Rencontre sur le studio de L’Echo du Mardi lors de la “Grande soirée Comptable“ organisée par Aubanel for Business avec Jean Marc Mielle, Directeur délégué à l’enseignement supérieur du Lycée Aubanel.
22 novembre 2024 |
Ecrit par le 22 novembre 2024
(Vidéo) Jean-Marc Mielle : “Nos anciens sont devenus des experts-comptables et viennent nous prendre des stagiaires et des apprentis .“
(Vidéo) Jean-Marc Mielle : “Nos anciens sont devenus des experts-comptables et viennent nous prendre des stagiaires et des apprentis .“
Rencontre sur le studio de L’Echo du Mardi lors de la “Grande soirée Comptable“ organisée par Aubanel for Business avec Jérome Genton, représentant l’Ordre des Experts-Comptable Provence-Alpes-Côtes d’Azur.
(Vidéo) Jean-Marc Mielle : “Nos anciens sont devenus des experts-comptables et viennent nous prendre des stagiaires et des apprentis .“
Le Gouvernement a signé la semaine dernière, avec l’Ordre des experts-comptables et la Fédération bancaire française, un accord de place permettant aux TPE en difficulté de pouvoir obtenir un étalement de leur prêt garanti par l’Etat (PGE).
Un dispositif réclamé depuis 1 an
Ce nouveau dispositif était réclamé par les experts-comptables depuis janvier 2021, lors de la remise au ministre de l’Economie de 50 propositions pour la relance de l’économie, et permettra d’accompagner correctement les TPE en cette période de reprise économique.
Concrètement, les experts-comptables élargissent leur dispositif de soutien ‘Business story prévention’. Les entreprises qui ne bénéficient pas de l’accompagnement d’un expert-comptable pourront gratuitement :
- réaliser un diagnostic de prévention des difficultés pour limiter les défaillances et garantir la relance économique ;
- obtenir l’attestation nécessaire, selon leur situation, à l’étalement de leur PGE (prêt garanti par l’Etat).
Participation à la relance de l’économie
« Depuis le début de la crise, les experts-comptables, véritables économistes du quotidien, soutiennent les entreprises pour les aider à passer cette crise, insiste Lionel Canesi, président du conseil national de l’Ordre des experts-comptables. La relance de l’économie française est une cause nationale dans laquelle les experts-comptables veulent prendre toute leur part. Il faut accompagner au mieux les chefs d’entreprise dans cette période charnière. »
(Vidéo) Jean-Marc Mielle : “Nos anciens sont devenus des experts-comptables et viennent nous prendre des stagiaires et des apprentis .“
Lionel Canesi est le nouveau président du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables. Associé du cabinet Wizziou, à Marseille, il a exercé de nombreuses fonctions syndicales et ordinales. Président du Conseil régional de l’Ordre de Provence-Alpes-Côte d’Azur depuis 2016, il a fait de sa région un laboratoire des solutions qu’il souhaite proposer à la profession.
Lionel Canesi milite pour faire reconnaître la place centrale des experts-comptables dans l’économie. Il considère que la voix des professionnels du chiffre doit être plus forte : « En tant que premier conseil des TPE/PME, nous sommes en permanence sur le terrain, en faisant bénéficier les chefs d’entreprise de notre expérience. Nous avons une crédibilité à porter les mesures gouvernementales ». Pour lui, « il faut que notre institution soit présente dans les médias pour faire de la pédagogie sur l’économie réelle ».
La crise sanitaire laisse beaucoup de dirigeants de petites et moyennes entreprises dans une situation difficile. Pour Lionel Canesi, les experts-comptables peuvent changer les choses, « en portant les mesures d’accompagnement avec conviction ». Il est convaincu que ces dernières ne seront sans doute pas suffisantes si les experts-comptables ne sont pas aux côtés des chefs d’entreprise : « Comment amorcer la reprise et comment éviter une crise sociale sans précédent sont pour nous des sujets fondamentaux de réflexion et d’action ».
« Il faut gagner du temps pour sauver un maximum d’entreprises. »
Faire la part entre solvabilité et viabilité
La trésorerie constitue une réelle préoccupation pour bon nombre d’entreprises, même si, pour le nouveau président national de l’Ordre, il est aujourd’hui difficile de généraliser : « Il va falloir réfléchir au cas par cas. Il y a des entreprises qui, malgré la crise, ont tiré leur épingle du jeu, qui n’ont pas de soucis de trésorerie et qui ont même progressé en chiffre d’affaires là où d’autres font face à des difficultés. Il y a eu le PGE et les différentes aides qu’il va bien falloir rembourser. Nous allons devoir faire la part des choses entre solvabilité et viabilité. Pour les entreprises viables, nous devrons mettre en place un étalement des dettes Covid sur des durées plus longues. Une partie des PGE pourrait aussi être transformée en subventions d’État. Il sera sans doute moins cher de subventionner ces entreprises pour les aider à se relancer, plutôt que gérer un chômage de masse. Il faut rester positif. Il y a beaucoup d’agilité chez nos chefs d’entreprise »
Quant aux entreprises qui étaient déjà en difficulté avant la crise sanitaire, beaucoup ne pourront malheureusement être sauvées. « Le rôle de l’expert-comptable sera de les accompagner encore mieux que d’habitude pour éviter les défaillances. Il ne faudra pas hésiter à aller vers des procédures collectives, à se mettre sous la protection du tribunal de commerce ».
Une vague de dépôts de bilan ?
Face à une vague de dépôts de bilan, les tribunaux de commerce seront certainement submergés. Là encore, selon Lionel Canesi, les experts-comptables auront un rôle essentiel à jouer : « Nous pourront accompagner les entreprises en difficulté, en étant mandataire ad hoc ou conciliateur. Pour les petites entreprises, il est même envisageable que les experts comptables puissent établir les plans de continuation et les déclarations de créances. Il faut gagner du temps si une telle situation se présente pour sauver un maximum d’entreprises. »
Les cabinets d’expertise-comptable semblent, pour l’instant, épargnées par les difficultés. Reste que le moral n’est pas au beau fixe, comme le confirme le président de l’Ordre national : « Beaucoup de nos équipes sont épuisées. Il y a de la nervosité ambiante qui pèse sur le moral de la profession. C’est pourquoi, le Conseil supérieur a créé une commission de développement des compétences relationnelles qui aura à cœur de trouver des solutions à la fois pour nos équipes et pour nos clients. Il faut qu’on les aide parce que la situation est compliquée. C’est aussi un message qu’il faut qu’on fasse passer au Gouvernement. A Marseille, suite à une manifestation, le ministre est venu annoncer le passage du Fonds de solidarité de 2 500€ à 10 000€, mais le décret est sorti 6 semaines plus tard. L’effet d’annonce s’est donc transformé en défiance, qui se reporte sur les experts-comptables. Notre rôle d’expert-comptable est aussi de faire descendre le niveau de stress dans les cabinets. C’est capital avant la nouvelle période fiscale qui arrive. »
« La fin de la séparation de l’audit et du conseil serait pour moi un cataclysme. »
L’indépendance numérique est au cœur de l’action
Parmi les axes forts du projet politique porté par Lionel Canesi, l’indépendance numérique de la profession tient une place privilégiée. Pour lui, premier sujet d’importance : la facture électronique. « Notre priorité est de développer “jefacture.com”, afin que la plateforme devienne rapidement opérationnelle, sans être faite contre les éditeurs. Il ne faut pas que ce soit un logiciel de facturation mais le concentrateur de toutes les factures électroniques des experts-comptables, de leurs clients et de l’environnement de la sphère économique privée. Il y a là un enjeu pour l’État. C’est d’ailleurs un message que je porterai auprès du ministre de l’Économie et de la Relance. Si les experts-comptables disposent des données de plus en actualisées sur leurs clients, ils vont pouvoir donner des conseils encore meilleurs, encore plus rapides, grâce à de la data réactive, meilleures seront les chances de sauver les entreprises. »
Pour le président national de l’Ordre, l’effort va également porter sur la constitution du fonds d’investissement numérique : « Nous allons identifier les start-up performantes, déjà détectées dans nos deux incubateurs, à Paris et à Marseille. Nous verrons s’il est possible de faire l’Ordre au capital de ces structures. Soit les éditeurs bougent et la profession dispose des outils en adéquation avec ses besoins, soit les éditeurs ne le font pas et c’est la profession qui va bouger. Je ne peux pas accepter aujourd’hui qu’on ne fasse rien sur ce sujet capital pour notre avenir. Je n’ai pas été élu président du Conseil supérieur pour laisser faire… Je vais donc pousser pour que tous les Conseils régionaux créent leur incubateur pour détecter les start-up performantes. Le fonds d’investissement a, quant à lui, vocation à investir nationalement dans les start-up qui auront été détectées localement. Le Conseil supérieur est là pour faire le lobbying de la profession et définir une vision de la profession à long terme. Les conseils régionaux constituent, pour leur part, le bras armé de la profession. »
Une profession en pleine redéfinition
Lionel Canesi arrive à la tête de l’Ordre au moment où la profession de commissaire aux comptes est en pleine redéfinition. Pour lui, les deux professions ne pourront pas trouver de synergies sans éclaircissement… « J’ai déjà dit que la fin de la séparation de l’audit et du conseil serait pour moi un cataclysme pour la profession. Remettre en cause l’expert-comptable qui est sur le contractuel, le commissaire aux comptes qui est sur le légal, d’avoir le commissaire aux comptes chasse sur les terres de l’expert-comptable, c’est totalement absurde. Tant qu’on ne reviendra pas là-dessus, il y aura plus de synergie. Au final, le client ne comprend plus rien. Le plus important, ce n’est pas la chasse gardée de l’un ou de l’autre, c’est notre utilité dans l’accompagnement de nos clients entrepreneurs, surtout dans cette période de crise, de relance et de prévention des difficultés des entreprises. En tant que président des experts-comptables, je ne peux pas admettre que notre champ d’action soit réduit. Comment dire à une entreprise que les commissaires aux comptes qui certifient les comptes font en même temps du conseil ? S’il n’y a plus d’indépendance, il y a une perte de confiance et c’est préjudiciable pour les deux professions, leur réputation et leur image. »
Boris Stoykov et Jean-Paul Viart, Les Affiches Parisiennes pour Réso hebdo éco
(Vidéo) Jean-Marc Mielle : “Nos anciens sont devenus des experts-comptables et viennent nous prendre des stagiaires et des apprentis .“
Le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables renforce son engagement contre l’exercice illégal de la profession «Parce que lutter contre ce fléau, c’est protéger et accompagner les entrepreneurs et préserver l’économie», raison pour laquelle l’Ordre déploie une campagne de communication plutôt offensive.
«Dans le contexte actuel, certaines entreprises TPE/PME (très petites et moyennes entreprises) ou artisans fragilisés deviennent des cibles privilégiées de l’exercice illégal de la profession d’expert-comptable », indique Marie Alvarez-Garzon, présidente de la Commission exercice illégal du Conseil supérieur, «nous assurons une lutte continue contre ce fléau pour protéger et accompagner les entreprises, mais aussi pour préserver la confiance dans notre métier et l’image de notre profession. Malgré tout, il sévit toujours, alimenté par l’ingéniosité féconde et la malhonnêteté protéiforme des ‘illégaux’.»
Une profession très règlementée
La profession d’expertise comptable est une profession règlementée, il suffit pour s’en convaincre d’une consultation de l’annuaire de l’Ordre sur le site www.experts-comptables.fr pour obtenir l’assurance de l’inscription de son expert-comptable au Tableau de l’Ordre, couvert par une assurance civile de responsabilité professionnelle, tenue par ailleurs, au respect des normes et de la déontologie.
Une nouvelle campagne de communication
La nouvelle campagne de communication, diffusée en septembre et octobre de cette année, en presse nationale, écrite et numérique, magazines et médias spécialisés, s’appuie ainsi sur deux affiches présentant un visage avenant mais des yeux masqués par un bandeau signalant le bon réflexe : consulter l’annuaire de l’Ordre ! Les affiches sont déclinées pour le support numérique en bannières web, publications pour les réseaux sociaux, kakémonos…
Afficher patte blanche
Aujourd’hui, en France, 21 000 experts-comptables et leurs 130 000 collaborateurs accompagnent 2 500 000 entreprises, principalement des PME et des TPE. En 2019, 197 nouveaux dossiers d’exercice illégal ont été ouverts, et 116 constitutions de partie civile (plaintes devant les juridictions pénales) ont été délivrées par le Conseil supérieur ces 2 dernières années. Ces activités illicites sont passibles de sanctions pénales lourdes comprenant une peine d’emprisonnement d’un an et 15 000€ d’amende.
Le rôle de l’expert-comptable
L’expert-comptable exerce une profession libérale. Il est titulaire du diplôme d’expertise comptable (bac+8) et est inscrit au Tableau de l’Ordre des experts-comptables. Il est lié à l’entreprise via une ‘lettre de mission’ pour réviser et apprécier les comptabilités des entreprises ; tenir, centraliser, ouvrir, arrêter, surveiller, redresser et consolider ces comptabilités. Le professionnel est le garant de la régularité des documents comptables. Il s’assure que chaque acte ou fait juridique est correctement traduit dans les comptes de l’entreprise. Par ailleurs, l’expert-comptable respecte un code de déontologie, se soumet à des contrôles qualités et est détenteur d’une assurance responsabilité civile professionnelle. Ses compétences professionnelles sont régulièrement mises à jour lors d’heures de formation obligatoires et annuelles. Si un comptable est autorisé à faire la saisie des données pour l’entreprise celle-ci doit être transmise à l’expert-comptable pour établir le bilan et les autres analyses de son ressort.
Les risques encourus par l’entreprise
«La traque aux faux experts-comptables a permis une augmentation de 33% entre 2014 et 2015 du nombre de condamnations pour pratique illégale de la profession dans les 4 grandes régions économiques en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes.
L’image de la profession
Les agissements des illégaux nuisent à l’image de la profession et portent préjudice aux entreprises qui, abusées par les illégaux, confient leur comptabilité avec tous les risques, notamment commerciaux et fiscaux, sans aucune assurance professionnelle.
Des réseaux illégaux transrégionaux
Les réseaux d’illégaux étant souvent transrégionaux, un mouvement concerté des représentants de la profession s’est engagé associant les quatre grandes régions économiques : Provence-Alpes-Côte d’Azur, Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes, dans la lutte contre les illégaux. «Notre profession doit être en première ligne dans ce combat car, au-delà du danger pour les entreprises et la société, ce fléau représente une concurrence déloyale vis-à-vis des cabinets», souligne Mohamed Laqhila président de l’Ordre régional Marseille-Paca.
Falsification des comptes et… des valeurs
«La menace à court-terme est une falsification de nos valeurs, de notre valeur ajoutée qui constituent la marque Expert-Comptable. Liée au financement du terrorisme et à des activités criminelles nationales et transnationales, la lutte contre les illégaux de notre profession est passée dans une autre dimension et ne peut réussir qu’à travers l’amplification de nos efforts ainsi qu’une répression sévère de ce délit», précise le président.
L’Ordre des experts comptables Marseille Provence-Alpes-Côte d’Azur
La profession en Provence-Alpes-Côte d’Azur compte 2175 cabinets d’expertise-comptable, 1986 experts-comptables et 472 stagiaires experts-comptables. Elle est réglementée par l’ordonnance n° 45-2138 du 19 Septembre 1945.
Interview de Nadia Esposito, expert-comptable chez Axiome associés à Avignon.
L’Ordre des experts-comptable vient de lancer une campagne sans précédent contre l’exercice illégal du métier d’expert-comptable. Celui-ci est-il de plus en plus prégnant ?
«L’exercice illégal de notre métier n’est pas plus visible ni plus croissant qu’auparavant, le sujet traité est un choix de l’Ordre qui veut ainsi communiquer davantage auprès des dirigeants. C’est un rappel qui insiste sur la réelle nécessité de faire la différence entre un professionnel inscrit au Tableau de l’Ordre des experts-comptables et des personnes qui se font passer pour des cabinets comptables alors qu’ils ne le sont pas. Les chiffres sont clairs, en 2019, 197 nouveaux dossiers d’exercice illégal ont été jugés et 116 dossier ont été portés en partie civile. Ça peut paraître peu mais, pour nous, il était important de faire reconnaître la carte de visite et la signature de l’expert-comptable car elles induisent le respect de normes, d’une déontologie et, surtout, que nous avons dûment contracté une assurance responsabilité civile professionnelle alors que les ‘illégaux’ ne sont pas assurés. Si ceux-ci se ‘trompent’ dans une déclaration fiscale ou sociale comme les bulletins de salaire, le chef d’entreprise reste totalement démuni car il ne pourra pas se retourner contre ces ‘faux’ professionnels. Le chef d’entreprise ‘trompé’ aura à assumer, seul, la totalité du coût du redressement inhérent.»
Comment cela se vérifie-t-il, comment ces informations viennent-elles à vous ?
«L’information provient souvent de prospects travaillant avec des ‘illégaux’. Ce sont des chefs d’entreprise ou dirigeants d’association, le plus souvent insatisfaits de la qualité du travail fourni, qui, venant nous consulter confessent : ‘Ma comptabilité est tenue par M. ou Mme X’ … ».
Face à ce témoignage comment réagissez-vous ?
«Nous alertons le chef d’entreprise sur les risques qu’il encourt en cas d’absence d’assurance de responsabilité civile et du danger de ne pouvoir se retourner contre la personne à qui il a confié la tâche de déclarer la TVA, de dresser un bilan comptable… Souvent c’est d’ailleurs le banquier qui alerte le client en soulignant : «C’est bien, vous m’avez montré votre bilan mais celui-ci ne ‘tient pas la route’… Je pense que vous devriez consulter un vrai professionnel, car ce que vous m’avez montré semble inexact, voire ‘bidouillé’. Le banquier est, en effet, le premier à demander des documents vérifiés et certifiés. Il relève tout de suite les incohérences.»
Que risque celui qui met en place ce système illégal ?
«Le chef d’entreprise risque en premier lieu de se voir remettre une mauvaise qualité de service, une non-reconnaissance, par le banquier, d’un projet à mener, un lourd questionnement, toujours du banquier, devant une signature inconnue parce que l’expert-comptable engage sa responsabilité avec sa signature !»
Quels sont, pour les entreprises, les bons réflexes à adopter pour éviter toute déconvenue ?
«Le bon réflexe, en 1er lieu, est de consulter l’annuaire de l’Ordre des experts-comptables pour s’assurer de l’inscription de son expert-comptable au Tableau de l’Ordre. Ainsi, l’on sait tout de suite si le cabinet est bien inscrit au tableau de l’Ordre.»
Pourquoi ce ‘marché’ illégal existe-t-il ?
«Il existe soit par méconnaissance, soit parce que l’illégal fait miroiter au client des honoraires très bas pour un ‘pseudo’ travail identique. Pourquoi ? Parce qu’il n’a pas du tout les mêmes obligations que les professionnels : accès à la documentation, obligation de contracter une RCP assurance responsabilité civile professionnelle, de formation. C’est un calcul à court-terme. Si le discours peut séduire, le client ne se rend absolument pas compte du risque qu’il endosse !»
L’exercice illégal du métier d’expert-comptable revêt quelles réalités ?
«C’est un peu comme la différence entre un auto-entrepreneur et un artisan inscrit à la Chambre des métiers ! C’est comparer ‘Jojo le bricoleur’ à un ébéniste –ou autres- de métier. L’illégal ne fait rien dans les règles de l’art, on reste dans l’à peu-près…».
Mais peut-être qu’une comptabilité ‘nébuleuse’ peut faire l’affaire de certains ?
«C’est possible, mais ils oublient –toujours- la prise de risque sans possibilité de se retourner contre le sous-traitant. Les experts-comptables collaborent à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Nous avons l’obligation de révélation à Tracfin (traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins) lorsque nous observons, dans l’activité même de la personne, des pièces ‘bancales’. Notre métier, c’est traduire une activité économique : des achats, des ventes, des relations employeur-salariés, clients-fournisseurs. Au moment de traduire ces flux, parfois, on se retrouve face à des incohérences. Nous sommes alors soumis à cet effet de révélation auprès de Tracfin. Là, fini l’ordre de mission. On dit au client : ‘Nous ne pouvons pas travailler ensemble car ce que vous faites ne répond pas aux normes’. Ces obligations de révélation à Tracfin sont de plus en plus appuyées par le Gouvernement tout comme auprès des banques et des notaires. C’est souvent le chef d’entreprise ‘bidouilleur’ qui ira voir le comptable idoine. Ces prospects-là ne viendront pas chez nous puisqu’ils veulent passer sous les radars.»
Si on parlait déontologie, respect des normes ?
«Nous avons des obligations de formation, de révélation à Tracfin, de respect des normes comme, par exemple, un expert-comptable ne peut superviser qu’un nombre limité de personnes pour atteindre ses objectifs qualité alors que l’illégal pourra en encadrer autant qu’il voudra avec, bien sûr, beaucoup moins de contrôles des chiffres qui sortent … La déontologie, elle, est plus tournée en interne, elle consiste à ne pas se dénigrer les uns les autres, à ne pas se faire concurrence. La règlementation fiscale, comptable, sociale, dans notre métier, se modifie en permanence, particulièrement en ces temps de Covid-19 où les textes changent tous les jours avec, par exemple l’activité partielle de longue durée qui n’existait pas avant la pandémie -, des décrets, des ordonnances sortent pratiquement toutes les semaines… La législation change en permanence sur des sujets importants, toujours dans l’intérêt commun et collectif, des chiffres qui doivent traduire une situation réelle et non pas conduire à masquer des situations ou à induire des faits falsifiés comme faire croire qu’il n’y a pas de dettes, ou que le bénéfice est plus élevé. Lorsque nous apposons notre signature, nous attestons que la situation est sincère et véritable et qu’elle traduit bien la réalité du patrimoine et des opérations financières de l’entreprise ou de l’association.»
(Vidéo) Jean-Marc Mielle : “Nos anciens sont devenus des experts-comptables et viennent nous prendre des stagiaires et des apprentis .“
A l’instar des syndicats ECF* et Ifec*, Charles-René Tandé, le président du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables ne comprend pas pourquoi le régime universel doit fatalement impacter le régime autonome de la profession qu’il juge performant.
■ L’année a commencé avec beaucoup de tensions au sein de votre profession à l’aune de la réforme sur les retraites. Qu’en pense la profession et le Conseil supérieur ?
« Des tensions, il y en a effectivement, mais pas uniquement dans notre profession. C’est l’ensemble des professions libérales qui est vraiment concerné et même au-delà, puisque la réforme des retraites instaure un régime universel qui concerne tout le monde. On peut comprendre, avec beaucoup de points de suspension, à travers ce régime universel, la volonté de mettre tout le monde dans le même panier. Mais en ce qui nous concerne, ce qui nous choque, c’est la méthode conduisant finale- ment à nier ce qui a été pour certains une bonne gestion d’une caisse auto- nome. Nous ne sommes pas dans un régime spécial. Nous disposons d’une caisse autonome qui a été instaurée après la Seconde Guerre mondiale par l’Ordre, puisque ce sont les élus de l’Ordre des experts- comptables qui ont été à l’origine de cette caisse de retraite professionnelle. Cette dernière a été parfaite- ment gérée. En 1981, quand François Mitterrand, le président de la République de l’époque, a souhaité ramener l’âge de la retraite de 65 à 60 ans, nous n’avons pas suivi parce que c’était inconséquent, compte tenu des perspectives. Nous avons laissé notre âge de départ à la retraite à 65 ans. C’est aussi pour cela que nous sommes évidemment à l’équilibre et même excédentaire. »
■ Vous craignez de voir aujourd’hui disparaître cette caisse autonome…
« Aujourd’hui, que nous dit-on ? Que nous allons disparaître parce que, finalement, on va regrouper tout le monde pour permettre, notamment, de compenser les régimes déficitaires. Nous sommes d’accord avec l’instauration d’un régime universel. D’ail- leurs, nous participons chaque année à la compensation au titre de la solidarité avec le régime général. Pour nous, le régime universel devrait être limité à un plafond de Sécurité sociale et, au-delà, laissons les caisses autonomes gérer les régimes complémentaires et aussi l’invalidité décès. On a mis en place des systèmes adaptés à nos professions, adaptés aux indépendants, avec des cotisations plus faibles au début de la carrière et plus fortes avec le temps. Pourquoi ne pas continuer ce système ? Donc, oui, nous sommes aujourd’hui opposés à la réforme telle qu’elle est présentée. »
■ C’est une réforme dont vous avez discuté avec le nouveau secrétaire d’Etat aux retraites ?
« Je suis le président de l’Ordre des experts-comptables et, à ce titre, je n’ai pas été reçu par Monsieur le ministre de tutelle, Bruno Le Maire. En revanche, il a reçu les présidents de syndicats. Le Gouvernement veut uniquement discuter avec ces derniers. J’ai rappelé tout à l’heure que l’Ordre des experts-comptables était à l’origine de la création de la caisse de retraite. Des représentants de l’Ordre des experts- comptables et de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes ont des représentants à la Cavec (Caisse d’assurance vieillesse des experts- comptables et des commissaires aux comptes). J’ai donc demandé aussi à être reçu par le Premier ministre et j’attends la réponse. »
■ Le Gouvernement a indiqué que les caisses autonomes allaient subsister en étant, d’une certaine manière, intégrées dans le régime général…
« On va se retrouver avec des coquilles vides. A partir du moment où les générations d’après 1975 sortiront des effectifs, les caisses, de facto, ne seront plus équilibrées, c’est mathématique. Nous gèrerons alors la fin du régime. C’est à cela que serviront les caisses. On ne peut pas se satisfaire de cette réponse… C’est la raison pour laquelle les avocats continuent, eux aussi, leur mouvement de protestation. »
■ Vous vous inscrivez non pas dans un rejet global, mais dans une volonté de continuer à dialoguer avec le Gouvernement ?
« Oui, comme cela a toujours été le cas avec les experts-comptables qui sont des professionnels respectueux. Nos membres nous reprochent parfois de trop l’être ou d’être trop légitimistes… En fait, nous nous exprimons toujours de manière courtoise mais ferme, pour dire ce qui ne va pas. Il serait dommage de voir ceux qui bloquent le pays avoir gain de cause au détriment de ceux qui ont bien géré leur caisse auto- nome. »
■ Que proposez-vous concrètement pour le régime des experts-comptables ?
« Notre demande est simple. C’est le régime universel jusqu’au plafond de Sécurité sociale et les caisses autonomes qui gèrent le régime complémentaire et l’invalidité décès. J’ajoute, bien évidemment, que toutes les réserves qui ont pu être constituées sont la propriété collective des experts-comptables. Nous avons racheté par moment des points. En marge des placements obligatoires, nous avons fait des placements volontaires pour assurer nos retraites. C’est d’une injustice totale de vouloir ensuite utiliser ces fonds. Nous voyons bien que certains souhaiteraient utiliser ces réserves pour financer le régime universel dans les prochaines années. Nous ne pouvons, bien évidemment, accepter ce genre de manœuvre. »
« Nous ne sommes pas dans un régime spécial. »
■ Le président de la République n’avait-il pas indiqué que les réserves des caisses autonomes ne seraient pas touchées ?
« J’espère bien que cette promesse sera tenue ! Nous sommes très vigilants aussi sur ce point. On ne devait pas toucher non plus aux régimes complémentaires. Le candi- dat Emmanuel Macron l’a déclaré durant le débat de l’entre-deux tours qui l’opposait à Marine Le Pen. On a l’impression que cela a été oublié… »
■ Pour les professions libérales qui souhaitent conserver leur régime, il y a aussi le problème du conjoint avec la réversion ?
« Dans notre régime complémentaire actuel, nous avons instauré un système de réversion qui est extrêmement avantageux pour le conjoint survivant. L’expert-comp- table qui cotise peut sur-cotiser chaque année, de façon optionnelle, avec une réversion de 100% des points. Il y a des systèmes sociaux dans le régime Cavec qui n’existent pas dans le régime général et qui ne sont pas projetés dans le régime universel. Là aussi, il y a une régression d’un point de vue social. Pour- quoi nous le retirer maintenant ? Ça ne coûte rien à l’État. Nous n’avons jamais rien demandé aux autres. »
■ Concernant les cotisations associées au nouveau régime, quel est votre sentiment ?
« Je ne peux pas vous parler de l’avenir et de ce qui va être décidé. L’étude d’impact qui a été faite montre évidemment que nous sommes perdants dans le nouveau dispositif, avec une augmentation des cotisations et une baisse des prestations. Après, vous allez avoir toutes les simulations en fonction des niveaux de rémunération. Mais, globalement, pour les experts-comptables, c’est une perte. L’autre point, c’est qu’au-delà de 120 000€, il n’y a rien, si ce n’est une cotisation à fonds perdus, au titre de la solidarité. Il y a finalement assez peu d’experts-comptables qui gagnent plus de 120 000€ annuels. Mais quid pour ceux-là ? Ils n’ont pas le droit d’avoir un dispositif de retraite complémentaire sur cette partie supérieure à 120 000€ ? Ce sont des questions qui se posent. Le régime Madelin va-t-il pouvoir subsister ? À quelle hauteur ? Avec quelle déductibilité possible, fiscalement et sociale- ment ? Sur ce point rien n’est écrit. »
■ Il y a une nouveauté dans la profession : l’inscription du premier expert-comptable en entreprise à l’Ordre. Que peut- on en dire ?
« Je me réjouis que cela puisse démarrer. Nous souhaitions depuis 20 ans la mise en place de cette liste des experts-comptables en entre- prise. On a réussi à obtenir gain de cause dans le cadre de la loi Pacte. Cette force me paraît importante, notamment sur le plan international. En termes d’attractivité, comme je l’ai souvent dit, je pense que c’est important pour des jeunes de savoir qu’un certain nombre de professionnels de très grande qualité, qui occupent des postes à responsabilité dans des grands groupes, sont des experts-comp- tables et que notre diplôme a une grande valeur. »
■ Est-ce que vous pouvez nous décrire sommairement ce nouveau régime d’experts-comptables ? Est-ce que, par exemple, un expert-comptable en entreprise pourra s’inscrire sans problème en libéral s’il quitte l’entreprise ?
« Oui, c’était déjà le cas. Avec le diplôme d’expertise-comptable il était possible de s’installer en libéral après avoir exercé 20 ou 25 ans en entreprise. Pour l’inscription, il suffisait de contacter l’Ordre et de remplir un dossier d’inscription. A présent, ils sont déjà identifiés au sein du tableau avec leur diplôme. L’installation en libéral nécessitera de modifier le dossier pour passer d’une liste à l’autre. A partir du moment où la personne est déjà identifiée et donc répond aux enquêtes de moralité que nous avons et au respect de la déontologie, ce sera évidemment plus facile. »
Propos recueillis par Boris Stoykov (Le Moniteur de Seine&Marne) pour RésoHebdoEco reso-hebdo-eco.com
* ECF : Experts-comptables et commissaires aux comptes de France – * Ifec : Institut français des experts-comptables et des commissaires aux compte