22 novembre 2024 |

Ecrit par le 22 novembre 2024

Carence de logements sociaux : quelle est l’amende payée par votre commune ?

Une petite trentaine de communes de Vaucluse et du bassin de vie d’Avignon (Gard avignonnais et Terre de Provence) sont sanctionnées financièrement pour non respect de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU).

La loi SRU, votée il y a 24 ans, impose aux communes de plus 3 500 habitants pour les agglomérations faisant plus de 50 000 habitants (1 500 habitants en région parisienne) un minimum de 20% de logements sociaux. Dans son palmarès de la loi SRU des communes ‘Hors la loi’, la Fondation l’Abbé Pierre a classé dans les 12 communes ‘multirécidivistes’, qui ont été systématiquement carencées lors des six premières périodes triennales pour leur inaction, 2 communes de notre territoires.



Les arrêtés préfectoraux pour les communes vauclusiennes citées

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DP


Carence de logements sociaux : quelle est l’amende payée par votre commune ?

Jean-Christophe Daudet, le maire de Barbentane fulmine. La raison de son courroux ? La loi Sru (Solidarité et renouvellement urbain) qui lui commande de réaliser 474 logements sociaux à l’horizon 2025, le met à l’amende et le prive, désormais, du droit à développer la ville.

Ambiance
Ce mois de février en Provence a des airs de printemps. Les oiseaux chantent et les vergers bourgeonnent de plus en plus tôt. Il fait très doux. Depuis les Angles, de l’autre côté du Rhône, il y a Barbentane qui scintille, la nuit du haut de la montagnette. Au petit matin, lorsque le brouillard du fleuve épaissit encore l’air avant que la pleine lune se couche et que le soleil se lève on a l’impression d’aborder en pays enchanté.

Atmosphère
Barbentane village moyenâgeux et préservé accueille 4 300 âmes dont beaucoup de jeunes ménages venus s’installer avec leurs tout jeunes enfants. Les rues pentues y sont animées de voisins qui se parlent, fleurissent leur façade, achètent local, n’oubliant pas de nourrir les chats, témoins discrets du quotidien. Il n’est pas rare, non plus de voir le conseil municipal dévaler de la montagnette, faisant le tour du village, saluant, parlant, s’enquérant des dernières nouvelles auprès des administrés. Autrefois aussi, avant la Covid-19, l’année était ponctuée de fêtes votives, de kermesses, de démonstrations sportives, de loto, de bal d’où les rires fusaient… Combien de villes et villages peuvent en dire autant ?

Jour de fête prise de tête…
Puis ces moments suspendus soudain déraillent emportant la paix dans un bruit de crissement. Il y a comme un grain de sable dans les rouages. Et la réalité froide et impersonnelle a explosé au visage du maire. Il s’appelle Jean-Christophe Daudet (élu en 2018) et s’en souvient bien parce que c’était vendredi 25 décembre 2020. Le jour où lui est parvenue la lettre du préfet des Bouches-du-Rhône, Christophe Mirmand, lui rappelant la carence du village en termes de nombre de logements sociaux, le privant, au passage, d’exercer son droit de préemption et d’accès au contingent communal et lui infligeant une amende exponentielle de 65 000€ en 2020 jusqu’à possiblement 200 000€ en 2025.

Fi des maires, c’est l’Etat qui décide !
Alors voici que monsieur le maire décide de défendre le village en invitant toutes et tous à comprendre l’enjeu d’une telle décision. Et cela fera l’objet d’une consultation de la population dans les jours à venir. Car Paris, pardon l’Etat, a décidé que d’ici 2025 la commune aura eu à se doter de 474 logements sociaux contre 135 actuellement et paiera désormais son omission à hauteur de 65 000€ en 2020 et jusqu’à 200 000€ en 2025, l’amende étant réévaluée à la hausse chaque année pour aller enfler l’Etablissement public foncier (EPF) qui, très logiquement, concourra à construire du logement social ailleurs…

600 habitants d’un coup ?
«Avec ce raisonnement la ville accueillerait d’un coup 600 nouveaux habitants mais il faudrait aussi construire d’autres écoles, crèches, alors comment faire ?, s’interroge le maire. Du logement social moi j’en veux bien mais d’une façon raisonnée et raisonnable car actuellement ce sont 30 familles Barbentanaises qui en auraient besoin !»

Plus un kopeck pour l’investissement 
Jean-Christophe Daudet rappelle, afin d’être très clair, que « le Fonds Départemental de Péréquation de la Taxe Professionnelle (FDPTP) s’est quasiment tari, passant de 161 000€ en 2017 à 578€ en 2020, ce qui, avec l’augmentation du prélèvement opéré par l’Etat au titre du déficit de logements sociaux, fait de Barbentane un village sinistré, empêché de se développer.» 

Les petites villes les plus mal-loties ?
Le maire de Barbentane explique que les petites villes sont aussi les plus oubliées : «Les villes comptant moins de 10 000 habitants ne peuvent être lauréates de dispositifs comme ‘petites villes de demain’ ou ‘cœur de ville’ qui sont, en outre, octroyés à des ‘villes centres’ ou ‘villes bourg’ comptant aux alentours de 10 000 ou 15 000 habitants. Ainsi, ces dispositifs contribuent à nourrir les inégalités entre les centres urbains et la péri-ruralité.»

A l’attaque !
C’en est trop pour Jean-Christophe Daudet qui, tout comme les 269 autres maires de communes de France, sont carencées au titre de la loi SRU et se désolent de la méconnaissance des grands hommes de l’Etat pour le terrain. Car en intimant au maire de payer l’amende pour carence sur le logement social, c’est tout l’argent dévolu à l’investissement qui s’égare. Alors le maire demande de l’aide !

Et si on rebattait les cartes ?
Et c’est à Terre de Provence, la communauté d’agglo à laquelle la ville appartient avec 12 autres, qu’il s’adresse demandant la prise en charge par la structure, pour les communes carencées, du montant du prélèvement pour déficit de logements sociaux tout en accroissant le montant de la dotation de solidarité. La manœuvre est connue.

Quid de la relance ?
Pour engager les travaux d’investissement sur Barbentane, à l’heure du plan de relance, Jean-Christophe Daudet propose que les aides de la Région soutiennent l’aménagement de la zone d’activité qui se situe aux abords de la gare de Barbentane inscrite au SCOT (Schéma de cohérence territoriale) du Pays d’Arles et réitère la demande de la réouverture de la gare voyageurs ainsi que des subventions d’investissement au titre du droit commun.

Révision de la loi SRU
L’édile propose, aussi et surtout, que la loi SRU concerne la totalité des communes de France ce qui réduirait à 15% l’objectif de logements sociaux et aurait pour corollaire de rendre les  objectifs plus atteignables et l’effort mieux réparti entre tous. « Car souvent dans les petites villes qui accueillent des logements sociaux, ceux-ci ne sont comptés nulle part. »

La Loi
Pour rappel, la loi SRU exige de l’ensemble des communes françaises de plus de 3 500 habitants de disposer de 25% de logements sociaux au plus tard en 2025. « Or, sur ces 35 000 communes que compte la France, remarque Jean-Christophe Daudet, plus de 32 000 ont moins de 3 500 habitants. C’est donc sur 10% des communes que repose la charge de la répartition !»

Les communes mises à l’amende ?
Les communes carencées au titre de la loi SRU des Bouches-du-Rhône sont : Lambesc, Rognac, Cabriès, Eyragues, Jouques, Allauch, Barbentane, Bouc-Bel-Air, Carry-le-Rouet, Ceyreste, Eguilles, Ensuès-la-Redonne, Eyguières, Fuveau, Gémenos, Gignac-la-Nerthe, Lançon-de-Provence, Les Pennes-Mirabeau, Mallemort, Meyrargues, Mimet, Pelissanne, Peypin, Plan-de-Cuques, Rognes, Rognonas, Roquefort-la-Bédoule, Saint-Mitre-les-Remparts, Sausset-les-Pins, Simiane-Collongue, Saint-Chamas, Trets, Velaux, Venelles.

Pour écrire un mot
En attendant, Jean Christophe Daudet a pris sa plume, écrivant au Président de la République Emmanuel Macron, à Renaud Muselier Président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, à la présidente du Département des Bouches-du-Rhône Martine Vassal et Corinne Chabaud Présidente de Terre de Provence Agglomération. Les lettres sont parties. Le jour décline. «Nous les petits maires il ne nous reste que la presse comme relais pour se faire entendre», soupire Jean-Christophe Daudet. Demain est un autre jour. La suite bientôt ?

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