21 novembre 2024 |

Ecrit par le 21 novembre 2024

De Gisèle Halimi à Gisèle Pelicot : 50 ans après, même combat

« Faut-il y être ? Pourquoi y aller ? Informations ? Voyeurisme ? Soutien ? La question s’est posée pour beaucoup d’entre nous qui nous rendons aux audiences. » Retour sur ce procès hors-normes avec Michèle Périn, correspondante de L’Echo du mardi et militante féministe locale engagée.

Femmes, hommes, jeunes, vieux, étudiants en droit ou en journalisme, de tous les milieux sociaux : tous les jours depuis le 2 septembre – date d’ouverture du procès au Palais de justice d’Avignon – la queue se forme dès 7h du matin pour pouvoir entrer dans la petite salle d’audience qui ne peut accueillir malheureusement qu’une soixantaine de personnes. Un temps d’attente de plus d’une heure avant l’ouverture des portes où les langues se délient : « on est là pour soutenir Gisèle », «  je suis là car je fais des études de droit », «  je veux comprendre », «  le débat m’intéresse » «  ça me touche dans mon histoire personnelle » …..

Voyeurisme ? Non ce n’est pas du voyeurisme que d’assister à ce procès
Au sens strict du terme ‘le voyeur’ n’interagit pas directement avec son sujet, celui-ci ignorant souvent qu’il est observé. Or Gisèle Pelicot elle-même a demandé un procès public. Il serait difficile à admettre d’être accusé de voyeurisme en assistant au procès, c’est-à-dire d’être accusé du même délit pour lequel a été arrêté son ex-mari Dominique Pelicot dans un premier temps- avoir filmé une femme à son insu dans une cabine d’essayage du centre commercial Leclerc de Carpentras – ce qui a été à l’origine de l’ enquête et de la découverte des viols subis par Gisèle Pelicot par 50 hommes (identifiés) à son insu et organisés par son mari Dominique Pelicot pendant près de 10 ans. Ce que l’on appelle communément dans la presse -à tort- les viols de Mazan.

« Il n’y a pas de jury populaire. »

Cour d’assise ? Ce n’est pas une cour d’assise
Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce n’est pas une cour d’assise qui juge mais une cour criminelle. La différence ? Il n’y a pas de jury populaire. La cour criminelle, qui a été généralisée sur tout le territoire français depuis janvier 2023 est composée uniquement de magistrats professionnels, sans jury populaire. Pas d’effets de manches, « d’objections votre honneur ! » à la mode série américaines, il ne s’agit pas de convaincre un jury populaire. Moins de passion peut-être mais tout autant d’émotions. D’où l’intérêt de rendre ce procès public et d’y assister en tant que citoyens et citoyennes.

Gisèle Pelicot, un courage qui force le respect
« Il faut que la honte change de camp » a-t-elle dit dès le début, en refusant le huis clos et en demandant que les vidéos de ses viols soient montrées. Elle prouve sa détermination en traversant le hall du Palais de justice d’Avignon 4 fois par jour (les audiences s’arrêtent entre midi et deux) dignement. Et nous, nous sommes là pour la soutenir quatre fois par jour en l’applaudissant. Elle nous répond par un hochement de tête, humblement, la main sur le cœur. Quand elle en a la force, elle s’adresse aussi à nous pour nous remercier d’être là.

« Les silences prennent alors toute leur importance. »

Voir ? Non surtout entendre au-delà de l’entendement
Nous sommes, nous le public, dans la salle de retransmission et nous avons face à nous un écran avec une image filmée par une caméra fixe (nous ne sommes pas au cinéma !) donc nous voyons uniquement ce qui est cadré par un plan fixe serré, c’est-à-dire face à nous le président et les magistrats, et les accusés ou témoins de dos qui viennent à la barre pour déposer. Nous voyons et entendons les questions posées par le Président ou les avocats mais nous ne voyons pas toujours les réponses, nous les entendons, Est ce gênant ? Non, les mots et les silences prennent alors toute leur importance et les réponses glaçantes des accusés, leurs dénis achèvent de nous convaincre de l’horreur des faits. Entendre au-delà de l’entendement comment ces hommes ont pu en arriver là.

« C’est le procès des violences faites aux femmes. »

Procès de Mazan ? Ce n’est pas le procès de Mazan
Effectivement c’est un raccourci qui donnerait à penser que tous les accusés sont de Mazan, que ‘l’affaire’ est circonscrite à un territoire. Il faut dire les choses : c’est le procès de plus de 50 hommes, venant de toutes origines. Ils ont un nom, la victime a un nom et les faits doivent être nommés : viol. C’est le procès des violences faites aux femmes, le procès du patriarcat mais dire le procès de Mazan serait réducteur et un affront pour toutes les femmes victimes.

Fait divers ? Ce n’est pas un fait divers
Tant que l’on traitera le viol comme un fait divers parmi d’autres, un délit et non un crime c’est-à-dire un ‘événement tragique’ subi par un individu on s’interdit de le penser en fait de société. La presse nationale et internationale s’est emparée du procès Pelicot pour un procès hors norme (il est rare d’avoir des preuves de viol et d’avoir plus de 50 accusés à la barre en même temps pour une même victime) mais il ne devient pas encore un fait de société ou un fait politique. Peu de réactions politiques, syndicales, à part quelques associations, initiatives féministes ou prises de paroles individuelles publiques. Il reste cependant encore 2 mois d’audiences- le procès devant se terminer le 20 décembre – pour qu’il le devienne pleinement. Et que les questions qu’il soulève trouvent des réponses législatives et juridiques et contribuent à changer les mentalités.

« Trouver des réponses législatives et juridiques qui contribuent à changer les mentalités. »

Un débat qui commence enfin…
Le combat de Gisèle Pelicot dépasse désormais son cas personnel et à travers ce procès hors norme et historique la question du consentement, du patriarcat, de la soumission chimique, du fantasme de la femme-morte, du tabou du viol conjugal commence enfin à émerger dans les sphères familiales et dans le débat public.
La publicité des débats, le refus du huis clos et notre présence aux audiences se justifient alors pleinement.


De Gisèle Halimi à Gisèle Pelicot : 50 ans après, même combat

Pourquoi dit-on le procès des viols de Mazan, alors qu’il s’agit du procès de Dominique Pelicot et de 50 violeurs ? Pourquoi est-il nécessaire d’associer le nom de cette petite ville du Vaucluse à des actes aussi odieux et indicibles. La meilleure façon de rendre justice à Gisèle Pelicot et de soutenir par la même la cause des femmes victimes de violences, ne serait-il pas de bien nommer les choses ?

On pourrait rétorquer qu’il s’agit du « procès des viols de Mazan » parce qu’ils ont été commis sur cette commune. Les plus anciens d’entre nous ont peut-être en mémoire l’affaire du tueur de l’Oise mais certainement pas de son nom… Faudrait pas que les territoires en question deviennent des victimes collatérales des affaires dont elles ont été le théâtre. La petite ville de Bruay-en-Artois a eu beaucoup de mal à ne plus être associée systématiquement au crime d’une de ses jeunes habitante, Brigitte Dewèvre, en 1972. Ce sont les hommes et pas les territoires qui sont en cause. On notera cependant que dans certaines grandes affaires on n’associe pas le nom du territoire aux faits. Pour Christian Ranucci, auteur d’un crime sur une enfant, on ne parle pas du tueur de Marseille ou du procès du tueur de Marseille. Bien que le crime et le procès s’y soient tenus. Y aurait-il une graduation ou une sorte de hiérarchisation dans les dénominations ?

Prendre la bonne dénomination c’est en définitive le meilleur moyen de soutenir la cause de Gisèle Pelicot. Les raccourcis ou les approximations pourraient parfois, avec le temps, minimiser les accusations voire prêter à confusion.

Mais si ce procès pouvait renforcer le dispositif législatif ou la jurisprudence dans la lutte contre les violences faites aux femmes, il conviendrait peut être alors de parler du procès d’Avignon. A l’image de celui Bobigny où une mineure était accusée, en 1972, de s’être faite avortée après un viol. A l’époque l’avortement était passible d’une amende et d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 5 ans. Gisèle Halimi qui défendit la cause de la jeune fille a obtenu sa relaxe. Ce verdict ouvrit la porte à la dépénalisation de l’avortement avec la loi sur l’IVG, portée par Simone Veil.

Espérons qu’avec ce « procès d’Avignon » il y aura aussi un avant et un après.


De Gisèle Halimi à Gisèle Pelicot : 50 ans après, même combat

Me Solène Arguillat nous rappelle que dans le cadre d’un marché public de travaux attribué par une collectivité, le titulaire a confié la fabrication de menuiseries à une autre société, qui, en présence d’un désaccord suite à des modifications de prestations, en a sollicité le paiement direct auprès du maitre d’ouvrage.

Celui-ci ayant refusé de procéder au règlement au motif que la société ne serait pas sous-traitant mais simple fournisseur, ce qui ne lui confèrerait aucun droit à paiement direct, le litige s’est retrouvé devant les juridictions.

Le tribunal administratif a rejeté la demande du fabricant de menuiserie.

La Cour saisie d’un appel contre le jugement initial, a fait droit à la demande de règlement de la société de menuiseries. Et le Conseil d‘Etat, saisi par la Commune en protestation, a confirmé cette position, dans la droite lignée de ce qui est pratiqué par les juridictions judiciaires.

Il rappelle ainsi :
« Les décisions d’accepter une entreprise en qualité de sous-traitante et d’agréer ses conditions de paiement ne sont susceptibles d’ouvrir à celle-ci un droit au paiement direct de ses prestations que pour autant que ces prestations relèvent effectivement du champ d’application de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, lequel ne concerne que les prestations relatives à l’exécution d’une part du marché, à l’exclusion de simples fournitures au titulaire du marché conclu avec le maître de l’ouvrage. Des biens présentant des spécificités destinées à satisfaire des exigences particulières d’un marché déterminé ne peuvent être regardés, pour l’application de ces dispositions, comme de simples fournitures. »

C’est donc sans erreur de droit que la Cour a jugé que le contrat liant le sous-traitant avec le titulaire du marché présentait le caractère d’un contrat de sous-traitance et que la société avait ainsi droit à être payé directement par le maître d’ouvrage.

Les acheteurs doivent donc être vigilants aux prestations confiées à des tiers, qui peuvent leur ouvrir droit à paiement direct, surtout dans l’hypothèse où ils se seraient déjà acquittés de la somme envers l’entrepreneur principal

Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 17/10/2023, 465913 – Légifrance (legifrance.gouv.fr)


De Gisèle Halimi à Gisèle Pelicot : 50 ans après, même combat

Me Solène Arguillat nous rappelle que le principe est admis depuis la décision Conseil d’État « Ministre de la justice c/ Magiera » du 28 juin 2002 : la responsabilité de l’Etat peut être engagée du fait du (dys)fonctionnement du service public de la justice administrative.

Ainsi, le juge a reconnu une obligation de statuer dans un délai raisonnable au titre des principes généraux qui gouvernent le bon fonctionnement des juridictions administratives.

Dans la décision récente qui nous intéresse, une Commune avait procédé au déclassement d’une parcelle du domaine public et décidé de sa désaffectation dans le cadre d’un projet d’aménagement plus global portant sur l’attractivité de son centre-ville. La délibération actant de ces décisions datait du 24 septembre 2020.

Le 30 novembre 2020, une association avait saisi le tribunal administratif d’un recours pour excès de pouvoir contre ladite délibération.

Malgré une procédure juridictionnelle assez classique, le tribunal administratif en charge du dossier n’avait pu statuer avant le 22 décembre 2023, soit une durée dépassant les 3 ans.

Le Conseil d’État retient que le droit à un délai raisonnable de jugement a bien été méconnu et que la responsabilité de l’Etat doit être engagée pour ce motif.

Toutefois, et c’est là la limite de l’exercice aujourd’hui, le juge administratif ne va retenir aucun préjudice matériel imputable à cette irrégularité dès lors que la Commune n’est pas en mesure d’établir un coût pour la tardiveté de la décision, laquelle, au surplus, a rejeté la demande de l’association requérante et confirmé la régularité de la délibération municipale.

Conscient du caractère insatisfaisant d’une telle position, la Haute Assemblée va toutefois retenir une « situation prolongée d’incertitude », génératrice d’un préjudice moral que l’Etat doit alors réparer, mais elle ne l’évalue qu’à la somme de 1 000€.

Il est également regrettable que les frais de justice restent à la charge de la Commune puisque ses conclusions au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont également écartées.

Conseil d’État, 4ème chambre, 01/03/2024, 488693, Inédit au recueil Lebon – Légifrance (legifrance.gouv.fr)


De Gisèle Halimi à Gisèle Pelicot : 50 ans après, même combat

En 2019, la mairie de Cheval-Blanc reçoit un signalement de déchets sur le site exploité par Durance Granulats, entreprise en partie détenue par Eurovia, filiale du groupe Vinci. 5 ans plus tard, le maire Christian Mounier ne décolère pas, estimant que la carrière ne respecte pas ses obligations, et ainsi, retarde le projet de faire du plan d’eau une zone attractive de baignade pour les riverains et touristes. Thierry Suquet, nouveau préfet de Vaucluse, devrait se rendre sur les lieux ce jeudi 2 mai. 

L’histoire commence en 2019, quand l’association chevalblanaise ‘Environnement et qualité de vie’ signale à la mairie avoir aperçu des déchets sur le site de la carrière de Durance Granulats, situé près du plan d’eau de la Grande Bastide. Suite au refus du carrier de laisser la mairie avoir accès au site pour vérifier, cette dernière obtient l’autorisation via une ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention (JLD) du tribunal de grande instance (TGI) d’Avignon.

Christian Mounier, maire de Cheval-Blanc, réquisitionne une mini-pelle et constate qu’il y a bel et bien des déchets, à savoir des pneus et des souches, enterrés. Durance Granulats décide de contester l’ordonnance. Une contestation acceptée en 2021 puisque les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), dont fait partie la carrière, sont une compétence du préfet et non d’une commune. La mairie n’aurait donc jamais dû avoir l’autorisation d’entrer sur le site.

Soupçon de document falsifié

Lors d’un comité de suivi organisé par le maire de Cheval-Blanc quelques mois plus tard, en septembre 2019, le document de demande d’autorisation d’exploiter la carrière fait débat. Le document est en trois exemplaires : un donné à la Direction départementale des Territoires (DDT), un au carrier et un à la mairie. « Ces documents, ils sont tamponnés, numérotés, datés, explique Christian Mounier. Ils ne peuvent pas être modifiés. »

Ayant des doutes concernant la véracité du document, la mairie a fait un appel à un huissier, afin de vérifier s’il y avait des disparités entre le document officiel et celui produit par le carrier. « L’huissier a relevé 14 différences entre les deux documents », ajoute le maire de Cheval-Blanc. L’hydrogéologue Yves Glard affirme alors qu’il n’a pas modifié ce document remis par Durance Granulats. « C’est surprenant qu’une attestestation soit faite disant que tout est entré dans l’ordre alors que rien n’a été fait, au contraire, les affaissements continuent à se produire », se désole le maire de la commune.

La liste d’inquiétudes s’allongent pour la mairie

Une autre préoccupation de la mairie de Cheval-Blanc : les enrochements autour de certaines parties du plan d’eau de la Grande Bastide qui s’affaissent. Christian Mounier déplore un affaissement des enrochements près d’une propriété au-delà de la zone des 10 mètres autorisés en limite de propriété. 

« En 2021, le préfet de Vaucluse Bertrand Gaume fait le déplacement, mais ne constate pas ces affaissements comme nous on les voit, explique le maire. Donc aujourd’hui, on en est toujours là, à nous battre pour nous faire entendre. »

Le projet du plan d’eau

Le plan d’eau de la Grande Bastide est divisé en deux parties : l’une réservée à la pêche, qui d’ailleurs enregistre une belle fréquentation, et l’autre à la baignade. C’était en tout cas le projet à l’origine depuis une vingtaine d’années. Cette seconde partie a une vocation de baignade, de mise à l’eau des embarcations, ainsi qu’à l’accueil des oiseaux et autres espèces avec un espace biodiversité. « C’est un site qui a un potentiel exceptionnel, explique Christian Mounier. On a la chance d’avoir un camping qui peut accueillir 500 personnes juste à côté. Donc avec le changement climatique qui nous est annoncé, avec des températures de plus en plus chaudes à l’avenir, on a un site qui doit, bien au-delà du département de Vaucluse, avoir la capacité d’accueillir quelques milliers de personnes au quotidien, justement pour avoir un poumon vert, un endroit où on a de la fraîcheur. »

« Ce n’est plus un plan d’eau, mais un marécage. »

Christian Mounier

Selon le maire de Cheval-Blanc, on est bien loin du projet rêvé, avec des enrochements qui s’affaissent et qui posent donc des problèmes de sécurité, un plan d’eau vaseux où l’on n’a pas envie de se baigner. « Aujourd’hui, aucune association environnementale n’est avec nous », déplore Christian Mounier.

Vidéo réalisée par la commune pour montrer les éboulements et effondrements des berges. ©Mairie de Cheval-Blanc

Quelle est la situation aujourd’hui ?

Depuis 2019, la commune a dépensé plus de 200 000€ en frais d’avocats et d’experts dans cette affaire. Selon le maire, la remise en état du site pourrait coûter plusieurs dizaines de millions d’euros.

La gendarmerie a été saisie et des enquêteurs se sont déplacés sur le site en février 2023, et de grosses quantités de déchets ont été découvertes. Le maire a ensuite été auditionné le mois suivant. Une plainte a été remise à Mme la Procureure de la République relative à plusieurs infractions pénales et environnementales reprochées à Durance Granulats et à l’État. Une information judiciaire a été ouverte et un juge d’instruction a été nommé dans cette affaire en février 2024.

Une nouvelle que le maire accueille avec enthousiasme et espoir. En attendant, il devrait recevoir le préfet de Vaucluse, Thierry Suquet, ce jeudi 2 mai afin de parler de cette affaire et de lui montrer le site du plan d’eau. « On espère que les choses vont enfin avancer dans les prochains mois », conclut Christian Mounier.

©Vanessa Arnal

De Gisèle Halimi à Gisèle Pelicot : 50 ans après, même combat

Le club de BMX de Sarrians vient de signer une convention avec le Ministère de la Justice afin d’accueillir des jeunes condamnés à des Travaux d’intérêts généraux (TIG). Si une centaine de structures vauclusiennes ont déjà mis en place ce type de partenariat, il s’agit seulement du second club sportif à faire de même dans le département.

« Nous avons eu la chance de recevoir beaucoup pour faire grandir ce club afin qu’il devienne ce qu’il est aujourd’hui. En retour, il nous a semblé normal de redonner à ce territoire », insiste Stéphane Garcia, le président du club de BMX de Sarrians pour expliquer la convention qu’il vient de signer avec le Ministère de la Justice afin d’accueillir des jeunes condamnés à des Travaux d’intérêt généraux (TIG).

Après l’Orange football club, il s’agit seulement du second club du département à signer ce type de partenariat dans lequel une centaine de structures se sont déjà engagées en Vaucluse.

Dans ce cadre de cette convention, 3 jeunes du Comtat Venaissin accompagnés par le SPIP 84 (Service pénitentiaire d’insertion et de probation de Vaucluse) vont être accueillis simultanément dès cette semaine au sein du club sarriannais. Pris en charge par 3 parrains, ils participeront à l’entretien, au nettoyage et au fonctionnement du site sportif figurant parmi les 4 CPJ (Centres de préparation aux jeux) de Vaucluse désigné dans le cadre des ultimes préparatifs des JO Paris 2024. Deux jeunes aideront des entraineurs, notamment dans la mise en place des ateliers de travail, et un autre jeune sera sous les ordres du responsable logistique du site.

Bien évidemment, ces jeunes, dont la sanction la plus lourde s’élève pour l’un à 210 heures de TIG, ont été seulement condamnés pour de petits délits (circulation sans permis, conduite sous l’empire de l’alcool ou de stupéfiants, outrages et rébellion…). Cette alternative à l’incarcération a donc pour objectif de donner une seconde chance à ces jeunes Vauclusiens.

« Notre but est d’essayer d’accompagner avec bienveillance ces jeunes vers la réussite. »

Stéphane Garcia, président du club de BMX de Sarrians

« Notre but est d’essayer d’accompagner avec bienveillance ces jeunes vers la réussite, d’offrir des perspectives, espère le président du club de BMX. Et si on arrive à ce qu’un seul d’entre eux devienne bénévole ou s’investisse dans une association alors nous aurons gagné. »

Comme à l’accoutumé, si l’annonce de ce type de démarche a généré une série de commentaires désobligeant sur les réseaux sociaux, « l’ensemble des membres du club est ravi de cette initiative » se félicite Stéphane Garcia.

L’actuelle convention, signée notamment en présence de Bernard Roudil, sous-préfet de Carpentras, et Annie Perez, référente territoriale du travail d’intérêt général Vaucluse pour le SPIP est valable pour une durée de 5 ans, renouvelable.

« De quoi atteindre les JO de Los Angeles », annonce Stéphane Garcia, heureux d’offrir cette nouvelle chance dans le cadre d’un club accueillant l’équipe de France de BMX ainsi qu’un champion du monde de la discipline qui a tout pour devenir un modèle référence.


De Gisèle Halimi à Gisèle Pelicot : 50 ans après, même combat

Le vice-président du Conseil d’État Didier-Roland Tabuteau était à Dijon pour des réunions de travail avec les membres du tribunal administratif. La plus haute juridiction administrative française est devenue plus visible depuis la période covid, et se veut garante d’une justice de proximité qui tranche sur des sujets touchant à la vie quotidienne des citoyens. Entretien.

Pourquoi cette rencontre avec le tribunal administratif de Dijon ?

Didier-Roland Tabuteau. Ces rencontres, outre le fait que nous constituons la juridiction tous ensemble, tiennent au fait que depuis 1987 et la constitution des cours administratives d’appel, c’est le Conseil d’État qui gère les tribunaux d’appel et les cours administrative d’appel. C’est une particularité, qui n’est pas la même pour l’ordre judiciaire – c’est le ministère de la Justice qui gère les tribunaux et les cours d’appel, et pas la Cour de cassation. C’est une idée que je trouve excellente qu’a eu Marceau Long (conseiller d’État, Marceau Long était vice-président du Conseil d’État de 1987 à 1995. Au début de sa présidence, les premières cours administratives d’appel furent créées en application de la loi du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux, ndlr) que de réunir la gestion des tribunaux, des cours et du Conseil d’État dans une même main, avec un budget qui dépend de services du Premier ministre qui nous garantit une totale autonomie – c’était auparavant le ministre de l’Intérieur. Ces visites relèvent d’une des quatre missions du Conseil d’État, celle de la gestion des tribunaux et des cours. Quand je dis la gestion c’est l’organisation des travaux pour adapter les locaux, le recrutement des personnels… Cette rencontre s’inscrit dans ce souci fondamental, de l’unité de la juridiction administrative. Bien sûr par sa jurisprudence qui est rigoureusement mise en œuvre et c’est une très grande fierté pour nous car c’est un élément essentiel de l’égalité d’accès à la justice et d’égalité devant la loi pour le justiciable. Mais également l’unité par le sentiment d’appartenance à un service public de justice de proximité qui rend ses décisions en pleine harmonie. La loi de novembre dernier a institué le serment pour la justice administrative : ce n’était pas le cas auparavant. Ce serment est le même pour les tribunaux, les cours et le Conseil d’État.

Quelle est la place de la juridiction administrative en France ?

Didier-Roland Tabuteau. Nous sommes un ordre juridictionnel qui est moins important en volume que l’ordre judiciaire mais qui représente tout de même 260.000 requêtes et 250.000 jugements pour les 42 tribunaux administratifs tous les ans, près de 40.000 pour les cours d’appel, on a dépassé les 60.000 pour la cour nationale du droit d’asile… le Conseil d’État lui-même rend environ 10.000 décisions par an : c’est une production de justice assez lourde. La période Covid est une période qui a complétement changé la vision du juge administrative : c’était une période où les enjeux des libertés fondamentales étaient très clairs, tels la réunion, le port du masque… Ces recours par la voie du référé ont assez profondément transformé le fonctionnement de la juridiction administrative, notamment dans les tribunaux et au Conseil d’État, qui sont directement concernés. Nous avons maintenant une activité très forte sur ces sujets et une visibilité par le public car on intervient dans les jours ou semaines qui sont ceux de l’acte ou de la décision administratifs qui est contesté. Enfin, depuis 2015 et l’initiative du Président de la République (François Hollande, ndlr), nos avis consultatifs sont rendus publics : cela a donné une visibilité à cette fonction. Le juge administratif est devenu plus présent qu’il ne l’était dans les médias, même s’il jouait ce rôle depuis longtemps.

Nous sommes dans une époque où le regard de la population sur les institutions est défiante. Comment le Conseil d’État peut-il être un élément de la refondation de la confiance ?

Didier-Roland Tabuteau : Notre mission fondamentale est de garantir la paix publique, de faire en sorte que la vie en société soit paisible. Si je reprends l’exemple de la période covid, les décisions qui ont équilibré les libertés et les questions de sécurité sanitaire pendant l’épidémie, ont souvent été des éléments d’apaisement des tensions. C’est devant le juge que les contradictions s’érodent, surtout quand le juge est pédagogue. J’ajoute que le rôle des avocats est fondamental : quand la décision est rendue, le fait d’expliquer ce que le juge a tranché est tout à fait essentiel. Le rôle du juge est de nature à conforter la confiance des citoyens dans les institutions. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de critique de la décision de justice : dans une démocratie on a le droit de commenter et de discuter tout ce que l’on veut dès lors que l’on ne met pas en cause la légitimité de ceux qui ont rendu les décisions. Et puis, d’une manière générale, rendre publics les avis du Conseil d’État sur les projets de loi notamment, cela joue un rôle dans la compréhension de la façon dont les politiques publiques se mènent. J’ai rencontré depuis le début de mon mandat, les responsables des grandes organisations syndicales, de la CGT au Medef, les représentants des cultes, des grandes associations… beaucoup me disent “les avis publics c’est essentiel pour nous”. Quand il y a un projet de loi, on commence par lire les avis du Conseil d’État pour en comprendre les enjeux. Ce travail de justice, qui est naturel, mais aussi ce travail de pédagogie que nous faisons aussi au travers de nos études, sont des éléments de renforcement de la confiance. Le fait que nos institutions ont un rôle de pédagogie, au-delà de leurs missions naturelles de dire le droit, est un élément fort de la cohésion de la société. C’est d’autant plus important dans une période où il y a une propension à douter des institutions, à les trouver distanciées du public. Que l’on puisse présenter une demande devant le tribunal administratif en venant déposer un mémoire ici, ou à trois heures du matin par voie numérique, on est là dans quelque chose qui est un élément de confiance dans l’institution. Il est vrai que l’époque est inquiétante : entre le retour de la guerre, les inquiétudes climatiques, l’épidémie qu’on a connue et qui a donné aux jeunes générations une conception de la vie en société quand même très particulière, tout cela fait qu’il y a eu une inquiétude et il faut d’autant plus que les institutions fassent des efforts pour y répondre et montrer qu’il y a un ciment dans la société et c’est la construction institutionnelle qui doit garantir que la vie en société est paisible. C’est un travail de tous les jours !

Emmanuelle de Jesus, Journal du Palais de Bourgogne Franche-Comté pour RésoHebdoEco


De Gisèle Halimi à Gisèle Pelicot : 50 ans après, même combat

Maître Philippe Cano est le nouveau bâtonnier du barreau d’Avignon. Il succède à Maître Jean-Maxime Courbet à la tête des avocats de la cité des papes lors d’une cérémonie ayant réunie près de 300 personnes dans la salle des fêtes de la mairie d’Avignon.

Après deux ans de mandature, Maître Jean-Maxime Courbet cède sa place à la tête du barreau d’Avignon à Maître Philippe Cano. Si jusqu’alors cette passation était symbolique, Jean-Maxime Courbet a fait confectionner un véritable bâton afin de véritablement matérialiser cette transmission à la tête de ce barreau regroupant 330 avocats ainsi qu’une trentaine d’avocats honoraires.
« Le Barreau d’Avignon n’a pas de rentrée solennelle, explique Jean-Maxime Courbet. Cela me paraissait regrettable. J’ai donc imaginé pouvoir organiser en quelque sorte cette cérémonie de sortie. Il fallait cependant trouver une occasion, un prétexte. J’ai immédiatement pensé à ce que d’autres barreaux organisaient : la cérémonie de passation du bâton. Mais de bâton, jusqu’à mon élection, nous n’en n’avions pas. J’ai donc eu le privilège de pouvoir en faire réaliser un par un de mes amis artisan menuisier, et de pouvoir l’offrir à notre Ordre. »

« Nous avons ce rôle, tout aussi, fondamental de conseil auprès des différents acteurs qui composent notre territoire. »

Maître Jean-Maxime Courbet

S’ouvrir au plus grand nombre
Une cérémonie qui, pour l’occasion est sortie du cadre habituel du palais de justice pour rejoindre la grande salle des fêtes de la mairie d’Avignon pour s’ouvrir au plus grand nombre.
« Nous avons donc considéré qu’il fallait ouvrir cette cérémonie afin de pouvoir évoquer, à l’heure du bilan, les multiples facettes du rôle de l’Avocat et plus particulièrement des avocats du Barreau d’Avignon, poursuit l’ancien bâtonnier désormais. Nous avons voulu sortir du palais, de la maison qui est la nôtre pour rappeler la diversité de nos actions ainsi que le rôle majeur que nous jouons au plan naturellement juridique, mais aussi économique, institutionnel et humain. Si notre ADN premier est la défense, nous avons aussi ce rôle, tout aussi, fondamental de conseil auprès des différents acteurs qui composent notre territoire. »
« C’est avec émotion que je reçois ce bâton à la forte puissance symbolique, ce par un acte que nous avons tous deux voulu ritualiser, en public, et même hors de l’enceinte du Palais de Justice -choix qui a paru étrange pour certains », a expliqué pour sa part Philippe Cano.

Un acteur majeur du quotidien
Rappelant « la qualité des relations » qu’il avait pu « instaurer et entretenir » avec la madame la Procureure durant son mandat ainsi que les « liens étroits qui unissent notre université et l’Ordre des avocats d’Avignon, Jean-Maxime Courbet a également tenu à souligner les compétences spécifiques de ses confrères dans de nombreux domaines. Comme dans l’agriculture et le Droit rural, la culture et des arts vivants lors d’un colloque Droit et théâtre durant le festival ou bien encore en Droit équins à l’occasion de la première participation du Barreau à Cheval passion…
« Le Barreau d’Avignon est un acteur majeur au quotidien, au travers des actions menées avec le Centre Départemental d’Accès au Droit avec des consultations gratuites données sur l’ensemble du territoire du ressort du Barreau d’Avignon de Pertuis en passant par Cavaillon, Sorgues et Le Pontet pour ne citer qu’elles. »

Maître Jean-maxime Courbet (à gauche au pupitre) et Maître Philippe Cano, nouveau bâtonnier, lors de la passation de pouvoir à la tête du barreau d’Avignon.

Santé de fer et don d’ubiquité
Revenant sur l’accompagnement dont Philippe Cano a bénéficié de la part de Jean-Maxime Courbet, le nouveau bâtonnier a insisté : « Tu m’as notamment appris qu’un Bâtonnier doit à la fois disposer du don d’ubiquité, d’une santé de fer, d’un calme olympien, d’une propension naturelle à savoir tout faire, d’une diplomatie sans faille : qualités dont tu as su parfaitement faire preuve, sans jactance, sans te mettre en avant. »
Et maître Cano de poursuivre « Un Bâtonnier doit certes prendre la responsabilité de donner le cap, de fixer un objectif, de défendre et porter la voix de son Ordre, et même d’arbitrer, voire de trancher des situations problématiques, parfois dans la solitude de décisions dures à prendre ; mais solitude ne doit pas rimer avec isolement, et je compte bien imaginer avec mon Conseil de l’Ordre, avec nos associations, et toutes nos bonnes volontés confraternelles, maintes possibilités pour rendre notre Barreau plus participatif, voire ‘co-constructif’ des actions importantes que je souhaite mener pour mes confrères, et nécessairement avec mes confrères. »

Un barreau impliqué et combatif
« Au-delà, le devoir d’un Bâtonnier est de rappeler publiquement, d’où cette cérémonie ubi et orbi, que les Avocats restent les seuls professionnels qui en tous domaines, de manière confidentielle, sécurisée, et en étant assurés pour cela, rendent le droit plus accessible pour tous, et peuvent encore porter les actions les plus appropriées pour que ces droits soient effectifs, devant toutes les institutions, les administrations, toutes les autorités, judiciaires ou non, nationales et européennes – voire internationales si nécessaires, précise Philippe Cano. »
« Rappelons-nous à ce titre que notre Barreau, comme tant d’autres, a lutté pour préserver nos valeurs fondamentales, a su manifester pour préserver un accès à l’aide juridictionnelle, voire même un accès à des juridictions fortes et indépendantes, parfois aux côtés, récemment, de magistrats, et encore de greffiers – et que cela ne doit pas être oublié. »

Lutter contre les ‘braconniers’ du Droit
Insistant sur l’importance d’un état de droit et d’une justice indépendance de tous intérêts purement économique Maître Cano assure que « jamais vous ne verrez les dirigeants des plateformes numériques, voire d’autres professions, réglementées ou pas d’ailleurs, défendre physiquement, une justice de qualité, une justice pour tous, une justice libre de toutes pressions, et surtout indépendante. Avec la gravité qui s’impose, n’éludons pas le danger que représentent ce que nous nommons tous les braconniers du droit, tous ceux agissant ici, ou ailleurs, des annonceurs sur le bon coin aux ‘legaltechs’ et autres ‘world companies’ ; et qui n’ont pour seul objectif, que de s’accaparer ce qui pour eux, n’est qu’un ‘pan lucratif de l’activité économique’. »

« Avec la gravité qui s’impose, n’éludons pas le danger que représentent les braconniers du droit, des annonceurs sur le bon coin aux legaltechs et autres world companies. »

Maître Philippe Cano

Une mise en garde appuyée également par Jean-Maxime Courbet : « On nous parle en effet de l’IA comme s’il s’agissait à la fois d’une nouveauté et d’une ‘fin ultime’. Ce qui doit, en réalité, nous inquiéter ce n’est pas l’IA en elle-même, elle reste un outil. Ce qui doit nous inquiéter, c’est ce que nous allons en faire, ce que nous allons en laisser faire, notamment en termes d’autonomie dont certains rêvent de pouvoir la doter. Ce qui doit nous inquiéter, c’est une nouvelle fois l’illusion dont certains cherchent à l’affubler, celle d’un savoir universel et absolu, ceux qui cherchent à nous faire croire que si l’erreur est humaine, elle ne saurait être informatique, électronique. Le véritable risque, me semble-t-il, est là. Pour autant, les avocats eux aussi sont là et je reste convaincu que le développement de l’IA sera également source de développement de droits comme l’ont été finalement toutes les avancées techniques et technologiques. Très vite le droit va retrouver toute la place qui est la sienne : droit à la révision de l’analyse par l’IA, droit à la confrontation des résultats entre IA concurrentes, droit à la mise à jour de celles-ci, responsabilité pour avoir trop utilisé l’IA ou pour ne pas l’avoir utilisée, pour avoir aveuglément cru en la réponse donnée sans la vérifier ou que sais-je encore, l’imagination des avocats est sans limite. »

Des avocats facteurs majeurs de la paix sociale
« Les Avocats vauclusiens, acteurs de proximité, experts dans toutes les matières juridiques, constituent au quotidien, des facteurs majeurs de paix sociale, ce d’autant plus qu’ils agissent tout autant au sein des Palais de Justice, que partout au dehors, conclut le nouveau bâtonnier Cano. Ce sont pour ces raisons, que la profession d’Avocat communique actuellement, pour faire comprendre à tous les publics, que la justice n’est pas seulement judiciaire ; qu’elle ne doit plus, dans le sens commun, être résumée au jugement, à ce qui tranche, qui ne satisfait qu’une partie, voire aucune parfois. Mon projet donc, c’est mon barreau, mon territoire, nos activités en commun à développer, le tout pour améliorer le ‘vouloir vivre collectif’, qui reste à mes yeux le seul dessein qui mérite d’être poursuivi, qui que nous soyons, d’où que nous venions, quelles que soient nos convictions, lorsque nous avons la charge d’être investis de mandats représentatifs. »


De Gisèle Halimi à Gisèle Pelicot : 50 ans après, même combat

A l’occasion du 61e congrès national des experts-comptables de justice qui débute à Lille ce jeudi 12 octobre, Olivier Péronnet, président de la Compagnie nationale des experts comptables de justice (CNECJ) depuis bientôt quatre ans, revient sur les enjeux de ces professionnels du chiffre et du droit qui assistent les magistrats en cas de contentieux.

Comment les professionnels peuvent-ils devenir expert-comptable de justice ?
Olivier Péronnet : « Pour être expert-comptable de justice, il faut donc être inscrit sur une liste de cour d’appel, éventuellement ensuite, demander à être agréé par la Cour de cassation. Il est nécessaire d’avoir les diplômes requis et de pouvoir faire valoir une expérience voire une notoriété au travers de publications par exemple. La Compagnie regroupe 400 experts-comptables de justice, ce qui en fait la plus importante compagnie des professionnels du chiffre. Nous sommes constitués de 14 sections – dont celle d’Amiens, Douai, Reims pour les Hauts-de-France – qui couvrent l’ensemble de la métropole et de l’Outre-Mer. »

Quelles sont les principales missions de la CNECJ ?
« Elle fait le lien avec l’institution judiciaire. Elle intervient par exemple dans l’instruction des dossiers d’inscription auprès des cours d’appel et organise des échange avec les magistrats. Elle publie les actes de ses congrès annuels, et des brochures techniques pour aider les experts mais aussi les parties et leurs conseils. Elle définit une déontologie pour mettre en œuvre l’obligation d’indépendance et d’objectivité car la mission de l’expert judiciaire ou de partie vise à donner une information ou un éclairage au juge.
Nous avons créé un institut de formation, CNECJ Formation, qui dispense, au bénéfice des experts-comptables de justice, de modules de formation qui permettent de se tenir aux meilleurs strandards professionnels possibles, de suivre l’actualité de la jurisprudence et de s’améliorer sur des techniques sur diverses thématiques de nos métiers. L’audience de CNEJC Formation a vocation à s’élargir aux collaborateurs qui ne sont pas encore experts-comptables de justice ainsi qu’aux avocats ou d’autres professions. »

«Nous apportons aux parties un processus qui garantit l’égalité des armes au juge»

Sur quels types de contentieux un expert-comptable de justice peut-il être mandaté ?
« C’est très divers. Cela peut être sur l’évaluation de préjudice suite à un sinistre industriel, à une rupture contractuelle, une pratique anticoncurrentielle… mais aussi sur des contentieux d’évaluation de conséquences de dommages, contractuels ou civils ou encore des évaluations de droits sociaux, ou encore des cas de mise en oeuvre de garanties de passif. »
« En clair, nous apportons aux parties un processus qui garantit l’égalité des armes au juge, un éclairage technique qui lui permet de prendre une décision. »

Du 12 au 14 octobre prochains, vous vous réunissez à Lille autour du thème «La CNECJ : des experts du chiffre et de l’économie au service de la justice du XXIème siècle». Selon vous, quels sont les prochains défis de votre profession ?
« Le besoin d’experts du chiffre s’est considérablement accru tant en contentieux que sur des modes alternatifs de règlement des différends : il y a un réel besoin de tiers de confiance. C’est exactement le titre de notre congrès : avoir une légitimité technique, une indépendance réelle et une capacité à procéder de façon rapide permette de répondre le mieux possible aux besoins de la justice du XXIe siècle. A Lille, nous allons également faire un point sur le travail technique et les perspectives. Le besoin d’élaboration d’une doctrine claire est illustré par l’initiative de la cour d’appel de Paris avec les fiches méthodologiques qui ont une très large diffusion désormais. »
« Nos propres brochures et notre institut de formation visent à animer et relayer celles-ci pour améliorer l’efficacité et la rapidité de la justice. Notre collaboration est active pour trouver des solutions ; on pense à la consultation qui peut permettre de donner plus vite un avis au juge, et de calibrer la mission pour intervenir dans un délai compatible avec les enjeux du procès. »

«Depuis quelques mois, on observe une accélération des cas de difficultés et de défaut.»

Le digital est-il une solution pour justement, éviter une justice trop longue ?
« Ce qui est certain, c’est que le digital est présent à tous les niveaux, entre les juridictions, les parties, les experts et les avocats. La plateforme Opalexe, sous l’égide du Ministère de la Justice, permet à tous de communiquer de façon sécurisée. »
« Cela nous fait gagner du temps, assure une communication non contradictoire et permet de procéder aux actes judiciaires. En tant qu’experts, nous devons être à la pointe dans l’utilisation de tous les outils de base de données financières. »

De façon plus générale, quelle est votre vision de la situation économique post-Covid ?
« Suite au Covid, on a pu observer le contentieux des professionnels du tourisme et de la restauration, avec les assureurs suite aux fermetures pour des raisons administratives. Le nombre de défauts des entreprises durant cette période s’est réduit, grâce aux aides. En revanche, depuis quelques mois, on observe une accélération des cas de difficultés et de défaut. »

Quelle réponse pouvez-vous apporter à ces difficultés ?
« Toutes les missions des contentieux dans le cadre de transactions continuent d’être présentes même si ca s’est ralentit avec l’inflation. Pour les entreprises en difficulté, le mot d’ordre c’est d’aller rapidement pour faire le bon diagnostic et trouver les solutions adéquates. »

Propos recueillis par Amandine Pinot, La Gazette Nord-Pas-de-Calais pour Réso hebdo éco

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