3 juillet 2024 |

Ecrit par le 3 juillet 2024

« Châteauneuf-du-Pape en bulles », un rendez-vous incontournable pour les fans de BD

Des milliers de passionnés de bandes dessinées sont attendus dimanche 15 juin sur la Rue de la République, au coeur du village à partir de 10h. Piétonnisée, la rue principale sera entièrement dévolue aux dessinateurs, illustrateurs, scénaristes et aux amateurs de Michel Vaillant, Tony Corso, Alix… Ils pourront aller d’un stand à l’autre abrité d’un parasol, parler aux créateurs, acheter leur dernière création, faire dédicacer leur album.

Certains , les plus populaires, auront une file d’attente devant leur pile d’ouvrages, comme Achdé l’an dernier, qui revient dimanche, l’auteur de Lucky Luke, Kid Lucky et CRS = Détresse. JIM qui a fait l’affiche 2024, sera là aussi, auteur d’Une nuit à Rome, Le Chant du Cygne, Zoé Carrington.

Considérée comme un art à part entière, (le 9ème), comme avant elle, le cinéma, la photographie, l’architecture ou la sculpture, la BD occupe une place à part dans la création et fait l’objet d’un marché international où elle peut s’arracher à prix d’or par les passionnés. Raphaël Vannelle, le gérant de la Distillerie A. Blachère à Châteauneuf-du-Pape fait partie de ces accros. « Tour petit, j’ai reçu pour mon anniversaire à 6 ans un 1er album, c’était Spirou. Tintin, Asterix ont suivi. Depuis j’ai le virus et je suis capable d’aller au bout du monde pour dénicher une rareté d’Hugo Pratt ou d’Hergé pour parfaire ma collection de 3 000 oeuvres ». En 2023, Raphaël Vannelle, pour les 60 ans du « Pac à l’eau », le fameux pac citron avait demandé au grapheur C 215, alias Christian Guémy de créer des étiquettes collectors en série limitée.

Dimanche pour cette fête de la BD, populaire et familiale, on pourra voir et parler avec Chrys Millien (L’aviateur, Alix, Gil Saint-André), Patricia Jambers et son mari Jean-Charles Kraehn (Barbe-Bleue, Tramp), Jacques Terpant (Le royaume de Borée, Le capitaine perdu, Un roi sans divertissemnt), Olivier Berlion (Tony Corso, Pacotille), Isabelle et François Bonnet (Michel Vaillant, Légendes, USS Constitution, Les pirates de Barataria), se procurer leurs albums les faire dédicacer. Peut-être leur auteur en plus de leur dédicace, vous fera-t-il un petit dessin en prime, rien que pour vous?

Contacts :
accueil.chateauneufdupape@paysdorange.fr
fetes@mairie.chateauneufdupape.com
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« Châteauneuf-du-Pape en bulles », un rendez-vous incontournable pour les fans de BD

Mise en cérémonie par l’élégant et extravagant Calixte de Nigremont, au Château La Nerthe, la 3ème édition de ces « Causeries » a été présentée par l’historien Franck Ferrand qui avait invité à ses côtés les éditorialistes Eugénie Bastié et Franz-Olivier Giesbert.

Le journaliste de « Radio classique » a ainsi entamé le débat : « Au Vème siècle avant notre ère, à Athènes, va naître ce qu’on appelle le pouvoir du peuple, du grec « démos » / peuple et « kratos » pouvoir. C’était une association de citoyens, une forme d’aristocratie qui représentait des milliers de familles, contrairement à la monarchie où un homme gouverne seul. C’est ensuite le grand penseur bordelais Montesquieu qui a parlé de séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire dans « De l’Esprit des lois » en 1748). Puis c’est Abraham Lincoln, le 16ème président des Etats-Unis qui en 1863 parlera d’un gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. Formulation qui sera d’ailleurs reprise in extenso en 1958 par Michel Debré dans l’article 2 de la Constitution de la Vème République« . Franck Ferrand poursuit : « Est-ce encore si vrai? La démocratie est-elle toujours un projet de société, un mode de citoyenneté? L’état de droit est il garanti? Sommes-nous égaux devant la loi? Sous nos yeux, nous avons vu, lors du Covid une certaine forme de délitement ».

“La Démocratie, c’est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple“

Abraham Lincoln

Eugénie Bastié attaque : « La démocratie souffre d’une ambiguité, d’une illusion selon laquelle nous irions vers davantage de droits. C’est une grande erreur. Depuis la chute du Mur de Berlin (1989), la démocratie ne s’est pas répandue dans le monde entier. On voit bien que la Chine s’est modernisée mais elle reste ultra-totalitaire. A la séparation des pouvoirs, en France, nous devons ajouter un autre pilier de la démocratie, la laïcité. Bien sûr on n’a plus de Saint-Barthélémy, en délibérant on trouve des solutions politiques mais s’il n’y a pas de nation, il n’y a pas de démocratie, c’est le cas de l’Union européenne où ces piliers ont tendance à dériver ». Franck Ferrand ajoute : « Dans le classement des démocraties, c’est la Norvège qui arrive en tête avec 9,8/10 suivie de la Nouvelle-Zélande et de l’Islande, dans les 10 premiers figurent d’ailleurs 6 monarchies. La Fr ance se classe en 23ème position. En queue de peloton, on trouve la Libye, le Laos, le Tchad, la Syrie, la Corée du Nord, la Birmanie et l’Afghanistan avec 0,26 /10 ». « On se demande d’où provient ce calcul à la décimale près » ricane Eugénie Bastié, la journaliste du Figaro. Rires dans l’assistance.

“A la séparation des pouvoirs, en France, nous devons ajouter un autre pilier de la démocratie, la laïcité.“

Eugénie Bastié

C’est alors qu’intervient Franz-Olivier Giesbert : « Je suis le plus vieux des trois, donc j’ai plus de recul que vous. En quoi la démocratie aujourd’hui serait-elle plus menacée qu’avant? Vous confondez l’état de la France avec la démocratie. En 1968, je jetais des pierres contre les gauchistes. C’était du totalitarisme. On ne pouvait pas discuter avec les maoÏstes. L’historien et philosophe britannique Arnold Toynbee (1889-1975) a présenté l’histoire comme comme l’essor et la chute des civilisations plutôt que comme l’histoire d’Etats-Nations. Il identifie les civilisations sur des critères culturels plutôt que nationaux. La civilisation occidentale est traitée comme un tout depuis les Romains, avec des cycles. Avant la France comptait dans le concert des nations. On était le centre du monde on avait Sartre, Camus, le cinéma rayonnait, maintenant, on n’est plus rien ».

“En quoi la démocratie aujourd’hui serait-elle plus menacée qu’avant? Vous confondez l’état de la France avec la démocratie.“

Franz-Olivier Giesbert

Eugénie Bastié intervient ; « Sous de Gaulle, on avait une radio et un TV d’Etat, aux ordres, l’ORTF. C’est Alain Peyrefitte, son ministre et porte-parole qui téléphonait aux rédacteurs-en-chef pour leur dicter le contenu des journaux, tu parles de pluralisme du service public! La démocratie, c’est un combat perpétuel en Occident. Il faut se battre pour la conserver. Comme l’écrivait Montesquieu, seul le pouvoir arrête le pouvoir. L’esprit de la Vème république, c’est le national, le régalien mais maintenant Emmanuel Macron s’occupe de tout, seul dans son bunker, il décide de tout, il en abuse. Avant, on prenait le temps de la réflexion, de l’écrit, c’était l’éloge de la lenteur. Maintenant, on tweete, on ne lit plus, on est noyé dans un flux d’infos, d’images, l’immédiateté et l’instantané priment. Sur les chaînes d’infos, une polémique chasse l’autre à la vitesse grand V. Chacun raconte sa vie sur les réseaux sociaux, inonde le monde de ses selfies égoïstes, individualistes qui n’intéressent personne. »

“Comme l’écrivait Montesquieu, seul le pouvoir arrête le pouvoir.“

Eugénie Bastié

« Le milieu médiatique se laisse submerger par l’émotion » regrette Franck Ferrand. « La sphère médiatique a envahi la sphère citoyenne. Vous y ajoutez la culture wok et vous avez un débat biaisé. Le problème c’est que ce ne sont plus des institutions élues par le peuple qui prennent les décisions, c’est ça qui menace le plus la démocratie. La place du peuple est plus que réduite. »

« Le milieu médiatique se laisse submerger par l’émotion »

Franck Ferrand

FOG évoque les Etats-Unis (où il est né en 1949) et s’étonne qu’on retrouve encore les deux octogénaires, Biden et Trump, candidats à la présidence en novembre prochain. « II n’y a plus de jeunes qui veulent se présenter aujourd’hui. La loi sur le non-cumul des mandats a tout fracassé. Tout se décide à Paris, à fond le jacobinisme. On n’a plus de Georges Frèche à Montpellier, d’Alain Juppé à Bordeaux, de Gérard Collomb à Lyon. Eux, ils exerçaient un vrai pouvoir, ils étaient respectés, on a tué ces ‘barons’. Macron fait appel à des cabinets privés, il nomme ministres des ectoplasmes qui ne lui font surtout pas d’ombre. A Bruxelles ce sont des bureaucrates qui décident pour nous ».

Le maître de cérémonie élégant et extravagant, Calixte de Nigremont

Intervention d’Eugénie Bastié : « C’est quoi la souveraineté? Quand les droits individuels écrasent la majorité? ! Quand la république des juges empêche certaines décisions d’être prises? Quand le peuple ne décide de rien? Quand les flux migratoires ne sont pas maîtrisés? Quand le droit de quelques personnes passe avant l’intérêt général? Si tout cela n’est pas réglé par la démocratie, ça risque de basculer vers un excès d’autoritarisme. Quand Laurent Fabius, le président du Conseil Constitutionnel prévient : ‘Si Marine Le Pen demande un referendum sur l’immigration, c’est non, nous l’empêcherons » . Supprimons le Conseil Constitutionnel, stop! C’est lui qui ouvre la voie à un régime autoritaire. Maîtrisons nos frontières, sinon on va dans le mur ».

“Si tout cela n’est pas réglé par la démocratie, ça risque de basculer vers un excès d’autoritarisme.“

Eugénie Bastié

Franz-Olivier Giesbert lui emboîte le pas : « Le peuple est dépossédé de son pouvoir par des juges, des technocrates, des instances non élues. Le regroupement familial est souvent, et à tort, attribué à VGE ou à Chirac, mais ce n’est ni l’un ni l’autre. C’est le Conseil d’Etat qui l’a instauré pour faire venir plus de main d’oeuvre en France, c’est lui qui a pris le pouvoir. Pour retrouver une vraie démocratie, il faut remettre le politique au coeur du village. Des hommes et des femmes forts, compétents, volontaires, énergiques. Pas effacés, pleutres, pas des zombies comme les ministres macroniens que personne ne connaît à part deux ou trois sur quarante. La crise de l’immigration, le laisser-faire sont la preuve de ce manque de volonté des politiques aujourd’hui. La Cour Européenne de Justice aussi a pris le pouvoir. Dans le TGV je vois des voyageurs sans papiers, sans bagages, sans billet en 1ère classe qui ne sont jamais contrôlés, jamais verbalisés.

« Le peuple est dépossédé de son pouvoir par des juges, des technocrates, des instances non élues.“

Franz-Olivier Giesbert

Eugénie Bastié renchérit. « Au Danemark, la gauche au pouvoir s’est demandée où allaient ses impôts. S’ils devaient financer un modèle social, un socle commun aux citoyens ou un Etat-Providence généreux. Mais ils ne pouvaient pas tout faire, ils ont donc tracé une frontière entre les citoyens et les non-citoyens, une barrière entre vie privée et vie publique. En France, Emmanuel Macron s’occupe de ce qui ne le regarde pas. Il nous dit comment éduquer les enfants, faire des économies d’électricité en baissant la température des radiateurs, partager les taches ménagères. Alors qu’il est incapable de fixer un cap, de réguler le régalien, la sécurité des biens et des personnes, il est très intrusif dans nos maisons. Qu’il arrête d’emmerder les Français quotidiennement, comme disait Georges Pompidou, qu’il fasse régner l’ordre et la sécurité ».

« Ceux qui ont été élus au pouvoir ne l’ont plus.“

Franck Ferrand

Franck Ferrand précise : « Ceux qui ont été élus au pouvoir ne l’ont plus. Toujours plus de normes sont décidées ailleurs, les juges les empêchent de prendre leurs responsabilités. Les gens au pouvoir se sont laissé enfermer, comme Gulliver, ils sont empêtrés. De même, sous le Covid, nous nous sommes tous, docilement, laissé enfermer chez nous ». Cinglante, Eugénie Bastié résume « Macron est fort avec les faibles et faible avec les forts. Par ailleurs le peuple français est schyzo, il a une responsabilité dans la dilution de la démocratie. A la fois il demande plus d’intérêt général et il s’en remet à l’Etat pour tout, du berceau à la tombe pour le logement, la fin de vie, c’est le culte du droit individuel ». Au tour de FOG d’intervenir : « Depuis 1981, le politique suit le peuple or c’est le peuple qui doit suivre celui qu’il a élu avec un programme, une trajectoire. Maintenant l’élu ne pense qu’à sa ré-élection. »

“Le peuple français est schyzo, il a une responsabilité dans la dilution de la démocratie.“

Eugénie Bastié

Evidemment, entre trois journalistes il a été question des media. « Normalement, les journalistes devraient constituer le 4ème pouvoir, un contre-pouvoir, mais certains ont une telle complicité avec les politiques que cela confine à l’impuissance. Ils n’ont à se justifier devant personne, ils sont rarement virés pour incompétence. En plus sur les réseaux sociaux, chacun est un media, sans vérification des informations, sans source sûre. C’est le royaume des fake news. Quant à Tiktok, il va bouffer le cerveau des jeunes ».

« Il faut régénérer la classe politique pour qu’elle reprenne la main.“

Franz-Olivier Giesbert

Tour à tour, les trois intervenants ont conclu au terme d’un débat riche et passionnant. « Il faut régénérer la classe politique pour qu’elle reprenne la main » a dit FOG. « Tiktok, c’est l’opium du peuple, ajoute Franck Ferrand. Avant on se parlait autour d’un café, au bistrot, même si on ne se connaissait pas, on s’écoutait, on échangeait même si on n’était pas d’accord. Maintenant chacun est seul, devant son écran pendant des heures, ça ne fait pas société ». Quant à Eugénie Bastié elle a dégainé sa dernières balle : « Avant les membres du Conseil Constitutionnel étaient de vrais sages, ils incarnaient le bon sens, l’équilibre démocratique. Maintenant ce sont des professeurs de morale. Il faut supprimer cette institution. Ce qu’une loi a fait en la créant, une autre loi peut le défaire ».

© Emmanuel Chandelier

« Châteauneuf-du-Pape en bulles », un rendez-vous incontournable pour les fans de BD

Ambiance cool, ce samedi au coeur du village, où étaient installés les 8 auteurs invités pour cette 3ème édition de « Châteauneuf en bulles ». C’est Raphaël Vannelle, le gérant de la Distillerie A. Blachère qui a eu l’idée de ces rencontres.

« Je voulais créer un évènement populaire et pérenne au coeur du village ». Il est vrai que Raphaël est lui-même fou de BD depuis tout petit, « J’ai reçu en cadeau mon 1er album de Spirou à 6ans. Nous sommes 4 frères et nos parents nous ont initié à la bande dessinée. Avec, pour chaque anniversaire, chaque Noël, un nouvel album, pour l’un c’était « Tintin », pour les autres « Lucky Luke » et « Asterix ». C’est ainsi qu’ont débuté ma passion et ma collection ».

Raphaël Vanelle, créateur de “Châteauneuf-du-Pape en bulles“ avec Franck Margerin, le créateur de “Lucien“.

« A l’époque, c’étaient des super héros », explique Raphaël Vannelle, « Des « comics » américains. Puis ce sont surtout des dessinateurs belges et français qui se sont imposés et j’ai acheté leurs albums, évolué avec eux, enrichi ma collection. Aujourd’hui j’en ai environ 3 000 oeuvres dans ma bibliothèque. Il faut savoir et que c’est devenu un vrai marché dans le monde. Ce n’est pas un art mineur, c’est un art à part entière. Comme j’adore Hugo Pratt, je suis allé en Italie pour acheter une de ses planches originale de « Corto Maltese ». Je suis capable de filer jusqu’aux Etats-Unis, en Espagne pour dénicher l’objet rare. Hergé est côté 500 000€ minimum. En BD, les prix partent de 5 000€ pour atteindre des sommets, comme en peinture. Un ‘Batman’ de Frank Miller, par exemple, a été adjugé 3,2M€ à New-York ».

Achdé, alias Hervé Darmenton, l’auteur de Lucky Luke depuis 2001.

Raphaël Vannelle, l’organisteur de  » Chateauneuf en bulles » travaille avec la mairie, le Château La Gardine et quelques vignerons pour mettre sur pied cette opération, il la finance grâce à l’entreprise qu’il dirige avec sa femme, la Distillerie A. Blachère. « Nous contactons les auteurs, les invitons, payons les billets de train, les hôtels. Pour eux, c’est un vrai travail de venir ici, passer des heures dans leurs stands, ils font souvent des dessins pour leurs fans ». Dédicaces, échanges, selfies, tout se passe à la bonne franquette, même si certains dessinateurs comme Franck Margeron ou Achdé provoquent des files d’attentes sous le soleil, ce samedi de juin.

Serge Scotto, s’inspirant de l’œuvre de Marcel Pagnol.

« On remarque qu’il y a peu de femmes dans ce milieu, certes, on a eu Claire Bretecher (Les frustrés, Agrippine, Cellulite publiés pendant des années par le Nouvel Obs), mais depuis, pas grand chose » regrette Raphaël Vannelle. « On a quand même réussi à faire venir Patricia Jambers qui est coloriste des albums de son mari, Jean-Charles Kraehn ». Etaient également présents Régis Loisel (Peter Pan, La quête de l’oiseau du temps), Olivier Berlion (Agata, Le cadet des Soupetards), Serge Scotto (Merlusse, Jean de Florette, Le château de ma mère d’après Marcel Pagnol), Serge Fino (Les ailes du Phaéton, L’or des marées). Au fil de la journée, des centaines et centaines de lecteurs sont venus à leur rencontre et sont repartis heureux, avec leur album dédicacé dans les mains et parfois, un petit dessin de l’auteur en prime.


« Châteauneuf-du-Pape en bulles », un rendez-vous incontournable pour les fans de BD

A l’issue de son 1er mandat, Claude Avril, maire de Châteauneuf-du-Pape, dresse le bilan de l’action municipale de son équipe. Parti de loin, il a fallu d’abord redresser les finances de la commune, régler plusieurs dossiers épineux comme celui de la brigade de gendarmerie et celui de la traversée du village par une multitude de camions, avant de procéder aux investissements que la nouvelle majorité avait souhaités. Le tout dans une période sévère de baisse des dotations de l’Etat et dans le cadre d’une réglementation de plus en plus immobilisante.

C’était le serpent de mer de la commune : ‘la déviation de Châteauneuf- du-Pape’. Aujourd’hui, pour ceux qui ont un peu de mémoire, c’est presque le symbole de la mandature actuelle. Ce projet de 16M€ prévoyait un tronçon de 2,8 kilomètres, ponctué par 2 ronds-points et 5 intersections, devant permettre de désengorger le cœur du village du trafic routier mais surtout de la noria de camions, dont beaucoup de carriers, qui empruntent les rues trop étroites de la cité de villégiature des papes d’Avignon. Soutenu par l’équipe municipale précédente, le tracé était pourtant très contesté. Il faisait notamment disparaître 7 ha, touchant une trentaine d’exploitations, de la plus vielle AOC (Appellation d’origine contrôlée) de France créée en 1923. De quoi susciter au mitan des années 2000, un avis défavorable du ministre de l’Agriculture malgré une déclaration d’utilité publique par le préfet de Vaucluse d’alors. Dans le même temps, la saisine du Tribunal administratif de Nîmes par les vignerons concernés ainsi que par le Syndicat intercommunal de défense de l’appellation a ensuite débouché sur l’annulation de la déclaration d’utilité publique (DUP) du projet. Puis, en 2010, la confirmation de cette décision par la Cour administrative d’appel de Marseille a définitivement eu raison de ce dossier. Au grand soulagement d’ailleurs du Conseil départemental de Vaucluse tout heureux de voir enterré ce dossier finalement jugé officieusement « trop onéreux » par le président de l’époque.

■ Presque trop facile ?

Mars 2014, la liste de Claude Avril est élue au 1er tour avec 64,19% des suffrages exprimés. A peine un an plus tard, quelques panneaux de signalisation et un arrêté pris en conseil municipal mettent un terme, à moindre frais, au passage quotidien de centaines de camions dans le village ainsi qu’à près de 20 ans de palabres.

Presque trop facile ?

« Cela n’a pas été si simple, tempère le maire. Il a fallu passer en commission préfectorale puis prendre ensuite un arrêté conjoint avec le Département. Et même si plus de 90% des camions ne venaient pas de Châteauneuf-du-Pape, tout cela n’aurait pas pu se faire sans l’accord des villes d’Orange et de Sorgues qui ont su nous entendre. Aujourd’hui, c’est une véritable satisfaction car il ne reste plus que le trafic de desserte et nous avons surtout fait diminuer de moitié le taux de pollution. »

 

■ Très chère gendarmerie

L’autre grand chantier auquel s’est attelé en début de mandat cet avocat docteur en droit public et droit constitutionnel et ses colistiers a été de renégocier les conditions d’accueil de la brigade de gendarmerie hébergée dans le cadre d’un bail emphytéotique administratif suite à son transfert depuis Courthézon en 2011. Une situation épinglée par la Chambre régionale des comptes qui, dans son rapport dévoilé en 2015 sur la gestion de la commune, avait mis en avant le poids financier sur la section de fonctionnement de la réalisation de cette gendarmerie. Qualifiant cette opération « d’onéreuse », la Chambre a constaté que la commune avait alors choisi « d’assumer seule le financement du projet sans en avoir préalablement mesuré la soutenabilité financière. »

« On nous explique à l’avance ce qu’on ne peut pas faire… »

Surtout, toujours selon le montage juridique constaté par la Chambre régionale, des clauses « irrégulières » faisaient peser sur la commune, pourtant locataire, les obligations d’un propriétaire. « L’opération ne présente finalement aucun avantage par rapport à un montage classique d’investissement réalisé par la commune. » In fine, pour un investissement d’un montant estimé à 3,72M€, la Ville aurait dû rembourser à terme 8,45M€ en 2039 à la banque partenaire de l’opération, dont 4,76M€ d’intérêts et 3,69 M€ de capital. « Nous avons mis bon ordre à cette situation, explique Claude Avril. Même si les faits étaient prescrits, le rapport de la Chambre régionale des comptes nous a grandement permis d’être en position de renégocier ces taux usuriers. Aujourd’hui, un nouvel emprunt nous permet de moins payer que les charges et les loyers que nous avions auparavant. » Cet emprunt se monte désormais à 200 000€ par an, avec une annuité fixe, contre un loyer de 250 000€ au préalable qui serait passé à 350 000€, voire bondir encore davantage en cas de départ de la brigade. De quoi réaliser un gain d’au moins 2,7M€ sur 30 ans pour la commune.

 

■ Assainissement des finances

En parallèle, la nouvelle équipe municipale s’est fixée pour objectif d’assainir les finances de la commune. Le tout en pleine période de baisse des dotations de l’Etat.

« Il y a 5 ans nous recevions plus de 228 000€ par an, aujourd’hui nous n’avons plus rien, insiste l’élu castel- papal. Dans un premier temps, cela a diminué de moitié pour atteindre zéro depuis 2018. L’Etat justifie ce chiffre parce que nous disposons de bases fiscales importantes. Il nous a alors fallu compenser les baisses de dotation tout en faisant un maximum d’économies. On a réalisé plus de 13% de baisse des dépenses publiques de fonctionnement en 5 ans. Le tout sans faire de nouvel emprunt, sauf celui de la gendarmerie, afin d’assainir nos comptes sans avoir recours à une hausse de la fiscalité locale. Le problème, c’est qu’avant notre arrivée il y avait 26 emprunts dans la commune, plus ceux de la CCPRO (Communauté de communes du pays réuni d’Orange). Aujourd’hui, il en reste une vingtaine mais auparavant ces emprunts, contractés au rythme de tous les 2 ans, servaient davantage à financer de la trésorerie de fonctionnement. Tout cela est fini maintenant, nous avons mis un terme à cette manière de faire en réduisant substantiellement les dépenses et tous les investissements que nous réalisons sont financés par ce que nous dégageons grâce à nos économies de fonctionnement. Les attributions de compensation de la CCPRO, nous ont aussi beaucoup aidés, elles ont quasi doublé avec 445 000€ contre environ 250 000€. »

 

■ Recréer des lieux de vie

Malgré le manque de moyens en début de mandat, ce juriste inscrit au barreau d’Avignon intervenant dans les domaines de l’urbanisme, de la construction et des litiges avec l’administration dépendant de la compétence du tribunal administratif, affiche ses ambitions de bâtisseur. « Au niveau des équipements et des lieux on avait 40 ans de retard. Il y a eu plein de belles choses qui ont été réalisées auparavant mais on peut dire que l’on s’est endormi sur nos lauriers à partir des années 1980. Alors dans un premier temps l’urgence a été de décongestionner le centre-ville afin que les gens arrêtent de ‘bouffer’ du pot d’échappement. Ce que nous avons ensuite voulu faire a été de recréer des lieux de vie où les gens se sentent bien et puissent se rassembler. C’est ce que nous avons fait avec la réhabilitation de l’îlot Establet et le réaménagement de la place Jean-Moulin. Maintenant Châteauneuf-du-Pape, ce sont 2 lieux de vie, avec la place de la fontaine déjà existante et la nouvelle place qui nous permet de disposer de 700 m2 d’espace public supplémentaires au centre d’un nouveau pôle d’attraction accueillant de nouveaux commerces. »

 

■ La matière et l’esprit

« En cas de réélection, notre objectif est de continuer la transformation du village pour que les gens se sentent bien, qu’ils aient envie de rester, de passer du temps, insiste le premier magistrat de cette commune dénombrant 2 200 habitants et 38 agents municipaux. Notre ambition est de faire de Châteauneuf- du-Pape une ville à la hauteur de la renommée de son appellation, de créer un mariage entre la matière et l’esprit en faisant de Châteauneuf un village des sens associant le goût, l’odorat, les jus nécessaires, les paysages… Un endroit où il fait bon vivre, manger et boire. »

Pour animer ce village où l’on consomme un vin d’exception, la municipalité a notamment fait le choix de la culture. Depuis 2015, elle accueille le festival ‘Off’ d’Avignon avec ‘Chato’Off les murs’. L’opération de délocalisation, une première pour le Off, est un véritable succès puisque 200 compagnies sont désormais candidates pour figurer parmi les 5 spectacles retenus pour se produire à Châteauneuf. La nouvelle municipalité a aussi lancé en 2018 les nocturnes littéraires. Des animations qui viennent compléter celles déjà existantes autour de la gastronomie et du vin comme la fête de la véraison, la Saint-Marc, le salon des vins du printemps de Châteauneuf-du- Pape…

« Faire de Châteauneuf-du-Pape une ville à la hauteur de la renommée de son appellation. »

« Il y a eu aussi la Maison Lançon, la maison de la culture, du livre et du tourisme, poursuit celui qui est aussi le président de l’office du tourisme intercommunal de la CCPRO. Grâce à 250 000€ d’investissement nous avons enfin créé un lieu digne de ce nom avec bibliothèque, espace de projection, cave, lieu d’exposition… Le tout accessible aux personnes à mobilité réduite. » Bien évidemment, Châteauneuf entend aussi capitaliser sur sa richesse patrimoniale avec son château, son cœur de village mais aussi sur son passé antique (voir encadré ‘Arausio’ : un désastre militaire pour Rome) ou bien encore la tour de l’Hers située à proximité de la halte fluviale ainsi que la véloroute de la Via Rhôna en cours d’achèvement dans le Vaucluse d’ici 2022 et qui permettra de cibler plus particulièrement les cyclotouristes.

 

■ L’intérêt de nouveaux investisseurs

« Il faut que nous continuions à accueillir le monde entier à Châteauneuf et notamment beaucoup d’Américains qui viennent pour cet art de vivre. Notre rôle, c’est donc de créer les conditions propices à ce qu’ils se promènent dans le village pour découvrir sa qualité de vie, sa restauration et ses événements culturels. Nous voyons d’ailleurs qu’il y a des investisseurs nouveaux dans le village, confirmant ainsi son attractivité, qui permettent d’attirer de la clientèle dans les commerces et les restaurants. »

 

■ Les projets à venir

Malgré la difficulté à se constituer des réserves de foncier en raison du prix de la vigne, la commune entend toutefois poursuivre ses projets. « Il y a encore beaucoup à faire en termes d’embellissement du village », continue ce maire qui a souhaité garder la compétence urbanisme pour rester maître de l’attribution des permis de construire sur le territoire de sa commune. La rénovation de la salle des fêtes constitue l’une des priorités dans l’avenir. L’équipement construit en 1978 accueille de nombreux événements dans un cadre qui commence à dater un peu. Ce coup de jeune à déjà commencé aux abords du site avec la création d’un parking, en contrebas de la salle, à la place de l’ancienne piscine. Il faudra cependant prévoir des travaux plus importants pour sa réhabilitation dans les années à venir.

Par ailleurs, la municipalité souhaite aménager un parking de 100 à 200 places près des arènes afin de désengorger le haut du village. Les arènes qui d’ailleurs ont fait l’objet d’un important nettoyage (voir encadré) et dont la commune envisage la transformation en théâtre de verdure. Au Nord de la commune, la SCV (Société des carrières vauclusiennes) devrait arrêter son activité en 2024. « Il faut déjà réfléchir à ce que nous pourrons faire de cette carrière de 25 ha. Des activités saisonnières et de loisirs ou bien des concerts car on peut faire du bruit puisqu’il n’y a personne. » L’autre dossier majeur d’un éventuel second mandat c’est l’avenir du château. Après avoir réalisé la mise en conformité de l’accessibilité du Cellier Pontifical la Ville souhaite désormais pouvoir travailler sur une valorisation du site classé Monuments historiques depuis 1892.

Pour cela, une étude historique a été réalisée par la Drac (Direction régionale des affaires culturelles)en partenariat avec le laboratoire de recherche d’histoire de l’université d’Avignon. « Il faudrait que l’on puisse enfin avancer sur ce dossier », peste le maire face à la lenteur des prises de décisions. Une jungle administrative et un amoncellement de ‘paperasse’ qui n’est pas sans conséquence sur la motivation de l’élu.

Entre les obstacles pour mener à bien sa tâche et le redressement de la capacité financière de la commune lui permettant d’envisager un second mandat avec davantage de moyens, Claude Avril a déjà annoncé qu’en cas de réélection cela serait son dernier mandat. « Il y a la volonté de passer à autre chose mais c’est surtout le fruit d’une certaine lassitude face aux contraintes administratives. »

 

■ Ne pas devenir un agent d’ambiance

« Nous n’avons plus la liberté d’agir, il n’y a plus que des servitudes administratives, regrette-t-il. Et quand elles ne sont pas dans l’action et dans les textes, elles sont dans l’esprit où on nous explique à l’avance ce qu’on ne peut pas faire… Tout est muselé, tout est paralysé… Parfois, on a envie d’envoyer tout valdinguer en leur disant qu’il n’y a plus qu’à nommer des agents de l’Etat à la place des maires car notre rôle se résume parfois à celui d’agent d’ambiance. Mais dans ce cas-là, à eux de tout assumer : les responsabilités et les pouvoirs car on ne peut pas enlever les pouvoirs d’attribution des maires en leur laissant uniquement les responsabilités. Les ABF (Architectes des bâtiments de France), c’est aussi l’une des autres raisons pour lesquelles on a parfois envie de jeter l’éponge. Il n’y a plus de marge de manœuvre. Il ne s’agit pas de faire n’importe quoi, mais qu’on nous foute la paix en nous laissant un minimum de liberté pour imaginer notre village. Quand je pense que l’ABF doit donner son accord sur les essences de fleurs que l’on plante sur notre parking ! »

Ce qui l’incite cependant à continuer, ce sont les perspectives de nouvelles marges de manœuvre d’un éventuel prochain mandat. « La première année de notre mandat nous n’avons pas pu faire d’investissement en raison de la mauvaise santé financière de la commune. Aujourd’hui, nous arrivons à faire près de 500 000€ à 600 000€ d’investissement et à monter à 900 000€ en intégrant les subventions de l’intercommunalité ou du conseil départemental notamment. Nous aurons une pleine capacité d’investissement et une certaine marge manœuvre pour le prochain mandat. Mais dans tous les cas, une mairie ne met qu’un cadre, n’indique qu’une direction. Le contenu c’est ensuite à chacun de l’apporter. »

Dossier réalisé par Laurent Garcia

50% de pollution en moins

Depuis la mise en place de l’arrêté d’interdiction de passage des camions dans le village en juillet 2015, Airpaca, association de surveillance de la qualité de l’air, agréée par le ministère de l’Environnement, a constaté une baisse de 45% du taux de dioxyde d’azote lié à la pollution automobile. Seul désormais est autorisé le trafic de desserte nécessaire cependant à la logistique des nombreuses caves et domaines de la commune.

Arausio : un désastre militaire pour Rome

En l’an 105 avant Jésus-Christ, le 6 octobre se déroula la bataille d’Arausio entre Orange et Châteauneuf- du-Pape. Il s’agit de l’un des plus grands désastres militaires de l’Empire romain. En raison de la mésentente des généraux des deux armées romaines dirigées par le consul Mallius Maximus et le proconsul Servilius Caepio, une coalition de 200 000 barbares regroupant des Cimbres, des Teutons et des Tigurins anéantit plus de 80 000 légionnaires. Aujourd’hui, le massif du Lampourdier, où se situaient les deux camps militaires antiques, fait l’objet de fouilles où l’on découvre ossements et charniers entre Rhône et colline. « Nous avons l’une des plus grandes batailles de l’Empire romain, sa plus grande défaite, constate Claude Avril. C’est incroyable que cela ne soit pas plus mis en avant. Il faut absolument que nous valorisions ce site en travaillant, pourquoi pas, sur une historiographie de la bataille afin de la faire revivre. Et ce, d’autant plus que nous avons du foncier dans ce secteur. Cela nous permettrait également de rattacher Châteauneuf à l’époque romaine alors que l’on a toujours été associé à la période médiévale en faisant remonter notre naissance au IXe ou Xe siècle. »

Les Gardois sont-ils enfin prêts à payer ?

Si avec l’interdiction du transit des camions dans Châteauneuf-du- Pape, le village est plus tranquille, il reste encore un important trafic provenant du Gard de véhicules légers aux heures d’arrivée et de sortie de travail. « On nous parle du vieux serpent de mer de la LEO (ndlr : Liaison Est-Ouest d’Avignon dont seulement un tiers a été réalisé), mais l’autre liaison sur le Rhône entre le Gard et le bassin de vie d’Avignon, elle est à Roquemaure où il y a énormément de circulation des gens qui veulent éviter les encombrements de la cité des papes. Alors même si aujourd’hui il n’y a pas les financements, il a toujours été envisagé de prévoir un pont sur le Rhône entre Le Pontet et Sauveterre, qui pourrait résoudre beaucoup de problèmes. Dans la mesure où il est incontestable que le Gard vit avec le Vaucluse et que, en conséquence il manque plusieurs grandes voies de communication, il faut se poser la question de ce que le Gard ou l’Occitanie sont enfin prêts à payer. »

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