26 novembre 2024 |

Ecrit par le 26 novembre 2024

Frédéric Saintagne, habitat individuel et logement social, la maison brûle

Frédéric Saintagne, chef d’entreprise à la tête de Groupement d’artisans, constructeur de maisons individuelles et président départemental de la Fédération française du bâtiment, pôle habitat, est intervenu lors de la présentation des Statistiques de l’immobilier par la Chambre des notaires de Vaucluse. Il a fait un état rapide de la construction de maisons individuelles en Vaucluse et les infos sont comme la conjoncture, perturbantes.

«Les chiffres pour comprendre la problématique que nous vivons en ce moment ? Au niveau national, dans le tissu économique français, le bâtiment et les travaux publics représentent 12% du PIB (Produit intérieur brut) et 1,245 millions de salariés –alternants compris- dont 65% travaillent dans le second œuvre et 35% dans le gros œuvre.»

Quant au logement ?
«Il représente un tiers du budget des ménages, ce qui révèle son importance. Le logement diffus –la maison individuelle- a connu en 2022, une chute historique du marché avec moins de 100 000 unités réalisées en France, ce qui représente une baisse de 31% et -20% en Provence-Alpes-Côte d’Azur.»

Le public était venu très nombreux à la présentation des statistiques de l’immobilier de Vaucluse

Le logement collectif
«Le logement collectif, en France, a représenté 95 000 unités avec une baisse de 14%. Mais le chiffre qui effraie le plus est le taux d’annulation de promotion immobilière qui atteint les 16% pour cause de problème de financement ou d’insuffisance de taux de réservation pour boucler le projet.»

De moins en moins de constructions en Paca
«Un chiffre important pour Paca, concernant la maison individuelle, 11 000 maisons étaient construites en 2007, en 2022 nous en aurons réalisé 4 250, là encore il s’agit d’une baisse historique.»

En Vaucluse ? La construction dégringole aussi
«En Vaucluse, toujours pour 2022, nous avons réalisé 1 200 maisons ce qui induit une baisse de 12,5% ; même chose pour le logement collectif avec 1 200 logements avec une baisse de 30% de la production. Les autorisations de permis de construire ont franchi le cap des -22%. Un chiffre important pour la profession car il annonce la tendance de la production dans le bâtiment.»

Les entreprises défaillantes
«Autre élément important, le nombre d’entreprises défaillantes atteint les 117 sociétés vauclusiennes soit une hausse de 37,6%. Les raisons de cette chute et de ces chiffres inquiétants ? Trois facteurs entrent en ligne de compte : Une inflation règlementaire ; La suppression des APL (Aide personnalisée au logement), le rabot très important –de 40 à 20%- du PTZ (Prêt à taux zéro), la suppression des zones B2 et C –zones qui nous concernent très fortement sur notre territoire- , et pour finir la RE 2020 (règlementation environnementale).»

Confort saisonnier et consommation énergétique
«La différence entre la RE2020 et la RT 2012 (règlementation thermique)? Avec ce dernier n’était pris en compte que le confort d’hiver, ce qui n’est pas la plus importante problématique pour nous, alors qu’avec la RE 2020, l’on prend en compte le confort d’été. Si cela est très bien pour nous, puisqu’on parle là encore de limiter la consommation d’énergie une fois encore, la loi n’a ni été bien préparée ni bien anticipée sur la forme, intervenant dans la hausse du coût de la construction à hauteur de 10 à 15%.»

La conjoncture
«Le 2e facteur ? Une inflation conjoncturelle : hausse des coûts des matériaux de construction, des coûts de l’énergie –la plupart des matériaux de construction, pour être fabriqués, nécessitent l’utilisation du gaz, comme les tuiles et le ciment. Et puis la guerre en Ukraine a créé une pénurie qui a engendré une inflation spéculative de certains industriels avec entre 15 et 20% de hausse des prix.  Si je réunis ces deux informations, entre le 1er septembre 2021 et le 1er janvier 2023, le coût de construction d’une maison aura bondi de 30%. C’est énorme.»

Les conditions d’emprunt
«En janvier 2022, un couple qui gagnait 3 000€ pouvait emprunter jusqu’à 270 000€ ; à la fin de l’année 2023 il n’aura plus droit qu’à 190 000€, ce qui rend son accession à la propriété impossible.»

L’inflation territoriale
«La loi Zan (Zéro artificialisation nette) dit : pas d’expansion de la ville et s’appuie sur la construction en dents creuses. Nous sommes tous d’accord pour ne pas prendre du foncier sur les terrains agricoles. Par contre, les communes possèdent des terrains en cœur de centre-ville et des friches industrielles sur lesquelles nous pourrions travailler.»

Le coût du foncier ?
«Or, qui dit raréfaction dit flambée des prix et Paca se place sur la première place du podium en termes de coût du foncier, au-dessus de l’île de France. Le Vaucluse sera donc également confronté à cela avec une hausse des coûts du terrain, liée également à la crise du Covid, avec des personnes qui ont eu envie de changer de vie.»

Le primo-accédants ont disparu de l’accession à la propriété
«La conséquence ? Les primo-accédants en ont fortement été impactés. S’ils ont envie d’accéder à la propriété, leur enveloppe financière a été entamée de moitié. Cela va créer une tension sociale, de même sur les logements sociaux qui avaient pour but, au départ, d’aider les gens à se lancer dans la vie active, ainsi que les gens en difficulté.»

Quel avenir pour monsieur-tout-le monde ?
«Désormais le volet des gens en difficulté inclut les jeunes et les travailleurs actifs, des personnes implantées qui tachent de vivre et de grandir dans leur département. Le problème se révèle donc plus profond.»

Frédéric Saintagne

La solution ? Jouer collectif
«Tout d’abord susciter une prise de conscience de l’Etat et de ses organismes de ce qui est en train de se passer. Car tout cela va au-delà d’une crise économique, c’est une crise sociale que nous allons vivre. J’appelle tous les professionnels à travailler la main dans la main, à trouver des solutions collectives pour s’extraire de cette situation.»

Travailler au plus près du terrain
«Travaillons avec les élus locaux, le préfet, les collectivités publiques, les mairies, recréons du lien entre nous. Seuls la communication et le travail collégial feront que nous pourrons apporter de solutions pour loger nos administrés.»

Trouver des alternatives et les mettre en place
«Pour finir ? Que nous, bâtisseurs, mettions en place des solutions technico-économiques afin de diminuer le coût de construction et proposer des alternatives à nos clients pour construire moins cher et mieux. L’habitat, au travers de l’accession au logement, est un besoin vitale, vecteur de progrès avec une cohésion sociale et territoriale.»

La capacité d’emprunt auprès des banques pour les primo-accédants s’amenuise au fil des mois,
les organismes bancaires se montrent de plus en plus frileux en raison de la conjoncture économique et sociale

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