22 novembre 2024 |

Ecrit par le 22 novembre 2024

Gisèle Halimi, une femme en robe noire

A l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme qui aura lieu ce mercredi 8 mars 2023, maître Jean-Maxime Courbet, bâtonnier du Barreau d’Avignon a invité ses consœurs et confrères à prendre la plume pour illustrer le propos. Maître Anne Barthélémy a choisi d’évoquer l’illustre Gisèle Halimi.

Alors qu’il nous paraît tellement naturel aujourd’hui que le Barreau soit majoritairement féminin, il est bon de nous souvenir de celles qui nous ont courageusement et magistralement ouvert la voie, dans un contexte où la société, le droit et la justice étaient largement dominés par les hommes.

Défenseuse passionnée de la cause des femmes, Gisèle Halimi a œuvré avec détermination à l’occasion notamment de deux procès qui ont incontestablement contribué à faire progresser les droits des femmes.

Le ‘procès de Bobigny’, en 1972 Maître Halimi a obtenu la relaxe d’une jeune fille de 16 ans jugée pour avoir avorté illégalement suite à un viol. Sa mère et 2 autres complices étant cependant condamnées.

Gisèle Halimi lors du procès de Bobigny

À cette époque plus de 500 femmes étaient condamnées chaque année pour avoir avorté. Cette affaire, très médiatisée, a été suivi du long et âpre combat de Simone Veil aboutissant à la dépénalisation de l’IVG (interruption volontaire de grossesse) en 1975.

Le procès du viol. En 1975 Maître Halimi a défendu avec acharnement un couple de femmes violées par 3 hommes, alors que le viol n’était considéré que comme ‘attentat aux mœurs’, n’étant à ce titre qu’un délit relevant du Tribunal correctionnel. Elle s’est battue pour que l’affaire soit renvoyée devant la Cour d’assises, et en 1978 les trois accusés ont été condamnés à des peines de prison ferme.

Ce procès emblématique et médiatisé –maître Halimi avait refusé le huis-clos- a ouvert le chemin vers la loi de 1980 portant sur une nouvelle définition légale du viol, sa qualification de crime, et une répression plus forte contre les auteurs.

Maître Gisèle Halimi est décédée en 2020 à l’âge de 93 ans. Son combat reste d’actualité sur de nombreux sujets relatifs aux droits des femmes …
MH


Gisèle Halimi, une femme en robe noire

Initialement prévue pour une soirée unique la pièce de Léna Paugam avec Ariane Ascaride et Philippine Pierre Brossolette se jouera également le dimanche après-midi. Quand on sait que la salle de la Scala Provence peut accueillir 600 spectateurs on se dit que le combat d’une vie de l’avocate Gisèle Halimi n’a pas été vain et continue de mobiliser des hommes et des femmes.

Mais qui est Gisèle Halimi ?
Osons poser la question  même si pour toute une génération de femmes la réponse fuse : elle est celle qui a incarné jusqu’à sa mort en 2020, la justice, la liberté, le courage et le féminisme. Les plus jeunes en ont peut-être entendu parler par leur mère ou au moment de son décès à 93 ans en juillet 2020, en pleine crise sanitaire. Comment résumer une vie de combats et d’action ? Son enfance tunisienne alimentera déjà sa révolte contre une société machiste et traditionnelle. De rebelle à avocate sans cesser d’être militante, elle sera de toute les causes : lutte anti coloniale, soutien de la militante FLN Djamila Boupacha victime de torture, grand Procès de Bobigny en 1972, où elle obtient la relaxe de la jeune femme et parvient à mobiliser l’opinion, ouvrant la voie à la dépénalisation de l’avortement, au début de 1975, abolition de la peine de mort, parité dans les institutions politiques,  dépénalisation de l’homosexualité, droit des peuples, droit des femmes…

C’est la jeune comédienne Philippine Pierre-Brossolette, bouleversée après avoir lu le livre de Annick Cojean (Edition Grasset 2020),  qui est à l’origine de ce projet et qui le porte
Sur scène, 2 générations de femmes, 2 sensibilités, 2 voix  dialoguent et révèlent la vie de Gisèle Halimi au fil de ses souvenirs recueillis par la journaliste Annick Cojean. C’est Philippine Pierre Brossolette qui a demandé à Ariane Ascaride de porter avec elle ce portrait sensible de la célèbre avocate. La mise en scène de Léa Paugam ajoute des documents d’archives sonores avec les voix de Gisèle Halimi et Simone Veil.

Deux ans après son décès, l’hommage national se fait attendre
Comment ne pas évoquer Gisèle Halimi, disparue cet été. De sa chère Tunisie à notre Assemblée nationale, des prétoires, des hémicycles, de plaidoyers en manifestes, celle qui était née Zeiza Taïeb plaida pour l’émancipation des peuples et fit faire des bonds de géant à la cause des femmes. Un hommage national lui sera prochainement rendu dans la cour des Invalides.»  Discours d’Emmanuel Macron le 4 septembre 2020 suite au décès de Gisèle Halimi en juillet 2020.

La semaine dernière encore
Vendredi 25 novembre 2022, lors de la journée internationale contre les violences faites aux femmes et au lendemain d’un vote à l’Assemblée pour inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution, 73 députés de la Majorité ont redemandé à Emmanuel Macron de faire entrer Gisèle Halimi comme la 7e femme au Panthéon.

Petit aparté téléphonique avec Ariane Ascaride

Ariane, vous jouez dans le spectacle Une farouche liberté Gisèle Halimi. Pourrait on dire aussi Ariane Ascaride,  une farouche liberté ?
Oui peut-être mais Gisèle Halimi est surtout beaucoup plus courageuse que moi,  elle n’a cessé de l’être. Petite déjà elle n’accepte pas sa condition, elle va se battre et jamais cesser de se battre,  elle fait changer les choses, elle fait en sorte que les lois changent.

Elle a changé le monde en plaidant ….et vous en jouant ?
J’ai une parole qui peut créer un peu de solidarité avec les spectateurs. Mais Gisèle Halimi fait vraiment  bouger la loi, la société. Il faut parler de cette femme plus que jamais aujourd’ hui. Et si en jouant je peux faire connaître ses combats, tant mieux. Quand on voit que le droit à l’interruption volontaire de grossesse ( IVG)  régresse partout dans le monde, même en France, celles qui n’auront pas d’argent pour le faire seront des candidates à la mort. C’est le droit premier de toute femme de disposer de son corps.

A quel moment Gisèle Halimi a-t-elle croisé votre vie ?
Elle fait irruption dans ma vie à partir du procès de Bobigny en 1972. Je me rends compte qu’il se passe  un truc de fou, un truc incroyable : une jeune femme mineure est condamnée pour avoir fait une IVG,  dénoncée par son propre violeur !

Etes-vous aussi une artiste engagée ?
Je suis une citoyenne engagée. Je participe à la vie de mon pays, de ma ville. Adhérente du collectif 50/50 je veux continuer à me battre par exemple pour imposer les femmes à l’intérieur du cinéma français. Les choses ont tout de même beaucoup bougé mais il faut rester vigilant.Je prends complètement à mon compte la phrase de Gisèle Halimi «Le combat est une dynamique, si on s’arrête on dégringole, si on s’arrête on est foutus.» Si on commence à se battre pour les droits des femmes, on fait bouger toute la société.

Les spectacle est donné depuis le 18 octobre 2022 à la Scala Paris. Quelle est la réaction du public ?
Je suis très très  touchée car tous les soirs nous terminons avec une salle debout. Et ce qui me touche beaucoup plus encore c’est qu’il y a des jeunes gens. J’ai l’impression qu’il y a eu un moment où la transmission  s’est un peu arrêtée dans le mouvement féministe. Il y a aujourd’hui le mouvement Metoo mais qui ne sait pas ou a oublié  qu’il y a des femmes qui se sont battues dans les années 70 pour leur droit. Il y a donc un public très étonnant, des dames d’un certain âge, et des  jeunes filles et jeunes garçons qui découvrent, qui ne savaient pas. Et là, j’ai vraiment l’impression de faire mon métier, de transmettre.

Changer le monde en jouant ?  Oui changer, apprendre des choses à des jeunes, c’est épatant.

Samedi 3 décembre. 20h. Dimanche 15h.10 à 25€.La Scala. 3 rue Pourquery de Boisserin. Avignon. 04 90 65 00 90. lascala-provence.fr

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