22 novembre 2024 |

Ecrit par le 22 novembre 2024

Le fabricant de menuiseries : sous-traitant ou fournisseur ? Convergence entre le Conseil d’Etat et la Cour de cassation

Me Solène Arguillat nous rappelle que dans le cadre d’un marché public de travaux attribué par une collectivité, le titulaire a confié la fabrication de menuiseries à une autre société, qui, en présence d’un désaccord suite à des modifications de prestations, en a sollicité le paiement direct auprès du maitre d’ouvrage.

Celui-ci ayant refusé de procéder au règlement au motif que la société ne serait pas sous-traitant mais simple fournisseur, ce qui ne lui confèrerait aucun droit à paiement direct, le litige s’est retrouvé devant les juridictions.

Le tribunal administratif a rejeté la demande du fabricant de menuiserie.

La Cour saisie d’un appel contre le jugement initial, a fait droit à la demande de règlement de la société de menuiseries. Et le Conseil d‘Etat, saisi par la Commune en protestation, a confirmé cette position, dans la droite lignée de ce qui est pratiqué par les juridictions judiciaires.

Il rappelle ainsi :
« Les décisions d’accepter une entreprise en qualité de sous-traitante et d’agréer ses conditions de paiement ne sont susceptibles d’ouvrir à celle-ci un droit au paiement direct de ses prestations que pour autant que ces prestations relèvent effectivement du champ d’application de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, lequel ne concerne que les prestations relatives à l’exécution d’une part du marché, à l’exclusion de simples fournitures au titulaire du marché conclu avec le maître de l’ouvrage. Des biens présentant des spécificités destinées à satisfaire des exigences particulières d’un marché déterminé ne peuvent être regardés, pour l’application de ces dispositions, comme de simples fournitures. »

C’est donc sans erreur de droit que la Cour a jugé que le contrat liant le sous-traitant avec le titulaire du marché présentait le caractère d’un contrat de sous-traitance et que la société avait ainsi droit à être payé directement par le maître d’ouvrage.

Les acheteurs doivent donc être vigilants aux prestations confiées à des tiers, qui peuvent leur ouvrir droit à paiement direct, surtout dans l’hypothèse où ils se seraient déjà acquittés de la somme envers l’entrepreneur principal

Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 17/10/2023, 465913 – Légifrance (legifrance.gouv.fr)


Le fabricant de menuiseries : sous-traitant ou fournisseur ? Convergence entre le Conseil d’Etat et la Cour de cassation

Me Solène Arguillat nous rappelle que le principe est admis depuis la décision Conseil d’État « Ministre de la justice c/ Magiera » du 28 juin 2002 : la responsabilité de l’Etat peut être engagée du fait du (dys)fonctionnement du service public de la justice administrative.

Ainsi, le juge a reconnu une obligation de statuer dans un délai raisonnable au titre des principes généraux qui gouvernent le bon fonctionnement des juridictions administratives.

Dans la décision récente qui nous intéresse, une Commune avait procédé au déclassement d’une parcelle du domaine public et décidé de sa désaffectation dans le cadre d’un projet d’aménagement plus global portant sur l’attractivité de son centre-ville. La délibération actant de ces décisions datait du 24 septembre 2020.

Le 30 novembre 2020, une association avait saisi le tribunal administratif d’un recours pour excès de pouvoir contre ladite délibération.

Malgré une procédure juridictionnelle assez classique, le tribunal administratif en charge du dossier n’avait pu statuer avant le 22 décembre 2023, soit une durée dépassant les 3 ans.

Le Conseil d’État retient que le droit à un délai raisonnable de jugement a bien été méconnu et que la responsabilité de l’Etat doit être engagée pour ce motif.

Toutefois, et c’est là la limite de l’exercice aujourd’hui, le juge administratif ne va retenir aucun préjudice matériel imputable à cette irrégularité dès lors que la Commune n’est pas en mesure d’établir un coût pour la tardiveté de la décision, laquelle, au surplus, a rejeté la demande de l’association requérante et confirmé la régularité de la délibération municipale.

Conscient du caractère insatisfaisant d’une telle position, la Haute Assemblée va toutefois retenir une « situation prolongée d’incertitude », génératrice d’un préjudice moral que l’Etat doit alors réparer, mais elle ne l’évalue qu’à la somme de 1 000€.

Il est également regrettable que les frais de justice restent à la charge de la Commune puisque ses conclusions au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont également écartées.

Conseil d’État, 4ème chambre, 01/03/2024, 488693, Inédit au recueil Lebon – Légifrance (legifrance.gouv.fr)


Le fabricant de menuiseries : sous-traitant ou fournisseur ? Convergence entre le Conseil d’Etat et la Cour de cassation

L’eau potable ne peut pas être plus chère pour les 23 980 maisons résidences secondaires de Vaucluse.

Par une réponse ministérielle du 31 août dernier, le Gouvernement rappelle qu’il n’est pas possible pour les Communes de prévoir un tarif spécifique pour les résidents non permanents sur leur territoire.

En effet, l’article L. 2224-12-4 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) détermine les paramètres qui peuvent être déterminés par la collectivité pour fixer les tarifs :

« toute facture d’eau comprend un montant calculé en fonction du volume réellement consommé par l’abonnéet peut, en outre, comprendre un montant calculé indépendamment de ce volume en fonction des charges fixes du service et des caractéristiques du branchement, notamment du nombre de logements desservis »

Pas de différenciation entre résidents permanents et vacanciers
Le Conseil d’Etat a refusé l’application de telles différenciation de tarifs entre résidents permanents et vacanciers dès lors qu’elles « ne trouvent leur justification ni dans la différence de situation existant entre ces deux catégories d’usagers ni dans aucune nécessité d’intérêt général en rapport avec les conditions d’exploitation du service ».
Les discriminations tarifaires entre usagers permanents et non permanents sont ainsi contraires au principe d’égalité entre les usagers au respect duquel est tenu un service public.
En revanche, afin de tenir compte des risques de pénurie, les Communes dans lesquelles l’équilibre entre la ressource et la consommation d’eau est menacé de façon saisonnière sont autorisées à adopter des tarifs différents selon les périodes de l’année.
(L. 2224-12-4 IV du CGCT)

Tarification de l’eau potable pour les résidences secondaires (senat.fr)

Maître Solène Arguillat

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