22 novembre 2024 |

Ecrit par le 22 novembre 2024

(Vidéo) Eugénie et Lucile pour la vie, mais qu’en dit la société ?

Alors que ‘Le 8e jour’ ressort sur les écrans au cinéma Capitole myCinewest à Avignon-Le Pontet, Eugénie maman solo de Lucile, autiste, témoignent de leur parcours. En effet, La radio RCF 84 et Cinéma Capitole myCinewest proposent la rediffusion du ‘Huitième jour’ du réalisateur Jaco van Dormael avec les comédiens Daniel Auteuil et Pascal Duquenne dimanche prochain, 15 octobre, à 16h (6€).

A l’issue de la projection, à 18h, RCF entamera le débat sur ‘La différence est-elle acceptable en société ?’ avec Emilie Bourdellot directrice de la Radio RCF Vaucluse et Marc Chabaud, producteur. L’Echo du mardi, partenaire de cet événement propose, pour l’occasion, de donner la parole à des parents et accompagnants de personnes en situation de handicap. Que vivent-ils ? Témoignages.

Eugénie B, maman solo, et Lucile, jeune adulte autiste,
continuent leur bout de chemin ensemble. L’Echo du mardi les avait rencontrés en septembre 2012. Lucile avait 10 ans et Eugénie 34.  Nous nous interrogions sur la place de la différence dans la société. 11 ans après, comment vont mère et fille ? Quel destin se tricotent-elles ensemble ? Eugénie nous en dit plus.

Lucile a 21 ans
«Je me rappelle ce diagnostic d’autisme quand Lucile avait 4 ans, relate Eugénie B. Je vivais à Paris à l’époque et n’avais pas d’enfants autour de moi, et donc pas de comparaisons possibles, sauf, peut-être au parc. Même si Lucile était différente, elle évoluait aussi en fonction de son âge. Aujourd’hui elle a les goûts d’une jeune-femme de 21 ans. Elle est aussi beaucoup en manque d’amis qu’elle se créé au gré de poupées tels que les Ken et les Barbies. Ses personnages dessinés aident également à peupler son imaginaire.»

Dessin de Lucile 2018, à 16 ans

Parcours
«Lucile a été déscolarisée dès la maternelle, puis a fréquenté l’hôpital de jour. A partir de ses 10 ans elle a commencé à faire des expositions de dessins –elle manie le crayon depuis ses 2,3 ans avec une acuité que les autres n’avaient pas-. Il s’agit de personnages très expressifs, dans le mouvement comme dans l’expression du visage, alors que les émotions sont très difficiles à décrypter pour les personnes autistes. Comme elle ne dit rien de ses dessins, c’est nous qui nous racontons des histoires qui ne sont sans doute pas les mêmes que les siennes.»

«Une période noire
Mais là, nous avons vécu quelque chose d’abominable : Lucile n’a pas perçu ses aides durant 15 mois, pour des raisons administratives. A la base, j’ai eu un retard de traitement des formalités administratives de 5 mois, car m’occupant seule de Lucile -reconnue handicapée à plus de 80%- qui connaît des troubles du comportement très violents- je n’ai pas eu assez de force pour m’attaquer à l’administratif tout de suite. Les personnes dans ma situation ont besoin de relais et la Loi nous l’accorde à hauteur de 90 jours par an. Mais c’était sans compter sur le confinement et sa suite.»

«Pendant le confinement
Lucile n’a plus été accueillie en institution. Les prises en charge ont cessé plus longtemps que le confinement puisqu’il fallait tout réorganiser. Il y avait le problème de la vaccination… J’ai ainsi vécu avec Lucile quasiment à temps plein et sans relais, d’où mes retards administratifs ce qui a eu pour conséquence de nous laisser toutes les deux dans le plus grand dénuement. Il y avait aussi le côté psychologique : Lucile ne pouvait plus voir personne, n’avait plus d’emploi du temps, ce qui l’a angoissé. Ce qui nous a aussi privées de sorties et l’a empêchée de se défouler.»

«Je n’ai cessé de lancer des appels à l’aide
et l’on ne m’a renvoyé que des formulaires administratifs. Je n’ai pas non plus d’imprimante, ce qui me demandait de sortir pour imprimer les formulaires, chose peu aisée avec Lucile. Jusqu’à l’âge de 20 ans, les personnes handicapées sont suivies par la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) via l’AEEH (allocation d’éducation de l’enfant handicapé). Passé 20 ans c’est AAH (Allocation adultes handicapés) qui prend le relais. Cependant le transfert ne se fait pas s’il n’est pas demandé. Alors qu’elle était dans le circuit du handicap depuis ses 4 ans, d’un seul coup nous ne disposions plus de rien. Nous sortions du confinement, nous étions seules, les troubles du comportement sont très difficiles à gérer et je ne pouvais plus rien faire, j’étais bloquée.»

Dessind de Lucile en 2018, à 16 ans

«Lucile a disparu du circuit
parce qu’il n’y avait pas de dossier de renouvellement, alors qu’elle est toujours là. Elle n’a pas touché l’aide de base pendant 8 mois et nous avons attendu 15 mois une aide à domicile. J’ai eu l’impression d’avoir une administration où l’humain passait au second plan. Je n’avais pas d’interlocuteur et nous étions dans une situation plus que difficile. J’ai trouvé cela criminel parce que, pendant ce temps, Lucile perdait ses acquis et régressait.»

«Je me sens souvent sur le banc des accusés
Je suis submergée par les formalités administratives. J’ai, comme interlocuteurs, des gens plutôt froids et je me sens souvent placée sur le banc des accusés parce que j’ai fait le choix de rester avec ma fille. Nous vivons depuis 21 ans ensemble, mais maintenant qu’elle devient adulte, sa situation va s’améliorer car on lui reconnaît un nombre d’heures d’aide pour ses besoins journaliers. Je ne me sens pas du tout soutenue dans le fait de vouloir garder mon enfant, adulte, à domicile. Je suis confrontée à des gens qui insistent sur le fait qu’il faut qu’elle aille en institut.»

Lucile et Eugénie

«Comme si sa place n’était pas en société.
Comme si l’on m’indiquait qu’en institut on savait gérer. Une aide existe qui me permettrait d’être embauchée par ma fille. Mais l’administration dit que je ne peux pas l’être. Pourtant, lorsque je décrypte les textes de loi, cela n’est pas vrai. Donc, quoi qu’il en soit, je suis vouée à la précarité. C’est comme une punition, alors qu’en institution, Lucile coûterait une fortune par jour. Et l’on me renvoie que cela est un problème. Ce que cela veut dire ? Que je suis une femme qui ne veut pas travailler et qui se sert de sa fille pour toucher une pension. Alors que j’ai été scripte dans le cinéma et que j’ai adoré un métier où je gagnais très bien ma vie.»

«Les gens ne comprennent pas ce que nous vivons,
car pour cela il faudrait qu’ils le vivent. C’est mon choix, c’est ma fille. Elle a d’importants troubles, elle a besoin d’aide et d’accompagnement, mais dans sa différence elle est très cohérente et remet en question tout le temps, notre propre normalité. C’est riche parce qu’elle veut faire partie de la société. Son handicap est la norme. Pour elle, les handicapés, c’est nous. Elle ne ment pas, elle est entière, elle n’a pas été formatée puisqu’elle n’a pas été à l’école. C’est une adulte avec une âme d’enfant.»

Dessin de Lucile 2018, à 16 ans

«Là, on revient d’une semaine de résidence de musique
avec un groupe (La belle brut), sur une péniche-concert à Compiègne. Ca c’est super bien passé. Il s’agit de musiciens –professionnels de la musique pour certains et professionnels de l’autisme pour d’autres- qui ont fait le choix de travailler avec elle au chant, en improvisation. Ils font aussi partie d’un groupe qui marche fort, ‘Astéréotypie’ dont les chanteurs sont tous autistes. Ce sont des copains de Lucile qui font aussi, comme elle, partie du Papotin, le journal atypique où elle intervient en tant que graphiste. Depuis un an le magazine papier, dont tous les journalistes sont autistes, est devenu une émission télé ‘Les rencontres du Papotin’ sur France 2, un samedi par mois, à 20h30.»

Prévoir la vie de ma fille sans moi ?
«Lucile est très entourée par ses deux grands-mères paternelle et maternelle et voit son papa et sa famille où elle séjourne une à deux semaines par an. Elle aime être entourée et changer d’environnement. Lucile vit un parcours atypique et je continue à faire confiance à ce qu’elle entreprend. Je ne peux pas projeter quelque chose de défini. Lucile est assez autonome à la maison. J’ai bon espoir qu’une fois ses troubles du comportement apaisés, grâce à des accompagnements réguliers et un planning un peu à la carte –car planifier ses activités est essentiel-, elle puisse intégrer un Esat (Etablissement et service d’aide par le travail) artistique.»

«Je n’ai trouvé que le milieu artistique
pour valoriser et laisser s’épanouir la vie de Lucile. Avant ses concerts, je compile ses dessins qui passeront en vidéo derrière le groupe. Le travail de l’image est notre point commun à toutes les deux. Lucile a trouvé une attention et une écoute par la chanson et le dessin comme nulle part ailleurs.»

Dessin de Lucile en 2014, à 12 ans

«En général les gens sont très gentils avec Lucile
mais la société n’est pas vraiment inclusive car le terme implique qu’ils –les personnes handicapées- fassent comme nous. Or, ils ne le peuvent pas. Notre société est très codifiée or, ces codes, ils ne les possèdent pas. Cependant nous ressentons la société, pour nous, comme excluante, et cela dès la maternelle car il n’y a pas de substitut proposé à l’école. Des personnes ont décidé que pour Lucile, la scolarité n’était pas nécessaire. Alors que l’école ça n’est pas juste apprendre à lire, à écrire et à compter mais aussi à apprendre à vivre en société.»

Demain ?
«J’aimerais que Lucile puisse intégrer un Esat artistique, qu’elle puisse vivre et renter le soir dans son appartement, pas dans une institution. Qu’elle puisse obtenir une certaine liberté. Il est très difficile de faire en sorte que les personnes qui ont besoin d’aide soient respectées. C’est aussi vrai en ce qui concerne la décision, car c’est l’autre qui a le pouvoir sur les personnes handicapées. Il est très difficile d’obtenir l’accompagnement qui permet de continuer à respecter la personne en tant qu’adulte, dans les domaines où elle éprouve des difficultés. L’institution ce sont des éducateurs qui décident de la vie des jeunes et des adultes. Nous, nous voulions autre chose pour nous. J’aimerais que Lucile ait une vie sentimentale. La vie nous offrira peut-être ce cadeau. Tout évolue.»
Article antérieur sur le même sujet ici. Les dessins de Lucile ici.

Dessin de Lucile en 2019, 17ans

(Vidéo) Eugénie et Lucile pour la vie, mais qu’en dit la société ?

Avec le site mdphenligne.cnsa.fr, il est désormais possible d’effectuer en ligne ses démarches administratives auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de Vaucluse.

Besoin d’aide dans la vie quotidienne/professionnelle, en raison d’une maladie chronique ou d’un handicap ? Des démarches à effectuer pour la scolarité de votre enfant en situation de handicap ? Un dossier à remplir afin de bénéficier d’une allocation, d’une prestation ou d’une carte de mobilité inclusion (CMI) ? Le site mdphenligne.cnsa.fr permet d’effectuer tout cela depuis chez soi et de transmettre un dossier.

Ce service, accessible gratuitement, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, s’adresse aux personnes en situation de handicap et à leur représentant légal.

MDPH de Vaucluse 22 boulevard Saint-Michel, Avignon. Accueil physique les lundis, mardis et jeudis de 8h30 à 12h et le mercredi de 13h30 à 17h. Tél. 0800 800 579. Email : accueilmdph@mdph84.fr

J.R


(Vidéo) Eugénie et Lucile pour la vie, mais qu’en dit la société ?

Le Conseil départemental de Vaucluse vient de désigner l’équipe lauréate de l’appel à projet pour la construction de la nouvelle Maison des personnes handicapées (MDPH) du Département à Avignon. Il s’agit de l’agence marseillaise Leteissier-Corriol qui sera en charge de la maîtrise d’œuvre de ce chantier devant débuter début 2023 pour une livraison attendue fin 2024. D’un montant total de 8,9M€, les travaux prévoit la construction d’un bâtiment de 2 700m² en R+3 au niveau de l’îlot Souvet, situé derrière le palais de justice, juste en face, de l’autre côté de la route de Montfavet.

© Agence Leteissier-Corriol

Conception bioclimatique
Le bâtiment affichera une identité ‘méditerranéenne’ et sera conçu en intégrant une conception bioclimatique. Les façades seront traitées en pierre claire de manière unitaire alors que les ouvertures offriront un jeu de lumière tout en protégeant du soleil. Des ouvertures étroites du rez-de-chaussée sont par ailleurs prévues pour garantir intimité et sécurité.
A l’image d’un cloître, le cœur de l’édifice abritera un patio avec son bassin, sa galerie, son préau et ses espaces plantés. Ce lieu ‘apaisant’ sera surplombé d’une passerelle à R+1 (située à l’arrière du lieu) visant à faire transition entre le volume institutionnel de la MDPH à R+3 et l’espace naturel du parc.

© Agence Leteissier-Corriol

« Cette opération est un projet fédérateur qui regroupe les services de l’ancienne MDPH et la Direction des personnes âgées et personnes handicapées, explique l’agence dirigées par les architectes Elisabeth Leteissier et Jean-Luc Corriol. Notre approche se devait d’être exemplaire sur tous les plans. Un soin tout particulier a été apporté dans la conception architecturale et l’aménagement des lieux, compte-tenu de la vocation du bâtiment : assurer le meilleur confort d’usages pour tous, une accessibilité sans discrimination dans un lieu où la signalétique sera de haute lisibilité. »

© Agence Leteissier-Corriol

Mieux accompagner le handicap
Actuellement située boulevard Limbert, la MDPH de Vaucluse a pour mission l’accueil, l’information, l’accompagnement et le conseil des personnes handicapées et de leur famille, ainsi que de sensibilisation des citoyens au handicap. Dans ce cadre, la MDPH 84 met en place une équipe pluridisciplinaire qui évalue les besoins de la personne handicapée et une commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) qui prend les décisions relatives à l’ensemble des droits de la personne dans son champ de compétences.
Selon le baromètre du CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie), le Vaucluse affiche des taux de traitement des demandes inférieurs à la moyenne nationale que ce soit en matière de AAH ou de MDPH (voir graphique ci-dessous). De quoi afficher un taux de satisfaction de 76% en Vaucluse en ce qui concerne l’expression des besoins.

En France, depuis 2019, la durée moyenne de traitement d’un dossier a diminué de 15% en passant de 4,6 mois à 3,9 mois au 2e trimestre 2021. Cette durée moyenne est de 3,4 mois pour les dossiers concernant des enfants et 4,2 mois pour les dossiers des adultes. Dans le même temps, la durée de traitement des demandes d’Allocation Adulte Handicapé (AAH) est passée de 4,8 mois à 4,2 mois. Aujourd’hui, la durée moyenne de traitement d’un dossier est encore supérieure à 5 mois dans 18 départements, alors qu’elle est inférieure à 4 mois dans 62 départements. S’agissant des droits à vie ouverts pour l’AAH, près de 61 départements respectent l’objectif fixé par le gouvernement à 65% des dossiers traités, alors que 18 départements ont une moyenne inférieure ou très inférieure à 50% des dossiers traités. L’objectif est de réduire ces délais à 3 mois en 2022.
Pour le Vaucluse, la part des droits attribués sans limitation de durée concernant l’allocation adulte handicapé s’élève à 75% contre 64% au niveau national alors que la durée des droits ouverts en matière de scolarisation est de 29,8 mois contre 30,8 à l’échelle hexagonale.

https://echodumardi.com/tag/mdph/   1/1