Henri Passebois, président de la Chambre des notaires de Vaucluse évoque la vie des études durant le confinement. Si le télétravail a pu être mis en place pour régler, lorsque cela était possible, les dossiers en cours, le manque d’activité, notamment immobilière durant le confinement laissera des latences dans le calendrier annuel. Egalement, la plupart du personnel des études n’a pas pu continuer à travailler, la nature des actes nécessitant un traitement spécifique en chaîne, orchestré par les collaborateurs qui lors du confinement n’ont pas pu rester en lien ni se saisir des documents.
«Nos confrères du Vaucluse et de Provence ont, avec leur clientèle, une relation humaine forte, relate Henri Passebois, président de la Chambre des notaires de Vaucluse. Je crois que nous sommes un peu comme des médecins de famille. D’ailleurs, lorsque je raccompagne les gens à la porte de mon étude, j’entends très souvent, ‘au revoir docteur’. Ce qui fait notre force ? La proximité que nous entretenons avec notre clientèle qui restera présente et forte car nous nous connaissons vraiment. Nous sommes un maillon essentiel.»
Comment la profession fait-elle face au Covid-19 ?
«Depuis le début du confinement, le 17 mars dernier, toutes les études ont fermé l’accès au public. Dans la très grande majorité le personnel est resté chez lui, avec, pour certains, la mise en place du télétravail lorsque c’était possible, les notaires gérant les urgences, au cas par cas et dans des situations bien précises, comme les ventes de bien où les personnes qui avaient déjà pris possession des lieux en ayant fait leur déménagement. Les actes ont été finalisés au moyen de procurations, en comparution à distance.»
Avez-vous pu signer des actes avec la comparution à distance* ?
«La comparution à distance est arrivée pendant le confinement. C’est un outil à utiliser dans une période exceptionnelle parce que sa mise en place informatique, compte tenu de la lourdeur de l’acte, est d’un maniement difficile et ne pourra pas être généralisé dans un premier tempstel qu’il se présente. Ce process réclame que le client soit en visioconférence avec le notaire. Pour cela il doit disposer de matériel informatique comme d’un ordinateur avec caméra ou d’une tablette ou, encore, d’un téléphone portable. Il ne signera pas l’acte. C’est juste sa présence durant cette procédure de certification et de la validation de la comparution qui permettra au notaire d’entériner le dossier. Cependant ce process a été peu utilisé car il s’est révélé contraignant, lourd et a occasionné des échecs qui ont annulé toute l’opération comme des bugs informatiques ou de réseau…»
“Nos confrères du Vaucluse et de Provence ont, avec leur clientèle, une relation humaine forte.“
Le télétravail
«Le télétravail a été mis en place pour certaines études. Personnellement je ne l’ai pas fait parce que ça aurait nécessité, au bout de plusieurs jours, que le collaborateur se rende à l’étude pour y chercher des documents ou que quelqu’un vienne les scanner. Beaucoup d’éléments nous empêchaient de progresser dans cette direction. Il était difficile de mettre en place le télétravail. Les notaires ont assuré une permanence par courriel et parfois, comme ça a été mon cas, une permanence téléphonique, avec mon associé, au standard.»
La nature des dossiers à régler en cours
«Nous avons pu régler des ventes avec des déménagements déjà opérés, celles d’immeubles dédiés à l’investissement, vides d’occupants. Les dossiers étaient en notre possession et l’essentiel des actes était fait. Nous avons également fait des donations avec des personnes frappées par les tranches d’âge afin qu’elles ne perdent pas leurs avantages fiscaux. Parfois des notaires ont du se déplacer chez des personnes pour des cas d’extrême urgence en respectant les gestes barrières. A chaque fois, nous nous sommes adaptés.»
Un creux d’activité dans trois mois
«Toutes les études ont eu recours soit à l’arrêt de travail pour garde d’enfants, soit à la demande d’activité partielle. Celle-ci peut, d’ailleurs, s’étendre sur 6 mois. Pourquoi ? Parce que les dossiers qui ne rentrent pas aujourd’hui ne s’ajouteront pas aux prochains. C’est la raison pour laquelle nous observerons un creux de l’activité dans trois mois. Ainsi, les mesures de chômage techniques intègrent ce que nous vivons aujourd’hui mais aussi ce que nous vivrons dans quelques semaines ou mois. Par exemple, les compromis de vente qui auraient dû être signés en avril n’existent pas puisque les maisons n’ont pas pu être ni visitées, ni diagnostiquées et donc n’ont pas été achetées. Nous subirons donc une perte d’activité.»
Professions autorisées ou non
«Aurions-nous voulu figurer dans les professions autorisées ? On n’avait pas de recul. La mise en place du confinement était la bonne chose à faire. L’important ? Préserver nos collaborateurs et nos clients. Nous n’aurions jamais voulu les exposer. En tant que président de Chambre cela a été ma priorité : protéger pour sauver l’humain. Je ne suis pas un spécialiste. On nous dit il faut confiner, vous n’êtes pas autorisés à recevoir les clients. On ferme. C’est tout.»
Devra-t-on faire plus face à plus de décès et de divorces ?
«Nous avons été peu touchés en Vaucluse par le Covid-19. Pour autant nous n’avons pas de recul pour en parler. Les chiffres sont peu significatifs. Quant aux divorces, c’est l’avenir qui le dira. Mais le confinement aura des conséquences car être confiné à la campagne dans une maison avec jardin ou en ville dans un petit appartement sans extérieur n’a rien à voir. Cela me fait penser à la densification de la ville. Là on en voit les limites. Peut-on vraiment vivre dans un endroit exigu et sans extérieur ? La réponse est dans ce que vivent les gens maintenant, pendant ce confinement et leur ressenti n’est pas en cette faveur.»
Comment envisagez-vous l’avenir à court et moyen termes à partir du 11 mai et dans les 6 mois à venir ?
«Le 11 mai changera notre façon d’accueillir nos collaborateurs et notre clientèle avec la mise en place de consignes sanitaires. Nous attendons ce que dira le 1er ministre Edouard Philippe sur les règles du déconfinement. Il nous faudra revoir la taille des salles d’attente, le nombre de personnes reçues. Nous privilégierons les renseignements donnés par téléphone. Nous donnerons la priorité à la signature des actes dans nos murs en tenant compte de la distanciation sociale et des gestes barrière. Le problème ? Les murs de nos salles d’attente et de nos bureaux dans les études ne sont pas extensibles. La circulation au sein de nos offices y compris pour nos collaborateurs devra changer. Ils se communiqueront dorénavant plus par téléphone, entre eux, en plus des règles de nettoyage des matériels et des mains toutes les heures qu’il faudra observer… Nous en avons discuté entre nous, chambres des départements de la cour d’appel de Nîmes et avec le président du Conseil régional pour échanger des adresses de fournisseurs (masques, hygiaphones, gel hydro-alcoolique…), partager l’interprétation des textes, notamment sur les dispositions sanitaires.»
Comparution à distance*
Pour permettre aux notaires et à leurs clients de continuer à signer des actes malgré l’obligation de confinement, le gouvernement a pris un décret, publié le 4 avril, autorisant les signatures électroniques des documents en ‘comparution à distance’. Ce décret autorise, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, et pas au-delà, la possibilité pour un notaire de recevoir seul et à distance le consentement des parties à l’acte pour la régularisation d’un acte authentique électronique (AAE) uniquement.
Visioconférence
La réception par voie de communication à distance n’est envisageable qu’à la stricte condition que la comparution du client s’effectue en présence du notaire au moyen d’un système de visioconférence agréé par le Conseil supérieur du notariat. La signature de cet acte va nécessiter : du côté du notaire, l’utilisation du système de visio-conférence de la profession et l’accès à un système de signature numérique qualifié, et,du côté des clients, qui seront chacun respectivement à leur domicile, l’accès à internet et à un ordinateur avec webcam ouune tablette ou un smartphone.
Le consentement des parties
Le notaire signera l’acte authentique électronique après avoir reçu la confirmation du consentement des parties, qui se matérialisera par la signature électronique simultanée des parties sur une attestation (ou une copie de l’acte) au moyen d’un procédé de signature électronique de niveau qualifié. Cette signature est possible pour l’ensemble des actes devant être reçus en la forme authentique, acte de vente immobilier, prêt avec hypothèque, donation entre époux, contrats de mariage… ainsi que les actes qui nécessitaient antérieurement une procuration reçue devant notaire (donation, vente en état futur d’achèvement …).Et ce, quel que soit l’endroit où sont situés les clients, y compris à l’étranger.