21 novembre 2024 |

Ecrit par le 21 novembre 2024

De Gisèle Halimi à Gisèle Pelicot : 50 ans après, même combat

« Faut-il y être ? Pourquoi y aller ? Informations ? Voyeurisme ? Soutien ? La question s’est posée pour beaucoup d’entre nous qui nous rendons aux audiences. » Retour sur ce procès hors-normes avec Michèle Périn, correspondante de L’Echo du mardi et militante féministe locale engagée.

Femmes, hommes, jeunes, vieux, étudiants en droit ou en journalisme, de tous les milieux sociaux : tous les jours depuis le 2 septembre – date d’ouverture du procès au Palais de justice d’Avignon – la queue se forme dès 7h du matin pour pouvoir entrer dans la petite salle d’audience qui ne peut accueillir malheureusement qu’une soixantaine de personnes. Un temps d’attente de plus d’une heure avant l’ouverture des portes où les langues se délient : « on est là pour soutenir Gisèle », «  je suis là car je fais des études de droit », «  je veux comprendre », «  le débat m’intéresse » «  ça me touche dans mon histoire personnelle » …..

Voyeurisme ? Non ce n’est pas du voyeurisme que d’assister à ce procès
Au sens strict du terme ‘le voyeur’ n’interagit pas directement avec son sujet, celui-ci ignorant souvent qu’il est observé. Or Gisèle Pelicot elle-même a demandé un procès public. Il serait difficile à admettre d’être accusé de voyeurisme en assistant au procès, c’est-à-dire d’être accusé du même délit pour lequel a été arrêté son ex-mari Dominique Pelicot dans un premier temps- avoir filmé une femme à son insu dans une cabine d’essayage du centre commercial Leclerc de Carpentras – ce qui a été à l’origine de l’ enquête et de la découverte des viols subis par Gisèle Pelicot par 50 hommes (identifiés) à son insu et organisés par son mari Dominique Pelicot pendant près de 10 ans. Ce que l’on appelle communément dans la presse -à tort- les viols de Mazan.

« Il n’y a pas de jury populaire. »

Cour d’assise ? Ce n’est pas une cour d’assise
Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce n’est pas une cour d’assise qui juge mais une cour criminelle. La différence ? Il n’y a pas de jury populaire. La cour criminelle, qui a été généralisée sur tout le territoire français depuis janvier 2023 est composée uniquement de magistrats professionnels, sans jury populaire. Pas d’effets de manches, « d’objections votre honneur ! » à la mode série américaines, il ne s’agit pas de convaincre un jury populaire. Moins de passion peut-être mais tout autant d’émotions. D’où l’intérêt de rendre ce procès public et d’y assister en tant que citoyens et citoyennes.

Gisèle Pelicot, un courage qui force le respect
« Il faut que la honte change de camp » a-t-elle dit dès le début, en refusant le huis clos et en demandant que les vidéos de ses viols soient montrées. Elle prouve sa détermination en traversant le hall du Palais de justice d’Avignon 4 fois par jour (les audiences s’arrêtent entre midi et deux) dignement. Et nous, nous sommes là pour la soutenir quatre fois par jour en l’applaudissant. Elle nous répond par un hochement de tête, humblement, la main sur le cœur. Quand elle en a la force, elle s’adresse aussi à nous pour nous remercier d’être là.

« Les silences prennent alors toute leur importance. »

Voir ? Non surtout entendre au-delà de l’entendement
Nous sommes, nous le public, dans la salle de retransmission et nous avons face à nous un écran avec une image filmée par une caméra fixe (nous ne sommes pas au cinéma !) donc nous voyons uniquement ce qui est cadré par un plan fixe serré, c’est-à-dire face à nous le président et les magistrats, et les accusés ou témoins de dos qui viennent à la barre pour déposer. Nous voyons et entendons les questions posées par le Président ou les avocats mais nous ne voyons pas toujours les réponses, nous les entendons, Est ce gênant ? Non, les mots et les silences prennent alors toute leur importance et les réponses glaçantes des accusés, leurs dénis achèvent de nous convaincre de l’horreur des faits. Entendre au-delà de l’entendement comment ces hommes ont pu en arriver là.

« C’est le procès des violences faites aux femmes. »

Procès de Mazan ? Ce n’est pas le procès de Mazan
Effectivement c’est un raccourci qui donnerait à penser que tous les accusés sont de Mazan, que ‘l’affaire’ est circonscrite à un territoire. Il faut dire les choses : c’est le procès de plus de 50 hommes, venant de toutes origines. Ils ont un nom, la victime a un nom et les faits doivent être nommés : viol. C’est le procès des violences faites aux femmes, le procès du patriarcat mais dire le procès de Mazan serait réducteur et un affront pour toutes les femmes victimes.

Fait divers ? Ce n’est pas un fait divers
Tant que l’on traitera le viol comme un fait divers parmi d’autres, un délit et non un crime c’est-à-dire un ‘événement tragique’ subi par un individu on s’interdit de le penser en fait de société. La presse nationale et internationale s’est emparée du procès Pelicot pour un procès hors norme (il est rare d’avoir des preuves de viol et d’avoir plus de 50 accusés à la barre en même temps pour une même victime) mais il ne devient pas encore un fait de société ou un fait politique. Peu de réactions politiques, syndicales, à part quelques associations, initiatives féministes ou prises de paroles individuelles publiques. Il reste cependant encore 2 mois d’audiences- le procès devant se terminer le 20 décembre – pour qu’il le devienne pleinement. Et que les questions qu’il soulève trouvent des réponses législatives et juridiques et contribuent à changer les mentalités.

« Trouver des réponses législatives et juridiques qui contribuent à changer les mentalités. »

Un débat qui commence enfin…
Le combat de Gisèle Pelicot dépasse désormais son cas personnel et à travers ce procès hors norme et historique la question du consentement, du patriarcat, de la soumission chimique, du fantasme de la femme-morte, du tabou du viol conjugal commence enfin à émerger dans les sphères familiales et dans le débat public.
La publicité des débats, le refus du huis clos et notre présence aux audiences se justifient alors pleinement.


De Gisèle Halimi à Gisèle Pelicot : 50 ans après, même combat

Ce samedi 3 et ce dimanche 4 juin, la compagnie des évadés présentera au Théâtre de l’étincelle ‘Les filles aux mains jaunes’, une pièce de Michel Bellier.

La pièce met en scène quatre femmes : Jeanne, Julie, Rose et Louise, qui travaillent au sein d’une usine d’armement pendant la ‘Grande Guerre 1914-1918’. Elle propose de vous immerger dans leurs combats, leurs espoirs, leur amitié… La présence de Louise, journaliste militante au journal ‘La voix des Femmes’ chez les suffragistes, va offrir à chacune d’entre elles une nouvelle vision de la femme. Elles vont s’unir et s’engager dans un combat pour l’égalité !

« Cette pièce renvoie à l’évolution des femmes dans la société, dans le travail, au droit de cesser le travail pour exprimer leur colère devant les injustices, les mensonges de l’État. Elles vont prendre conscience qu’elles sont sacrifiées sur l’autel de la patrie, elles et leurs enfants. La guerre, c’est comme si elles y étaient, elles prennent des risques que personne ne prend et connaissent des choses que personne ne devrait connaître. Certaines vont perdre leur mari, leurs fils, et leur amitié sera le ciment leur permettant de tenir devant le malheur. L’espoir est malgré tout le fil conducteur de cette pièce. L’union de ces femmes est une force sans nom. Elles sont la cheville ouvrière et l’avenir de leur pays ».

Samedi 3 juin à 20h. Dimanche 4 juin à 18h. Durée : 1h20. Tarifs : Normal 12€ / Réduit pour les adhérents 10€ / Groupes ou enfants 8€. Théâtre de l’étincelle. Place des études. Avignon. Réservation et renseignements au 04 90 85 43 91 ou à ce mail : latarasque84@orange.fr

J.G.


De Gisèle Halimi à Gisèle Pelicot : 50 ans après, même combat

Selon le rapport « Women, Business and the Law 2023 » publié par la Banque mondiale, il n’y a que 14 pays dans le monde qui assurent une protection juridique complète aux femmes. La Belgique, le Canada, le Danemark, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Islande, la Lettonie, le Luxembourg, le Portugal et la Suède, ainsi que l’Allemagne et les Pays-Bas, figurent parmi les pays qui offrent une égalité totale entre les hommes et les femmes, du moins d’un point de vue juridique.

Cette année, l’Allemagne et les Pays-Bas ont été les nouveaux venus parmi les pays notés sur 100. Dans ces deux pays, les droits au congé parental ont été alignés entre les sexes.

99 des 190 pays et territoires évalués ont obtenu un score de 80 % ou plus, contre 98 en 2022 et 94 en 2021. L’Arabie saoudite, qui occupait la dernière place en 2019, a amélioré son score après avoir introduit de nouvelles lois dans le pays et se classe désormais 136e avec 71,3 %. La dernière place du classement 2023 est occupée par la Cisjordanie et la bande de Gaza (26,3 %) – après le Yémen (26,9 %), le Soudan (29,4 %) et le Qatar (29,4 %).

De Claire Villiers pour Statista

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