19 avril 2025 |

Ecrit par le 19 avril 2025

47e Assemblée Générale des Vignerons Indépendants : « se réinventer pour rebondir »

C’est au Palais des Princes à Orange qu’elle s’est tenue, face à plus de 400 vignerons et professionnels du vin de Vaucluse. Une Fédération créée il y a près de 50 ans (en 1976) pour prendre en main leur avenir et valoriser leur travail.

Forte de ses 350 adhérents qui représentent 450 domaines vitivinicoles dans le département, 11 000 hectares de vignobles, 450 000 hectolitres les bonnes années de récolte, elle gère aussi le Palais du Vin, vitrine de 300 m² de l’excellence de ses producteurs à la sortie d’Orange-Sud.

Dans son mot d’accueil, le maire Yann Bompard, a une fois de plus, dénoncé « les charges, les normes et les taxes qui assassinent la filière. La consommation de vin baisse, votre pouvoir d’achat aussi, mais vous, contrairement, aux députés et sénateurs vous ne votez pas une auto-augmentation de vos revenus de 300€ à 700€ par mois. Qu’on nous lâche la grappe sur la fiscalité », conclut-il.

C’est ensuite Florence Corre, directrice des Salons et de la Communication, qui a pris la parole pour rappeler que la Confédération des Vignerons Indépendants participe à 13 salons par an, auxquels assistent environ 400 000 visiteurs. « En octobre 2025, va être lancé le 1er Salon de Hambourg avec 75 exposants. Tout cela a un coût pour les vignerons. En plus, dans les grandes villes, les panneaux d’affichage sont en net retrait, donc nous devons miser sur le digital à 100% pour nos messages d’authenticité. D’ailleurs nous avons fait campagne entre le 28 novembre dernier et le 31 décembre et 4 millions de personnes ont cliqué sur notre site internet, c’est ça, l’avenir pour notre marque. »

Tour à tour la députée RN Marie-France Lorho et le sénateur PS Lucien Stanzione sont montés sur scène. L’une pour rappeler son total soutien au monde paysan, « pour que l’agriculture et ses terres soient sanctuarisées. Pour que la France conforte une alimentation souveraine, et selon le slogan des manifestants de l’an dernier, pour que votre faim ne soit pas notre fin ». L’autre pour se féliciter que « le marathon parlementaire de dizaines et dizaines d’heures de débats ait finalement accouché d’une Loi d’Orientation Agricole avec 236 votes pour et 103 contre. » Même si aucune garantie de revenus pour les paysans ne figure dans ce texte. Autre soutien, celui du département de Vaucluse par la voix de Christian Mounier qui a rappelé que « dès samedi, le Stand de Vaucluse et ses 200 m² sera le plus grand des collectivités locales, Porte de Versailles, lors du Salon International de l’Agriculture. »

Le président Thierry Vaute a évoqué l’année chaotique qui vient de se dérouler. « Des manifestants en colère qui se sont battus pour prouver l’utilité de l’agriculture, la nécessité d’une souveraineté alimentaire et patatras ! Une dissolution-surprise en plein été qui fait perdre encore des mois de vacance du pouvoir. La perception de dégradation de nos conditions est passée de 7,1 / 10 à 6,5 / 10. 44% des vignerons ont des problèmes de trésorerie. Heureusement le remboursement des PGE (Prêts garantis par l’Etat) a été rallongé de 6 à 10 ans, c’est une bouée, plus un boulet. Après le Covid, les Gilets jaunes, la guerre en Ukraine, la baisse de consommation de l’alcool, nous nous sommes adaptés, nous avons fait preuve d’agilité pour survivre en segmentant nos gammes de vins. Finalement, les cours qui avaient chuté se sont raffermis et les stocks ont baissé. » Il a conclu en annonçant à l’auditoire que c’est une femme qui allait lui succéder à la présidence en 2026, Céline Barnier. Quant à lui, il gardera tous ses mandats nationaux.

Enfin, le préfet Thierry Suquet a évoqué toutes les difficultés que subit le monde vigneron, « structurelles, conjoncturelles, climatiques, sociales, économiques. » Il a aussi listé les aides de l’Etat : « 7M€ d’aides d’urgence pour 708 exploitants en difficulté dans le département. Des primes d’arrachage – 4000€ / hectares – pour 1017 hectares en tout en Vaucluse, une indemnisation après le gel d’avril  2024 pour 73 communes. Un guichet pour les PGE est ouvert jusqu’au 1er juillet. » Il a évoqué le SIAL qui s’ouvre samedi à Paris « C’est une fierté française, notre agriculture, malgré la pénurie en eau, la concurrence, les épizooties qui ont un impact sur le moral des paysans. » Il a rappelé que dans le Vaucluse, 50M€ vont être alloués à l’irrigation et il se félicite que la nouvelle Loi d’Orientation Agricole votée il y a quelques heures fasse avancer les choses même si elle ne règle pas tout.

En amont, Pierre Saysset, le directeur de la Fédération des Vignerons Indépendants de Vaucluse avait dressé le bilan de l’année devant les adhérents. « Au caveau du Palais des Vins, notre chiffre d’affaires a grimpé de +10% même si le volume a reculé de 21%. Nous avons quand même vendu 21 millions de capsules en 2024 et nous en avons 10 million en stock dans notre nouveau siège d’Orange Sud. » Il a aussi évoqué la force de frappe des Vignerons Indépendants. « Nous sommes 7 000 en France. Chaque vigneron a forcément, pour travailler, son fourgon, son camion qu’il change tous les 10 ans. Vous imaginez bien que les concessionnaires automobiles nous écoutent avec attention, quand on va les voir. »

Thierry Suquet (préfet de Vaucluse), Céline Barnier (future présidente des Vignerons Indépendants de la Vallée du Rhône), Thierry Vaute (actuel président des Vignerons Indépendants de la Vallée du Rhône), et Pierre Saysset (directeur des Vignerons Indépendants de la Vallée du Rhône). ©Andrée Brunetti / L’Echo du Mardi

En 2026, ce sera donc Céline Barnier qui présidera à la destinée des Vignerons Indépendants de Vaucluse. Thierry Vaute, qui passe en moyenne 90 jours par an en déplacement pour les salons, les réunions de travail, les négociations, les relations avec le Ministère de l’Agriculture à Paris et avec les députés et sénateurs locaux, va pouvoir s’occuper à temps plein de ses vignes de La Pigeade à Beaumes-de-Venise, entre femme et enfants, avec le sentiment d’une mission accomplie, dans l’intérêt général donc au service de tous.


47e Assemblée Générale des Vignerons Indépendants : « se réinventer pour rebondir »

« Les vendanges ne sont pas totalement finies. Chez moi, à Beaumes-de-Venise, pour le muscat, elles ont débuté le 17 août et elles vont à peine s’achever dans les jours qui viennent ». Ainsi s’exprime Thierry Vaute, président de la FVIVR (Fédération des Vignerons Indépendants de la Vallée du Rhône), par ailleurs patron du Domaine de la Pigeade. « C’est une très belle année, avec un printemps un peu arrosé, ni gel ni grêle générlisés, certains parcelles ont subi le mildiou, la chaleur excessive en août pendant 15 jours – 40° à l’ombre, jusqu’à 60° en plein soleil – a un peu grillé feuilles grains de raisins, du coup le volume a légèrement baissé. Mais avec cette météo d’été indien en septembre, la maturité est optimale ».

« On a appris à nous structurer. »

Céline Barnier, vice-présidente de la Fédération de Vaucluse et vigneronne à Sarrians, s’occupe de la branche oeno-tourisme. Elle se frotte les mains : « Depuis juin, nous avons reçu un monde fou dans nos chais, que ce soient les touristes comme les Vauclusiens. Notre métier, c’est de mettre en avant notre activité et nous le faisons avec le sourire. Nous organisons des soirées dégustation, des visites de domaines, des vendanges d’un jour pour les néophytes, des pique-nique. Nous parlons de notre travail tout au long de l’année, des périodes de taille, de débourrement, d’ébourgeonnage. La viticulture attire, en plus on travaille dans un paysage de carte postale, du coup ça séduit les visiteurs. Avant, on ne faisait pas de com, maintenant avec les réseaux sociaux, on prend des photos, on capte davantage de visiteurs, on organise l’accueil, on a appris à nous structurer ».

Pierre Saysset, le directeur de la Fédération des Vignerons Indépendants de Vaucluse ajoute « Un boulanger, on ne lui demande pas si on peut aller visiter le fournil la nuit, voir comment il pétrit la pâte et pourquoi il la laisse pousser. Nous en revanche on nous demande ce que c’est qu’un cépage, un assemblage ou la vinification, c’est dire l’intérêt qu’on nous porte. Notre métier fait rêver ».

Parmi les rendez-vous grand public, le « Fascinant week-end » (19-22 octobre) autour des vins du Ventoux, du Luberon et avec les vignerons, et le 17 novembre « Vins primeur et bonne humeur » au Palais du Vin d’Orange.

Sur les 500 domaines viti-vinicoles de Vaucluse, 400 adhèrent à la FVIVR et participent à des salon comme « Wine Paris », comme le Salon de l’Agriculture ou les salons des vignerons indépendants de Reims, Strasbourg, Mandelieu ou Bordeaux, d’autant que le Vaucluse est pionnier, ce sont nos vignerons qui ont organisé le 1er à Bercy dans les années 70, ils étaient à peine 12 au départ. « Notre raison d’être, c’est défendre les notre métier, nos intérêts, accompagner les vignerons quand ils montent un dossier et surtout nous sommes indépendants c’est à dire libres puisque nous ne demandons aucunes subventions » précise Thierry Vaute.

Le palais des vins pour 2024
Une bonne nouvelle à l’horizon 2024, le Palais 2 du Vin, juste derrière l’ancien, 1000m2 sur 2 étages en cours de construction « Nous pourrons offrir un cadre de travail plus fonctionnel à nos 10 salariés, nous vendons 30 millions de capsules par an, ça demande de la place pour les stocker et pour recevoir les professionnels, nous aurons aussi dans nos murs un laboratoire d’oenologie. Grâce à cette parcelle qui jouxtait le Palais 1, nous pouvons nous agrandir, ce qui prouve que nous ne sommes pas totalement hors-sol mais bien en phase avec nos adhérents » ajoute le président Vaute.

Le Palais du vin 2 est en train d’être édifié à Orange-Sud. Il devrait être opérationnel d’ici la fin 2024.

Quelques nuages, cependant, voilent l’horizon des vignerons. D’abord la main d’oeuvre, très difficile à recruter. « On manque de secrétaires, de saisonniers dans les vignes, de personnel dans les chais, les caves, on n’a pas assez de tractoristes. Il faut valoriser notre image, rendre ces métiers de la vigne et du vin plus attractifs et surtout proposer de meilleurs salaires, sinon, plutôt que toucher un SMIC, les gens préfèrent rester chez eux » commente-t-il. Et il cite un observatoire qui existe depuis une dizaine d’années : « Avant le COVID, on voyait l’avenir avec confiance. Depuis, la situation s’est dégradée : problèmes de transmission des exploitations, complexification du métier avec internet, la dématérialisation de certaines démarches, la flambée du prix des matières premières comme le carton, le fil de fer ou les palettes et surtout le verre. Les verriers ne sont que 3 pour la planète, ils font ce qu’ils veulent. Ils ont augmenté leur prix par 2, arguant que c’était à cause de la guerre en Ukraine, alors que les bouteilles avaient été fabriquées bien avant, c’est carrément ubuesque, comme dirait l’autre « C’est le cocu qui paye la chambre ». En tout, les hausses (énergie comprise) représentent +23%, on ne peut pas la répercuter sur une bouteille de muscat, moi j’ai fait grimper les prix de 7%, je ne vous dis pas ce que j’entends comme commentaires à la cave. Si ça continue, certains vont faire comme les boulangers, mettre la clé sous la porte ».

« Nous devons sortir du dogme ‘écolo-bobo’. »

Dernière préoccupation de Thierry Vaute et de ses mandants, l’agri-bashing. « Bien sûr, nous voulons tous une agriculture vertueuse, en Vaucluse, 60% de nos vignobles sont labellisés bio ou HVE, c’est dire si nous sommes sensibles à l’environnement. Mais quand on nous impose -30% de gaz à effet de serre d’ici 2030 ou quand on interdit aux arboriculteurs de traiter leurs cerise avec une molécule qui est contenue dans les cerises que nous importons de Turquie, on marche sur la tête, c’est suicidaire. Nous devons sortir du dogme ‘écolo-bobo’. La souveraineté alimentaire, on en est loin, seulement 9% du bio vendu en France provient des fermes françaises, tout le reste est importé de pays où les règles n’ont rien à voir avec les nôtres. On nous demande de laver plus blanc que blanc, c’est impossible. Qu’on nous fasse confiance, on a tous des enfants, ils vivent sur la propriété, on ne veut pas les empoisonner ».

La Fédération en chiffres :
– 400 domaines
– 11 000ha de vignes dont 4 500 bio & 2 300 HVE
– 49 appellations
– 1 700 salariés
– 4 100 saisonniers

Contacts : www.vigneron-independant.comcontact@fvivr.fr04 90 11 50 05

https://echodumardi.com/tag/federation-des-vignerons-independants-de-la-vallee-du-rhone/   1/1