriels et commerciaux, en sorte que c’est sans abus ni dénaturation que le syndicat fait valoir que l’activité exercée par la SCI Saint-Honoré Lodge est contraire, dans l’esprit et dans les faits, aux prohibitions du règlement de copropriété »
CA Paris, 15 juin 2016, n° 15/18917
Cette commercialité peut également se déduire du contexte : la forme sociale du loueur, l’ampleur de la location, etc.

Ainsi par exemple :
« Ayant constaté que la société […] se livrait à une activité commerciale de location à la journée ou à la semaine d’appartements et de studios et retenu, appréciant souverainement la destination de l’immeuble, que le règlement de copropriété de la résidence des Pins réservait les bâtiments à l’usage exclusif d’habitation et que l’utilisation des locaux à titre professionnel était autorisée sous réserve que l’activité professionnelle ait été exercée dès l’origine, dans des locaux annexes à ceux servant à l’habitation du propriétaire, ce qui excluait que les appartements soient utilisés au titre d’une activité commerciale, la cour d’appel a pu en déduire qu’il devait être fait interdiction à la société […] de louer ses lots privatifs ou de les faire occuper par sa clientèle, alors que celle-ci ne précise pas, concrètement, en quoi la mesure d’interdiction la priverait objectivement de la substance même de son droit de propriété sur ses lots. »
Cass. 3e civ., 27 févr. 2020, n° 18-14.305.

3. Enfin, les dernières jurisprudences en date viennent vider de leur substance la distinction clauses d’habitation bourgeoise mixte / stricte, considérant qu’en toute hypothèse le syndicat peut agir sur la base des troubles anormaux de voisinage, depuis qu’il y a été autorisé par la Cour de Cassation (Civ 3e, 11 mai 2017, 16-14339).
Les décisions sont de plus en plus nombreuses en ce sens.
La Cour d’appel de Paris a pu juger que « la location d’appartements meublés à titre professionnel, pour de courtes périodes, tant par son exercice à titre commercial dans des appartements qui excluaient l’activité commerciale que par la durée limitée de la location confirmée notamment par la production d’un contrat pour quatre nuits générant une rotation importante du nombre de locataires, aggravée par le fait que le copropriétaire bailleur se réservait la faculté de louer l’ensemble des 4 lots soit deux studios, un deux pièces de façon groupée jusqu’à 14 personnes, est incompatible avec la clause d’occupation bourgeoise stipulée au règlement de copropriété » (CA Paris, Pôle 4, ch 2, 11 septembre 2013, n°11/12572).

Également la Cour d’appel de Pau :
« Il y a lieu cependant de considérer que l’activité litigieuse contrevient :
— par son caractère permanent, à l’interdiction d’affecter les appartements à la location en meublé qui n’est autorisée par le règlement de copropriété qu’à titre exceptionnel et temporaire,
— par la multiplicité et la rotation élevée des occupants à l’exigence de stabilité et de quiétude propre à l’occupation bourgeoise de l’immeuble fixée par le règlement de copropriété. »
CA Pau, 1re ch., 20 mai 2020, n° 18/00052.

Dans ces conditions, force est de constater qu’une action judiciaire menée par le syndicat des copropriétaires semble aujourd’hui permettre de faire constater et prononcer par le juge l’interdiction dans la copropriété de la location meublée de courte durée et d’enjoindre, sous astreinte, les personnes s’adonnant à ces activités d’y mettre fin.


Locations Airbnb en copropriété : l’étau se resserre…

Comment prendre des décisions qui soient justes et équilibrées ? Cette question les élus, quelque-soit le mandat, se la posent tous les jours (en tout cas on l’espère). Le projet de loi sur la régulation des locations touristiques de courte durée, actuellement en discussion à l’Assemblée Nationale et au Sénat, en est une belle illustration.

Tout d’abord quelques données pour comprendre l’importance du sujet. En France, sur la plateforme AirBnB, et rien qu’elle, environ 750 000 logements sont proposés en location saisonnière. Dans le Vaucluse, c’est plus de 15 000 logements et 2 200 sur la seule ville d’Avignon. Côté hôtels, on recense dans le département, 216 hôtels et près de 7 000 chambres (source INSEE), soit deux fois moins que l’offre AirBnB. Ca fixe les choses.

Cette offre participe activement au développement de l’attractivité touristique du territoire
La première réaction pourrait consister à se dire que si l’offre non-professionnelle est aussi importante c’est que celle des professionnels n’est sans doute pas suffisante. Et qu’en définitive cette offre participe activement au développement de l’attractivité touristique du territoire. Il faut ajouter, et la précision est importante, que les locations saisonnières constituent pour les particuliers qui en proposent un complément de revenu non négligeable. Une récente étude réalisée par le Cabinet Asterés montre qu’en 2022, un particulier a gagné avec AirBnB en moyenne 3 916 €, soit un gain de pouvoir d’achat de 6,6 %. Appréciable en ces temps d’inflation.

Il ne faudrait pas non plus que cette inflation locative puissent mettre en difficulté l’industrie hôtelière
D’un autre côté, on ne saurait accepter que sur certaines zones touristiques le prix de l’immobilier flambe à cause du développement important du nombre de locations saisonnières et que les locaux ne puissent plus se loger. Cas des zones de montagne et des stations de ski, entre autres. De la même manière, il ne faudrait pas non plus que cette inflation locative puissent mettre en difficulté l’industrie hôtelière qui est un important pourvoyeur d’emplois. Dans la région PACA le tourisme c’est 124 000 emplois dont plus de la moitié dans l’hébergement et la restauration. De plus, il n’est pas juste que ces hébergements ne soient pas déclarés et qu’à minima les villes n’en perçoivent pas la taxe de séjour. Donc une forme de régulation (et d’égalité de traitement) s’impose et c’est le rôle du législateur.

Aujourd’hui, une proposition de loi sur la régulation des activités touristiques de courte durée est en cours de discussion
Une première étape a été franchie il y a quelques mois avec la limitation à 120 jours de location par an et une déclaration facultative auprès des mairies. Aujourd’hui, une proposition de loi sur la régulation des activités touristiques de courte durée est en cours de discussion entre l’ Assemblée Nationale et le Sénat. Il s’agit de donner aux communes d’avantage de moyens pour réguler cette question. Il est clair que la situation dans le Var n’est pas tout à fait la même que dans le Vaucluse !
Dans cette proposition de loi l’abattement fiscal sur les meublés passerait de 50 à 30 % et le plafond de revenus annuels de 77 700 € à 15 000 €. De quoi inciter les bailleurs à faire des locations longue durée. Les maires auraient aussi la possibilité de réduire le nombre de jours de locations à 90 par an. Et la déclaration auprès des mairies deviendrait obligatoire. Les contrevenants s’exposant à des amendes importantes.
Ce texte mis en sommeil avec la dissolution revient sur le devant de la scène. Les mesures qu’il contient sont de nature à mieux réguler le marché mais vouloir continuellement tout réguler par la taxation me laisse toujours autant dubitatif.

Le nombre d’annonces Airbnb dans le centre-ville d’Avignon et sa proche périphérie, allant d’une chambre chez l’habitant à un logement meublé complet ©capture écran DR (septembre 2023)

Locations Airbnb en copropriété : l’étau se resserre…

Au début du mois de juillet, Jean-Pierre Pettavino, maire de Lourmarin, a organisé une réunion pour laquelle il a invité plusieurs élus et acteurs du tourisme de Vaucluse, afin d’évoquer les problématiques des meublés de tourisme et du surtourisme.

Vendredi matin. C’est ce jour de la semaine qu’a choisi le maire de Lourmarin pour organiser une réunion sur les meublés de tourisme et le surtourisme. Quoi de mieux que le jour de marché de la commune pour attester de l’affluence touristique en période estivale, et donc d’évoquer les effets négatifs qu’elle peut engendrer ?

Ainsi, plusieurs communes vauclusiennes étaient représentées lors de cette réunion. Étaient présents : Gérard Debroas (adjoint à la mairie de Roussillon), Jean-Pierre Gérault (maire d’Oppède), Françoise Merle (adjointe à la mairie de l’Isle-sur-la-Sorgue), Eric Bruxelle (conseiller municipal à l’Isle-sur-la-Sorgue et président d’Isle sur la Sorgue Tourisme), Delphine Cresp (maire de Cabrières d’Avignon), Paul-Roger Gontard (adjoint à la mairie d’Avignon), Franck Delahaye (directeur de Destination Luberon), Joël Raymond (adjoint à la mairie de Lourmarin), Adeline Le Baron (adjointe à la mairie de Lourmarin), Olivier Vollaire (conseiller municipal à Lourmarin), Marie-Claire Girardet (responsable du service urbanisme à Lourmarin), et bien évidemment Jean-Pierre Pettavino (maire de Lourmarin).

Le Vaucluse et les résidences secondaires

Toutes les communes représentées lors de cette réunion ont entre 30% et 50% de leurs logements qui sont des résidences secondaires. La commune de Gordes a également été évoquée. Plus de 60% de ses logements sont des résidences secondaires. « Aujourd’hui, les gens cherchent à acheter uniquement pour faire de la location parce que la rémunération est attractive », affirme Jean-Pierre Pettavino.

« Le problème des résidences secondaires c’est qu’on se retrouve avec des villages morts l’hiver »

Delphine Cresp

150 000€ par an. C’est le montant de la rémunération que peut percevoir le propriétaire d’un bien composé de trois à quatre chambres dans le Luberon. Ainsi, le prix du foncier ne cesse d’augmenter, et les habitants, notamment les jeunes, ne peuvent rien acheter, encore moins une maison. 

Les effets de l’augmentation du nombre de meublés de tourisme

L’augmentation du nombre de locations de courte durée, que ce soit des chambres ou des logements entiers, a eu plusieurs effets tels que : 

  • la création d’une concurrence avec l’hébergement touristique conventionnel, 
  • la dégradation des logements, notamment des espaces communs des copropriétés en raison d’une forte rotation des occupants
  • une augmentation du risque de transformation de résidences principales en meublés de tourisme
  • une pénurie de logements locatifs pour les habitants
  • une pression foncière accrue.

« L’augmentation des meublés de tourisme vide une partie du village » 

Jean-Pierre Pettavino

La pression foncière est l’un des points qui inquiètent le plus les élus aujourd’hui. « La vraie question est : comment attirer et loger des jeunes couples actifs avec des enfants alors que le prix du foncier a explosé ces dernières années ? », interroge Jean-Pierre Gérault. Moins de jeunes peuvent s’installer en Vaucluse, il y a par conséquent moins d’enfants, ce qui entraîne des fermetures de classes. « À la rentrée, l’école de Cabrières d’Avignon va accueillir 60 élèves, pour une capacité de 130 », déplore Delphine Cresp. Ainsi, l’augmentation des meublés de tourisme entraîne des problèmes bien plus larges qu’on peut imaginer initialement.

Demande d’autorisation du changement d’usage

« Les villes de plus de 200 000 habitants ont moins de problème car le maire peut directement prendre un arrêté, les zones urbanisées de plus de 50 000 habitants peuvent aussi se réglementer, les petites communes, elles, ne rentrent pas dans ce cadre-là, la procédure d’autorisation du changement d’usage ne peut être instituée que par arrêté de l’autorité préfectorale », explique Olivier Vollaire. Ainsi, cette réunion n’avait rien d’anodin. Lourmarin, tout comme les autres communes présentes, a volonté de réglementer les meublés de tourisme.

« Il ne s’agit pas de faire une guerre contre les plateformes de location, qui contribuent indirectement à l’économie, mais il faut trouver un juste milieu »

Eric Bruxelle

Les premières discussions sur le sujet sont apparues en 2021 parmi les élus de Lourmarin. Une première réunion avait été organisée en avril 2022 pour chercher des pistes de solutions. Ainsi, la mairie a souhaité déposer un dossier auprès de la préfecture concernant son projet de procédure de changement préalable d’usage des meublés de tourisme, afin d’avoir la main sur ce dernier.

Des meublés de tourisme non déclarés

La réglementation autour des meublés de tourisme n’est pas le seul problème auquel les communes font face, le problème est bien plus large. Un propriétaire souhaitant mettre son meublé de tourisme sur une plateforme en ligne, telle que Booking ou Airbnb, va le déclarer à la commune, mais le paiement de la taxe de séjour est fait à l’Agglomération.

Sauf que tous les meublés de tourisme ne sont pas forcément déclarés, ce qui représente une perte d’argent non négligeable pour les communautés d’agglomération. Grâce à deux outils, AirDNA et PriceLab, Olivier Vollaire a pu repérer toutes les annonces de location sur Lourmarin. « Quand on voit qu’il y en a entre 120 et 140 meublés de tourisme et qu’on demande à l’EPCI combien sont déclarés, on s’aperçoit qu’il y en a maximum 80, donc seulement deux tiers », affirme Olivier.

Un surtourisme en Vaucluse ?

La problématique du meublé de tourisme résulte d’une chose : le tourisme, mais surtout ce qu’on nomme aujourd’hui le ‘surtourisme’, c’est-à-dire une surtension de certains territoires, certains sites vauclusiens. « Le problème des EPCI et des EPIC, c’est que certaines communes sont en surtourisme, tandis que d’autres souhaiteraient avoir plus de touristes », déclare Eric Bruxelle. Ainsi, les offices de tourisme et les mairies tentent de trouver des solutions afin de mieux répartir les touristes sur toutes les communes.

Certains offices de tourisme seraient même en train de commencer un travail en collaboration avec l’application d’assistance de navigation Waze. « L’application pourrait proposer d’autres activités à l’utilisateur de l’application lors qu’il souhaite se rendre à un endroit au moment où il y a une surconcentration de tourisme », développe Franck Delahaye.

Nouveau décret des zones tendues

Plusieurs communes l’attendaient : un nouveau décret concernant les zone tendues. La décision a été prise le matin-même de la réunion. « Toutes les communes autour de la table font partie du décret », informe Delphine Cresp, qui, en plus d’être maire de Cabrières d’Avignon, est aussi assistante parlementaire aux côtés du sénateur de Vaucluse Jean-Baptiste Blanc

Ainsi, Lourmarin, Avignon, Roussillon, l’Isle-sur-la-Sorgue, Oppède, et Cabrières d’Avignon, mais aussi beaucoup d’autres communes vauclusiennes, devraient passer en zones tendues, dans le cadre de la loi ALUR du 24 mars 2014. Cette dernière vise à réguler les marchés immobiliers et encadrer les pratiques abusives et à favoriser l’accès au logement, en protégeant les populations les plus vulnérables.

Les communes choisies par ce nouveau décret ont été sélectionnées en fonction de plusieurs critères : le taux de résidences secondaires sur la commune, les prix de l’immobilier, et le niveau des loyers dans le parc privé. Le décret devrait leur permettre l’accès à une boîte à outils sur laquelle les parlementaires vont travailler pour les élus. Cela devrait constituer de vrais leviers d’action pour les élus et leurs communes.

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