22 novembre 2024 |

Ecrit par le 22 novembre 2024

‘Voyage au pays du surtourisme’, le dernier livre des Editions de l’Aube implantées à La Tour d’Aigues

C’est le créateur de cette maison d’édition, le sociologue Jean Viard, qui depuis un demi-siècle scrute nos us et coutumes, décrypte et dissèque nos dérives, qui préface ce livre et propose sa « Politique du voyage – Une menace – Des solutions ». Il le fait en une trentaine de pages, en amont de l’étude de Linda Lainé, rédactrice-en-chef du magazine L’Echo touristique.

Il commence par une provocation : « Il n’y a pas assez de touristes », quand les Vauclusiens patientent derrière des mobil-homes qui roulent à 20km/h dans la montée du Ventoux ou quand ils font la queue pendant de longues minutes, à Avignon, sur les bords du Rhône, au feu tricolore qui permet d’accéder au parking du Palais des Papes mais ne laissent passer que trois voitures à la fois sous un soleil de plomb pendant le ‘In’ ou le ‘Off’.

Jean Viard, poursuit : « Un milliard de frères Terriens seulement, franchissent une frontière chaque année. Ils étaient 60 millions en 1968. Je rêve qu’ils deviennent 3 milliards. Cette ouverture peut sembler à contre-emploi, pourtant, avant de débattre des impacts écologiques, culturels et sociaux des voyages, il faut rappeler que le voyage, dans nos sociétés moderne est ce qui fait de nous des citoyens de France. Auparavant, les sociétés et les nations se réunissaient par mondes religieux ou par empires, et on pouvait vivre des siècles sans connaître l’existence de l’Amérique ou de l’Afrique. »

Il poursuit : « Le voyage, la découverte de l’autre, de la diversité des cultures et des écosystèmes, c’est ce qui nous intègre à la société et au monde. Or c’est parce qu’on fera humanité commune qu’on gagnera la guerre climatique ». Il revient sur l’épisode pandémie de 2019. « 5 milliards d’hommes se sont battus ensemble pour vaincre le Covid. Chacun a modifié son comportement, moins voyagé, réorganisé des circuits économiques et on a pris conscience qu’on pouvait ensemble gagner une bataille planétaire. »

Parmi les conséquences du confinement, il cite quelques exemples : « On a enlevé un milliard d’enfants des écoles, 48% des Américains ont quitté leur emploi, 10% des Chinois ont divorcé, en France un million de couples se sont séparés, 25% des salariés sont passés ou télé-travail. D’innombrables urbains ont quitté la ville ou séjournent plus longtemps dans leur résidence secondaire et les Airbnb. » Bref, la pandémie a modifié notre regard, notre vie, notre façon de considérer le monde, la société a évolué.

Plus de tourisme mais moins de surtourisme

C’est à ce momen-là que Jean Viard explique sa démonstration , en soupesant le pourcentage entre risques et bénéfices. « Il nous faut plus de touristes si on veut créer une société unie, rassembler les groupes différents (d’origine, de culture, de revenus, de régions), il faut aider ceux qui ne peuvent pas partir en vacances. Or, 30 à 40% des Français ne voyagent pas, surtout les jeunes des ‘quartiers’  qui vivent cette astreinte à résidence comme une exclusion des valeurs communes ».

Mais pour éviter le surtourisme, la foule et les embouteillages quand on va à St-Tropez le matin et qu’on quitte la Madrague, le Musée de la Gendarmerie cher à Louis de Funès ou la Place des Lices dans la soirée, il faut ré-gu-ler, martèle-t-il. « Il faut diviser les flux par le numérique comme dans les Calanques où on retient son entrée sur internet pour visiter Sugiton à Marseille ou Sormiou à Cassis. Avant, 2 000 touristes venaient piétiner la flore chaque jour pour contempler l’imposant Cap Canaille, un massacre pour l’écosystème. Quel est le charme? On a limité à 400 personnes. Les gens sont heureux d’avoir accès gratuitement à un luxe et apprécier d’être peu nombreux à cet endroit de rêve. » Il faut étaler les vacances dans l’année, sur les quatre saisons.

« Le travail des professionnels du tourisme, c’est d’enrichir en culture, de créer la possibilité de rencontres avec l’art, la musique.  Amener la culture dans des lieux de pratique populaire est un enjeu majeur. Les 7 millions de Français qui assistent aux festivals l’été ne sont pas toujours des gens qui vont au spectacle pendant l’année. » Non sans humour, Jean Viard cite un de ses confrères, Jean-Didier Urbain, le sociologue spécialiste du tourisme : « Il y a deux endroits de grande densité sur la planète : les cimetières et les plages. »

Dans sa préface, Jean Viard conclut : « La question qui nous est posée  aujourd’hui est celle de notre capacité à construire un commun suffisamment fort pour gagner la bataille du bas carbone de l’industrie du vivant et de l’économie de la réutilisation. Un tourisme à réguler mais à protéger dans une civilisation du voyage et de la découverte. »

Un tourisme plus raisonné

C’est alors que Linda Lainé entame sa démonstration : « Ils ont longtemps été désirés et choyés pour la manne qu’ils représentent, mais les touristes en rangs trop serrés ne sont plus accueillis à bras ouverts. Venise, New-York, Barcelone ou Dubrovnik s’interrogent et règlementent. Les populations locales se sentent asphyxiées. »

Alors que le 80ème Anniversaire du Débarquement de 1944 en Normandie, Le Tour de France cycliste, les Jeux Olympiques et Paralympiques et les festivals sont des temps forts du tourisme cet été, que la France va attirer plus de 100 millions de visiteurs, le Vaucluse plus de 4 millions, la rédactrice-en-chef de L’Echo touristique, Linda Lainé, recommande d’être des « voyage-acteurs ». De participer à la préservation de l’environnement, à l’amélioration de la vie locale, à des années-lumière du tourisme prédateur. Quant à un tourisme « réparateur » laissant le lieu visité dans un meilleur état qu’à son arrivée, il pourrait prendre racine à son tour. « Nous avons tant de plaies à soigner sur notre splendide planète. Voyageons en pleine conscience. »

Voyage au pays du surtourisme – Editions de l’Aube – 17€
331 Rue Amédée Giniès. La Tour d’Aigues. 04 90 07 46 60.


‘Voyage au pays du surtourisme’, le dernier livre des Editions de l’Aube implantées à La Tour d’Aigues

C’est le titre du dernier livre de Jean Viard (sociologue, directeur de recherche et fondateur des Editions de l’Aube à La Tour d’Aigues) et David Médioni (directeur de l’Observatoire des médias de la Fondation Jean Jaurès).

« La pandémie nous a enfermés chez nous, allions-nous encore parler de sur-tourisme, de pollution aérienne, de voyages, de théâtre et de festivals ? » demande en 4e de couverture du livre Jean Blaise, directeur du ‘Voyage à Nantes’, l’Office du Tourisme de Loire Atlantique qui a précisément organisé en septembre 2021 un Colloque sur ‘Le tourisme du futur’.
Cet opus de 167 pages reprend les thèmes abordés par les professionnels et observateurs du tourisme. En préambule, Jean Viard écrit : « Un jour, tout s’est arrêté. Avions, trains, voitures, spectacles, bars, restaurants, chacun s’est enfermé chez lui ». Alors que depuis des décennies, notamment les premiers congés octroyés aux salariés par le Front Populaire en 1936, se sont succédés « le tourisme social, les parcs, les réserves naturelles, les plages du Languedoc, les maisons de la culture ». Mais au printemps 2020, au lendemain du 1er tour des municipales, le 16 mars, le confinement nous a assignés à domicile. C’est à ce moment-là que l’économie du loisir s’est révélée indispensable pour faire société, le week-end ou pendant les vacances. « Peu à peu nous avons compris que nous étions comme revenus à l’année zéro de la société des loisirs et du tourisme » enchaîne le sociologue.

23 millions de touristes en Paca
A quoi ressemblera le tourisme du futur? Le Covid a conduit 1,5 milliard de touristes à rester cloîtrés ce qui nous amène à réfléchir, mais auparavant déjà, quelques signaux avaient clignoté et auraient pu nous alerter, l’aspiration à un tourisme de proximité, en diminuant l’usage à l’avion (avec le mouvement suédois ‘Flygskam’ ou sentiment de honte à cause de la pollution induite), la pénétration des cars de tourisme au coeur des centres historiques ou en interdisant les imposants navires de croisière dans la Lagune à Venise.

Le tourisme représente quand même 10% du PIB (Produit intérieur brut) et 2 millions d’emplois. La France attirait avant la pandémie 86 millions de touriste, la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur 23 millions, qui pèsent dans l’économie. 2020 a donné un coup d’arrêt à ces retombées dans le monde entier avec, d’après David Medioni, 4 000 milliards de cash évaporés. Il faut donc repenser le tourisme, le répartir sur les 4 saisons et pas seulement pendant l’été et les vacances scolaires, peut-être en limitant le nombre de visiteurs, comme c’est le cas en ce moment pour la Calanque de Sugiton, entre Marseille et Cassis pour protéger la végétation, la qualité de l’environnement en évitant le piétinement et l’érosion des chemins.

Des endroits jadis confidentiels sont devenus des lieux de convoitise
Entre les billets low-cost et le numérique le tourisme a changé, selon les auteurs du livre : « 80% des Français qui voyagent préparent leur séjour en ligne, s’immergent en amont dans les musées et les monuments du patrimoine grâce au système de réalité augmentée » comme c’est le cas pour la visite du Palais des Papes avec Histopad. Mais, à contrario, cette visite virtuelle peut provoquer des excès, dénoncent-ils, « La glamourisation des paysages sur Instagram entraîne la création d’une image forte et puissante et des endroits jadis confidentiels qui sont devenus des lieux de convoitise forte où certains viennent seulement prendre une photo, la poster et dire ‘J’y étais’.Et en étant exagérément retouchés, ces lieux sont rendus tellement désirables qu’ils en deviennent ensuite inaccessibles ».

Responsabiliser les touristes
La solution serait-elle alors de responsabiliser le touriste ? De lui faire signer une Charte de bonne conduite? Jean Blaise, directeur de ‘Le voyage à Nantes’ suggère que « Le voyage à nouveau remplace le tourisme », c’est à dire « Une approche intelligente, active de l’offre, alors que le mot tourisme implique de masse’,comportements suivistes et déplacements absurdes. Et il pose avec humour une question pour conclure : « Décidons-nous d’attendre l’avion électrique et le paquebot à voiles pour le grand public d’ici 15 ans avant de renouer avec le grand international ? Réfléchissons ensemble… »

L’an zéro du tourisme. Jean Viard – David Médioni aux Editions de l’Aube (04 90 07 46 60)

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