22 novembre 2024 |

Ecrit par le 22 novembre 2024

Julien Gélas : “Et si le festival off d’Avignon se professionnalisait ?“

Julien Gélas, le co-directeur du Théâtre du Chêne noir également auteur, compositeur et metteur-en-scène met un pavé dans la marre. Puisque le Covid-19 contraint le festival d’Avignon ‘In’ et ‘Off’ à se taire, pourquoi ne pas en profiter pour ériger de nouvelles règles afin de redonner sa place à la culture plutôt qu’aux ‘marchands’ du Temple et revenir à l’esprit du festival insufflé par Jean Vilar ? Julien Gélas l’affirme ce sera le changement ou la mort du festival. Voici sa réflexion.

«Nous nous retrouvons cette année à Avignon sans festival, sans artistes, sans spectateurs. Privés de la magie du théâtre, celle qui nous fait se réunir dans l’éphémère et l’éternel les corps et les esprits. Cette magie comme but, et comme chemin, anime depuis des années le Théâtre du Chêne Noir. Depuis l’origine du festival Off initié par le Théâtre des Carmes et le Théâtre du Chêne Noir il y a plus de cinquante ans, nos sociétés ont connu de profondes transformations qui ont elles-mêmes bouleversé l’esprit du Festival d’Avignon.

Les dérives

La crise que nous traversons nous prive de toutes les joies du festival, mais aussi de toutes ses dérives, dérives qui depuis des années n’ont cessé d’être soulignées, discutées, sans que nous ayons ensemble la détermination suffisante pour les infléchir. Le temps du silence auquel nous sommes contraints, est le temps du changement.

Pour un retour à l’esprit du festival ?

L’esprit d’un festival poétique, populaire, élitaire (qui élève au sens noble du mot) cher à Jean Vilar et aux fondateurs, s’est retrouvé asservi à l’idéal mercantile planétaire d’une société qui privilégie la quantité à la qualité, le divertissement à l’approfondissement, avec pour première victime les spectateurs. De ces transformations, l’image du festival s’en est trouvé ternie, substituant dans une dérégulation toujours plus puissante l’idée de marché à celle d’art.

Changer en profondeur

L’occasion nous est donnée de changer en profondeur les choses, de retrouver des règles qui redonneront de la grandeur et de l’esprit au festival. Car par ces dérives, ce ne sont pas simplement l’image et la vie artistique du festival à Avignon qui sont abimées, c’est aussi l’esprit du théâtre qui est menacé et dont Avignon est un des emblèmes. Nous avons cru, ou fait semblant de croire, comme la colombe qui voulait voler plus vite en se privant d’air, que nous pourrions tout faire sans règles, sans éthique, simplement par « opportunité ».

Halte à la dérégulation

Liberté ne signifie pas dérégulation, au contraire, il n’est pas de liberté sans règles. Tous les artistes connaissent cette règle d’or. Une liberté sans règles n’est pas une liberté, c’est un chaos, et c’est ce qu’est devenu à Avignon le festival. Ainsi certaines questions se posent, combien de vrais théâtres en juillet à Avignon ? Combien de théâtres accompagnent les compagnies en proposant des conditions techniques sérieuses, combien de théâtres sont prêts à partager les risques financiers avec les compagnies et les artistes ? Combien de théâtres ouvrent parce qu’il y a amour du spectacle vivant et non de la rente qu’il procure ? Si en conscience l’on répondait à ces questions, au moins la moitié des lieux n’auraient plus droit de cité.

Nécessaire réforme

Beaucoup se cachent derrière l’idée de pluralité, et de ‘retombée’ économique et au nom d’elles, conduisent les compagnies à la ruine. Il faut saluer et encourager les dernières prises de position de Pierre Beffeyte qui vont dans le bon sens. Des réformes sont attendues et nous ne manquerons d’être présents pour les accompagner et les réaliser. »

 


Julien Gélas : “Et si le festival off d’Avignon se professionnalisait ?“

Il sera parti comme il est arrivé il y a 18 ans en Avignon, discrètement. Philippe Grombeer, fondateur  et  ex-directeur de 2002 à 2011 du Théâtre des Doms à Avignon s’est éteint loin de nous, dans son pays natal, la Belgique, terrassé par le Covid-19

Nous ne pourrons pas exprimer notre peine ensemble. Tout a été évoqué très justement et unanimement sur les réseaux sociaux lors de l’annonce de sa disparition : générosité, bienveillance, curiosité, professionnalisme, formidable défricheur artistique, sens inné des réseaux, passeur hors pair, tisseur de partenariats. Son parcours professionnel sans faute – d’une Maison de jeunes alternative La Ferme, aux Halles de Schaerbeek à Bruxelles puis le Théâtre des Doms en passant par la coordination du réseau TransEuropeHalles ou la présidence de La Friche à Marseille –  force l’admiration. 

Et nous Avignonnais

Et nous avignonnais, amis-spectateurs avons envie de nous souvenir plus particulièrement de son passage au Théâtre des Doms et de la marque qu’il y a laissée avec Isabelle Jans et Xavier Yerles, la première équipe. Alors on se souvient de ‘Cité Nez Clown’ en partenariat avec les étudiants de l’université, de Festo Pitcho  pour les publics jeunes, de ‘Et Doc !’, de ‘jolis Courts de Mai’ au Cinéma Utopia, de ‘drôle de Hip Hop’, des soirées double jazz avec l’Ajmi club de jazz, des Nomades avec la Garance de Cavaillon, des apéro-jazz lors du Tremplin jazz, des résidences de création pour épauler les artistes belges émergents. Et puis, aussi, de la Fête de la musique, immanquable dans la cour des Doms, lieu festif quoique paisible. Toute l’année, Philippe Grombeer a su « Prendre position, prendre son temps, prendre-parfois-ses distances, prendre son pied….prendre et beaucoup donner ! ». Voilà ses propres mots dans un article paru lors du Xième anniversaire du théâtre, avant sa retraite bien méritée et pour la revue « Théâtre des Doms 2001-2011, voyage d’une décennie*.

Juillet 2002

Il y a aussi la claque prise dès juillet 2002 avec un In dans le Off comme disent certains : une  programmation collective, de qualité, engagée. Que du bonheur ! Et puis le principe des  générales, la veille de l’ouverture du festival où nous, avignonnais nous nous sentions insolemment chez nous, dans cette maison d’hôtes comme il aimait à le dire. C’était une évidence, presque une exigence de passer la journée aux Doms,  de voir les 6 spectacles avant ‘les parisiens et les touristes’. Et  Philippe qui nous attendait nonchalamment  à la sortie… avec son regard pétillant, nous laissant lentement parler en premier de nos impressions. Car il programmait sûrement par goût personnel mais aussi  parce qu’il était important, pour lui, de le faire pour des spectateurs curieux, éclectiques et exigeants. Il avait le goût du public autant que de l’œuvre. Alors merci Philippe car ton engagement et ton travail n’ont pas été vains. Beaucoup de ces évènements perdurent encore avec les formidables équipes successives d’Isabelle Jans et, depuis 5 ans, d’Alain Cofino-Gomez.

Le festival n’aura pas lieu, la cour des Doms ne sera pas animée en ce juillet 2020. Mais c’est toi l’artiste qui nous manquera le plus.                                   

Michèle Périn

*Théâtre des Doms. 1 rue des Escaliers Sainte-Anne. Avignon. 04 90 14 07 99. info@lesdoms.eu

 


Julien Gélas : “Et si le festival off d’Avignon se professionnalisait ?“


Julien Gélas : “Et si le festival off d’Avignon se professionnalisait ?“

«Les conditions ne sont plus réunies, aujourd’hui, pour que se déroule la 74e édition qui devait se dérouler du 3 au 23 juillet prochains.» Cette phrase, extraite du communiqué rédigé par Olivier Py, directeur du Festival d’Avignon depuis 2013, Paul Rondin directeur délégué et les équipes du Festival d’Avignon, fait suite aux déclarations du Président de la République de lundi 13 avril prolongeant le confinement jusqu’au 10 mai inclus.

«Nous avons partagé l’espoir aussi longtemps que cela était permis mais la situation impose un autre scénario. Notre devoir est désormais de préserver et d’inventer l’avenir du Festival d’Avignon. En conséquence de quoi le Festival d’Avignon soumettra un plan d’annulation à l’approbation du Conseil d’administration de l’Association de gestion du Festival d’Avignon le 20 avril prochain.»

Mais qu’en sera-t-il du Off ?

Dernièrement les Scènes d’Avignon avaient communiqué, dont voici de courts extraits : «Dans ce contexte de crise sanitaire internationale les Scènes d’Avignon : Théâtres du Balcon, des Carmes, du Chêne noir, du Chien qui fume, des Halles, le monde de l’art et du spectacle vivant nous nous retrouvons en suspens (…) L’annulation du festival représente des mois d’efforts, de travail et de créativité réduits à néant (…) Cette éventualité signifierait, outre de grandes pertes économiques mettant en danger nos structures, un véritable déchirement pour nous artistes et nos publics (…) Le théâtre étant un lieu d’expression privilégié de la pensée et des sentiments humains, d’ouverture au monde, il nous paraît inconcevable d’imaginer un public masqué et apeuré  -par la crainte d’un virus qui continue à se propager- parcourir nos théâtres et la Cité des papes. Le courage est bien souvent dans la prudence, parfois dans le renoncement (…) En fonction de l’évolution de la situation nous ne manquerons pas de prendre nos responsabilités en nous concertant et en envisageant les réponses artistiques et solidaires qui s’imposent.»

Cécile Helle salue la sagesse d’annuler la 74e édition du festival d’Avignon

Cécile Helle salue la sagesse d’annuler la 74e édition du festival d’Avignon, demande de l’aide aux collectivités territoriales et à l’Etat pour soutenir l’économie et la culture et propose un fonds de soutien pour le festival et les artistes. Voici quelques extraits de sa déclaration «Comme en 2003 (…), c’est un coup dur pour notre ville (…) je mesure ce que cette annulation signifie (…) pour les hôteliers, gérants de résidences hôtelières, campings, propriétaires de chambres d’hôte, pour les cafés, bars, restaurants et commerces (…), les acteurs, compagnies, intermittents et techniciens du spectacles, lieux de théâtre pour qui juillet à Avignon constitue chaque année le rendez-vous incontournable des saisons culturelles à venir en France, en Europe et dans le monde (…) Il faut que l’État prenne ses responsabilités face à la crise sanitaire et à la situation exceptionnelle que nous connaissons et propose un fonds de soutien aux festivals et aux acteurs culturels à l’image de celui qu’il a déjà mis en place pour les entreprises et certains secteurs d’activités économiques. » 

Bâtir demain

«Je souhaite aussi que des perspectives soient lancées pour nous permettre d’évoquer déjà les contours de la 75e  édition prévue en juillet 2021. Je vais intensifier dès les prochains jours, les discussions, que j’ai entamées depuis le début de cette crise, avec toutes les forces vives de notre ville (chambres consulaires, organisations socio-professionnelles : fédération et associations de commerçants, Umih…) afin de bâtir ensemble un plan de relance solidaire pour nous permettre collectivement de rebondir. La ville d’Avignon ne pourra pas affronter seule cette épreuve. C’est pourquoi dès aujourd’hui j’en appelle solennellement à l’aide exceptionnelle de l’État et des collectivités territoriales – Région Sud-Paca, Département de Vaucluse et Agglomération du Grand Avignon- pour en solidarité accompagner et soutenir notre ville, ses acteurs économiques et culturels.»

Plus rien ne sera comme avant

«Le Président de la République a clairement rappelé hier la réalité dramatique de la pandémie qui frappe durement notre pays depuis la fin février, son actualité toujours prégnante entraînant la prolongation sur 4 nouvelles semaines du confinement, ses incidences aussi qui seront durables sur nos comportements de vie sociale et collective,» a conclu le maire d’Avignon.

Retour sur le festival d’Avignon

1947, le festival est né d’une initiative de Jean Vilar avec l’aide de Jean Rouvet, conseiller culturel qui promeut la décentralisation culturelle et sur la suggestion du marchand de tableaux Christian Zervos qui organise ‘Une semaine d’art en Avignon’ du 4 au 10 septembre 1947. Le comédien et metteur-en-scène présente deux ‘régies’ personnelles : La Tragédie du roi Richard II, de Shakespeare dans la cour d’honneur du palais des Papes, qui reçoit un premier aménagement rudimentaire, et La Terrasse de midi, de Maurice Clavel au Théâtre municipal. Quant à Tobie et Sara, de Paul Claudel (mise en scène de Maurice Cazeneuve), la pièce est représentée dans le verger d’Urbain V. En 1948, la manifestation prend le nom de Festival d’Avignon. 2003, pour la 1ère fois, le festival n’aura pas lieu. En cause ? La grève des intermittents du spectacle acteurs, techniciens qui protestent contre la réforme des régimes d’idemnisation Assedic. 2020, Le Coronavirus-Covid 19 fait son apparition en Chine décimant des hommes et des femmes dans le monde entier. Le confinement est décrété en France à partir du mardi 10 mars au soir. Les regroupements de personnes sont interdits afin de ralentir la propagation du virus et surtout de ne pas engorger les hôpitaux qui ne possèdent pas suffisamment de lits de réanimation pour faire face au nombre de personnes infectées et, notamment, en détresse respiratoire. Dans ces conditions la plupart des festivals ou manifestations culturelles dans le monde sont annulées. Olivier Py, directeur du Festival d’Avignon et son équipe décident d’annuler la 74e édition de la manifestation.

Le festival off

Le  Festival Off est grand marché du théâtre où les programmateurs de tous pays viennent faire leur sélection. Il a été créé par André Benedetto durant le festival d’Avignon en 1966 lors de l’ouverture du théâtre des Carmes pour la présentation de sa pièce ‘Statues’. Jean Vilar riposte à cette rébellion en décidant, l’année suivante d’investir, le Cloître des Carmes, tout proche du théâtre d’André Benedetto. En 1967, en réaction à la guerre du Vietnam, l’ancien instituteur amoureux du théâtre, auteur, poète et comédien présente ‘Napalm’. Il est rejoint par d’autres compagnies. Le festival (alternatif) Off est né. En 2008 est instituée La grande parade du Off. En 2010, Le village du Off est créé. Lieu d’accueil et de vente des cartes du Off il propose également des rencontres et des débats entre public, professionnels et artistes. Pour la 1ère fois en 2016, un directeur du Festival d’Avignon, Olivier Py, assiste à la conférence de presse du Festival off. En 2020 le festival Off proposait de se tenir du 3 au 26 juillet, mais qu’en sera-t-il ?

 


Julien Gélas : “Et si le festival off d’Avignon se professionnalisait ?“

‘Les Sentinelles’, Fédération de compagnies professionnelles du spectacle vivant, interpellent le ministre de la culture Franck Riester, dans une lettre ouverte afin que l’Etat français et les pouvoirs publics prennent d’urgence position sur la tenue du prochain festival d’Avignon.

«Si l’annulation du Festival d’Avignon (In et Off) serait dramatique pour tous ceux que le festival fait vivre (et ils sont nombreux, au niveau national comme à l’échelon local), l’attente dans laquelle nous nous trouvons actuellement est économiquement mortifère pour les compagnies professionnelles que nous représentons.» 

Lire la lettre ouvertes ICI

 


Julien Gélas : “Et si le festival off d’Avignon se professionnalisait ?“

C’est une annonce qui a tout l’air d’une petite révolution dans le théâtre avignonnais.

Lors de la présentation de la stratégie éco-responsable que souhaite mettre en œuvre le festival Off dès cette année, Pierre Beyfette, président d’Avignon festival & compagnies (AF&C), l’association qui chapeaute le Off, a été catégorique : il souhaite supprimer « purement et simplement » l’affichage des spectacles dans les rues de la cité des papes. Ainsi, les milliers d’affiches qui changent considérablement le visage du centre-ville à l’approche du festival pourraient être bannies dès cette année.

C’est en tout cas la volonté du président d’AF&C. « Le Off c’est plus de 1 500 spectacles qui se jouent dans 200 théâtres de la ville, souligne Pierre Beyfette. En moyenne, les compagnies éditent entre 200 et 2 000 affiches par spectacle. A minima, cela fait un total de 300 000 affiches par festival soit 32 tonnes de papier pour environ 450 arbres abattus par festival. »

 

■ Centraliser l’affichage sur des supports dédiés

Bien que conscient du symbole que véhiculent les affiches aux yeux du public mais aussi pour les compagnies – « un support de communication et de promotion considérable pour les spectacles » – le président a annoncé vouloir instaurer un dispositif transitoire. « AF&C pourrait centraliser l’affichage grâce à l’installation de supports sur des grands axes passants de l’intra et l’extra-muros comme sur les grilles de la cité administrative à l’entrée du cours Jean-Jaurès ou sur la place des Carmes, explique Pierre Beyfette. Cela suffirait à montrer la diversité de l’offre artistique, de traiter les spectacles de façon égalitaire tout en réduisant les coûts pour les compagnies. » Mais pour que l’idée puisse se concrétiser, le président en appelle au soutien des collectivités : « L’affichage sauvage est interdit dans les villes. Mais en période de festival, la mairie d’Avignon édite un arrêté spécifique pour l’autoriser. Nous allons tout simplement demander à la mairie de ne plus l’éditer pour mettre fin à l’affichage sauvage. »

 

 

https://echodumardi.com/tag/festival-off/page/12/   1/1