23 novembre 2024 |

Ecrit par le 23 novembre 2024

La leçon de français de Pepito Matéo

Alors vous êtes venus?
Fidèle du festival, Pépito Matéo commence toujours ainsi ses spectacles. Oui nous, les fidèles de ce conteur hors pair, venons toujours pour comprendre et réentendre les malentendus de notre langue française.

Mais où sommes nous ?
Dans une salle de classe ou dans un centre de rétention de demandeurs d’asile ? Qu’importe ! Cette leçon concerne tout le monde, langue française ou pas. Nous partons en voyage à travers le monde et les cultures et découvrons les multiples sens de la langue, ses aberrations,faux amis et ses incohérences parfois.

Les mots pour le dire
« un auxiliaire devrait t’aider ce qui n’est pas le cas d’avoir », pourquoi squelette est masculin alors que tous les mots en ‘ette’ sont féminins ? Le Covid ou La Covid ? Etc.. Aucun répit dans une traque humoristique de l’usage de notre langue et celles de nos voisins.

Les langues se délient , les langues se délitent, les langues expriment notre penser et nous font changer de point de vue.

On s’étonne, on rit , on remue des souvenirs, et on en redemande en fournissant à la sortie du spectacle quelques pépites personnelles qui pourront peut-être intégrer la prochaine leçon de Pépito qui ne voulait peut-être rien nous enseigner mais qui nous a beaucoup appris dans la bonne humeur.

Le spectacle est joué jusqu’au 16 juillet au théâtre Artéphile. A l’année prochaine j’espère Mr Matéo.  www.pepitomateo.fr


La leçon de français de Pepito Matéo

Entre l’actrice Anissa et le metteur en scène Ahmed Madani, c’est déjà toute une histoire.
Depuis 2012, Madani Compagnie s’intéresse au destin de la jeunesse des quartiers populaires. Le metteur en scène Ahmed Madami est régulièrement présent au Festival Off. Nous avons pu notamment apprécier : Illumination(s) en 20202, Incandescences en 2021 ou F(l)ammes qui tourne depuis 2016. C’est d’ailleurs à l’occasion de ce dernier spectacle qu’Ahmed Madani remarque Anissa qui est l’une de ses interprètes et apprend son histoire : elle n’a jamais connu son père et le recherche.

Anissa n’a pas su dire non
Ahmed Madani, fasciné par cette histoire, propose à Anissa de partir à la recherche de cet homme sans nom et d’en faire un spectacle. Après bien des hésitations, Anissa pose des conditions que le spectateur va découvrir, accepte celles d’Ahmed qui est d’être filmée et de monter un spectacle.

Spectacle ou conte de fée?
Anissa, qui n’est pas une actrice professionnelle (dit-elle) mais qui est à l’aise dans sa cuisine choisit de cuisiner tout au long du spectacle des chouchous et des gâteaux au chocolat. C’est bon, ça sent bon, et ça permet de modéliser le temps écoulé de cette en-quête criante de vérités et de rebondissements. Le père retrouvé va-il dire oui ou non?

Un spectacle interactif bluffant
On peut ne pas aimer les sollicitations à participer. Elles sont peu nombreuses et toujours bienveillantes. Le procédé a pourtant du sens car il est à mon avis sincère et  permet de nous immiscer dans cette histoire en faisant des ponts avec notre propre histoire.  Il nous permet de participer à cette quête du père et d’ouvrir le champ des possibles avec les différents points de vue des spectateurs sans être voyeurs. Le suspense est maintenu et nous passons de l’émotion au rire ou sourire tout en confiance.

Jusqu’au 29 juillet. 9H50. 8 à 20€. Relâche les 19 et 26 juillet. Le 11. 11 boulevard Raspail. 04 84 51 20 10. www.11avignon.com


La leçon de français de Pepito Matéo

Les fans de Valérie Perrin, autrice du best-seller ‘Changer l’eau des fleurs’ étaient au rendez vous dans la salle du Chêne Noir archi-comble.

Envie de réentendre cette belle histoire, curieux de découvrir l’adaptation de ce roman à succès qui se range dans la catégorie des romans « feell good», ceux qui font du bien car quoi qu’il arrive, l’envie de vivre triomphe.

Quand on a accepté les règles de ce genre d’histoire on se laisse porter par la belle actrice qu’est Caroline Rochefort tout en simplicité soulignée par son accent volontairement prononcé, qui pousse «droite» comme elle dit et surtout qui avance tout en refusant -car trop tard -de vivre un nouveau grand amour. Michaël Chirinian et Morgan Perez sont également très touchants de sincérité.

Pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire
L’action se déroule dans un cimetière en Bourgogne. Violette en est la gardienne, elle connait tout de ses «pensionnaires » qui morts ne posent plus aucun problème. Pourtant elle aussi a un secret qu’on découvre peu à peu à l’occasion de la visite d’un inconnu…

Changer l’eau des fleurs. Jusqu’au 30 juillet. Relâche les 11, 18 et 25 juillet. 15H15. 16 et 23€. Théâtre du Chêne Noir. 8 bis, rue Sainte-Catherine. Avignon. 04 90 86 74 87. Réservation ici. contact@chenenoir.f


La leçon de français de Pepito Matéo

On aime la programmation du Chêne noir pour son éclectisme. Pourquoi ? Parce que c’est toujours rafraîchissant de picorer ci et là la pensée de grands auteurs, de les découvrir autrement que sous la forme de mots imprimés sur du papier. Alors que le texte épouse le souffle des comédiens la magie s’empare de l’homme et nos esprits s’ouvrent comme des nénuphars sur un étang.

Il y a, tout d’abord, Les chaises de Ionesco.
L’histoire ? Un couple de vieillard vit dans une mansarde battue par le vent et les embruns. Tous deux sont au crépuscule de leur vie. Lui a préparé tout au long de sa vie un discours qu’il souhaite infuser au monde entier par l’intermédiaire d’un grand orateur. Elle le révère ce mari idéal, le phare de sa vie qui la retient encore un peu à la raison alors que sa mémoire s’enfuit. Ils se préparent à recevoir tous les grands de ce monde pour délivrer le message d’une vie.
Avis
Nous avons adoré les décors, les masques, la faconde des comédiens, leur jeu tourbillonnant, virevoltant retraçant la vie qui file dans un monde qui tourne. Ionesco enfin à portée de compréhension ça n’est pas commun. L’exercice pourtant difficile paraît là un jeu d’enfant. Un très bon moment de spectacle où tout concorde : mise-en-scène, dynamisme des comédiens. Il ne reste plus rien du théâtre de l’absurde alors que le metteur en scène et les comédiens nous offrent la compréhension de notre vie. D’un seul coup on comprend Ionesco et ils nous ont même appris à l’aimer.
Les infos pratiques
Jusqu’au 30 juillet. 10h15. Théâtre du Chêne noir. Relâche 11, 18 et 25 juillet. 8 bis, rue Sainte-Catherine à Avignon. 04 90 86 74 87. Tout le programme ici. Réservation ici.

DR

Lettres à un ami allemand
Qui a réussi à ne pas tomber amoureuse d’Albert Camus, le sale gosse d’Alger qu’un instituteur, de grande vocation, sauva du ruisseau ? Les professeurs des écoles sont les héros invisibles de notre société d’images sans paroles. Ici, un homme s’apprête à faire un discours pour la Paix aux Nations Unies. Il va relire Lettres à un ami Allemand d’Albert Camus pour s’en inspirer. mais peut-on écrire mieux que Camus ?
Avis
La silhouette et le phrasé de Didier Flamand s’inscrivent depuis des décennies dans la mémoire collective française pour son élégance et qu’il porte Albert Camus sur scène nous donne déjà des frissons. L’auteur qui fut raillé en son temps pour des prises de positions jugées trop tièdes –notamment pendant la guerre d’Algérie- est depuis bien longtemps salué pour son acuité, sa verticalité, son humanisme tout autant que sa propension à la discrétion en toute chose. Lettres à un ami Allemand se déguste tout au long de la soirée. On apprécie le décor, les projections vidéo, bien sûr le propos continue de résonner aux portes de l’Europe alors que le conflit s’enlise dans une Ukraine à genoux. Une magnifique pièce portée par un comédien de talent.
Les infos pratiques
Jusqu’au 30 juillet. Lettres à un ami Allemand. 11h45. Théâtre du Chêne noir. Réservation ici.

DR

Le jeu du président
Julien Gélas a écrit le Jeu du président pendant le confinement, alors qu’il est complètement captivé par l’exercice du pouvoir d’Emmanuel Macron. Non pas qu’il le révère mais plutôt l’examinant à la tâche. Quel est cet homme qui s’empare du pouvoir, sortant de nulle part et n’ayant, auparavant, jamais exercé de mandat politique ? Quel est son rapport à lui-même et aux autres ?
Avis
Julien Gélas, l’auteur, imagine les arcanes du pouvoir, le jeu subtil des conseillers du président en coulisses. Des hommes –et une femme- sortes d’archétypes, affables et voraces à la fois courtisans et stratèges. Leur ambition ? Rester le plus longtemps possible sous les ors de la République. Pendant ce temps les Luttes intestines font et défont les réputations, réduisant des vies à leur plus simple appareil. Dispose-t-on encore de son destin aux côtés de Machiavel ? De son narcissique miroir le président jouit des petits jeux sadiques en son palais. Bien malin qui saura qui trahi qui. Mais Machiavel lui, reste intemporel.
Les infos pratiques
Jusqu’au 30 juillet. Le jeu du président. Relâche les 11, 18 et 25 juillet. 17h15. Théâtre du Chêne noir. Réservations ici.


La leçon de français de Pepito Matéo

«J’aurais pu te faire naître durant les Trente glorieuses, la Belle époque… non, toi ce sera extinction de masse, un truc assez rare qui n’arrive que toutes les 30 millions d’années; mais c’est super de voir la fin du film !»
Il était une fois Audrey Vernon. Une maman faussement candide qui écrivait à son enfant à naître. Elle lui décrit le monde, à sa façon, retranscrivant des faits historiques, décryptant les postures des grands de ce monde, la machine du ‘capital’, la terre, les espèces animales… Une épopée très documentée tissée dans la partition mondiale. Ça pourrait être triste, cynique, froid et pourtant c’est tout le contraire : terriblement humain, rigolo, déjanté et intelligent. Audrey en vraie intellectuelle de gauche et lanceuse d’alerte sait très bien faire passer les messages et on en redemande. Un spectacle intelligent, mené à un train d’enfer qui concerne absolument tout le monde.

La Factory. Billion dollar baby. Seule en scène à partir de 14 ans. Audrey Vernon. Jusqu’au 17 juillet Relâche le 11 juillet. Chapelle des Antonins à 21h50. 5, rue Figuière à Avignon. Réservation des places ici.


La leçon de français de Pepito Matéo

Comment dit-on colonisation en arabe ?
A partir de cette simple interrogation Salim Djaferi va persévérer car la première réponse donnée ‘Koulounisation’ ne le satisfait pas. Il y a effectivement  l’impossibilité de prononcer certains sons et donc d’arabiser le mot mais la réponse n’est pas là. Un enquête est alors rondement menée auprès de membres de la famille, d’amis, d’universitaires, et si enfin d’autres réponses surgissent les sens diffèrent.

Où on comprend que si on ne nomme pas ou mal les choses on ne peut pas les penser
Et quand colonisation peut signifier : construire, posséder sans autorisation, remplacer, combler le vide, mettre en ordre, donner, détruire. etc… selon les différents vécus, l’enquête risque d’être longue ! Le langage alors devient une arme et le propos dépasse le seul thème de la colonisation.

Une modélisation de la pensée
Grâce à quelques bouts de ficelle, une bouteille et une éponge, tout devient évident : et si la guerre était en fait une révolution ? Et si un débarquement n’était pas une délivrance ? Et si on changeait de point de vue ? Et si les simplifications administratives n’étaient pas anodines? Et s’il suffisait de trouver le mot juste ?

La force de ce spectacle est tout d’abord la sincérité et l’intelligence de la recherche.
Théâtre documentaire oui mais théâtre ludique et plein d’humour aussi. Théâtre accessible également pour comprendre à la fois la «guerre » ( mot justement à manier avec précaution) d’Algérie car très bien documenté mais surtout très bien modélisé. Il y a aussi tout au long du spectacle la bienveillance et les talents de conteur de Salim Djaferi qui nous permettent de pénétrer dans les méandres de la pensée et du langage et ça, c’est très fort.

Koulounisation. Jusqu’au 28 juillet. 12h. Relâche les 12,19 et 24. 10 et 15 euros. Théâtre des Doms. 1 bis, Rue des Escaliers Saint-Anne.   04 90 14 07 99. www.lesdoms.eu 


La leçon de français de Pepito Matéo

Etienne A,   A comme Amazon
Il est seul, seul dans l’entrepôt Amazon, isolé car puni pour son manque de rentabilité. Il est prié gentiment, hypocritement en cette veille de Noël de se rattraper et de ranger les cartons.

Alors forcement seul on pense !  on pense à son ex- femme qui l’a quitté vraisemblablement pour son manger N+1 comme on dit dans le jargon, il pense à son père qui vieillit, à son fils qu’ il ne voit pas assez. Il pense à ses bras qui le font souffrir. Et puis il y a Sandrine, sa collègue inaccessible….

Au milieu des cartons, l’occasion enfin de rêver et de penser
Le sujet n’est pas nouveau : modèle économique exécrable, enfer des cadences, la fin est prévisible. Dans le propos de l’auteur, le modèle économique n’est pas trop remis en cause -mais ce n’était pas le sujet?-. Pourtant Nicolas Schmitt par ses 9 rôles de composition et par son regard si implorant qui nous prend à parti parvenant à nous émouvoir et à rendre hommage à tous les «invisibles» comme Etienne.
Jusqu’au 29 juillet. Jours impairs. 15h25. Relâche les 11 et 25 juillet. 8 à 25€. La Scala. 3, rue Pourquery de Boisserin. 04 65 00 00 90. www.lascala-provence.com


La leçon de français de Pepito Matéo

Voilà. Dès le 1er jour au matin du festival off, dans la rue, la multitude. Les trottoirs ressemblent déjà aux allées des métros parisiens car les piétons ne savent pas encore qu’ils peuvent emprunter la rue de la République vidée de ses voitures. Les affiches se font un peu rares encore. Le soleil et le Mistral sont au rendez-vous. Que la fête commence.

Et ça tombe bien puisque nous sommes allés assister à la présentation des troupes du Théâtre du rempart où Ange Paganucci comédien et maître de cérémonie aux côtés de Sylvain Cano-Clémente, le régisseur, a procédé aux présentations entre le public, la presse et les troupes. Tandis que ces dernières offraient de leur temps et de leur talent le temps d’un extrait. Alors on s’est permis de donner nos impressions.

Ça commence par ‘Noir sur blanc’ de Zèbre à trois
Ce concert théâtralisé mêle musique, chansons et dessins. Tout commence avec un billet doux plié en avion de papier qui s’envole. Avant d’arriver à sa destinataire il survolera tout un monde de personnages en musique et paroles tandis que sont projetés les dessins pris sur le vif. « Le thème est la correspondance », explique Hervé Peyrard le leader de Vocal 26. Lettre à ma mère, à Narcisse, de L’Océan. On rencontrera Blanquette qui écrit une carte postale à Monsieur Seguin, la Lettre de vacances.
Avis
Les 4 artistes –les 3 musiciens et le dessinateur- emmènent le public en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. C’est rythmé, joyeux, dansant et les paroles font merveilles. On en sort galvanisé redevenant l’enfant pétillant et serein de nos vacances d’été.
Un spectacle musical à partir de 7 ans. A 10h05. Du 7 au 30 juillet. Relâche les 13, 20 et 27 juillet.

Les nuits de Georges de la Tour de Barbara lecomte
Nous sommes à Lunéville en Lorraine au XVIIe siècle. Le grand artiste au caractère difficile peint la jeune Anne qui devient, pour les besoins de l’œuvre, l’ermite Marie-Madeleine en oraison. Effrontée, elle veut décrypter l’obsession du maître pour cette figure de la Bible et découvre ses secrets.
Extrait
«J’ai réfléchi aux secrets de vos tableaux et je crois en avoir percé un. Vous peignez Sainte Marie-Madeleine, Magdalena en Araméen et en hébreu. Or, Magda signifie une construction en forme de tour. Dans le miroir cela devient la foi de la Tour. Au fond, c’est vous que vous peignez. Chaque coup de pinceau est un baume sur votre âme.»
Avis
Le texte est très beau et le jeu des acteurs est puissant et juste. Du théâtre comme on l’aime, qui vous propulse dans l’atelier d’un artiste autoritaire au côté d’une toute jeune-femme modeste mais déjà éveillée aux symboles et à la vie.
Théâtre contemporain à partir de 11ans. A 11h25. Du 7 au 30 juillet. Relâche les 13, 20 et 27 juillet.

Désirada de Maryse Condé
C’est un ouvrage de la journaliste, professeure de littérature et écrivaine Guadeloupéen de renommée mondiale Maryse Condé –prix Nobel de littérature en 2018- qui, à la demande de la comédienne et ancien mannequin Nathaly Coualy a adapté son roman au théâtre. Celle qui vit désormais à Gordes sera même présente dans la salle pour la voir jouer le 12 juillet. La comédienne est accompagnée d’un musicien et conteur, Igo Drané.
Extrait
«Je salue et surtout je souris. Ce que les femmes de chez nous ne savent pas faire : sourire. Tellement de deuils, de souffrance, de coups bas du sort leur laisse là, en travers de la gorge, comme des arrêtes de poisson. Mais aujourd’hui je suis devenue docteure es lettres. Depuis j’ai eu besoin de chercher qui est mon père. Est-ce que je suis le fruit du viol ou de l’amour ? Alors je vais aller voir ma grand-mère à la Désirade, dont on ne m’avait pratiquement jamais parlé. Et un jour ma mère me fera ses révélations alors qu’elle m’avait abandonné et que j’ai grandi à Pointe-à-Pitre.»
Avis
«Un jeu subtil, une voix profonde, une vraie présence sur scène, le bois blanc, le son du coquillage pour recueillir un peu des confidences que la grande Maryse Condé éparpille dans ses magnifiques textes. Là où ça n’est jamais tout à fait elle mais un peu quand-même. Et lui faire confiance pour avoir offert cette adaptation à la comédienne et personne d’autre qu’elle pour ce rôle.»
Théâtre contemporain. A partir de 12 ans.13h10. Du 7 au 30 juillet. Relâches mercredis 13, 20 et 27 juillet.

Gringoire et Blanchette d’après Alphonse Daudet
La Chèvre de Monsieur Seguin d’Alphonse Daudet est parue en 1866. On raconte l’histoire aux enfants alors qu’elle est d’une extrême violence. Le sujet ? La transgression et la castration et, aussi, une allégorie de la liberté. La dernière-née d’une famille de paysan veut aller à la ville où ses autres sœurs se sont déjà rendues et perdues. ‘Les animaux domestiques sont destinés à vivre attachés, pas à batifoler dans la montagne’.
«Tu t’ennuies ? Je veux aller à Paris. Malheureuse ! Tu ne sais pas que c’est dangereux Paris ? Qui te protègera quand tu seras là-haut ? Innocente tu ne connais pas les hommes ! Tes sœurs déjà…»
Avis
Sur le plateau trois comédiens expressifs, vivants, habités, qui ont conscience des sacrifices générationnels des femmes. Ici Blanchette est une petite chevrière. Quel sera son destin ? Comment  l’homme, le père, l’écrivain, le journaliste lisent-ils ces funestes destinées ? Le goût de la Liberté conduit-il à la transformation de soi ou à sa perte ? Comment peut-on grandir en société sans être sacrifié aux loups ? Une très belle réflexion théâtrale sur une mise en scène vibrante.
Théâtre contemporain. A partir de 12 ans. 14h45. Du 7 au 30 juillet. Relâche les mercredis 13, 20 et 27 juillet.

Antonio Placer quartet en concert
C’est l’histoire d’une rencontre : le jazz, le flamenco et les chansons aux consonances hébraïques entre Grenoble et Grenade.
Avis
Les chansons évoquent l’amour d’un enfant pour sa mère, les blessures secrètes d’une famille juive séparée durant des décennies, les hommes et les femmes qui n’auront pu se revoir mais aussi la possibilité d’une rencontre, des vies éloignées qui se rejoignent enfin. Les musiciens et chanteurs sont accompagnés d’un danseur qui donne corps et vigueur aux émotions. Les rythmes, les accords de guitare, les voix masculines sont magnifiques et la mise en scène élégante, structurée, sobre et vibrante.
Du 7 au 23 juillet. 16h25. Relâche les mercredi 13 et 20 juillet.

Enfin vieille ! de Laura Elko
Alors que Laura fête ses 30 ans, son doudou –une peluche marionnette- lui titille la conscience. Elle s’engage dans un chemin tout tracé : son travail et son amoureux l’ont désormais mise sur les rails du train de sa vie. Mais est-ce bien là sa volonté ? Un spectacle ventriloque mais pas que…
Avis
Laura Elko relate le grand saut. Se fera-t-il ou pas ? Elle aura besoin d’un psy dans la salle pour faire la part des choses. Une comédie légère qui pourtant en dit long sur un quotidien peut-être un chouia aliénant propre à faire oublier les rêves des petites-grandes filles. Peut-on vivre sa vie où laisse-la-t-on aux mains d’autres qui vous imposent la leur ? Avec subtilité et malice Laura Elko vous dit tout ce que vous auriez souhaité ignoré et vous n’en sortirez pas indemne.
Seule en scène. Du 7 au 30 juillet à 17h55. Relâche les 13, 20 et 27 juillet.

L’art délicat du quatuor de Jos Houben
Ils sont quatre musiciens sur scène pour nous faire découvrir, autrement, les plus grands virtuoses tels Mozart, Schubert, Beethoven. A la fois une histoire et un voyage. Comme tous les matins avant un concert les 4 musiciens se retrouvent pour prendre leurs marques dans la salle. Mais ils sont au pied du mur. Mais cette fois-ci ils ne doivent pas donner un concert mais une conférence. Une expérience musicale par le théâtre.
Avis
Ils sont jeunes, beaux, talentueux, charmeurs et surtout… Excellents musiciens. En plus de la beauté de la musique ? Ils jouent leur scène à la perfection : gestuelle, mimiques, pince-sans-rire, nous sommes dans le burlesque, dans une élégance déjantée un peu à la Jacques Tati. On en sort ravis, revigorés et dans une bonne humeur à déplacer les montagnes.
Du 7 au 30 juillet. 19h30. Relâche les 13, 20 et 27 juillet.

La mégère apprivoisée de Shakespeare
William Shakespeare l’a peut-être écrite en 1594. Le thème ? Le processus d’apprivoisement. Là il est transposé dans les années 1970. Une association accueillant des personnes toutes atteintes de troubles de la personnalité œuvre à faire travail collectif. Une nouvelle arrivée à la forte personnalité agressive et vindicative va bouleverser les fondations du groupe.
Avis
Chaque personnage fait écho à une personne que l’on a tous connue. Tous des archétypes de notre folle société qui, pourtant, doit avancer. Ce qui nous est demandé ? De distinguer les contraintes familiales et sociales. Le jugement, la misogynie et trouver le chemin de la joie et du partage. Une satyre des cases dans lesquelles on met les gens. Un étiquetage contraignant pour les uns, rassurant et surtout dominant pour les autres. Et si l’on s’en abstenait pour avancer ? Une jolie histoire pour remettre chaque chose à sa place. Humain, marrant et comme souvent plus profond qu’il n’y parait pour dire qu’ensemble on est plus fort.
Du 7 au 30 juillet. Relâche les 13, 20 et 27 juillet. 20h55. A partir de 8 ans.

Les infos pratiques
Théâtre du rempart. 56, rue du rempart Saint-lazare à Avignon. 04 90 85 37 48. Réservation 09 81 00 37 48. www.theatre-du-rempart.com


La leçon de français de Pepito Matéo

Pour sa dernière à la tête du festival d’Avignon,  Olivier Py lance, cette année, un thème pour le moins universel « Il était une fois… ». Hommage à la narration et aussi énorme pied de nez  à la désinformation et aux fakes news devenus, aujourd’hui, les nouveaux soldats d’une guerre redoutable. 

Cette 76ème édition, que chacun espère « normale », se veut pleine de promesses.  D’abord ce choix de la narration avec cette ambivalence : raconter des histoires et ne pas se laisser avoir par les histoires… Savoir séparer le bon grain de l’ivraie.  Une vigilance, pour ne pas dire un combat, de tous les instants. 

Une place toute particulière faite aux femmes
Cette année, le festival accordera aussi une place toute particulière aux femmes. Et au même moment où Olivier Py et Paul Rondin tenaient leur traditionnelle conférence de presse de présentation, le 25 mars dernier,  les talibans annonçaient la fermeture des  collèges et lycées pour filles.Une triste actualité, une de plus… 
Et comme par le plus grand des hasards (mais au fond en est-ce totalement un?) la réalisation de l’affiche du festival in a été confiée à Kubra Khademi, une artiste afghane. Féministe et refugiée en France depuis 2015, cette jeune femme milite au travers de ses œuvres pour les libertés dans son pays. La nudité des corps des femmes de son dessin met en scène « des corps libres ». On ne pouvait en pareilles circonstances y voir meilleure prise de parole.  Malheureusement c’était sans compter sur des réseaux sociaux qui favorisent beaucoup le développement de la bêtise humaine. En effet, quelques agités du clavier y vont vu « provocation », « vulgarité » ou « incitation à la pédophilie »… Qu’auraient pensé ces mêmes censeurs décérébrés « des demoiselles d’Avignon » de Pablo Picasso : une vision de la femme trop anguleuse pas assez ronde… et que dire aussi des nus de Titien ou de Botticelli ? Restons plus que jamais vigilant pour ne pas se laisser embarquer dans le flot de la stupidité. 

La résilience à l’affiche 
Autre thème autre narration. Les organisateurs ont également souhaité, cette année, mettre en avant la résilience, bien que ce concept, aujourd’hui mis à toutes les sauces, finit par en perdre un peu de ses saveurs initiales.  Juste un exemple.  Il fallait oser nommer « plan de résilience économique et sociale » le plan de lutte contre l’inflation du précédent gouvernement. Ne pas tomber dans le piège des histoires une fois de plus…
Mais revenons à notre cher festival. Si la résilience est aussi un thème de l’édition 2022 c’est pour rappeler une fois  de plus que la culture et  le théâtre sont là pour nous aider à vivre et à surmonter les tourments du monde (Dixit O. Py). Et en ce moment y’a du taf !  

Un off plein comme un œuf 
Avignon c’est aussi bien sûr le off avec une offre d’une incroyable variété. Toutes les audaces et talents s’y expriment dans une effervescence  revigorante et souvent foutraque.  Cette année, 1540 spectacles sont annoncés on revient sur des chiffres d’avant Covid (c’est comme pour J.C. y a un avant et un après).  Avignon fera cette année son come back du plus grand festival de spectacles vivants en France. Et sur les 1540 spectacles annoncés , 1068 seront joués pour la première fois dans la cité des papes. Si à cela vous ajoutez un Opéra rénové, une nouvelle salle, la Scala (la plus grande du Off), et une maison Jean Vilar remise à neuf on aura  toutes les raisons de se laisser porter cette année encore par le festival d’Avignon. Une façon aussi  de rendre hommage au travail d’Olivier Py et de son équipe  On pourra ainsi écrire  « Il était une fois… Olivier Py »

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