Le long métrage raconte les péripéties d’une bande d’amis pour sauver leur club de foot, suite à l’emprisonnement de son président. Sur un ton d’humour influencé par le cinéma marseillais, les deux jeunes réalisateurs d’Avignon Karim Belaïdi et Omar Dahmane ont relevé un défi fou. Ils ont produit à deux un film amateur le plus convaincant possible avec un budget à moins de 10 000€.
« Ce film est un miracle » souffle Karim Belaïdi, éducateur trentenaire à la carrure sportive, soulagé par le guichet fermé de son avant-première ce 3 avril au Pathé Cap Sud. Avec son premier long-métrage, le jeune réalisateur a créé la suite de sa web série ‘Sentenza’ sur le club de football fictif du même nom.
Tourné sur deux années, le film part d’une intention bien particulière. « Je voulais mettre en lumière ma ville, mise en avant pour son festival, son patrimoine, mais moins pour ses quartiers » résume Karim Belaïdi qui a pu compter sur des jeunes en réinsertion pour donner vie au projet. Dans cette perspective, l’idée était également de « regrouper tout ce qu’il y a de néfaste dans le football du sud de la France » pour mieux le dénoncer sous le trait de l’humour. Et de rappeler que « l’objectif commun de tout footballeur, c’est de s’amuser : on oublie l’essence même de ce sport ».

Un projet social
Karim, éducateur depuis ses 20 ans, est issu d’une famille d’artistes. Après avoir écrit la moitié du scénario, il a rencontré le professionnel de cinéma Omar Dahmane en automne 2022. De là, la collaboration entre la vision artistique de Karim et la compétence technique d’Omar (incarnant également un personnage dans l’histoire) a donné naissance au film.
Porteur d’un projet social, Sentenza montre comment une bande d’amis aux caractères décalés et attachants tentent de se défaire de leurs mauvaises habitudes pour s’unir dans un objectif commun. Omar a formé à la technique les jeunes ayant participé ou accompagné le tournage qui se déroulait toujours après le travail de Karim, à 16h30. « Ce sont des amateurs qui n’ont jamais fait de film de leur vie. Mais il n’y avait pas besoin de répéter les scènes, parce qu’ils sont vraiment comme ça, avec des traits de caractère que je leur ai demandé d’accentuer » confie Karim, époustouflé par le potentiel de chacun.
Il a par ailleurs lui-même dû s’adapter à maintes reprises, reprendre son scénario en fonction des disponibilités des acteurs bénévoles. Il a également intégré un rôle pour un acteur amateur l’ayant sollicité, tout à fait adapté à sa situation de handicap. « Dans le film, nous avons essayé de montrer un maximum le vivre ensemble avec tout le monde » avance le cinéaste amateur.

Des conditions de tournage sous contraintes
Hormis le ‘road trip’ filmé à Barcelone pour les besoins de l’intrigue, toutes les séquences sont locales. La plupart ont été tournées à Avignon même : place de l’horloge, quartier de la Rocade, au stade de la Barthelasse et celui de Montfavet. À cela s’ajoutent des scènes tournées dans la salle du conseil de la mairie de Carpentras.
Il a fallu aux réalisateurs concentrer tous leurs efforts sur ces divers lieux de tournage et se plier aux conditions du moment. D’abord en raison d’un budget insuffisant « pour offrir les repas aux acteurs bénévoles”, des tournages ont été annulés. Et quand tous ceux-ci étaient réunis, il suffisait de peu pour altérer la production : un mistral trop présent, des cigales imposantes, mais aussi le manque de professionnalisme et la réduction des moyens humains pour concevoir le film de A à Z.

Mais un soutien local fort
Pourtant, le projet est arrivé à terme ! D’abord avec l’aide de l’association de Carpentras Égal Accès, qui a contribué au tiers du budget. « À la fin des tournages, quand cela commençait à être raide, ils nous ont rajouté des financements » dit Karim, plein de reconnaissance. Par ailleurs, le tournage en mairie a été facilité par la procédure d’autorisation rapide de la municipalité de Carpentras.
Pour la séquence avec les gens du voyage, les réalisateurs ont été appréciés par la communauté gitane. « Au complexe de la Souvine (Montfavet) où ils étaient installés, j’ai pu les rencontrer pour filmer le décor avec les caravanes, ils nous ont accueillis avec plaisir » se souvient le cinéaste. Ce dernier a même tenté sa chance en contactant l’influenceur gitan de Pernes les fontaines Niglo, qui a accepté de jouer le capitaine du FC Gens du voyage (club fictif). « Il est très influent avec sa communauté, tous les gens du voyage le connaissent, il y a donc eu un énorme engouement pour le tournage ».
Les séances
– Avignon : 3 avril à 19h au Pathé Cap Sud (séance complète), 12 avril à 10h45 au Pathé Cap Sud
– Valréas : 5 avril à 18h, au Rex
– Le Pontet, : 23; 24 28 et 29 avril à 21h au Capitole My Cinewest
– Avignon : le 5 mai à 20h au Vox
Le synopsis du film
Cinq ans après la fermeture du club, Malik, éducateur, tente l’impossible : convaincre la maire de la ville de rouvrir le club historique. Mais un obstacle de taille se dresse sur sa route : une dette colossale de 20 000 euros, héritée de l’ancien président, Luigi Sentenza, aujourd’hui derrière les barreaux. Alors qu’il se bat pour redonner vie à ce projet social, un adversaire redoutable entre en scène : Nicolas Le Flop, un millionnaire parisien prêt à investir massivement pour créer un club d’élite, le FC Galaxy. Face à cet homme d’affaires influent, Malik semble condamné à l’échec… jusqu’à ce qu’un événement inattendu vienne bouleverser la donne. Un tournoi de sixte atypique, le Tournoi de la Tolérance, promet 50 000€ aux vainqueurs. Une somme qui pourrait tout changer. D’un côté, une équipe hétéroclite portée par les valeurs du club Sentenza, de l’autre, une formation de mercenaires forgée à coups de millions. Entre engagement social et ambitions financières, la maire devra faire un choix : l’argent du FC Galaxy ou l’âme du club Sentenza.
Son collaborateur Omar Dahmane a quant à lui passé des heures à travailler sur la synchronisation des sons et des images, jusqu’à ce qu’ils trouvent du soutien auprès de KMR studio au Pontet, par le biais du groupe de rap avignonnais 100-16 L’équipe. « Ils nous ont ouvert leurs portes pour enregistrer certaines voix. Nous avons même un rappeur dans notre film, ainsi qu’une bande originale grâce à eux » s’enthousiasme Karim.
Enfin, dernier renfort et pas des moindres, celui des cinémas. « Le directeur du Pathé Cap Sud a vu le film et l’a trouvé impressionnant au vu du budget, mais aussi plus drôle que certaines comédies françaises » annonce le jeune réalisateur. Depuis la programmation de l’avant-première pour le 3 avril au Pathé Cap Sud, d’autres séances et d’autres cinémas ont suivi pour ce printemps (voir ci-dessous.
Des anecdotes farfelues
Les acteurs amateurs deviennent des personnages, mais parfois les personnages deviennent aussi des personnes. La frontière s’est amenuisée à plusieurs reprises lors du tournage. Comme pour cet acteur principal qui, prétendant être malade un jour où il était indispensable à une scène, a finalement été démasqué grâce à sa publication sur un média social. « J’ai vu sur sa story qu’il était finalement parti à la plage alors que nous l’attendions tous » partage Karim d’un ton exaspéré.
Ou bien comme ce jeune acteur qui joue un personnage sortant de prison dans le film. Mais entre-temps, pour des activités antérieures au tournage, il a dû être véritablement incarcéré au Pontet. « Nous étions en pleine période de tournage, nous avons dû faire les scènes avec lui quatre mois après. J’ai donc modifié certaines choses par rapport au scénario pour que cela reste cohérent » souffle le réalisateur sur cette énième anecdote.
Mais il y a aussi cet acteur qui avait été choisi pour sa morphologie et qui entre temps a perdu du poids, révélant sa métamorphose dans une scène de match réalisée en 11 tournages. « Je ne croyais pas à son régime, car cela faisait trop longtemps qu’il en parlait. Et puis nous avons dû faire en sorte que cela ne se voie pas, mais il a quand même perdu 18 kilos en l’espace de 5 minutes ! » sourit Karim.
De quoi nourrir une vidéo sur les coulisses du tournage, d’autant que les réalisateurs ont « prévu de faire un documentaire, pour cela il (leur) faut un budget ». Le tournage “folklorique” pourrait donc avoir un écho supplémentaire.
Amy Rouméjon Cros

Sentenza en chiffres
– 4 cinémas vauclusiens diffusant le film (en date du 31 mars 2025)
– 8 700€ de budget investi par les partenaires, dont 3 000€ par l’association carpentrassienne Égal Accès
– 3 000 heures de rushs vidéo
– 2 800 heures de montage vidéo
– 4 disques durs, dont 2 pour servir de copie de secours
– 2h03 de montage final contre 2h30 initialement
– 3 professionnels du spectacle vivant : Malik Farés (l’entraîneur du Sentenza), Karine Kossu (Mme le Maire), Sébastien Bugeja (Beber)
– 20 acteurs impliqués dans le jeu et la technique
– 100 participants au long métrage (réalisateurs, figurants, techniciens amateurs formés par Omar Dahmane)
– 30 maillots de foot offerts par la discothèque châteaurenardaise Le Stax. 15 ont servi au tournage, les 15 autres ont été revendus pour réinvestir dans la production
– 2 bandes sons originales créées par 100-16 L’équipe et produites par KMR studio au Pontet
Chronologie
– 2019 : production et diffusion de la web série Sentenza sur Youtube
– Juillet 2022 : début de l’écriture du scénario qui donnera suite à la web série
– Septembre 2022 : rencontre entre les deux co-réalisateurs Karim Belaïdi et Omar Dahmane
– Mai-Octobre 2023 : première période de tournage Mai-Octobre 2024 : seconde période de tournage