22 novembre 2024 |

Ecrit par le 22 novembre 2024

Grand chelem RN aux législatives? Les élus vauclusiens réagissent  

Après la dissolution surprise de l’Assemblée, se dirige-t-on vers un grand chelem RN/Reconquête aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet prochains en Vaucluse ? Pas si sûr, car si la 5e circonscription est prenable, rien n’est jouée dans celle d’Avignon.

Débâcle, déconfiture, déroute, débandade, désastre, désaveu, déculottée, défaite, les synonymes ne manquent pas pour définir la Bérézina du parti présidentiel aux Européennes.
La fusée Bardella bénéficie ainsi de 30 élus RN à Bruxelles pendant que la candidate macronienne Valérie Hayet en a 13, tout comme le candidat PS Raphaël Glucksmann, LFI avec Manon Aubry 9, le LR François-Xavier Bellamy 6, Marion Maréchal avec Reconquête 5, tout comme l’écologiste Marie Toussaint. En plus, le seul député macroniste de Vaucluse Jean-François Lovisolo, ancien secrétaire de la Fédération PS du département, annonce qu’il passe son tour pour se recentrer sur les prochaines municipales à La Tour d’Aigues.

Après l’annonce des résultats des élections européennes , le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale. Cette dissolution, prévue par l’article 12 de la Constitution, met fin de manière anticipée au mandat des députés de l’Assemblée. Les élections législatives, qui devaient avoir lieu en 2027, auront ainsi lieu le 30 juin et 7 juillet. Comme le détaille cette infographie, basée sur les données de Légifrance, c’est la 6e fois qu’un président prend la décision de dissoudre l’Assemblée nationale sous la Ve République. ©Valentine Fourreau-Statista

Coup de poker ou coup de folie ?
Emmanuel Macron qui répète à l’envi « C’est moi ou le chaos », qui a encore déclaré le 16 mai dans un entretien exclusif à l’Express : « On garde notre cap, notre stratégie est la bonne », le ‘Mozart de la finance’ qui affiche 3100Mds€ de dette pour un déficit public de 5,5% du PIB subit donc une déconvenue magistrale.
Et dans un geste désespéré, il renverse la table, décide ‘tout à trac’ de dissoudre. Pari dangereux? Coup de poker ? Quitte ou double ? Saut dans l’inconnu ? Suicide collectif ? Coup de génie politique ? L’avenir le dira.
Depuis des décennies en Vaucluse, l’ancrage du Rassemblement National de Marine Le Pen, après celui du Front national de Jean-Marie Le Pen, se consolide à chaque scrutin, il creuse son sillon, conforte son socle. En plus, il bénéficie d’une publicité plein feux avec un président qui installe le match depuis qu’il est élu, faisant de lui son principal opposant en surjouant la dramatisation. Cette fois, le piège qu’il a tendu aux lepénistes se referme sur lui.

Le RN creuse inexorablement son sillon
Hervé de Lépinau, député RN salue se félicite de cette « motion de censure en grandeur réelle des électeurs ». Et il ne mâche pas ses mots, « Le président Macron n’aime ni la France, ni les Français. Il gouverne à coups de 49-3 à l’assemblée et méprise les parlementaires, il joue les va-t-en guerre en Ukraine, sa politique est un échec sur toute la ligne. Il fracture la société, met ses concitoyens en difficulté, que ce soient les agriculteurs qui croulent sous les normes et ne vivent pas décemment de leur travail, que ce soient les ménages qui vont encore subir une hausse de 11% du gaz dès le 1er juillet en plus de l’inflation galopante depuis des mois. » Evidemment, Hervé de Lépinau va se représenter aux législatives à Carpentras, après une campagne-éclair, les 30 juin et 7 juillet prochains « Une nouvelle génération, plus jeune, va régénérer le Palais Bourbon, mener une autre politique pour améliorer la vie des Français » conclut-il.

Du côté de Reconquête, Yann Bompard, le maire d’Orange qui était sur la liste de Marion Maréchal, salue cette percée sur la droite de l’échiquier. « Avec mon père (ancien maire, conseiller régional et député d’Orange et ma mère (ancienne maire et conseillère départementale de Bollène), nous appelons à l’union des droites depuis des décennies, tant mieux si Marion tend la main au RN, ensemble on sera plus fort ».

« Une campagne-éclair de 3 semaines, c’est bien trop court ! »

Julien Aubert

Julien Aubert qui n’avait pas pu briguer un 3e mandat LR en 2022, éliminé dès le 1er tour, ne cache pas sa colère, lui qui était dans la même promotion qu’Emmanuel Macron à l’ENA : « Avec cette dissolution, Il confie les clés du camion au RN pour qu’il échoue, c’est dangereux. Une campagne-éclair de 3 semaines, c’est bien trop court, il se moque des Français. En 2017, en même temps, il avait tué en même temps la gauche et la droite. Là, il crée une confusion extrême et joue les pompiers pyromanes ».

De son côté, Dominique Santoni, présidente du Conseil départemental de Vaucluse rappelle qu’elle n’entend pas céder aux chants des sirènes : « Je suis issue d’une famille gaulliste. Du RPR jusqu’aux Républicains, j’ai toujours appartenu à cette même famille : une droite indépendante et singulière. Certains aujourd’hui sont tentés de suivre le RN, je ne les suivrai pas. Certains, hier, ont rejoint Emmanuel Macron, je ne les ai pas ralliés et ne les rallierai pas. Et, pour les élections législatives à venir, je réaffirme haut et fort que Les Républicains doivent partir sous leurs propres couleurs et rester indépendants, tant du Rassemblement national que de la Majorité présidentielle. Et si, demain, Les Républicains devaient disparaître, je serai une élue vauclusienne divers droite, tout aussi indépendante et ferme sur ses convictions. »

Le PPE (Parti populaire européen), dans lequel siègent notamment les élus LR français, conserve la majorité lors de ces élections européennes. Un scrutin marqué par une importante poussée de l’extrême droite : le groupe Conservateurs et réformistes, ainsi que le groupe Identité et démocratie. Pour sa part, la majorité présidentielle française siège au sein du groupe centriste Renew. © Valentine Fourreau-Statista

Une gauche unie comme seule alternative ?
A gauche, le sénateur PS Lucien Stanzione minimise le succès du RN puisque l’abstention est de 45,88%, donc grosso modo, selon lui, un vauclusien sur deux n’a pas voté. Et il affirme que la gauche unie est la seule alternative possible contre la montée de l’extrême droite, « Il nous faut un Front Populaire fort pour la contrer ».

« Un président ne devrait pas jouer à la roulette russe quand le canon tonne aux portes de l’Europe » a ironisé un observateur du landerneau politique. Le RN avait déjà raflé 4 circonscriptions sur 5 en Vaucluse en 2022 avec Joris Hébrard (remplacé depuis par sa suppléante Catherine Jaouen), Bénédicte Auzanot, Marie-France Lorho, et Hervé de Lépinau. Là, avec la main que leur tend Marion Maréchal de Reconquête pour une union des droites, au soir du 7 juillet ils pourraient ensemble faire le grand chelem si la gauche ne se ressaisit pas. « Arrêtons les conneries, jouons collectifs » a vertement conseillé le LFI François Ruffin aux socialistes, communistes et écologistes.

Un appel entendu par Cécile Helle, maire d’Avignon qui souhaite « reconquérir une circonscription qui n’aurait jamais dû échapper au camp des républicains en 2022 ».
« Les élections européennes qui se sont déroulées hier ont placé à Avignon, comme quasiment partout en France, le RN en tête des suffrages, s’inquiète-t-elle. Toutefois, j’ai la satisfaction de constater qu’une nouvelle fois, Avignon la Républicaine est la plus résistante des villes de la région face aux populismes puisque le résultat de la liste du RN est inférieur de 5 points aux résultats nationaux. »

Composition du nouveau Parlement européen. © Valentine Fourreau-Statista

Grand chelem RN aux législatives? Les élus vauclusiens réagissent  

Avec 31,47% des suffrages (59 737 voix) le parti lepéniste arrive en tête, suivi d’ ‘Ensemble’, le parti présidentiel (23,72% et 45 027 voix), 3e, l’union de la gauche, Nupes avec 21,95%. De son côté, LR s’effondre à 9,52% et voit Julien Aubert quitter le Palais Bourbon, enfin ‘Reconquête’ le parti d’Eric Zemmour fait ‘pschitt’ avec 5,28% dans le département et l’élimination dès le 1er tour du duo Stanislas Rigault-Marion Maréchal à Cavaillon, circonscription dont le député sortant LR Jean-Claude Bouchet ne se représentait pas.

Abstention ou défiance ?
Autre chiffre qui ne surprend pas, tant la défiance à l’égard du monde politique est grande au fil des élections, celui de l’abstention : 53%. Moins d’un vauclusien sur deux a voté, soit 219 380 abstentions sur 413 261 inscrits, ce qui explique qu’il n’y ait que des duels dimanche prochain, le ticket de qualification pour le second tour à 12,5% des inscrits étant très difficile à atteindre.
Dans la première circonscription (Avignon-Le Pontet-Morières) où avait été élu le REM Jean-François Césarini en 2017, remplacé par sa suppléante Souad Zitouni après son décès en 2020, c’est le mélenchoniste de la Nupes, Farid Faryssy qui est en tête avec 30,55% des suffrages (9 338 voix), suivi du RN Joris Hébrard, maire du Pontet (29,97% et 9160 voix soit 178 voix d’écart seulement). Troisième, la députée sortante Souad Zitouni est éliminée. Pour le second tour, la question est de savoir si la gauche unie a fait le plein des voix et si le frontiste Joris Hébrard pourra bénéficier d’une partie des suffrages de Reconquête (Ophélie Nau 1 478), de LR (Dominique Brogi 1 359) et de la DVD Kheira Seddik (752 voix).

Trois duels RN-majorité présidentielle
Dans la deuxième circonscription (Cavaillon – Isle sur la Sorgue – Bonnieux – Cadenet), la RN Bénédicte Auzanot arrive en tête (26,08%) devant la macroniste Sylvie Viallat (23,07%). Quant à la conseillère départementale LR Elisabeth Amoros (10,02%) elle ne se qualifie pas dans ce fief républicain tenu des décennies par Jean-Claude Bouchet, l’ancien maire de Cavaillon.
En ce qui concerne la troisième circonscription (Carpentras sud – Bédarrides -Pernes), où la REM Brune Poirson avait été élue de justesse (423 voix) devant le RN Hervé de Lépineau, l’avocat de Carpentras a cette fois recueilli 5 445 voix de plus (37,05%) que le macroniste Adrien Morénas (22%) et pourrait aussi bénéficier d’une partie des suffrages du ‘zemmouriste’ Christian Montagard (2 364 voix) pour le second tour.
Pas de changement en vue dans la quatrième circonscription de Vaucluse Nord (Orange – Bollène – Vaison – Valréas – Malaucène – Beaumes de Venise) où la députée sortante, Marie-France Lorho (Ligue du Sud), en équipe avec le maire RN de Camaret, Philippe de Beauregard, totalise 41% des suffrages devant la représentante de la majorité présidentielle Violaine Richard (25,27%). La ‘frontiste’ affiche même 48,79% à Lapalud, 48,72 à Piolenc ou bien encore 46,53% à Orange.

Ballotage favorable pour le président de l’Association des maires de Vaucluse
Enfin, dans la cinquième circonscription, la plus grande, celle d’Apt, Pertuis, Gordes, Mormoiron, Sault, exit le député LR Julien Aubert (17,17% des voix) arrivé quatrième. Premier l’ex-PS devenu macroniste Jean-François Lovisolo (24,97%), suivi de la RN Marie Thomas de Maleville (23,48%), troisième  la Nupes Céline Celce (22,26%). Le maire de La Tour d’Aigues appelle à n’apporter aucune voix à l’extrême droite, il pourrait aussi bénéficier au second tour d’un report d’une partie des voix des écologistes et de la gauche unie. Quant à Julien Aubert il se dit « Déçu. Malgré mon travail à l’Assemblée Nationale et sur le terrain, 10 ans au service des citoyens ont été balayés en un jour ». Il ne donne aucune consigne de vote, va se consacrer à sa famille et sans doute retourner à la Cour des Comptes, son corps d’origine.

Quelle majorité pour l’Assemblée ?
Pour le second tour dans le Vaucluse, le RN est donc omniprésent dans les 5 circonscriptions alors qu’Ensemble sera lui présent dans 4 ‘circo’ du département. Par ailleurs, l’effet national Nupes reste moins marqué en Vaucluse ou l’union de gauche n’arrive en tête que dans la première circonscription d’Avignon avec une réelle chance de succès.
Reste à savoir si le président réélu le 24 avril, Emmanuel Macron disposera d’une majorité absolue (289 députés) au soir du second tour le 19 juin ou d’une majorité relative. Si Jean-Luc Mélenchon et ‘sa’ gauche unie, la Nupes, sera son principal opposant, pendant que Marine Le Pen, finaliste de la présidentielle, bénéficiera d’un groupe pour apporter la contradiction. Le président devra composer avec ses alliés éventuels pour appliquer sa politique dans les 5 ans qui viennent. Lui qui comptait 313 députés LREM en 2017 va avoir du fil à retordre jusqu’en 2027, même si Eric Zemmour, autre opposant potentiel, disparaît pour l’instant du paysage politique.

En cliquant ici consultez les résultats officiels du premier tour

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