18 décembre 2024 |

Ecrit par le 18 décembre 2024

Salon des maires de Vaucluse : « Après les gilets jaunes, les écharpes tricolores ? »

Alors que l’assemblée générale de l’Association des maires de Vaucluse (AMV), et le salon des collectivités qui l’accompagne ont accueilli un millier de visiteurs,  l’absence de Thierry Suquet, préfet de Vaucluse convoqué à Paris par Bruno Retailleau avec l’ensemble de ses homologues de l’Hexagone pour une réunion avec le ministre de l’Intérieur, a été particulièrement mal perçue par les maires.
Beaucoup d’élus locaux et peu d’Etat, beaucoup de questions et peu de réponses, beaucoup de colère et peu d’écoute… tels pourraient être les maître-mots de la vision qu’ont nos maires de leur rapport avec un Etat ‘parisien’ qu’ils considèrent de plus en plus éloigné des territoires.

C’est Cécile Helle, maire d’Avignon qui a pris la parole pour accueillir tous les maires de Vaucluse pour cette première de l’AMV (Association des maires de Vaucluse) au parc des expositions.
« D’habitude, nous nous réunissions à Monteux. C’est nouveau de nous retrouver à Châteaublanc, à quelques jours du Congrès des Maires à Paris. Cette année le thème est ‘Les communes, heureusement!’. C’est une forme de reconnaissance pour la République décentralisée que sont nos villes et villages. Dans ces périodes d’incertitude, de crise, c’est une évidence pour les citoyens, une proximité. Ce que nous voulons, c’est que les communes soient respectées, écoutées. Elles sont le premier des services publics, parfois le seul. Ce sont elles qui maintiennent les écoles, les équipements socio-culturels, le mouvement sportif, on l’a bien vu pour le passage de la flamme Olympique dans le Vaucluse le 19 juin. Elles sont un amortisseur social après la crise sanitaire, l’inflation, la flambée des prix de l’énergie, les citoyens se tournent vers les maires, c’est l’échelon le plus proche de leur protection, du renforcement du lien, du vivre ensemble. »

©AB/l’Echo du Mardi

« Ce que nous voulons, c’est que les communes soient respectées, écoutées. »

Cécile Helle, maire d’Avignon

« On voit bien dans nos territoires que le changement climatique est une réalité, il frappe le monde agricole qui est un des piliers essentiels de l’économie du territoire. Nous avons aussi vu ces derniers jours chez nos voisins espagnols de Valence à quel point la Méditerranée est vulnérable », ajoute Cécile Helle, qui par ailleurs est géographe de formation.
« S’il n’y a pas de respect, de confiance, de soutien de la part de l’Etat, on verra, dans 5 ans, 10 ans, 20 ans à quel point la République sera fragilisée. Or là, nous n’avons aucune visibilité sur les budgets. Quel impact sur nos investissements, notre fonctionnement avec des ponctions de l’Etat de 5M€ sur les collectivités locales? Nous ne pouvons pas travailler sereinement quand on doit éponger le déficit de l’Etat dont nous ne sommes pas responsables. Nous ressentons un sentiment d’injustice alors que tous nos budgets, eux, sont en équilibre à l’euro près. »

Elle poursuit sa diatribe : « Pour Avignon, cela représente 3,6M€ sur les 150M€ de notre budget de fonctionnement. Que faire? Refermer la Médiathèque Renaud-Barrault de la Rocade que nous venons de rouvrir après l’avoir rénovée à grands frais, virer les 18 agents municipaux qui y travaillent avec les conséquences sur l’emploi et sur leurs familles que cela implique? Nous avions baissé le tarif des cantines scolaires, devons-nous y revenir? Tout ce que je demande c’est le respect et le soutien de l’Etat ».

« Ras-le-bol du traitement qui nous est infligé par certains comme si nous étions des délinquants. »

Max Raspail, maire de Blauvac

Après Cécile Helle, c’est un autre maire qui prend la parole, celui de Monteux, Christian Gros, qui d’habitude accueillait jusqu’alors l’assemblée générale des maires de Vaucluse chez lui, au Château d’eau. En l’absence de Max Raspail souffrant, maire de Blauvac et conseiller départemental, il a lu sa lettre : « Ras-le-bol du traitement qui nous est infligé par certains comme si nous étions des délinquants. On demande un peu de respect, sinon on va aller à la pêche ou jouer à la pétanque. Le découragement frappe un maire sur deux. 450 d’entre eux démissionnent chaque année, sans parler des adjoints ou des élus municipaux et 55% des sortants ne comptent pas se représenter en 2026, lors des municipales, c’est dire si le mal et la morosité ambiante sont profonds. Est-ce que l’enjeu en vaut la chandelle ? »

« A travers les maires, c’est la démocratie qui est menacée. »

Christian Gros, maire de Monteux

Christian Gros l’a ensuite martelé, comme chaque année : « A travers les maires, c’est la démocratie qui est menacée, nous portons notre mandat à bout de bras sans compter nos heures, avec passion et détermination. Que l’Etat protège ses élus locaux. Agressions physiques et morales, menaces, diffamation, harcèlement, pressions, il faut aller plus loin dans les sanctions ».
Il évoque ensuite le manque total de visibilité : « Gérer, c’est prévoir. Or aujourd’hui on est en plein brouillard avec les contraintes que nous impose l’Etat. Entre les coups de rabot, le grignotage de la TVA, la baisse des DMTO, la diminution des commandes dans le BTP, les plans sociaux qui vont se succéder avec leur cortège de licenciements, l’angoisse grimpe. La conjoncture géo-politique inquiète. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau parle d’extension de pouvoirs vers les polices municipales, c’est encore un transfert de charges supplémentaires pour nous. »

Christian Gros lors de la minute de silence en hommage aux élus disparus dont Marie-Josee Roig maire d’Avignon pendant 3 mandats, conseillère régionale, présidente du Grand Avignon, députée et ministre de Jacques Chirac. ©AB/l’Echo du Mardi

Christian Gros continue : « Le mieux comme le pire ne sont pas exclus. Bien sûr on sait gérer, on va le faire mais on va jouer sur la prudence, reporter des projets. N’étranglez pas nos communes. Certes il est normal de participer au redressement des finances de la France, mais qu’on arrête de nous tenir pour responsables de son déficit abyssal. On ne doit pas être la vache à lait de tous ».
Il conclut quand même sur une note plus douce : « Etre maire, c’est le plus beau de tous les mandats, mais c’est tout sauf un long fleuve tranquille. C’est une aventure humaine d’une grande richesse avec nombre de contradictions, mais nous avons tous la passion du service public chevillée au corps ».

« La colère gronde dans les campagnes. »

Pierre Gonzalvez, président de l’AMV et maire de l’Isle-sur-la-Sorgue

C’est ensuite au président de l’association représentant 149 des 151 maires de Vaucluse (Orange et Le Pontet ne sont pas adhérents) de s’exprimer. Pierre Gonzalvez qui a salué son ex-complice à la tête de la présidence bicéphale avec Jean-François Lovisolo. « 2024 est une année particulière aussi bien pour le climat international que pour l’ambiance anxiogène. Et la France est une société qui clive au moment où la modération a du mal à se faire entendre. Que feront les maires en 2026, certains vont baisser les bras, ne pas se représenter, mais tous les autres ont une foi indéfectible dans leur mission au service des autres. »

Il continue : « Nous devons faire des économies, mais pour certains il faut que rien ne change côté dotations, subventions. On nous a parlé de simplification administrative, mais nous nageons entre PLU, ZAN, SCOT, SRADDET. Que des sigles et acronymes qui s’ajoutent les uns aux autres dans un jargon insupportable. Comment ré-industriliser sans terre disponible, comment construire des logements sociaux, des crèches, des écoles sans foncier disponible ? C’est une aberration totale : on paie chaque année des pénalités sans fin parce qu’on n’a pas la place d’édifier assez de HLM. Ou alors, certains aménageurs sans vergogne, rasent une maison au milieu d’un pré et construisent un immeuble qui bouche la vue des voisins qui se lancent dans une bataille juridique ».

Le maire de l’Isle-sur-la Sorgue évoque ensuite les problèmes de paysans qui cultivent lavande, cerise, ou vigne. « La colère gronde dans les campagnes. Ils n’ont pas été entendus depuis le Salon de l’Agriculture en mars dernier, ils vont repartir en tracteur vers les ronds-points et les préfectures. »

©AB/l’Echo du Mardi

« Ce que nous voulons, c’est un Etat fort,
qui fasse appliquer la loi. Ce n’est pas notre rôle de nous substituer à lui. »

Pierre Gonzalvez

Autre souci auquel sont confrontés les maires : les déserts médicaux. « Les nouveaux arrivants, dans nos communes, ne comprennent pas qu’ils n’aient pas un médecin traitant, c’est encore à nous de prendre le problème à bras le corps avec des Maisons de Santé que certains salarient, comme le fait la présidente du Conseil départemental à Avignon, Apt, Cadenet et bientôt à Sorgues ».

La liste des soucis des maires, continue avec la sécurité : « Le maire n’est pas l’alpha et l’oméga de la sécurité. Ce que nous voulons, c’est un Etat fort, qui fasse appliquer la loi. Ce n’est pas notre rôle de nous substituer à lui. Certes, nous pouvons agir quand le trafic de drogue se diffuse chez nous à travers de pseudo-épiceries ouvertes toute la nuit qui provoquent embouteillages, bruits intempestifs et nuisances en tous genres pour ceux qui doivent se lever tôt le matin pour aller au travail. Mais on nous prend pour des empêcheurs de ‘dealer en rond’ et souvent des menaces sont proférées vers les policiers ».

Le Département hausse le ton
Place à la présidente du Département de Vaucluse, Dominique Santoni. Elle avait déjà poussé un coup de gueule tonitruant lors de la dernière séance plénière de l’exécutif en disant que « Macron a cramé la caisse ». Cette fois, elle a martelé avec vigueur : « Paris ça suffit ! Nous nous efforçons de tenir la barre et de garder le cap. Depuis notre dernière AG, la dissolution n’a vraiment pas arrangé la situation. Et cela au moment même où les déficits de l’Etat ont explosé. Nous en avons assez d’un Etat central qui demande toujours plus aux collectivités locales en leur laissant toujours moins de moyens. Sans concertation et en ne s’appliquant pas à lui-même ce qu’il exige des autres. C’est une situation difficilement supportable et la liste est longue. Diminution de moitié de la DGF (Dotation globale de fonctionnement), perte partielle pour les communes et totale pour les départements de l’autonomie fiscale, transferts de compétences et de charges sans compensation financière, multiplication des normes et contraintes. Et voici, comme je l’ai déjà dit que l’Etat se retourne vers les collectivités locales pour renflouer ses caisses et son déficit. »

Dominique Santoni continue : « Les départements sont les collectivités locales les plus ponctionnées dans ce projet de loi de finance, 2,2 milliards €, soit 44% de l’effort pour ses dépassements. Mes collègues présidents de conseils départementaux sont remontés et en colère comme jamais. Certains ont plein d’idées pour renflouer les caisses de l’Etat, comme vendre les préfectures ou les tribunaux, propriétés de nos départements. Je vous rassure, madame la secrétaire générale (Sabine Roussely qui représentait le préfet convoqué au ministère de l’Intérieur ce jeudi), nous n’en sommes pas là dans le Vaucluse… Pas encore. »

La Présidente, exprime une fois de plus son attachement aux maires « J’ai été maire comme vous. Je sais combien les exigences et impatiences des citoyens sont de plus en plus fortes, les contraintes et pesanteurs de plus en plus lourdes, les pressions et menaces se multiplient et je vous exprime toute ma reconnaissance et ma gratitude et je reste à vos côtés comme partenaire au quotidien, vous pouvez compter sur ma présence. »

Message reçu à Matignon ?
Venu quelques jours plus tard assister à Angers aux assises des départements de France, Michel Barnier, le Premier ministre a promis de réduire significativement l’effort demandé aux conseils départementaux. Il a ainsi proposé «  de réduire le taux de prélèvement prévu au titre du fonds de réserve », de relever le plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO à hauteur de 0,5 points sur 3 ans ainsi que de renoncer -à minima- au caractère rétroactif de la baisse du taux de fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). L’hôte de Matignon propose aussi d’étaler sur 4 ans, au lieu de 3, la hausse de cotisations des employeurs territoriaux à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et de rehausser les concours qui sont versés aux départements par la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie).

Le département sort le chéquier pour les communes
Elle a évoqué ‘Vaucluse Ingénierie’ devenue agence technique du département. « 139 communes ont été accompagnées pour leurs projets. Dans le même esprit, nous proposons une enveloppe de 7M€ pour Vaucluse territoires de demain (2023-2026) et de 28,5M€ pour le contrat Vaucluse Ambition (2023-2025). »
Elle revient sur les efforts à faire pour réduire les investissements : « Il faudra trouver au minimum 15M€ mais je ne sais pas encore comment je vais boucler le budget. J’ai écrit au Premier ministre pour lui demander que le Vaucluse, au même titre que le Gard, l’Aude et l’Hérault soit exempté d’un prélèvement de 2% sur ses recettes mais je n’ai pas de réponse. Quoi qu’il arrive, je compte sanctuariser l’agriculture, l’aide aux communes, recruter des médecins généralistes, conduire nos grands chantiers (déviation d’Orange, Carrefour de Bonpas), valoriser les véloroutes. Et je le répète : le fonctionnement centralisé de notre pays où tout se décide à Paris, ça ne marche plus, il est à bout de souffle. Il est temps d’en changer, de bouger les choses. »

« Paris, ça suffit !
Il faut donner plus de pouvoirs, de responsabilités, de libertés aux communes, aux départements et aux régions. »

Dominique Santoni, présidente du Conseil départemental de Vaucluse

La présidente de l’exécutif vauclusien réclame alors plus de décentralisation. « Nous voyons bien qu’il faut donner plus de pouvoirs, de responsabilités, de libertés aux communes, aux départements et aux régions. Nous l’avons prouvé en luttant contre les déserts médicaux, en faisant revenir des allocataires du RSA dans le monde du travail, en construisant plus vite et davantage de logements sociaux, en installant la fibre et le haut-débit sur tous nos territoires, notamment ruraux grâce à Vaucluse Numérique. Pour cela nous devons jouir d’une véritable autonomie fiscale et financière. Nous attendons donc de l’Etat qu’il assume ses 3 grandes fonctions régaliennes : protéger, instruire et soigner. Mais décentralisation veut aussi dire simplification. Stop aux normes en tous genres, arrêtez ce cercle vicieux qui épuise et décourage toute initiative locale. Cela implique une déconcentration qui donne plus de pouvoir aux préfets et aux services de l’Etat. »

Intercommunalités de France vient de dévoiler une série de données et de cartes interactives inédites, présentant les impacts de l’ensemble des dispositifs prévus dans le projet de loi de finances (PLF 2025) intercommunalité par intercommunalité, et commune par commune.

Pour un acte III de la décentralisation
Dominique Santoni a alors lancé un appel ‘transpartisan’ à tous les élus locaux pour un « Acte III de la Décentralisation » en signant une pétition. « La situation financière de la France agit comme un électrochoc chez beaucoup de Français. Elle doit servir à réaliser des changements majeurs dans l’organisation de notre pays, il y faudra du courage et de la détermination ». Cette pétition sera envoyée au Premier ministre.

« A Bercy, ils nous expliquent qu’ils savent compter et, ce sont leurs mots, ‘Qu’il s’agit d’une petite erreur technique sur les rentrées financières’.
Excusez du peu, une paille, 60 milliards ?
Il n’y aurait pas un problème dans leur logiciel ? » »

Renaud Muselier, président du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur

Venu de Marseille, le président du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier, bien que macroniste, ne mâche pas ses mots : « Paris, ça suffit ! s’insurge-t-il lui aussi en reprenant la formule à Dominique Santoni. Surtout quand on entend qu’entre mars et juin dernier, le déficit s’est aggravé de 60 milliards supplémentaires. A Bercy, les Mozart de la Finance nous expliquent qu’ils savent compter et, ce sont leurs mots, ‘Qu’il s’agit d’une petite erreur technique sur les rentrées financières’. Excusez du peu, une paille, 60 milliards ? Il n’y aurait pas un problème dans leur logiciel ? »
Le président de la Région Sud admet qu’on va tous être impactés, car si le budget n’est pas voté, il n’y a plus de gouvernement, d’Etat. « En Provence-Alpes Côte d’Azur, si l’arbitrage est confirmé cela représentera un plan minceur de -120M€, -10%. C’est colossal. Nous allons devoir faire des choix, supprimer les doublons, mais ne pas toucher à l’aide aux communes, au budget agricole, on ne fermera pas de lycées. On ressent un sentiment ambivalent. D’abord, un abandon de l’Etat, une forme d’abattement, on est exaspérés. Mais en même temps, on veut défendre notre territoire. Notre démocratie doit fonctionner de la meilleure des façons possibles, grâce à vous tous, merci pour votre détermination et votre combat » a-t-il conclu sous des applaudissements nourris.

L’Etat a du mal à être audible
Enfin, c’est la secrétaire générale de la préfecture de Vaucluse qui a longuement pris la parole en dernier, pour faire la liste de l’action de l’Etat depuis novembre 2024 et l’arrivée d’un nouveau préfet qui a succédé à l’énergique Violaine Démaret. « Nous devons partager nos efforts de façon solidaire, il ne s’agit pas d’un désengagement de l’Etat » a-t-elle résumé. Et les maires qui ont demandé le micro pour s’exprimer, on tous déclaré qu’ils avaient demandé un rendez-vous au préfet depuis son arrivée de Mayotte en février dernier et qu’ils ne l’ont toujours pas rencontré.

©AB/l’Echo du Mardi

Salon des maires de Vaucluse : « Après les gilets jaunes, les écharpes tricolores ? »

Le département de Vaucluse est classé par l’Insee le 5ème département (métropolitain) le plus pauvre de France alors que la zone d’emploi d’Avignon déborde largement en dehors de ses frontières. L’occasion de vérifier la médiane du niveau de vie des ménages fiscaux de cette zone d’attractivité initiée par le chef-lieu du département de Vaucluse et particulièrement celles du canton de Villeneuve-les-Avignon juste de l’autre coté du Rhône et de celles de Terre de Provence Agglomération juste de l’autre coté de la Durance.









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Salon des maires de Vaucluse : « Après les gilets jaunes, les écharpes tricolores ? »

Bon pied, bon œil et surtout visionnaire, Louis Driey, maire de Piolenc, est le doyen* des maires de Vaucluse. A 83 ans, celui qui considère que l’écologie n’est ni de droite, ni de gauche entend continuer à concilier gaullisme et développement durable à l’occasion de son dernier mandat.

Il a 83 ans et en 2025, au terme de 5 mandats, il fêtera ses 30 ans à la tête de ce gros bourg rural d’un peu plus de 5 500 habitants. Bâtisseur, précurseur, il a toujours anticipé. « Ma vie c’est ma ville, mon parti c’est Piolenc » clame cet éternel gaulliste qui a travaillé pendant 37 ans comme chef de chantier à la société des Autoroutes du Sud de la France, les ASF « avant que Dominique de Villepin ne les privatise » précise-t-il.

« Ma vie c’est ma ville, mon parti c’est Piolenc. »

Hyper-actif, pragmatique, anti-gaspi, son expérience lui permet dès son élection, en 1995 d’élaborer un premier schéma directeur de la commune. « Nous avons identifié les priorités en fonction de la démographie, l’âge des habitants et ce sont les jeunes qui primaient, les besoins en crèches, écoles, centres de loisirs. »

Piolenc abrite la plus grande centrale photovoltaïque lacustre d’Europe. Crédit : Akuoenergy/Piolenc/DR

En 2005, deuxième schéma directeur, Louis Driey dépose le premier permis de construire d’un parc éolien flottant de l’hexagone sur une ancienne carrière. « C’était une première en France et aujourd’hui elle est la plus grande d’Europe, avec une superficie de 23 hectares soit une vingtaine de terrains de foot. D’une puissance de 23 mégawatts, elle alimente 6 474 foyers ». Engagé dans le développement durable et la biodiversité, il innove aussi avec 3 éoliennes au service de 3 entreprises (la carrière Maroncelli, les parpaings de chez Pradier et les enrobés du groupe Braja). Et pour économiser l’eau potable, il a aussi investi dans 35 bornes incendies sur 95 qui sont branchées sur le réseau du Rhône. 80 maisons en lotissement bénéficient du solaire et sont donc en auto-consommation électrique.

Louis Driey, maire inclassable ‘gaulliste écologiste’ de Vaucluse, a été l’un des premiers élus du département à ‘défier’ le Tribunal administratif en célébrant deux mariages homosexuels dès 2012 alors que cette union entre deux personnes du même sexe ne sera officielle qu’à partir de 2013. Crédit : DR

« Certains me traitent d’écologiste de droite, mais l’écologie n’est ni de droite, ni de gauche. »

« Certains me traitent d’écologiste de droite, mais l’écologie n’est ni de droite, ni de gauche. C’est une façon de se comporter pour respecter la planète que nous laisserons à nos enfants. »
Il ajoute « Je suis un maire au long cours, j’essaie de voir loin et de programmer les chantiers au fur et à mesure, après les jeunes, les séniors et les maisons de retraite. Nous avons aussi 3 salles des fêtes, dont celle qui porte le nom d’un enfant du pays, Jean-Louis Trintignant, né en 1930 au Domaine viticole de Beauchêne dont les parents étaient propriétaires. Quand je suis arrivé, les classes étaient installées dans des bungalows. Avec l’aide de l’ancien préfet, Pierre Mongin, nous avons créé une école en dur nous allons d’ailleurs l’agrandir. Nous avons aussi décidé de désimperméabiliser les cours de récréation des établissements scolaires. Nous avons décaissé le bitume, posé un sol drainant qui laisse passer l’eau de pluie et nous avons commandé 600 plantes, dont 23 arbres que nous planterons pendant les prochaines vacances scolaires de la Toussaint. Nous sommes aussi en train de poser des tuiles solaires sur le toit de certaines écoles. »

Le chantier de désimperméabilisation de l’école. Crédit : Piolenc/DR

Louis Driey est intarissable sur les chantiers qu’il a initiés pour améliorer la qualité de vie de ses concitoyens tout en minimisant les factures. « L’éclairage public se fait avec des LED, ça représente quand même 1 200 lampadaires. »
Le quartier ‘à énergie partagée’ du lotissement Clos Payan est dédié à l’autoconsommation de ses habitants. La Via Rhona est reliée à la Via Venaissia en plein centre-ville. Il y a aussi 6 hectares de terres agricoles bio, sans phosphate, ni potasse, ni pesticide offerts à de jeunes agriculteurs pour qu’ils s’installent et approvisionnent les cantines scolaires de l’intercommunalité Aygues-Ouvèze en Provence (Lagarde Paréol, Sainte-Cécile, Sérignan, Travaillan, Uchaux, Violès et bien sûr Piolenc). « S’il manque une infirmière ou un technicien, nous jonglons pour être en mode solution, nous mutualisons nos moyens. »

« Je souhaite que ce village reste attractif, à taille humaine. »

« Je souhaite que ce village reste attractif, à taille humaine, où il fait bon vivre. Sinon, au-delà de 6 000 habitants, il faudrait une autre station d’épuration et d’autres équipements. »
En attendant, lors du dernier Conseil Communautaire, fin septembre, a été évoqué un projet de zone d’activités de 25 hectares qui comprendrait un méthaniseur adossé à des industries de transformation alimentaire et des bâtiments de stockage. En tout, il impacterait une quarantaine d’hectares. Et c’est le président de la Chambre régionale d’agriculture qui est aussi à la tête de la Sonito (Société Nationale Interprofessionnelle de la TOmate), André Bernard qui le porte.
« Ce plan ‘TOMMATES’, explique Louis Driey, poursuit plusieurs objectifs, relancer la filière tomate d’industrie dans la Vallée du Rhône, diversifier la production agricole, produire une énergie renouvelable à partir de la biomasse et préserver les sols agricoles tout en optimisant la gestion de l’eau. A terme, il pourra apporter des revenus supplémentaires aux paysans et créer des emplois. »

Un dernier mandat avant de passer la main
Louis Driey qui en plus des trois salles de fêtes a aussi créé un centre culturel, aménagé un dojo, une bibliothèque, un stade multi-sports, un jardin d’enfants, une maison de retraite. Il a également rénové les 65km de voirie de la commune, remis en service la cloche de l’église qui était muette depuis 1794. Et malgré tous ces investissements, la dette est passée de 1209€ à 308€ et les impôts n’ont pas augmenté.
Ce n’est donc certainement pas un hasard sa commune a obtenu en 2018 ‘La Marianne d’Or’ du développement durable et la Victoire de l’Investissement local,
Comme ancien chef de chantier, il est vrai qu’il sait comment réduire les coûts des chantiers en coordonnant l’implantation des réseaux (voirie, fibre optique, EDF, GDF, eau potable).

Le village lors des inondations de 2003. Crédit : Piolenc/DR

Et comme il ne se représentera pas aux prochaines municipales en 2026, il compte se rapprocher des futurs candidats à sa succession pour leur expliquer comment fonctionnent les finances et les services de la mairie. D’ailleurs, il a déjà esquissé le futur Schéma Directeur avec la réhabilitation de l’église et la construction d’un gymnase. Dans cette commune qui a connu une inondation en 2003, il vient de faire réviser le Dicrim (Document d’information communal sur les risques majeurs), un document de 10 pages avec les préconisations des consignes en cas d’accident nucléaire, sécheresse, montée des eaux, feux ou séisme. Ainsi que tous les numéros d’urgence que l’on peut placarder sur le frigo.

En attendant à Piolenc, dont la devise est ‘Doux comme le miel et fort comme le lion’, et qui abrite le Musée de la Nationale 7, le Cirque du regretté Alexis Grüss, la capitale de l’ail… Louis Driey, en observateur du réchauffement climatique qu’il est, a également pensé à faire planter des pistachiers, des grenadiers et du yuzu qui sont peu gourmands en eau.

Andrée Brunetti

*Si Louis Driey est le maire le plus âgé en fonction dans le Vaucluse (il est né en 1942). En termes de mandat, il est cependant notamment devancé par Guy Moureau, maire d’Entraigues-sur-la-Sorgue à la tête de sa commune depuis 1984.

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