25 novembre 2024 |

Ecrit par le 25 novembre 2024

Région : 100M€ pour aider les entreprises artisanales

Quatre-vingt-sept centimes : c’est le prix moyen de la baguette en France. Mais qui s’en soucie, dès lors que chacun a déjà payé son pain quotidien plus d’un euro et s’attend à ‘douiller’ encore un peu – ou beaucoup plus – demain ?
Tandis que la grande distribution communique sans relâche sur l’inflation pour rassurer ses clients, les « petits commerçants » restent en première ligne face au consommateur, scrutant la montée des prix pour ajuster dépenses et pouvoir d’achat.
Ils n’imaginent pas surmonter ce nouveau défi, comme l’explique Marie-Dominique Goffinet-Meloyian, 2e vice-présidente de la Chambre de métiers et de l’artisanat de région (CMAR) Provence-Alpes-Côte d’Azur, avançant un premier argument. « A la suite du premier confinement, j’ai reçu en mars 2020 un courrier de mon transporteur frigorifique exigeant hausse de tarif de 8,5% au motif que les achats de masques et autres mesures sanitaire avaient impacté leurs coûts : on nous prend pour des pigeons ! », conclut sobrement la marchande de pâtes fraîches.

L’inflation pourrait précipiter le déclin des artisans
La ‘transition énergétique’ a aussi bon dos. Elle a commencé à imposer des prix durablement prohibitifs avec le grand remplacement du nucléaire, et maintenant l’abandon du gaz russe.
Avec la guerre en Ukraine, la spéculation va bon train. « Il va bien falloir un jour que l’on sache ce qui se passe et faire un audit à propos de toutes ces hausses », menace Gilles Dutto, artisan boulanger des Alpes-Maritimes et président départemental de la CMAR 06. La bourse de Chicago où se fixent les prix mondiaux des céréales se frotte les mains. « Nous venons d’atteindre 463€ la tonne de blé, ce qui est un record absolu » se désole l’artisan. La farine va suivre, puis le pain, en juin, prévoit Gilles, vent debout contre une inflation venue de loin et de toutes part. Et que l’on ne maîtrise plus. « La baguette de pain, depuis 35 ans, était au-dessous de l’indice des prix à la consommation ». Mais qui s’en soucie ? Ce qui inquiète les commerçants, avec toutes ces hausses intervenues depuis les Gilets jaunes, c’est « qu’à un moment donné, il ne sera plus possible de répercuter les hausses que nous subissons sur les prix de vente de nos produits ». Un sentiment largement partagé par les représentants de la CMAR présents à la conférence de presse tenue le 19 mai par son président régional, lui aussi boulanger, le vauclusien Yannick Mazette.

Zéro rideau fermé
Il fallait agir pour rassurer. Isabelle Campagnola-Savon, conseillère régionale, est arrivée avec la promesse d’un dispositif de 100M€ en faveur des TPE, PME, artisans et commerçants prévoyant d’aider d’ici la fin de la mandature, en 2028, près de 70 000 entreprises régionales*.
Il faudra d’abord voter, en juin, un « schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation » puis préparer la signature, en octobre prochain, d’une convention avec la CMAR précisant l’offre donnant un contenu à la promesse politique « notre région, nos artisans d’abord ». Il s’agirait de « renforcer les engagements pris en faveur des entreprises de proximité » et de poursuivre le dispositif « zéro rideau fermé » d’ici 2023 avec des financements de 12M€ par an pour des aides conjoncturelles, l’implantation de boutiques à l’essai, et un soutien à l’investissement dans des territoires « à enjeux ».
L’élue régionale souscrit sans réserve à l’idée que « l’artisanat est non seulement garant du bien-être des territoires mais également de celui de ses habitants », mais elle doit faire face à une chambre qui a vu, à la fois, exploser le nombre de ses radiations (+60%) avec 15 000 adhérents en moins pour l’année 2021, et celui de ses adhérent « auto entrepreneurs », constituant aujourd’hui les trois-quarts de ses nouveaux inscrits.

Un secteur représentant 20% du PIB régional
Ces derniers ont certes permis à la chambre de voir ses inscrits progresser, sur ces cinq dernières années, plus de 40%. Mais leur contribution financière est très faible (2 M€). Les sujets des subventions et de la formation restent donc cruciaux pour Yannick Mazette qui n’a pas abandonné l’idée de faire de la CMAR Provence-Alpes-Côte d’Azur une chambre consulaire de référence au plan national avec ses 270 membres et 21 commissions territoriales garantes d’un travail de proximité au service de l’économie locale qui devient urgent : bien des rideaux risquent de se baisser définitivement, faute de repreneurs.
La chambre ne donne pas de chiffre sur le taux de reprise des entreprises, mais situe clairement l’enjeu sous-jacent à la convention d’octobre prochain avec le Conseil régional : « au plan national, ce sont 300 000 entreprises artisanales qui devront changer de mains dans la décennie. Notre région qui pèse pour 10% de l’activité artisanale du pays devrait être concernée par la transmission de 30 000 commerces. En réalité, ce chiffre est de 54 000 ». Il faudra donc bien mettre la main à la poche pour aider un secteur représentant 170 000 emplois directs et 20% du PIB régional. Mais, là comme ailleurs, il faudra réussir à mettre en place, dans le même temps, des formations permettant à des jeunes de sentir leurs épaules assez larges pour succéder à leurs aînés.

*sur un total régional de 500 000 entreprises dont 200 000 artisanales.


Région : 100M€ pour aider les entreprises artisanales

Confrontées à une baisse de leur activité et à une diminution de la taxe pour frais de chambre depuis plusieurs années, les organismes consulaires voient d’un bon œil la prochaine modification du statut des indépendants qui peut donner un nouvel élan à leur modèle économique. Yannick Mazette souhaite même construire – avec les nouveaux élus  de la Chambre de métiers et de l’artisanat de région (CMAR) – un exemple d’excellence au plan national.

Le régime simple de ceux qui veulent exercer une activité, inauguré il y a plus de 20 ans sous le vocable ‘d’auto entrepreneur’, est devenu ‘la porte ouverte à toutes les fenêtres’.
Aussi, la mise en œuvre, prévue pour le début de l’année prochaine, du ‘plan indépendants’ du gouvernement suscite bien des espoirs : amélioration de la protection sociale, aide à la transmission, simplification de l’environnement juridique et un meilleur accès à la formation de ces ‘micro-entrepreneurs’.
Au delà de ces belles promesses, ce qui réjouit le plus les chambres de métiers et de l’artisanat, c’est la priorité ‘numéro un’ accordée par ce texte à « la création d’un statut unique et protecteur» pour l’entrepreneur individuel « facilitant le passage en société».

1 entreprise artisanale sur 2 en micro-entrepreneur en Paca
C’est ce dernier point qui apparaît comme essentiel à leurs yeux pour solidifier et promouvoir l’activité économique locale tout en confortant leur rôle.
Dans notre région, plus de la moitié des entreprises artisanales ont le statut de micro-entrepreneur.
Celles-ci ne contribuent qu’à hauteur de 2M€ aux recettes de la CMAR. En revanche, l’autre moitié, celle constituée en société, acquitte 17M€ au titre de la taxe pour frais de chambre : elle devrait fondre comme neige au soleil, à l’heure où 75% des nouvelles créations se font sous statut d’indépendant.
Trouver une clé pour équilibrer les finances et le rôle de cette institution consulaire qui vend des formations et représente un tiers de production de richesse dans notre région (15 Milliards) revient donc à l’ordre du jour à la faveur de l’élection de Yannick Mazette, le nouveau président de la Chambre de métiers et de l’artisanat de région Provence-Alpes-Côte d’Azur qui a dévoilé ses intentions fin novembre, à Marseille.

La qualité de vie d’un territoire se reflète aussi dans la vitrine des artisans
Ce maître artisan boulanger vauclusien, féru de formation, préside un bureau profondément remanié (24 élus dont 6 de l’ancienne mandature), dirige une maison consulaire composée d’un petit millier de collaborateurs, dotée d’un budget de 80M€.
Le projet est bien de devenir « une chambre de référence » en France. Yannick Mazette veut d’abord le mettre en marche au moyen d’une communication qui va « marquer notre poids économique et s’inscrire dans une démarche de marketing territorial ».
C’est pour bientôt. Le temps de procéder à un état des lieux, à former les commissions et fixer les attributions, le point de départ est fixé au 28 mars : « nous sommes organisés – ce n’est pas un poisson d’Avril – et vos élus travaillent ». La CMAR veut agir au sein des 22 bassins de vie et d’emploi cartographiant l’activité économique régionale. C’est au sein de chacun de ces territoires que s’affiche désormais l’idée de « partir au plus près du terrain pour grandir tous ensemble ».
Il s’agira de valoriser l’artisanat, partout où il peut créer de l’emploi, et de favoriser ainsi le développement de l’économie locale. « Les Chambres de commerce et d’industrie ont fait connaître leur intention, avant nous, de devenir une sorte d’agence pour l’attractivité économique des territoires à l’échelle des établissements publics de coopération intercommunale », reconnaît Yannick Mazette.
Il faudra donc faire « chambre à part », sans remettre en cause l’utilité d’un travail consulaire en commun, mais en essayant quand même de revoir les subventions accordées au monde de l’artisanat. Il serait de bonne augure de mettre la main à la poche pour le soutenir, pour qui a un projet d’avenir : maires, établissements publics de coopération intercommunale, région.
Le sujet des subventions et de la formation restent donc ouvert à la négociation pour le nouveau président, soulignant qu’à la manière des infrastructures, de la main d’œuvre et des paysages d’une région, la qualité de vie d’un territoire se reflète aussi dans la vitrine des artisans.
« Au travers du dispositif de financement des entreprises du Conseil régional (FIER) distribuant 50M€ par an, environ 5M€ nous reviennent. Nous méritons mieux, car nous représentons 170 000 emplois directs et un tiers du PIB régional ».
Là encore, il faut tenir compte du nombre très important de micro-entrepreneurs parmi les artisans. Ils sont souvent écartés des dispositifs d’aide économique, soit parce qu’ils en sont les parents pauvres ou qu’ils n’en maîtrisent pas bien le mode d’emploi.

La formation, clé de l’offre artisanale
Organisateur de 7 campus – dont 4 dans le Var – la CMAR souffre d’un maillage territorial faible : pas d’offre de formation dans les départements regroupant 60% de la population régionale, soient les Bouches-du-Rhône et les Alpes maritimes. Elle forme tout de même 20% des apprentis du territoire régional.
Il n’y a pas d’internat partout. « Il en faudrait, cependant on a l’impression qu’ils sont en prison quand on parle de ça » objecte, en riant, une élue. Le propos n’est pas aigre, il traduit simplement le mur qui existe entre les jeunes générations et ces métiers qu’ils ne voient qu’au travers de piètres clichés.
Certes, les établissements consulaires en question sont remplis – 700 apprentis de plus ont fait leur rentrée en septembre 2021 – mais le manque de vocation et d’implication perdure, même lorsque les jeunes ont un métier en mains.
Alors que 80% sont en emploi au bout de six mois, il faudrait pouvoir en rattraper certains par la manche parce que le manque de main d’œuvre qualifiée est cruel ; tous les métiers – il y en a 250 – sont en tension. « C’est à la sortie du CAP qu’il faudrait les accompagner parce qu’ils sont encore fragiles, dans le doute, et prêts à faire autre chose » – pour ne pas dire n’importe quoi – suggère Gilles Dutto, président départemental.

« Confiance, intégrité, client, ambition, excellence »

Yannick Mazette, nouveau président de la Chambre de métiers et de l’artisanat de région Provence-Alpes-Côte d’Azur

Depuis 2018, la loi ‘avenir professionnel’ donne plus de liberté aux entreprises pour ouvrir leur propre CFA et les aider à enrayer la pénurie de main d’œuvre. L’automatisation des embauches y est plus facile. La prospective aussi.
Pour les artisans, c’est plus difficile. « On ne sait pas, par exemple, ce que peut devenir la réparation automobile avec l’importance du parc de véhicules électriques », explique Yannick Mazette. Pas plus qu’on ne peut prévoir si les sections pâtisserie et chocolaterie vont continuer à se remplir à la vitesse de l’éclair. « Il faut savoir où nous en sommes. Il y a beaucoup d’enjeux pour constituer un pôle de formation fort. Les jeunes – je préfère parler d’apprenants – doivent pouvoir aller au-delà du CAP qui ne suffit plus dans la plupart de nos professions qui évoluent vite. Nous devons aussi nous intéresser aux publics qui cherchent une reconversion professionnelle, en proposant des parcours adaptés et rapides ».
Le chantier ne fait que débuter. La hausse du nombre d’apprentis profite pour l’instant à tous, avec la libéralisation de l’ouverture des centres. Mais il faudra démonter, alors que « le coût de la formation est très élevé pour la société », la pertinence de l’offre et l’efficacité du modèle.
C’est en particulier sur ce sujet qui taraude Yannick Mazette, fort des 7 000 contrats signés, bon an mal an, avec les apprentis de Provence-Alpes-Côte d’Azur. A chaque fois qu’un centre en signe un, il perçoit depuis l’année dernière un financement – dit ‘coût contrat’ – couvrant ses frais, selon un barème national établi par l’Etat au travers de France compétence. « Confiance, intégrité, client, ambition, excellence » sont les mots du nouveau président pour convaincre les artisans et les tutelles qu’un projet exemplaire reste possible.

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