22 novembre 2024 |

Ecrit par le 22 novembre 2024

Lire sur la Sorgue, William Marx a retrouvé des inédits de Paul Valéry et nous donne rendez-vous ce samedi pour les découvrir

William Marx interviendra samedi 20 mai à 17h à l’Art Gallery, à l’Isle-sur-la-Sorgue sur le thème Littérature et philosophie. Il nous contera comment il a retrouvé des textes inédits de Paul Valéry (1871-1945). Lors de la conférence, donnée à l’occasion de Lire sur la Sorgue, William Marx interviendra aux côtés de Mazarine Pingeot.  Il y présentera les ‘Cours de poétique de Paul Valéry, tomes 1 et 2 chez Gallimard tandis que Mazarine Pingeot présentera ‘Et la mort continue’ collection Disputatio aux éditions Mialet-Barrault.

Vous venez présenter à Lire sur la Sorgue les deux volumes de Cours de poétique de Paul Valéry parus dans la bibliothèque des idées chez Galimard. L’ouvrage prend sa source au gré d’un travail documentaire et d’analyse de trois ans qui fait écho à une surprise d’envergure avec la mise au jour d’inédits du poète-auteur-philosophe.

Une entrée au Collège de France et un héritage à transmettre
Professeur au collège de France –tout comme vous qui y occupez la chaire de littératures comparées depuis 2019- Paul Valéry occupe la chaire de poétique de 1937 à 1945. Vous collectez une partie des feuillets et annotations ainsi que les transcriptions de la 1re et la dernière année de ses cours, soit plus de 2 500 feuillets analysés, qui dormaient depuis 50 ans à la bibliothèque de France.

Les inédits trouvés dans la bibliothèque littéraire de Jacques Doucet
Alors que vous êtes sur le point de remettre l’ouvrage aux éditons Gallimard, un doctorant évoque la bibliothèque littéraire de Jacques Doucet. Vous connaissez bien ce fonds et en avez feuilleté le catalogue électronique, sans rien n’y repérer, lorsque l’étudiant vous signale que celui-ci est très incomplet et recèle, en fait, des écrits inédits référencés dans le catalogue manuscrit, sur le sujet qui vous intéresse ‘la poétique’. Là gisent les 16 retranscriptions des dernières leçons données par Paul Valéry au Collège de France en 1945.

Paul Valéry DR

En remontant cette nouvelle piste
vous vous rendez compte que la correspondance entre le secrétaire de Paul Valéry et Gallimard fait également état d’un fonds d’archives chez ce même éditeur, pour lequel, d’ailleurs, vous êtes en train de finaliser l’ouvrage et dont certains éléments, mal référencés ont échappé à la vigilance de l’archiviste. Ce sont 12 nouveaux feuillets donnés la première année par Paul Valéry que vous découvrez avec stupeur –vous pensiez clore votre travail- et plaisir jubilatoire.

Finalement, vous retrouvez 28 leçons inédites
Deux volumes seront donc nécessaires aux ‘Cours de poétique, tome 1 Le corps et l’esprit (1937-1945) et Cours de poétique, tome II, le langage, la société, l’histoire de (1940 à 1945), les deux tomes étant parus le 5 janvier 2023, pour intégrer vos nouvelles trouvailles -400 à 500 pages dactylographiées- et, enfin, nourrir deux ouvrages de références sur Paul Valéry. ‘Un authentique monument de la pensée pour le 20e et 21e siècle’ dites-vous.

Des cours oui mais de poétique ? Pas si sûr !
Et puis, si vous évoquez tout comme le poète et auteur Paul Valéry, le terme de Cours de poétique, c’est d’autre chose dont il est véritablement question même si la poétique fait partie des deux ouvrages, le véritable sujet n’est pas la poésie mais la connaissance de soi. Car toute sa vie, Paul Valéry se sera observé pour mieux se connaître et appréhender le monde avec la vision la plus claire possible et surtout la conscience la plus fine.

Le véritable axe de travail de Paul Valéry
Nous découvrons la recherche existentielle de Paul Valéry, le véritable axe de recherche depuis ses 20 ans. Car oui, au gré de son travail de poète, il développe une pensée philosophique sur le fonctionnement de l’esprit, le rapport de l’esprit avec le corps et avec le monde. Paul Valéry a su s’observer, prendre de la distance avec lui-même, alors qu’il est en train de travailler, d’écrire. D’ailleurs, à l’orée de ses 50 ans, il reprend son travail de poésie : ‘La jeune Parque’, ‘Le cimetière marin’, ‘Le recueil Charme’… Il explique ‘qu’Ecrire une œuvre c’est transformer une matière pour transformer quelqu’un’. Vous, vous irez plus loin en complétant : ‘tandis que l’œuvre transforme le lecteur qui, pour y avoir accès, doit fournir un effort’. Ainsi, au cœur de son œuvre réside l’exigence intellectuelle.

L’observation de soi au travail
Le poète travaille à partir de l’ensemble des données qui lui viennent : sa sensibilité, la mémoire, les émotions, des idées, pour mettre tout cela, prioritairement, en langage, comme un sculpteur, un ingénieur. Il faut alors donner la confiance aux mots pour qu’ils portent l’initiative. Mais il va au-delà de l’anthropologie de la pensée en observant comment la société travaille, en étudiant le pouvoir du langage, comment faire pour que les paroles comptent. Il s’adresse, ainsi, à l’ensemble de l’humanité.

Paul Valéry est un méta écrivain
Il est celui que les écrivains lisent parce qu’il leur apprend à s’améliorer. Egalement, les scientifiques retrouvent Chez Paul Valéry des intuitions confirmées par les avancées de la science comme Jean-Pierre Changeux neurobiologiste, le plus grand neuroscientifique français et Olivier Oudé psychologue expérimental. Ce que porte Paul Valéry ? Un niveau d’exigence intellectuel, de rapport à la vérité et de confiance en la science, n’oublions pas qu’il était un grand ami d’Albert Einstein.

Le programme de Lire sur la sorgue ici

William Marx
Né à Villeneuve-lès-Avignon en 1966, William Marx fait ses études à Marseille au lycée Thiers avant d’intégrer l’École normale supérieure en 1986. Reçu premier à l’agrégation de lettres classiques en 1989, il soutient sa thèse de doctorat en 2000 à l’université Paris-Sorbonne et son habilitation à diriger des recherches en 2005 à l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis. Il enseigne aux États-Unis et au Japon ainsi que dans plusieurs universités françaises avant d’être élu en 2019 professeur au Collège de France sur la chaire Littératures comparées.

Membre de l’Academia Europaea,
lauréat de l’Académie française (prix Montyon en 2010), membre honoraire de l’Institut universitaire de France, ancien fellow de l’Institut d’études avancées de Berlin, titulaire de la chaire International Francqui Professor, régulièrement invité dans les universités étrangères, éditeur des œuvres de Paul Valéry et T. S. Eliot, il travaille sur l’évolution, dans la longue durée, des systèmes esthétiques et du statut de la littérature depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours et sur leur variation selon les cultures, avec des recherches portant entre autres sur la tragédie grecque et sur le nô japonais comme sur le modernisme européen. Parmi ses ouvrages, parus pour la plupart aux Éditions de Minuit et traduits en une dizaine de langues, figurent Naissance de la critique moderne (2002), Les Arrière-gardes au XXe siècle (2004), L’Adieu à la littérature (2005), Vie du lettré (2009), Le Tombeau d’Œdipe (2012), La Haine de la littérature (2015), Un savoir gai (2018), Vivre dans la bibliothèque du monde (2020) et Des étoiles nouvelles (2021) et les deux volumes de Cours de poétique volumes 1 et 2 de Paul Valéry parus dans la bibliothèque des idées chez Galimard.

Le collège de France
Le Collège de France promeut et enseigne la recherche en train de se faire dans les sciences, les lettres et les arts. Cours, séminaires et colloques sont ouverts à tous et gratuits. En savoir plus ici.

L’interview

Quand et comment avez-vous rencontré la littérature ?
«Mon grand-père maternel, Jean Marx qui était médecin à Avignon, et son cabinet se situait en face du nouveau Conservatoire de musique. Il était aussi musicien et poète à ses heures perdues dans sa demeure de Villeneuve-lès-Avignon. Ainsi, j’ai toujours été entouré de livres. De plus, j’avais bourse ouverte auprès de mes parents lorsqu’il s’agissait d’acheter des livres. J’habitais à la Cité radieuse à Marseille et allais tous les samedis à la librairie, mais je n’avais personne pour me conseiller d’acheter des livres. A 10 ans, j’ai commencé à lire le Discours de la méthode de Descartes, le Banquet de Platon. Je ne suis pas sûr d’avoir vraiment saisi de quoi il retournait… Aussi les traductions d’Horace le poète latin. Et puis, à un moment, mon voisin qui était professeur de lettres, également mon professeur de grec et aussi le père d’une de mes copines d’école, m’a orienté. C’était un environnement favorable, car nous étions poussés à lire et j’ai lu, tout de suite, de la grande littérature.»

Pourquoi vous être intéressé à Paul Valéry ?
«C’est aussi une histoire d’adolescence. J’avais ma propre radio dans ma chambre et j’écoutais France culture. J’ai possiblement abordé Paul Valéry par une ‘dramatique’ car l’auteur avait écrit des dialogues inspirés de Platon et Socrate dans une mise en onde –magistralement interprétée par la Comédie française- d’Eupalinos ou l’architecte’, l’un des plus beaux textes de Paul Valéry. Il est d’une poésie folle, d’une profondeur de pensée… J’étais à l’âge de 9 ou 10 ans passionnément intéressé par l’antiquité classique. C’est donc par là que je suis ‘entré’ dans l’oeuvre de Paul Valéry.»

Quels sont les écrits qui vous ont le plus marqué, inspiré, bouleversé chez lui et pourquoi ?
«J’ai lu ‘la soirée avec monsieur Teste’, un texte étonnant, très court mais d’un esprit plongeant en lui-même. J’étais un enfant introverti et donc fasciné par cette puissance de la langue et de la pensée. Paul Valéry est pour moi un amour d’adolescence qui est resté. Sa poésie, évidemment avec ‘Charme’, ‘La jeune Parque’. Ce qui me frappe c’est l’intelligence absolue de cet auteur, de cet écrivain. Il était considéré, par tous les gens qui l’ont fréquenté, comme un homme hors du commun avec une capacité de se regarder par lui-même et à théoriser tout ce qui était autour de lui. Personne ne l’avait fait avant et de cette manière : Pouvoir formuler en termes exacts et très précis des pensées très complexes. Aujourd’hui les hommes politiques, les penseurs continuent de puiser des citations dans les écrits de Paul Valéry, parce que ces citations nous portent, nous font penser encore maintenant.»

Monsieur Teste

Si vous n’aviez été ni professeur, ni auteur, qu’auriez-vous aimé être ?
«J’ai longtemps voulu ‘faire’ des neurosciences, travailler sur le cerveau. J’avais un oncle psychiatre et psychanalyste. Je n’aurais pas voulu être psychanalyste mais travailler sur le cerveau m’aurait bien plu. J’ai la chance, au Collège de France, de pouvoir fréquenter des collègues qui éclairent sur cette matière comme Jean-Pierre Changeux avec lequel j’animerai un colloque en juin.»

Quelles sont les personnalités qui vous touchent le plus et pourquoi ?
«Les compositeurs de musique et les écrivains comme Orhan Pamuk que j’accueille au Collège de France, prix Nobel de littérature, un des plus grands romanciers vivants et aussi Philippe Sollers qui vient de nous quitter. Tous les écrivains que je connais ont une connaissance de la littérature de l’intérieur, du fonctionnement des choses. Il n’y a pas de grand écrivain qui ne soit en même temps un penseur et un lecteur de la littérature. Ils ont à apporter des choses aux autres, aux savants des lettres. Les discussions avec eux sont tout à fait fascinantes.»

Côté musique ?
«J’ai deux amours dans la vie : la littérature et la musique classique. Un jour j’aimerais écrire sur Schubert, mon compositeur préféré avec Bach et la musique française avec De Bussy et Ravel. Schubert est mort à 30 ans, en laissant une œuvre extraordinaire écrite la dernière année de sa vie. Qu’est-ce qu’il aurait encore pu écrire s’il était resté ?»

Schubert

Quelle analyse faites-vous de la littérature d’aujourd’hui ? Comment percevez vous les lecteurs ?
«Ce qui m’inquiète ? Les jeunes lisent de moins en moins. Il y a un véritable enjeu à faire redécouvrir l’effort de la lecture. C’est vrai qu’il y a beaucoup de concurrence avec les écrans, les video-games, les réseaux sociaux, les séries télévisées qui happent même mes collègues universitaires. Ces séries sont addictives pour tout le monde. J’ai trouvé cela passionnant, mais j’ai arrêté car si je les regarde, je ne lis plus. Que peut faire la littérature face à cette énorme attraction ? Comment faire comprendre à la jeunesse que lire en soi c’est absorber pour former ses propres images ? C’est ne pas être passif. La lecture c’est poursuivre un effort. Nous sommes dans un monde qui adore les sportifs –les footballeurs- mais pourtant, je vois les jeunes en trottinette électrique… »

Pourquoi arrêter l’effort ?
« Car c’est la même chose pour le corps et l’esprit. Nous sommes là pour entraîner notre esprit. Paul Valéry voyait déjà dans les années 1920, 1930, notre esprit accaparé par tous les moyens de communication comme le cinéma et la radio et déjà, s’inquiétait du futur de la littérature. La littérature est un sport intellectuel, un outil de développement personnel qui nous maintient en vie. Qui nous octroie une capacité de penser, d’imaginer, de verbaliser. En même temps je suis fasciné par les réseaux sociaux. Les influenceuses, les jeunes-filles dans les banlieues, les femmes qui décrivent leur vie, avec leurs mots. Elles n’ont pas accès à l’édition et, pourtant, sont lues par des milliers de personnes. Ces productions de la jeunesse existent. Il faut tirer parti de cela, mais rien ne remplacera le contact direct d’une personne avec un texte sur du papier.»

Le héros d’aujourd’hui ?
« Volodymyr Zelensky. Le parcours de cet homme est sidérant. J’ai une immense admiration pour lui. Je ne pense pas être le seul à le penser. Nous sommes tous touchés par ce qui se passe en Ukraine. Cet acteur dont Poutine ne donnait pas cher, et qu’il pensait être un simple clown, gère son pays avec un sens de la communication incroyable. Il n’avait pas un parcours tracé d’avance. La chaîne télévisuelle Arte a diffusé des épisodes de sa série ‘Serviteur du peuple’. Je l’ai regardée. »

Qu’est-ce que vous aimez le plus dans notre monde, ce qui vous effraie aussi ?
«Ce que j’aime le plus au monde ? C’est de vivre, exister. Ce qui m’angoisse ?  Le changement climatique mais ce qui m’inquiète le plus c’est la folie humaine. C’est Poutine qui attaque l’Ukraine sans aucune obligation. Toute notre attention… Beaucoup d’argent est focalisé sur l’armement alors que nous aurions beaucoup d’autres choses à faire pour sauver la planète. Je trouve cette situation monstrueuse et criminelle. Ces grands criminels à la tête des états, c’est monstrueux. »

Volodymyr Zelensky

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