En France, chaque année, le secteur du BTP a besoin d’environ 400 millions de tonnes de granulats (sables et graviers). Ils sont à 75 % extraits de carrières, de rivières et de la mer. Une rivière comme la Durance offre une ressource importante pour les entreprises locales. Entre le barrage de Serre-Ponçon et Avignon, une bonne dizaine de carrières y sont installées. Mais que faire de ces sites lorsque l’exploitation en a cessé ?
L’extraction de granulats depuis le lit des rivières n’est plus autorisée depuis le début des années 90. Les carriers ont dû trouver des terrasses alluviales situées à proximité des cours d’eau. Mais en creusant pour extraire les granulats, l’eau des nappes phréatiques remonte naturellement et transforme ses carrières en plans d’eau. Si l’eau est une ressource essentielle à la vie et qu’elle est une force d’attraction naturelle pour l’homme, le devenir des gravières, après l’arrêt de leur exploitation, est loin d’être une « fin de carrière » paisible.
Mais les concessionnaires des carrières ne laissent pas toujours les sites dans le meilleur état en quittant les lieux
Appartenant la plus part du temps au domaine public, ces gravières sont souvent récupérées par des collectivités qui en sont propriétaires et/ou en assurent la gestion. Ce qui est le cas, par exemple, du lac de Peyrolles géré la métropole Aix Marseille Provence, ou celui de la Lionne propriété de la ville de Sorgues. Mais les concessionnaires des carrières ne laissent pas toujours les sites dans le meilleur état en quittant les lieux. C’est ce qui se passe au plan d’eau de la Grande Bastide, à Cheval-Blanc, où son maire Christian Mounier a saisi la justice dans le différent qui l’oppose à l’ancien exploitant Durance Granulats.
Sur ce dossier on pourrait d’ailleurs s’étonner que les associations écologiques, si prompt à se mobiliser, n’aient pas fait entendre leurs voix ?
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Une opportunité ou une galère ?
Quand ce n’est pas la justice qui est appelé à trancher, la question du devenir de ces plans d’eau n’en reste pas moins un vrai sujet pour ne pas dire une préoccupation pour les collectivités qui en ont la charge. A Sorgues, avant de devenir un lieu de détente et d’hébergement insolite, le lac de la Lionne était devenu un endroit insalubre et peu fréquentable. Même les pécheurs ne s’y risquaient plus beaucoup. La mairie, qui en est propriétaire a dû évacuer près de 100 m3 de déchets et sécuriser le site avant de le louer – pour une durée de 30 ans – à la société Coucoo Cabanes. Cette société qui exploite aujourd’hui 5 domaines en France, a investi à Sorgues 4 millions d’euros pour construire 20 cabanes sur ce plan d’eau de 10 hectares. Louées d’avril à octobre, ces cabanes flottantes ou sur pilotis sont totalement intégrées à la nature.
Pour Gaspard de Moustier, l’un des deux co-fondateurs de la société, son offre se construit autour du bien-être et du respect de la nature. Plus tendance c’est difficile. Se qualifiant volontiers « d’utopistes raisonnables », la démarche de ces entrepreneurs s’appuie sur des principes qui les engagent. Outre l’attention apportée au respect de la nature environnante, la société fait appel à des fournisseurs locaux et en particulier pour les repas qui sont livrés aux clients. Les cabanes ne sont pas équipées de cuisines, comme dans les hôtels. C’est aussi le moyen de limiter l’impact sur un environnement particulièrement fragile comme les milieux aquatiques. La société a créé, sur le site de Sorgues, 25 emplois et estime que les retombées économiques directes sur le commerce local sont de l’ordre de 0,5 M€ par an. Avec un taux d’occupation de 85 % la société annonce un CA annuel de 1,7 M€.
D’une vilaine cicatrice dans le paysage cette ancienne gravière est devenue un atout pour la ville
Pour Thierry Lagneau, le maire de Sorgues, c’est un aménagement qui respecte la nature et qui est valorisant pour la ville. « C’est une reconversion pertinente et utile », précise-t-il. Au-delà des retombées économiques ce projet semble cocher toutes les cases, à commencer par la réhabilitation d’un lieu qui créait des nuisances de toutes sortes. D’une vilaine cicatrice dans le paysage cette ancienne gravière est devenue un atout pour la ville. Thierry Lagneau, estime qu’il s’agit là « d’un outil de communication et qui apporte de vraies retombées à l’économie locale ». La vélo route, baptisée ViaRhôna, qui relie les berges du lac Léman à celles de la méditerranée, a la bonne idée de passer à toute proximité du lac de la Lionne ce qui peut en faire un gite d’étape de choix. « Pertinent et utile » disait-il.
Entre la décision du projet et son ouverture il faut au minimum entre 3 et 4 ans
Mais la réhabilitation d’une ancienne gravière nécessite une détermination et un investissement en temps importants. Entre la décision du projet et son ouverture il faut au minimum entre 3 et 4 ans. « C’est long, parfois épuisant quand on sait à quel point ce sont des petits projets à taille humaine très engagés et respectueux de l’environnement, mais c’est le temps nécessaire pour faire des projets exceptionnels » précise Gaspard de Moustier. Même son de cloche du côté de Cheval-Blanc où Christian Mounier, son maire, estime que plusieurs années seront nécessaires à la conduite du projet d’aménagement du plan d’eau de la Grande Bastide, et cela une fois que l’ancien exploitant aura remis le site en l’état… Sur cette ancienne gravière de 30 hectares dont l’exploitation a cessé en 2021, il est prévu sur une partie d’aménager une plage de 1km destinée à la baignade et à la pratique de sports nautiques non polluants. L’autre partie serait plutôt destinée à la création d’un espace naturel réservé aux promeneurs. Il est à noter que ce plan d’eau jouxte un camping de 500 places, ce qui constituerait un espace touristique d’importance pour l’économie locale.
En attendant la ville a fait l’acquisition d’un terrain de 6 hectares situé à proximité pour un futur parking
Mais pour l’instant Christian Mounier reconnaît qu’il est encore difficile de se projeter dans le futur de son projet. « Nous devons d’abord régler le différend avec l’ancien exploitant de la gravière » précise-t-il. L’édile de Cheval-Blanc tient particulièrement à l’aménagement de ce plan d’eau. « Nous avons là un site exceptionnel : pas d’autoroute ou de ligne TGV à proximité encore moins de ligne à haute tension, et avec pour horizon d’un côté le petit Luberon et de l’autres les Alpilles, c’est unique ». En attendant la ville a fait l’acquisition d’un terrain de 6 hectares situé à proximité pour un futur parking. On est sur les starting-blocks.
L’agence de développement économique Vaucluse Provence Attractivité accompagne la ville de Cheval Blanc dans ce projet qui ressemble, il faut bien le dire, à une course à obstacles.
« Nous chercherons toujours à encourager les projets qui peuvent avoir une dimension écologique et de préservation du milieu naturel »
De son côté le SMAVD (Syndicat Mixte d’Aménagement de la Vallée de la Durance) qui a la gestion du bassin de la basse Durance et pour mission la sauvegarde et la valorisation de cet espace naturel, voit ce type de projet d’un bon œil. « Nous chercherons toujours à encourager les projets qui peuvent avoir une dimension écologique et de préservation du milieu naturel » affirme Julien Gobert, directeur domaines administration finances et informatique du syndicat mixte.
L’eau peut être un atout important pour ne pas dire central dans l’attractivité touristique des territoires. La pratique d’activités nautiques en eau douce peut également constituer une vraie alternative à celles proposées par les stations balnéaires. De plus les eaux de ces anciennes gravières, qui en raison de leur charge minérale et/ou la présence d’un plancton particulier sont bleues turquoises, elles ont de quoi attirer en nombre les touristes mais pas que…
Vidéos : Cabanes des Grands cépages
Pour en savoir plus :
Les cabannes des grands cépages : www.cabanesdesgrandscepages.com
Le syndicat mixte d’aménagement de la vallée de la Durance : www.smavd.org
Le lac de Peyrolles géré par la Métropole Aix Marseille Provence : culture-sport-nautisme-et-grands-evenements/equipements-dinteret-metropolitain-sport/lac-de-peyrolles/