22 novembre 2024 |

Ecrit par le 22 novembre 2024

‘Orange bud Paca CBD’, quel chanvre !

A deux pas du théâtre antique d’Orange, ‘Orange Bud Paca CBD’ propose à une clientèle variée une gamme de produits dérivés à base de CBD : le cannabidiol. La molécule extraite du chanvre est une substance entièrement légale en Europe. Rencontre avec les premiers « druides orangeois ».

Il y a les curieux qui freinent une fois arrivés devant la devanture, scrutant l’intérieur de cette nouvelle boutique ; ceux qui pénètrent spontanément pour interroger sur les vertus d’une huile spécifique, et puis il y a les habitués, déjà au comptoir pour régler leur panier. En 2017, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirme dans un rapport que le CBD n’est pas dangereux pour la santé.

Depuis juin 2021, la vente des produits contenant du CBD est autorisée en France. La loi française ne le considère pas comme un stupéfiant, à trois conditions : si la plante dont il provient est issue de l’une des variétés de cannabis sativa L. autorisées en France ; si seules les fibres et graines de la plante sont utilisées ; enfin, si la substance contient moins de 0,2% de THC (tétrahydrocannabinol), la molécule à l’origine des effets psychotropes de la plante de cannabis.

Depuis, les boutiques de CBD, à l’image de celle de Kevin et Guillaume à Orange, fleurissent dans l’hexagone pour frôler les 400. Avec une particularité notable, ‘Orange bud Paca CBD shop’ n’est pas franchisé et dispose d’une liberté totale en matière de sélection des produits. Surtout, les gérants ont crée leur propre bébé, une marque qui a déjà conquis une bonne frange de la clientèle.

« Les produits sont 100% naturels, sans ajouts chimiques, ni pesticides et validés en laboratoire », affirme Kevin Paumard, le fondateur. La gamme est pour le moins variée : fleurs de cbd, huile, résine, vaporisateur, ‘booster’, confiseries, infusion, compléments alimentaires, sirop, miel…

Crédit photo: Linda Mansouri

Les artisans du bien-être

A l’origine de l’aventure, deux hommes dont les destins se croisent sur les bancs du collège. Kevin Paumard travaillera par la suite dans les travaux d’isolation du bâtiment. Le chantier un jour le casse, un profond besoin de changement, de perspectives d’évolution. La médecine douce qui lui faisait de l’œil depuis longtemps a raison de lui. Le contexte est également propice, un membre de son entourage atteint de fibromyalgie lui fait part des violentes crises musculaires, des crampes et des spasmes dont il souffre. Au lieu de se contenter des traitements en pharmacie, ce dernier s’essaye un jour à des produits à base de CBD. La magie opère. L’apaisement le gagne, le détend, et lui permet d’aborder son quotidien avec plus de légèreté.

Guillaume Gomis, lui, a toujours été attiré par les plantes médicinales, la phytothérapie et l’herbologie. Deux années d’apprentissage à Uzès lui permettront de consolider un réservoir de connaissances. Le trentenaire s’évertue chaque jour à transmettre sa passion pour le vivant, le végétal et le bien-être. « Une fois que son projet était viable, Kevin m’a proposé de faire partie de l’affaire en tant que conseiller clientèle dans la boutique », se remémore-t-il.

Au lieu de voir le train passer, le duo « choppe un wagon » et se met rapidement en selle. Le parcours entrepreneurial sera semé d’embuches. La croisade est plus périlleuse lorsque les termes cannabidiol ou chanvre s’échappent du discours. « Il y a eu tellement d’abus quand le CBD s’est démocratisé, certains n’ont pas vendu que du CBD, se sont retrouvé avec des procès sur le dos, affiliés à de véritables dealeurs », déplore Kevin Paumard. Une affaire médiatique lancera un pavé dans la marre et donnera une légitimité juridique à ce marché « prometteur ».

Un écrin dédié au bien-être. Crédit photo: Linda Mansouri

L’affaire Kanavape

L’affaire Kanavape revient sur le devant de la scène médiatique au moment même ou la boutique vit ses premiers jours. Après une longue bataille judiciaire, deux jeunes entrepreneurs marseillais réussissent à faire plier la justice française. La société Kanavape qui s’était alors lancée dans la vente de cartouches de vapotage préremplies au CBD, s’est engouffré dans le flou juridique français autour du CBD.

Elle est la première à commercialiser ce cannabinoïde « sans THC ». Les politiques hostiles montent au créneau, notamment la ministre de la Santé de l’époque. Et en septembre 2015, les chefs d’inculpation tombent : trafic de stupéfiants, promotion à l’usage de drogues, pratique illégale de la médecine et de la pharmacie, ouverture illégale d’une officine… En 2017, Sébastien Béguerie et Antonin Cohen-Adad sont condamnés respectivement à dix-huit et quinze mois de prison avec sursis, et 10.000 euros d’amende chacun.

L’Union européenne a le dernier mot

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est saisie et rend son arrêt en 2020. Pour elle, le CBD n’est ni un médicament ni un stupéfiant. Interdire sa vente en France constitue donc une atteinte à la libre circulation des marchandises dans l’Union. Cela revient à autoriser de fait la vente de produits au CBD en France, même si la transformation du cannabis y reste interdite. Kanavape est blanchi, puisque ses cartouches de vapotage sont produites en Tchéquie.

La décision de la CJUE sur le CBD incite nombre d’entrepreneurs comme nos Orangeois à commercialiser des produits au CBD sous diverses formes. Mais plusieurs entrepreneurs subissent encore des saisies ou des enquêtes pour avoir commercialisé du CBD. La légalité du CBD fait donc toujours débat en France. « Alors on attend avec impatience la parution du décret ministériel qui mettra le droit français en conformité avec la décision de la Cour européenne, explique Kevin. C’est légal, mais il suffit que le pourcentage dépasse le taux de THC de justesse, et le test salivaire est impitoyable. Même si au goût, la différence n’est pas perceptible. »

Les fleurs de CBD sont des fleurs de chanvre contenant un taux de THC inférieur à 0.2%. Crédit photo: Orange bud Paca CBD

« Je ne voulais pas d’un coffee shop comme à Amsterdam »

Malgré les premières déconvenues, le duo s’arme de patience et frappe aux portes du public comme du privé. Une première vidéo promotionnelle est publiée sur le média Orange Where, récoltant pas moins de 8000 vues. Le bouche-à-oreille prend vie, les questions fusent et les messages privés affluent. Suivront un panneau d’affichage à l’extérieur de la ville, une insertion magazine et un site internet en cours de construction avec tous les descriptifs détaillés des produits. Le jour du lancement, la clientèle est au rendez-vous.

« Le relationnel s’est créé très rapidement, on aime le contact humain tous les deux et surtout, on reste professionnels. Je ne voulais pas d’un coffee shop comme à Amsterdam. Ma clientèle est variée, des personnes âgées viennent régulièrement », explique le chef d’entreprise. Hors de question donc d’hériter de l’image de jeunes en déshérence fumant devant la boutique.

De temps en temps, le duo fait de la sensibilisation. Certains connaissent, d’autre font la liaison directe entre chanvre et cannabis. « Il y a beaucoup d’amalgames car le nom botanique du chanvre est : cannabis sativa. Or, nous ne sommes pas dans l’espèce psychoactive », souligne-t-il. Certains clients se sont réfugiés dans la boutique après avoir testé des traitements en pharmacie qui n’ont pas porté leurs fruits. « Le chanvre est une plante que l’on utilise depuis des milliers d’années. Cette plante était là bien avant nous d’ailleurs, relativise l’entrepreneur. Les usages sont multiples : isolation, bio carburant, textile, corde, litière pour animaux, paillage pour les végétaux. »

Le booster de CBD est une bouteille contenant un e-liquide fortement dosé en CBD. La gamme e-liquide CBD est signée Marie Jeanne Crédit photo: Linda Mansouri

Les huiles : ‘best seller’

La grande surprise ? Les huiles à base de CBD qui se vendent comme des petits pains. « Je ne m’attendais pas à ça. Moi qui pensais que mon chiffre d’affaires se ferait sur la vente des fleurs… Elles se retrouvent en 2e position », pointe-t-il. Kevin nous livre alors certaines vertus des huiles : aide à la digestion, améliore le sommeil, réduit le stress ou l’anxiété. « Certains clients ayant de l’arthrose viennent régulièrement par exemple. Il faut avoir une démarche pour se rendre ici, c’est comme la volonté d’arrêter de fumer ou d’arrêter certains comprimés absorbés depuis très longtemps », explique-t-il/

D’autres marques sont proposées en provenance des Etats-Unis. Les huiles sont élaborées au Colorado, la mise en bouteille se fait en Bretagne. Et de prendre l’exemple des nombreux produits de la marque Green bee présents en boutique, transformés en Bretagne. D’après les retours, les huiles sont salvatrices pour celles et ceux en recherche de bien-être. On parle alors d’huiles sublinguales. Sous la langue, se trouve une veine appelée glande sublinguale. Lorsqu’une substance est administrée à la glande sublinguale, elle est directement absorbée dans le sang. « Cela agit en 10 minutes et dure 2 bonnes heures, en complément d’un traitement médical. »

La gamme de la marque Pop CBD est également référencée en boutique, des infusions bio à base de plantes médicinales et feuilles de chanvre CBD. Un côté de la boutique est entièrement estampillé vegan : graine, farine, huile, miel de bretagne. Vous trouverez également des bonbons ou du chocolat. La fleur, qui contient toutes les molécules thérapeutiques, est vendue ici sous forme d’infusion, soit à diluer dans un corps gras pour extraire la molécule soit en vaporisateur. « Aucune combustion. Il s’agit uniquement de vapeur, un système de chauffe avec 4 modes différents. Cela va agir différemment en fonction du concentré administré », explique Kevin Paumard.

1 fiole contient 200 gouttes pour une utilisation prolongée dans le temps. Crédit photo: Linda Mansouri

Une propre marque

« J’ai déposé ma marque avec ma propre fiole. Il s’agit de l’huile pur chanvre, sans métaux lourds, sans produis chimiques, engrais chimique, sans pesticides. Je n’ai qu’un fournisseur qui s’approvisionne auprès d’un autre grossiste en Europe car la règlementation diffère selon les pays, explique Kevin Paumard. C’est super intéressant pour le client, on est sur la même qualité que les produits Green bee que nous proposons en boutique, avec des tarifs plus abordables. » Par ailleurs, le gérant alerte sur certaines huiles facilement disponibles en ligne qui présentent des concentrations « énorme » et même des « métaux lourds ». Et d’abonder : « Au final, on ne sait pas réellement ce qu’il y a dedans. »

Totale indépendance

La boutique y tient ferme, aucun lien de subordination n’existe puisque non franchisée. « Je choisis toutes mes gammes de produits, je n’ai pas de vente spécifique à faire, ni de cahier des charges imposé à respecter », souligne Kevin Paumard. Seul moteur : la satisfaction client : « on est très attentif aux besoins de notre clientèle. » Une boutique qui dénote ainsi du paysage, ou la plupart des magasins répondent aux exigences des franchises. La provenance des produits ? Elle est française, dans la mesure du possible. Aucun produit du franchisé suisse, pays devenu premier producteur de « chanvre bien-être » du continent.

« Tout ce que je peux commander en France, je le fais. En revanche, certains produits ne sont pas disponibles dans l’hexagone en raison de la législation. C’est le cas pour les fleurs de CBD par exemple, produites par les agriculteurs », cite Kevin Paumard. Comme évoqué précédemment, point de flou juridique, le CBD est autorisé en France. Toutefois, il est formellement interdit d’extraire du CBD de la fleur, son extraction étant possible seulement par la tige (fibre de chanvre) ou par ses graines (graines de chanvre), qui en contiennent des quantités infinitésimales. « A l’heure actuelle, les chanvriers n’ont pas le droit de nous vendre les fleurs françaises, donc on est obligés de les acheter en Europe », regrette Kevin Paumard. Les polices travaillent étroitement avec les agriculteurs afin de contrôler les différentes pratiques utilisées pendant la culture de cette plante.

La gamme cosmétique, soin, massage, masque, baumes. Crédit photo: Linda Mansouri

Vertus plutôt qu’allégations thérapeutiques

Les règles sont claires. Utiliser des allégations thérapeutiques dans le discours de vente, écrit ou oral est formellement interdit et passible de poursuite. « On ne peut pas dire que l’huile va soigner telle ou telle maladie. En revanche, on se doit de préciser les vertus : relaxant, apaisant, énumère Kevin Paumard. Il faut savoir que notre corps produit déjà des molécules cannabinoïdes. Avec le stress de la vie quotidienne, on en produit de moins en moins. Cet apport extérieur vient réguler le système. » Loin de faire chanvre à part, les artisans du bien-être apportent ainsi leur molécule à l’édifice.

Informations pratiques : Orange bud CBD Paca shop, 5 place des Cordeliers, Orange. orangebudcbd@gmail.com, 09 86 14 13 04. Page Facebook en cliquant ici.

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