22 juillet 2024 |

Ecrit par le 22 juillet 2024

Générosité publique : davantage de transparence dans l’emploi des fonds

Le dynamisme de l’action caritative repose sur la confiance accordée à des organismes qui promettent d’agir conformément à leurs messages et aux souhaits des donateurs. La Cour des comptes contribue à cette confiance en contrôlant la conformité de l’emploi des dons aux missions sociales des organismes. Retour sur les derniers contrôles de la Cour.

Le rapport publié le 19 mars 2024 par la Cour rend compte du contrôle des entités qui font appel à la générosité publique ou qui reçoivent des dons ouvrant droit à un avantage fiscal.

À l’occasion de son contrôle, la Cour formule des recommandations afin d’aider les organismes à améliorer l’information des donateurs et la transparence de l’emploi des fonds. Dans son rapport, la Cour appelle à :

  • clarifier la multitude de dispositifs juridiques qui favorise certains usages discutables ;
  • encadrer les nouveaux modes de collecte (cagnottes en ligne, par exemple), la politique des réserves financières, la conservation des données personnelles et le financement des établissements sociaux et médicosociaux par la générosité publique ;
  • remanier le régime de sanction, inapproprié et peu mobilisé.

Le contrôle des organismes caritatifs

Le contrôle de la Cour se fonde principalement sur le fait que les donateurs bénéficient d’un avantage fiscal. Celui-ci implique un renoncement de perception de l’impôt par l’État qui ne peut se justifier que par la réalité d’actions au bénéfice de l’intérêt général. La Cour s’assure de la légitimité de cet avantage.

Le cadre législatif de la philanthropie s’est renforcé en 30 ans, élargissant le champ du contrôle de la Cour. Depuis 2010, elle peut déclarer l’emploi des fonds non conforme aux objectifs de l’appel à dons ou de l’entité. Celle-ci peut alors voir son avantage fiscal suspendu par le ministre chargé du budget.

Le contrôle de la Cour, fondé sur le compte d’emploi des ressources (CER), examine la réalité du fonctionnement de l’organisme et des actions menées. Il est axé sur :

  • le respect de la volonté des donateurs dans l’utilisation des fonds ;
  • la qualité de l’information du donateur ;
  • la gouvernance de l’entité, les procédures et le contrôle internes.

Le secteur philanthropique en France

La Cour des comptes révèle qu’en 2021 :

  • 4,8 millions de foyers fiscaux (soit 12% de l’ensemble des foyers fiscaux) ont déclaré au moins un don lors de leur déclaration annuelle de revenus, pour un total de 2,8 milliards d’euros de dons ;
  • le montant des dons déclarés par les entreprises au titre du mécénat s’élève à 2,2 milliards d’euros, dont 54% proviennent d’entreprises de plus de 5 000 salariés.

Les organismes bénéficiaires soutiennent des causes diverses (recherche médicale, solidarité internationale, défense des droits, protection de l’environnement, lutte contre la pauvreté, cause animale…). De nombreux dispositifs juridiques peuvent recevoir des fonds issus de la générosité publique, dont les fonds de dotation et les fondations, qui sont en plein essor.

La loi du 7 août 1991 impose aux organismes faisant appel à la générosité publique d’effectuer une déclaration en préfecture et d’établir un compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès du public. Le compte d’emploi des ressources (CER) précise notamment l’affectation des dons par type de dépenses.


Générosité publique : davantage de transparence dans l’emploi des fonds

« La crise sanitaire, économique et sociale que nous traversons bouleverse la situation et les perspectives des finances publiques ». Celui qui le dit, c’est Pierre Moscovici qui porte un projet de modernisation de la justice financière susceptible de changer notablement le fonctionnement des Chambres régionales des Comptes.

La Cour des comptes bénéficie d’une bonne image auprès de sept français sur dix. « Ce capital doit être valorisé, transformé, modernisé. Je reprends l’idée de Philippe Seguin qui avait voulu changer la gouvernance de la Cour », susurre Pierre Moscovici, l’air de dire que l’institution a déjà trop tardé à se réformer.
Dès son arrivée en juin 2020, le nouveau premier président de la Cour des comptes a donc mis en route une ‘réflexion stratégique’ sur l’avenir des juridictions financières : Cour des comptes, Chambres régionales et territoriales (CRTC), Cour de discipline budgétaire et financière.
Intitulé ‘JF 2025’, ce projet a fait l’objet d’une consultation interne approfondie à laquelle une large majorité a répondu. Non sans exprimer un certain malaise. Si 46% des magistrats et des contrôleurs jugent que la Cour aide bien le Gouvernement pour évaluer les politiques publiques, 42% pensent le contraire ; tandis que 44% considèrent que la programmation des travaux des juridictions n’est pas pertinente.

Des enquêtes ‘flash’ pour exister dans le débat public
« Quinze à dix-sept mois pour sortir un rapport, c’est trop long. Il faut être en prise avec l’actualité, en direct avec les attentes des citoyens qui veulent avant tout savoir combien ça coûte. Nous avons changé d’époque et nous devons nous adapter » prévient le haut magistrat. De quelle façon procéder ? D’une part, « le rendu des travaux doit être accéléré » : un délai de huit mois semble raisonnable et réalisable, sans moyens supplémentaires, soutient-il. D’autre part, la nouvelle Cour des Comptes voudrait s’inspirer du modèle britannique du ‘National Audit Office’ qui délivre des expertises en 4 à 6 mois pour évaluer, par exemple, le coût d’une mesure ou d’un dispositif peu après sa mise en action.

« Nous devons être utiles au débat public »

Pierre Moscovici

La cible et le périmètre d’investigation seront par nature restreints, dans ce cadre précis d’intervention. « Ce n’est pas à travers ces audits flash que nous trouverons matière à du pénal », reconnaît Pierre Moscovici. « Mais le temps s’accélère. Nous devons être utiles au débat public », retient-il pour montrer que le changement doit rendre la Cour plus accessible aux citoyens et aux décideurs, autrement dit être plus médiatique. Notons que si l’objectif est de lutter contre un climat de défiance, celui-ci ne cessera sans doute pas de grandir au fil des prochains mois. Poussée par la crise économique et sociale, une dette augmentée lors du quinquennat de 100 milliards (hors financement exceptionnel engendré par la gestion sanitaire du Covid), la question de la qualité de la dépense publique pourrait animer une grande partie de la campagne électorale et s’inscrire régulièrement dans l’actualité par la suite. Il est prévu par le texte qui sera présenté au Parlement d’ici la fin de l’année d’expérimenter un droit de requête des citoyens pour contenir leurs récriminations.

Ce qu’il faut retenir de la réforme
La Cour de discipline budgétaire disparaît. La réforme prévoit en effet d’établir un régime de responsabilité unique pour les gestionnaires publics en cas de faute de gestion ou d’infraction. Qu’ils soient « ordonnateurs » (ceux qui engagent une dépense) ou « comptables » (ceux qui l’exécutent), ils dépendront d’une nouvelle chambre de la Cour des Comptes. Une décision doublement justifiée. Côté cour, on joue l’euphémisme en plaidant pour « une organisation plus opérationnelle et aboutie ». Côté jardin, on souligne « l’activité en déclin » de la Cour de discipline budgétaire – six condamnations d’ordonnateurs en un exercice – et un système, plus généralement, qualifié ‘d’usé’.
La place et le rôle des juridictions financières territoriales va également être modifiée en définissant « les modalités d’un travail en commun plus efficace ». Adoucie ou pas, la formule désigne le « pilier central de la réforme », celui qui pose le plus d’interrogations, notamment sur une éventuelle recentralisation de l’institution et d’une perte d’autonomie au plan local durement acquise. On se souvient que c’est seulement en 1990 que le principe de communication au public des observations définitives des chambres régionales a été acquis.

La CRC s’est engagée dans un partenariat inédit en France avec le Rectorat et le lycée Thiers (Marseille) pour mettre en place une chambre régionale des comptes des jeunes en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Jusqu’où ira la planification de « travaux communs » décidée pour promouvoir une meilleure articulation entre la Cour et les CRTC ? Si Pierre Moscovici met en avant un rapprochement des compétences et, surtout, la participation plus large d’un certain nombre de présidents de CRTC aux débats internes par une intégration au puissant comité du rapport public et du programme ; il défend l’idée – et pas davantage – d’une « interdépendance dans l’indépendance » des Cours régionales et territoriales face à la Cour des Comptes. En résumé, il va encore y avoir du sport.
Une petite anecdote suffit à illustrer. Après avoir vanté le rayonnement international de la Cour – « je crois pouvoir dire que nous allons obtenir un rôle d’auditeur aux nations-Unies » – Pierre Moscovici a dévoilé à Marseille le thème du futur rapport 2023 de la Cour. Il sera consacré à l’efficacité de l’action des CRTC à l’occasion des 40 ans de leur création… Belle idée, sans doute, mais qui n’a pas encore fait l’unanimité. Nacer Meddah, président de la Chambre régionale des Comptes Provence Alpes Côte d’Azur en charge du contrôle de l’usage de l’argent public dans les collectivités territoriales et leurs établissements publics, soit environ 3000 organismes à surveiller sur notre territoire, n’a pas manqué de rappeler fort aimablement que « la collégialité ne s’était pas encore prononcée sur l’adoption de ce sujet ».

La Chambre régionale des comptes dans le Vaucluse
Dans notre département, l’institution de contrôle qui formule des diagnostics et des recommandations a en charge 72 collectivités territoriales, autant d’établissements et sociétés du domaine public, 267 structures sanitaires et sociales et environ 2400 associations.
Elle a rendu public, en septembre dernier, un rapport concernant la communauté de communes Rhône Lez Provence (CCRLP). En voici un extrait : « la chambre relève la faible intégration communautaire de la CCRLP qui fonctionne selon une logique de guichet où les moyens de l’intercommunalité sont largement redistribués aux communes membres et le coût des charges transférées minimisé. Les compétences transférées se sont limitées à celles relevant obligatoirement de l’intercommunalité.
La communauté de communes a cependant dû recruter massivement pour exercer ses nouvelles compétences (…) entraînant une hausse des charges de gestion de 23% par an depuis 2017. La situation financière de la CCRLP reste néanmoins saine grâce à des recettes confortables liées à son tissu économique avec la présence du site nucléaire du Tricastin sur son territoire. Cela lui permet d’investir (à hauteur de 182€ par habitant) bien au-delà de la moyenne nationale des communautés de communes (93€) sans recourir à l’emprunt ».

L’ouverture au monde
Sur le plan de son organisation et de ses missions, La CRC a revu en profondeur son fonctionnement à partir d’un projet lancé en 2019 ayant abouti à ce jour à une trentaine d’action de terrain auprès des scolaires et universitaires, journalistes, ou même lors des journées du patrimoine.
Elle a notamment consolidé ses relations institutionnelles, notamment en expérimentant une coopération plus forte avec le préfet des Bouches-du-Rhône par une convention signée en octobre 2021 pour enrichir les contrôles, développer son rôle de conseil et prévenir les besoins de saisines budgétaires.
Elle s’engage aussi dans un partenariat inédit en France avec le Rectorat et le lycée Thiers (Marseille) pour mettre en place une chambre régionale des comptes des jeunes en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Dans le cadre du programme d’enseignement moral et civique de seconde, les magistrats financiers accompagneront une classe de 35 élèves dans une découverte appliquée du fonctionnement des services publics à l’échelon local. Plusieurs exemples concrets, tirés de rapports de la chambre, serviront à leur apprendre comment fonctionnent concrètement nos institutions. Et comment sont mises en œuvre les politiques publiques sur leur territoire.

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