(Vidéo) Guichet unique : le sénateur Jean-Baptiste Blanc alerte sur le burn-out des greffiers
Depuis la mise en place du guichet unique les ratés et les retards se multiplient pour les formalités électroniques des entreprises. Avec pour conséquence, une pression sur les greffiers qui pourtant, avec le portail Infogreffe, disposent du seul outil de secours fonctionnant actuellement.Certains d’entre-eux servant même de défouloir a des personnes excédées par les dysfonctionnement de l’Inpi.
Le Sénateur de Vaucluse Jean-Baptiste Blanc vient d’interpeller le ministre de l’Industrie lors de la séance de questions orales du 18 décembre dernier au Sénat sur « les dysfonctionnements du guichet Unique qui met à mal bon nombre d’entreprises en Vaucluse et au bord du burn-out les greffiers. »
« En effet, d’ici quelques jours, la possibilité pour les entrepreneurs d’effectuer leurs formalités de modification et de cessation via le portail Infogreffe ou sous format papier dans d’autres cas plus exceptionnels, prendra fin, poursuit le parlementaire. Cette procédure de secours, demandée, dès les premiers dysfonctionnements par la présidente du Conseil national de l’ordre experts comptables et déjà prolongée par deux fois, s’apprête à se clore. Le guichet unique présenté comme le fer de lance de la simplification administrative par la loi Pacte, a connu des débuts tumultueux depuis son lancement le 1er janvier 2023. Autrefois vanté, cette interface entre les entrepreneurs et l’administration, confiée à l’INPI, semble encore en quête de stabilité alimentant des préoccupations légitimes des entrepreneurs, des experts-comptables et des greffiers sur sa pérennité et sa performance en 2024. »
A l’aube de la nouvelle année, le Sénateur appelle donc de ses vœux « un guichet unique plus résilient et performant souhaitant que les erreurs de 2023 deviennent des leçons apprises, que les bugs soient corrigés avec célérité. Puisse 2024 être synonyme de stabilité, d’efficacité. »
« Que tous les entrepreneurs de Vaucluse et de France puissent aborder cette nouvelle étape de la transition numérique enfin, avec confiance et que 2024 soit placée sous le signe de l’efficacité, de l’ergonomie du guichet unique et, enfin, de la simplification administrative. Cependant, le glas de cette nouvelle année n’a pas encore sonné, et les entrepreneurs, les experts-comptables ainsi que les greffiers du Vaucluse sont toujours dans l’attente d’une décision du Gouvernement. Il reste quelques jours pour répondre aux inquiétudes des entrepreneurs et des représentants de greffiers soucieux de maintenir l’assistance offerte par eux pour compenser les failles du guichet unique jusqu’à son entière mise en œuvre en 2024. »
(Vidéo) Guichet unique : le sénateur Jean-Baptiste Blanc alerte sur le burn-out des greffiers
Régulièrement, Philippe Lechat*, ancien expert-comptable et commissaire au compte à Avignon, nous propose son éclairage sur des sujets juridiques. Aujourd’hui, ce professionnel du chiffre revient sur le Guichet unique des entreprises (GUE)
« Comme beaucoup d’anciens dirigeants de sociétés, j’ai moi aussi ‘Ma petite entreprise’, une SAS qui porte mon activité de conseil, tout ce qu’il y a de plus simple, enfin, ‘de plus simple’, je le pensais… » Dernièrement, j’ai donc entrepris de déposer les comptes annuels de la ma société au greffe du tribunal de commerce. « Attention, il ne s’agit pas d’un ‘Dépôt de bilan’, ça c’est quand la société ne peut plus payer ses dettes, non, non, il s’agit plus sereinement de déposer chaque année au greffe le bilan et le compte de résultat de la société afin d’informer le tribunal du résultat de l’année. C’est obligatoire en France depuis de nombreuses années. Pendant longtemps, ces comptes étaient même rendus publics pour tout à chacun, mais maintenant, moyennant encore pas mal de paperasse, ces comptes peuvent être confidentiels. »
Pas de problèmes en principe… « Sur le principe : pas de problème, c’est une corvée, qui coûte quand même 50€ par an, mais bon, nous sommes en France, il faut bien nourrir la bête administrative sinon c’est l’horreur, elle risque de s’étioler… » Depuis la loi Pacte du 22 mai 2019, nos bons dirigeants ont décidé de ‘simplifier’ ce type de formalités grâce à un G.U.E. (Guichet unique des entreprises) géré par l’Inpi (Institut national de la propriété industrielle) et qui doit permettre de gérer en ligne toutes les formalités juridiques relatives aux entreprises. Voilà une idée qu’elle est bonne ! Cela évitera les échanges épistolaires, voire les visites au Greffe du Tribunal de commerce, pour les chefs d’entreprise qui ont autre chose à faire que d’envoyer au greffe les bilans qu’ils ont déjà envoyés à leur banquier, à la banque de France, aux services de impôts et à je ne sais qui encore… »
Pire que le RSI ? « Le problème de la simplification en France c’est qu’on la confie à des énarques, qui n’ont aucune idée de ce que c’est qu’un patron de PME, alors forcément, ça coince. En l’occurrence, la mise en place de ce guichet unique va sans doute dépasser la catastrophe de la réforme du RSI (Régime social des indépendants) qui avait défrayé la chronique pendant plus de 10 ans. » « Tout le monde juridique et économique en parle, les experts-comptables s’affolent, les avocats tempêtent, le Sénat se saisit de la question et les ministres répondent imperturbables : ‘Ainsi, conformément à ses prérogatives et comme annoncé par le Gouvernement, le guichet unique prend désormais bien en charge l’ensemble des formalités prévues’. »
« Je ne suis pas très malin mais j’ai quand même dirigé plusieurs sociétés d’expertise comptable, beaucoup de clients m’ont fait confiance pour la gestion de leur entreprise, je sais me servir d’un ordinateur (j’ai même un compte Tik Tok, c’est dire !) mais je n’ai pas réussi à ‘déposer mes comptes annuels’ sur cette satanée plateforme de Inpi. » « Après quelques heures de bataille, je croyais être bon, j’avais réussi à créer un compte, à remplir les innombrables champs à compléter, à répondre à la curiosité insatiable de l’administration française et, enfin, à déposer sur le site les deux pages du bilan 2022 de ma société quand, Patatras ! ‘Votre document de synthèse n’est pas signé électroniquement’. Il est indiqué dans un coin que, si ça ne marche pas, il faut alors essayer en passant par le site France Connect qui regroupe de façon satisfaisante l’accès à beaucoup de plateformes administratives. Qu’à cela ne tienne, allons-y. Et là, ça ne marche toujours pas, ce foutu document de synthèse ne veut pas être signé. »
« Comme je suis têtu (Breton un jour, Breton toujours), je regarde s’il existe une aide en ligne, comme le ministre l’a indiqué : ‘Avec le guichet unique, chaque déclarant bénéficie d’une assistance gratuite et complète pour l’aider à tout moment dans sa démarche’. Un numéro vert est indiqué sur le site, proposant même : ‘Nous vous rappelons maintenant’, j’essaye… » « Et voilà, le numéro sonne depuis si longtemps que j’ai eu le temps de frapper tout mon billet sans que l’Inpi décroche, c’est vrai qu’il est quand même 15h30. Je suppose que la journée du service d’assistance est terminée… »
« Ce qui m’inquiète c’est la sanction à ce grave manquement, je jette un coup d’œil sur le site Service Public et là je suis rassuré : ‘En cas de non-dépôt des comptes, la société s’expose à une amende de 1 500 €.’ Comme le dit très bien Emma Marcegaglia, l’ancienne patronne du Medef italien : ‘Les américains commercialisent l’innovation, les chinois la copie et l’Europe la règlemente’. Bon courage à tous, aux entrepreneurs en particulier. »
*Philippe Lechat a été président du groupe Axiome associés pendant plus de 10 ans. Expert-Comptable inscrit et Commissaire aux Comptes jusqu’en 2019, il est désormais consultant en stratégie d’entreprise, en matière de transmission tout particulièrement. Il est aussi administrateur de plusieurs associations du secteur social et de l’insertion. Enfin, Il est vice-président de la Fondation Angladon qui gère le musée du même nom à Avignon.
(Vidéo) Guichet unique : le sénateur Jean-Baptiste Blanc alerte sur le burn-out des greffiers
La polémique du guichet unique ? C’est la mort d’Infogreffe – service de diffusion de l’information légale et officielle sur les entreprises, notamment du registre du commerce et des sociétés-, disparu au 31 décembre minuit. Son remplaçant, le Guichet unique, devait prendre la relève. Hélas, depuis sa mise en service, le site internet est en rideau. Mais que se cache-t-il derrière celui-ci ?
Au tout début il y a Infogreffe, un GIE (Groupement d’intérêt économique) qui, dès 1986, via le minitel 3615 infogreffe, diffuse l’information légale et officielle des entreprises, notamment du registre du commerce et des sociétés. A partir de 2001, le service existe sur Internet. A partir de son informatisation, le portail permettait de trouver, très rapidement, toutes les informations sur les sociétés et commerçants inscrits au registre du commerce et des sociétés qui regroupe tous les greffes des tribunaux de commerce de France.
Quand Bercy reprend la main Le choix de Bercy, le ministère de l’Economie et des Finances ? Reprendre la main sur Infogreffe qui, depuis 2009 et jusqu’à présent bénéficiait d’une délégation de service public, et veillait au fonctionnement du dispositif, à son développement et à l’exploitation informatique, au contrôle, à l’enregistrement et au dépôt des actes, l’ensemble étant payé par les déposants.
Casser le monopole Le vœu d’Emmanuel Macron, président de la République ? Mettre fin au monopole des professions règlementées, ce qu’il avait annoncé dès 2015. C’est donc à L’Inpi (Institut national de la propriété industrielle) de revenir à l’origine de sa propre mission. Ca pourrait s’arrêter là mais en fait il n’en n’est rien. Car à bien y regarder le Guichet unique est une directive européenne qui date du 12 décembre 2006 et impose, notamment, à l’ensemble des Etats membres de mettre en place des Guichets uniques en charge des formalités de création d’une entreprise et de propositions de services dans un autre état membre.
A l’origine Parce qu’à l’origine, c’est bien L’Inpi qui avait en charge les données des entreprises et son archivage mais elle avait confié ses missions : saisie, numérisation, stockage et diffusion, dès 1993, à une société opérant sur Minitel, alors dans le cadre d’une concession de service public. En 2009, l’Inpi conclut un accord faisant d’infogreffe le spécialiste des données légales des entreprises d’autant plus qu’infogreffe est une émanation directe de la profession. Comble de l’histoire, l’Inpi ne comptant pas d’officiers ministériels comme le sont les greffiers, L’institut ne peut pas délivrer de Kbis, identité légale de l’entreprise.
Las, ça casse Les professionnels de la vie des entreprises, qui testent la plateforme ‘Guichet unique’ évoquent, avant le 1er janvier 2023, une accessibilité difficile, un fonctionnement nébuleux, le ministère de l’Economie avouera même 11 dysfonctionnements mineurs. Mais le problème semble structurel : accès à la plateforme peu didactique, contenus nébuleux, difficulté de compréhension des éléments demandés, formulaire demandés inexistants… Le site serait en période d’adaptation jusqu’en mars. Mais en attendant tout est bloqué et le reste.
En ce moment ? Il n’y a pas de procédures de secours et le logiciel ‘Guichet entreprise’ est obsolète, confie dans un communiqué de presse l’ordre des avocats et des experts-comptables. Malgré la demande massive des greffes des Tribunaux de commerce, Bercy refuse le retour à l’ancienne plate-forme infogreffe.fr.
Un refus injustifiable «Le refus de Bercy, en charge du projet de guichet unique, de prendre en compte cette option (Ndlr du retour à infogreffe.fr), dénote un entêtement injustifiable et une indifférence inacceptable aux difficultés que vont subir les entreprises, dans une période déjà particulièrement compliquée,» écrivent l’ordre des avocats du Barreau de Lyon, l’Ordre des experts-comptables de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et la Chambre des notaires du Rhône.
La parole est à vous Contacté à la volée, un avocat spécialisé en droit des sociétés n’hésite pas à s’exprimer : «Le guichet unique entreprise est développé par l’Inpi depuis 2019, qu’il a ouvert aux internautes depuis 18 mois. Désormais depuis le 1er janvier, toutes les personnes susceptibles de créer leur société ou de la modifier doivent passer par cette plateforme. Le problème ? Toutes les professions juridiques : experts-comptables, notaires, avocats, formalistes ont tenté depuis l’automne dernier, de prévenir Bercy des nombreux dysfonctionnements constatés sur Guichet unique. Aujourd’hui nous sommes face à un véritable fiasco. Il suffit pour s’en convaincre de lire les posts sur les réseaux et notamment LinkedIn : les professions juridiques sont vent debout et, aujourd’hui, nous ne pouvons faire que des immatriculations et aucunes radiations ni modifications.»
Catastrophe et terribles conséquences «Les conséquences, aujourd’hui sont terribles, reprend le spécialiste du droit. Près 80% des formalités concernent le registre du commerce et des sociétés qui pouvaient être réalisées par infogreffe.fr 2,4 millions de formalités ont ainsi été traitées sur cette plateforme en 2022. Notaires, avocats, experts comptables, tous demandent la réouverture d’infogreffe.fr car Guichet unique coûte une fortune et ne fait pas son job. Impossible non plus de joindre qui que ce soit par téléphone puisque la centrale est saturée. Pourtant, aujourd’hui, nous ne pouvons plus attendre car beaucoup de cessions d’entreprises et de commerces doivent être traitées et ne peuvent l’être.»
Piratage informatique ? «Oui, Bercy a évoqué un piratage informatique mais personne n’y croit ! Livre très ouvertement l’avocat. Et si c’était vrai comment est-il possible qu’ils (professionnels de l’Inpi) n’aient pas pris de précautions à ce sujet ? Infogreffe, qui faisait le job bien mieux que cela, n’a jamais été piraté. Je pense que c’est une fausse excuse. On est revenu au format papier. L’Inpi a demandé aux anciens CFE (Centre de formalités des entreprises) de rouvrir au sein des CCI (Chambres de commerce et d’industrie) alors que le personnel n’est plus là. Le greffe ne reçoit plus rien, de même que les journaux d’annonces légales. C’est même un problème pour les caisses de l’Etat qui, elles aussi, ne reçoivent plus rien. Aujourd’hui nous ne pouvons plus rien faire, y compris les mises à jour, c’est ce qui est terrible.»
Pourquoi en est-on arrivé là ? «Je crois que l’Etat ne voulait pas passer par une société extérieure pour gérer les formalités des entreprises et voulait le faire en direct. Or, comme on le voit, ça n’était pas qu’une question d’argent mais aussi de savoir-faire reprend l’homme de loi. Les professionnels d’infogreffe avaient dit à leurs homologues de l’Inpi qu’ils ne pourraient développer en deux ans ce qu’eux avaient mis 37 ans à réaliser. Infogreffe avait aussi proposé de conserver son canal et de le mettre à disposition de l’Inpi ce que l’Insrtitut a catégoriquement refusé. C’est tout un pan de l’économie qui est bloqué.»
Anne Dideron, Expert comptable et commissaire aux comptes chez Axiome Associés «Pour le moment nous ne faisons plus de formalités. Nous sommes dans l’attente du déblocage du site de l’Inpi. Lorsque nous les avons contactés ils nous ont dit ne pas être pour le moment opérationnels. Nous avions anticipé en prévenant nos clients et en avançant nous-mêmes le plus possible les formalités en décembre 2022 mais il y a des changements qui interviennent tout le temps, des nouveautés dont nous ne pouvons, actuellement, pas faire les formalités. Le piratage informatique ? (Rires). Vous n’y croyez pas ? Je crois que personne n’y croit. Jusqu’à présent les formalités étaient parfaitement réalisées via infogreffe. Pourquoi avoir fait Guichet unique alors qu’infogreffe.fr marchait si bien ?»