(Vidéo) Prison : le garde des Sceaux prépare la sortie
Ce vendredi 28 juillet, le ministre de la Justice, Eric Dupont-Moretti, a inauguré la structure d’accompagnement vers la sortie (SAS) d’Avignon-Le Pontet. L’objectif de ce lieu est double : désengorger les prisons et préparer la réinsertion des détenus.
Construite à côté du centre pénitentiaire du Pontet, la structure d’accompagnement vers la sortie (SAS) d’Avignon-Le Pontet dispose d’une capacité de 120 places pour accueillir, sous le régime de la semi-liberté, des détenus qui purgent de courtes peines ou à qui il reste moins de deux ans de détention. L’objectif du lieu est d’améliorer la réinsertion des détenus, mais l’établissement n’est pas réservé aux seules personnes avec un projet professionnel. Les détenus en fin de droits sociaux ou ayant des problèmes d’addiction à l’alcool ou la drogue peuvent aussi être orientés vers cette structure.
Le centre pénitentiaire du Comtat Venaissin ouvrira en 2026
L’objectif est de mieux accompagner la sortie, mais aussi de désencombrer les prisons. Conçu pour accueillir 650 personnes, le centre pénitentiaire du Pontet héberge actuellement plus de 800 détenues. Ces derniers mois, via leurs syndicats, les agents de la pénitentiaire n’ont cessé d’alerter sur cette surpopulation carcérale et sur les violences à répétition commises entre détenus, mais aussi envers les agents. La création du futur centre pénitentiaire du Comtat Venaissin, à Entraigues-sur-la-Sorgue, devrait également permettre de soulager la prison du Pontet. D’une capacité de 400 places, l’établissement devrait être opérationnel début 2026.
(Vidéo) Prison : le garde des Sceaux prépare la sortie
Le garde des sceaux vient d’adresser aux parquets une nouvelle circulaire leur présentant les dispositions de la loi du 24 janvier dernier élargissant les possibilités pour les assemblées et associations d’élus de se constituer partie civile en cas d’agression de ces derniers. Des agressions qui, d’après l’observatoire de l’AMF, auraient augmenté de 15% l’an passé.
« Le garde des Sceaux vient d’adresser une nouvelle circulaire à ses parquets relative aux agressions d’élus, explique notre confrère Frédéric Fortin dans Localtis, le média de la Banque des territoires. Une de plus, après celles du 6 novembre 2019 et du 7 septembre 2020, auxquelles il faut ajouter des dépêches du 6 mai 2021 (pour faire remonter semestriellement un rapport d’analyse) ou encore du 26 janvier 2023 (face aux coupures de courant ciblant des permanences d’élus). Sans compter celle du ministère de l’intérieur aux préfets. Cette fois, le texte vise à présenter les dispositions de la loi du 24 janvier dernier « visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression ». »
3 échelons territoriaux identifiés « Le ministre y rappelle notamment que « trois échelons territoriaux sont identifiés » (commune, département, région), avec pour chacun la mention de « l’association la plus représentative » – respectivement l’Association des maires de France, Départements de France et Régions de France, poursuit Frédéric Fortin. Il précise que ces mentions ne sont pas exhaustives, d’autres associations « telles que France urbaine ou l’Association des maires ruraux de France » pouvant elles aussi se constituer partie civile. » « De même il explique que la locution « élus territoriaux » utilisée par la loi, qui « ne renvoie pas à une réalité juridique précise », s’entend « pour désigner les élus des entités institutionnelles locales des collectivités d’outre-mer et de Nouvelle-Calédonie », en précisant les entités concernées. Il attire en outre l’attention sur le fait que le recueil de l’accord de l’élu concerné est toujours nécessaire. »
Une hausse du nombre des agressions « L’incipit de la circulaire rappelle que la loi du 24 janvier 2023 a été adoptée « dans un contexte de multiplication des atteintes visant les élus ». Ce que confirme une note du 10 février dernier de l’Association des maires de France (AMF), qui fait état d’une augmentation de 15% de ces atteintes en 2022 par rapport à 2021, avec un total évalué à 1.500 agressions environ. Un nombre qui agrège les déclarations faites à l’observatoire mis en place par l’association et les faits relayés par la presse. « Les chiffres sont des estimations », précise ainsi l’association, en soulignant que si « les maires hésitent de moins en moins à déposer plainte, […] ils n’ont pas forcément le réflexe de déclarer l’agression auprès de l’AMF ». Pour l’association, cette hausse pourrait néanmoins s’expliquer en partie par « une libération de la parole », du fait de l’attention accrue portée au phénomène, sans minimiser pour autant « une augmentation des violences du fait des crispations de la société ». »
Les maires en premières lignes « L’AMF observe que les maires sont les principales victimes, les conseillers l’étant dans une moindre proportion. Elle estime qu’ils sont à 50% victimes d’outrage, à 40% de menaces et à 10% de violences volontaires. L’on imagine le cumul possible. Dans les trois quarts des cas, l’agression a lieu lors de « relations directes avec un administré » (ex., un maire admonestant un administré du fait d’une incivilité). Ce qui a d’ailleurs motivé le recours à des formations assurées par le GIGN. L’association souligne par ailleurs le facteur aggravant que constituent les réseaux sociaux, qualifiés « d’incubateurs numériques de la violence ». »
(Vidéo) Prison : le garde des Sceaux prépare la sortie
L’avocat aux 145 acquittements, devenu Garde des Sceaux en juillet 2020 était hier en Vaucluse. D’abord à Avignon à ‘L’Ecole Numérique de l’Apprentissage’ puis au restaurant Graine de piment, deux lieux d’expérimentation, pour échanger avec de jeunes mineurs en décrochage scolaire qui ont trouvé un chemin d’insertion grâce aux méthodes mises en oeuvre par la procureure de la République, Florence Galtier et la PJJ (Protection judiciare de l’enfance). « Dès septembre 2021, nous avons mis en place une permanence éducative pour les évaluer et leur fournir des mesures d’orientations » explique-t-elle.
Rénovation du tribunal de Carpentras L’après-midi, le cortège officiel avec le Ministre et la Préfète de Vaucluse Violaine Démaret, s’est rendu à Carpentras pour inaugurer le Palais de Justice rénové, à côté de la cathédrale Saint-Siffrein. Un édifice épiscopal à son origine en 1646, devenu centre judiciaire en 1801 et qui vient, pendant 5ans, de faire l’objet d’une totale rénovation dans les règles de l’art, sous la direction de l’Inspecteur Général et Architecte en chef des Monuments Historiques, Didier Reppelin.
« Ce lieu a été magnifiquement restauré, en alliant tradition, qualité et fonctionnalité » a déclaré Eric Dupont-Moretti. « 9,1M€ ont été investis dans ce chantier sans impacter la capacité des services à travailler et accueillir les justiciables dans ce patrimoine exceptionnel. Les enjeux énergétiques ont été pris en compte, comme le contrôle et la sécurisation des accès, le service incendie, un chauffage qui ne fait plus appel à l’énergie fossile. Une vingtaine d’entreprises locales du bâtiment étaient sur le pont. D’ici 2027, nous souhaitons aussi la mise en place du ‘zéro papier’, d’ailleurs l’ancien service des Archives, au 3e étage, a laissé sa place à l’informatique. Tout cela en mettant parallèlement en valeur les trésors cachés ou détériorés de ce Palais de Justice, ses tapisseries, ses frises, ses tableaux, ses caissons, qui étaient le cadre de vie des cardinaux et évêques au XVe siècle, un lieu classé monument historique en 1862. Une seconde tranche de travaux est prévue, pour l’extèrieur, les façades, les menuiseries et l’étanchéité thermique pour un montant de 5,3M€ ». A noter que les lustres des salles d’audiences ont été aussi rénovés par Régis Mathieu et son équipe d’artisans de Gargas. Il en a aussi créé de nouveaux dans le couloir d’entrée, « pour lui donner plus de volume et de clarté » a-t-il précisé.
Améliorer les conditions de travail de tous les auxiliaires de justice Dans un deuxième temps, le Garde des Seaux en est venu à son rôle, Place Vendôme : « Lancer un investissement sans précédent pour la justice. On a plus fait en 5 ans qu’en 20 ans. Le budget s’élèvera à 11 milliards en 2027, c’est his-to-ri-que ! Rien que pour l’immobilier on a une enveloppe de 269M€ pour 2022, pour améliorer les conditions de travail de tous les auxiliaires de justice, les greffiers, les magistrats de Perpignan, Toulon, Aix, Mende, Privas ou Nîmes, notamment. Nous nous devons de faire honneur à la mission confiée à la justice. »
Il évoque ensuite les recrutements : « L’ENM (Ecole nationale de la magistrature, à Bordeaux) tourne à plein régime, On a déjà embauché 700 nouveaux magistrats, il y en aura encore 1 500 supplémentaires, autant de greffiers. On ne les trouve pas sous le sabot d’un cheval, il faut les former et pour cela simplifier l’accès à ces professions, avec des habitués du droit, créer des passerelles avec des avocats d’expérience par exemple. »
Avec la Préfète, Violaine Démaret, la Présidente du Tribunal Judiciaire Anne Deligny et la Procureure de la République de Carpentras, Hélène Mourges, dans l’ancienne salle d’audience de la Cour d’Assises de Vaucluse, Eric Dupont-Moretti est revenu sur « Les Etats-Généraux du Droit » qui ont duré 8 mois et débouché sur le Rapport Sauvé. Pêle-mêle, manque de moyens, besoin de simplification, de proximité avec les justiciables, délais plus courts, rapports plus fluides entre le terrain et la Chancellerie, stop à l’inflation et à la complexité des textes législatifs impossibles à mettre en oeuvre ont été montrés du doigt.
« J’ai été avocat pendant 35 ans, j’ai sillonné tous les prétoires de hexagone pour y plaider. Je sais ce que les Français reprochent à la justice. Lenteur, moyens insuffisants, complexité des procédures, parquets submergés, sous extrême tension, personnels en souffrance, prisons saturées… Si je suis entré en politique, justement, c’est pour changer les choses, apporter des solutions, ps rester inerte ». En présence des personnels venus l’interroger, il égrène quelques solutions qu’il espère consensuelles : « Travailler ensemble sur un outil numérique unique, sécurisé et fiable entre greffiers, magistrats et avocats. Ne plus avoir à demander la permission à la Chancellerie de changer une armoire, déconcentrer les décisions, ça ira plus vite, Paris aussi est embolisé, inutile d’en rajouter. »
Objectif : diviser par deux la durée de traitement des affaires L’ancien défenseur de Benzema, Cahuzac, Tapie ou Balkany évoque un axe à privilégier : le civil. Avec les divorces ou les litiges employeur-salarié, il représente 60% du judiciaire en France. « Une affaire dure en moyenne 2 ans et les justiciables parfois ne voient jamais un juge. Cela ne marche pas. Il faut diviser les délais par deux avec la culture de la médiation, de la conciliation. Aux pays-Bas existe la culture de la césure, ils ont 2 fois plus de procédures que nous et ils les règlent 2 fois plus vite et en prime, tout le monde est ravi, Chez eux, le juge dit le droit, il se recentre sur son coeur de métier. Si j’ai tort, on plie les gaules, si j’ai raison on entame une transaction. C’est un changement de culture, de paradigme. Autre système, au Canada : priorité à l’amiable, 90% des litiges sont jugés ainsi et dans 10% des cas les avocats interviennent pour rechercher l’élaboration d’une solution. » Le Garde des Sceaux souhaite une refonte du CPP (Code de procédure pénale) et de ses 3180 pages. « C’est un véritable travail de romain ».
Pour un retour de la Cour d’Assises à Carpentras ? Question du Bâtonnier du Barreau de Carpentras, Emile-Henri Biscarrat : « Depuis le 1er janvier 2002, la Cour d’Assises de Vaucluse a été transférée à Avignon, chef-lieu du département. Pendant des décennies elle a pourtant rythmé la vie du Palais de Justice, des Carpentrassiens, des commerçants. Cette perte a été vécue cruellement. Ailleurs, dans le Puy- de-Dôme, les Assises sont à Riom et le Tribunal Judiciaire à Clermont-Ferrand, dans le Var, les Assises à Draguignan et le TJ à Toulon. Donc on pourrait peut-être récupérer une partie de ce qu’on a perdu avec la future Cour criminelle départementale implantée ici, à Carpentras, cela pourrait faire l’objet d’une expérimentation en accord avec évidemment la Procureure de la République d’Avignon et la Procureure Générale de Nîmes. » Réponse d’Eric Dupont-Moretti : « J’ai une tendresse particulière pour les avocats, cher maître, mais je ne dis pas oui à tout ce qu’ils demandent. Si tout le monde est d’accord, pourquoi pas, je ne m’y opposerai pas, mais faut voir si cela est faisable en termes d’organisation ».
Dénonciation de l’ubérisation du Droit Un jeune avocat prend ensuite la parole pour dénoncer « L’uberisation de la société, il y a des plateformes du droit, où sont les limites de cette européisation de la justice? Moi je suis avocat par conviction, par passion, par sacerdoce, pas commercial du droit ». Le ministre lui explique « Les Français ne sont pas contents de nous, ils râlent, nous devons donc changer notre fusil d’épaule, évoluer, avancer, changer les pratiques et peut-être nous inspirer d’exemples venus ailleurs, sinon à quoi je sers? Mes parents adoraient Yvette Horner et son accordéon, moi je préférais Elvis Presley, tout change! »
Autre question, celle d’une greffière. « Nous sommes le coeur des tribunaux, nous faisons tourner la boutique H 24, nous rognons sur nos jours de vacances et nos week-end pour désengorger les piles de dossiers. Il y a une véritable souffrance, on s’épuise, un jour, ça va imploser. On a besoin de bras, comment allez-vous faire pour rendre ce métier attractif? Attirer des jeunes motivés avec des salaires revalorisés et davantage de considération, de reconnaissance? » Le Garde Des Sceaux réplique : « Je sais ce que vous vivez. On a déjà fait des efforts budgétaires. 850 greffiers supplémentaires ont été embauchés, 1 500 suivront, les salaires ont progressé de + 12% en 3 ans. On ne répond pas à 30 ans d’abandon en un claquement de doigt et dire bingo! Il faut que tout se mette en place et cela prend du temps mais sachez que j’ai de la considération pour vous et tous les auxiliaires de justice ».
Lutte contre les stupéfiants : “on ne lâche rien” Enfin un magistrat évoquera le trafic de stupéfiants particulièrement intense dans certains quartiers de Carpentras. « Il n’y a pas que les traficants à mettre hors d’état de nuire, il y a aussi les consommateurs. Il faut une lutte transerversale, globale, une approche médicale, sociale, économique, comme le préconisent Madame la Préfète et Monsieur le Maire. On manque aussi de psychiâtres ». Eric Dupont-Moretti explique : « J’ai les chiffres du Vaucluse soue les yeux, on est passé de 900 saisies de drogue à 1289 l’an dernier. On ne lâche rien. Les jeunes consommateurs décompensent, c’est irréversible, après ils deviennent schyzophrènes et si on légalise le cannabis, ils passeront à la cocaïne. Et je n’oublie pas qu’à Avignon, le 5 mai 2021, un jeune policier, Alain Masson, a été abattu sur un point de deal ». Avant de quitter Carpentras, le Ministre répètera qu’il souhaite « De l’excellence pour tous : le service public de la justice est un pacte social essentiel, c’est la clé de voûte de notre démocratie ».