25 novembre 2024 |

Ecrit par le 25 novembre 2024

Fédé BTP 84, Face à la prévention, l’Union fait la force

Nous sommes invités à la Fédé BTP à l’occasion d’une réunion du Pole prévention OPP BTP 84 (Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics). Autour de la table, les acteurs de la filière BTP et les services de l’Etat. Objectif ? Améliorer la prévention et la sécurité des conditions de travail du BTP au moyen de la communication, de l’information, de l’assistance opérationnelle et des conseils juridiques. Une initiative vauclusienne unique en France.

Autour de la table ?
Thomas Jurczyk de l’OPPBTP (Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics) ; Olivier Audoly ingénieur conseil de la Carsat Sud-Est (Caisse d’assurance Retraite, santé, travail) ; Olivier Cousi, directeur du CFA Florentin Mouret (Centre de formation des apprentis) ; Cédric Bosse, en charge du service économique de la Capeb Vaucluse (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment) et représentant des artisans du bâtiment ; Yann Le Cam, directeur de l’AIST 84 (Association interentreprises pour la santé au travail du Vaucluse et émanation du Conseil départemental) ; Françoise Lesauvage, responsable de l’Unité contrôle DDETS (Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités), inspection du travail et Emilie Pascal, responsable de l’Unité de contrôle DDETS, tous conviés à se retrouver tous les trimestres, à l’invitation d’Emmanuel Méli, secrétaire général de la Fédération du Bâtiment et des Travaux Publics de Vaucluse.

Ce qu’ils ont dit

Françoise Lesauvage

Françoise Lesauvage,
Responsable de l’Unité contrôle DDETS (Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités), inspection du travail
.
«Ce qui est important dans ces réunions débutées en 2018, c’est que nous sommes différents acteurs qui œuvrons au quotidien sur le terrain pour la prévention et la sécurité des travailleurs du bâtiment, entame Françoise Lesauvage. Nos compétences, qui se complètent et se croisent, nous permettent de toucher les mêmes publics, qui sont cependant différents, selon les organismes que nous représentons. Notre problématique ? Pour le Ministère du travail, le BTP est une branche qui attire particulièrement l’attention du fait de la dangerosité des métiers et des possibles accidents du travail.»

Le travail sécurisé
«Ce qui nous interpelle ? Le travail dissimulé qui est en lien étroit avec la santé et la sécurité. Il est difficilement quantifiable car il intervient sous diverses formes. Il peut s’immiscer dans la sous-traitance, même si celle-ci n’est pas du travail dissimulé, mais lorsqu’elle est organisée en cascade, elle fait appel à des entreprises qui sont peut-être moins vertueuses, moins équipées et plus modestes, cette ‘organisation’ finissant par nuire aux salariés en matière de statut social, de santé et sécurité.»

Ce que j’aimerais aborder
«La règlementation du Code du travail évolue, notamment au niveau des solidarités des maîtres d’ouvrage. C’est là que le Pôle de travail suscite autre chose qu’un travail règlementaire parce qu’on est persuadés, en tant que professionnels, que ce qui est décidé en amont de la définition du cahier des charges a un impact sur la manière dont le chantier sera réalisé et dans l’organisation des entreprises et de leurs salariés. Lorsque le maître d’ouvrage décide, sur un chantier, de créer un lot zéro pour y inclure la sécurité, les moyens de protection collectifs, les voies et réseaux, cela évite que la responsabilité individuelle de chaque entreprise soit la seule mise en cause. Notre communication auprès des donneurs d’ordre est donc, là, essentielle.»

Olivier Audoly

Olivier Audoly, ingénieur conseil de la Carsat Sud-Est (Caisse d’assurance Retraite, santé, travail)
«Le BTP une des activités qui connaît la plus forte sinistralité, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles qui impactent beaucoup l’humain et aussi en termes financiers pour les entreprises, induisant des enjeux sociaux en cas de blessure, de handicap et de décès. Comment la personne blessée ou handicapée va-t-elle pouvoir vivre après l’accident ? Que va devenir sa famille avec cette perte de ressource et de travail… Effectivement, l’objectif de nos réunions est aussi d’essayer de réduire les accidents du travail de façon directe ou indirecte.»

Avez-vous observé une différence notable sur le terrain depuis 2018, date de la création de votre cellule de partage d’informations ?
«Les facteurs économiques influent aussi beaucoup sur la vie des entreprises. La période Covid a infléchi les chiffres qui étaient tout de même régulièrement à la baisse, même si l’activité a subi une forte sinistralité. Aujourd’hui ? Les entreprises sont en difficulté et la prévention des risques reste un des premiers volets à passer à la trappe lorsqu’il s’agit de répondre à un appel d’offre et de faire des économies. La prévention est la partie invisible de la filière BTP, rejoignant aussi la problématique du moins disant. Quelle que soit l’activité de l’entreprise, il n’y a rien de plus terrible que de faire une enquête sur un accident grave ou mortel. Face au drame, il y a cette détresse des gens sur le chantier…» 

Pour conclure ?
«La philosophie et les décisions du maître d’ouvrage jouent un rôle déterminant en termes de prévention. C’est aussi à lui de mettre en place la structure, l’organisation et les moyens nécessaires pour que les entreprises puissent intervenir dans les meilleures conditions. La responsabilité des accidents n’est pas uniquement due aux entreprises, elle l’est aussi, parfois, à la mauvaise organisation d’un chantier ou à des prises de chantiers à des prix anormalement bas.» 

Cédric Bosse

Cédric Bosse, en charge du service économique de la Capeb Vaucluse (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment) et représentant des artisans du bâtiment
«Les drames qui voient le jour nuisent à notre image, au secteur d’activité et concourent à délaisser les métiers du BTP. Le Pôle prévention nous permet de travailler ensemble, de faire passer les messages, notamment lorsque de nouvelles entreprises sont créées. Nous avons également participé à un forum sur l’amiante tous ensemble, à Monteux, en 2018, ce qui nous avait permis d’être à la fois nombreux et représentatifs.»

Emmanuel Méli

Emmanuel Méli, secrétaire-général de la Fédé BTP 84
«Nous sommes les premiers et les seuls –à notre connaissance-, en France, à nous être réunis –acteurs de l’action de bâtir et institutionnels- autour de la sécurité et de la santé. Mais pour répondre à votre question sur le travail dissimulé, je dirais qu’il n’y a pas vraiment de tailles d’entreprises privilégiées pour la sous-traitance dissimulée et que ce phénomène peut toucher tous types d’entreprises. Je pense notamment aux entreprises qui se sont engouffré dans la pose de panneaux photovoltaïques pour profiter de la manne fiscale. Elles se créaient du jour au lendemain sans aucune forme de professionnalisme, de formation et de notions de sécurité.»

Concernant nos actions ?
«Nous les mettons chacun en œuvre face à nos publics spécifiques et commun. L’idée de ces réunions ? Partager les remontées d’information et mutualiser les actions de communication, également développer notre présence au sein de réunions, de forums, sur les réseaux sociaux, afin d’intervenir le plus largement possible.»

Une initiative de l’OPPBTP
«La création du Pôle prévention santé est une initiative de l’OPPBTP –organisme de prévention- qui souhaitait participer à une communication plus transverse puisque nous sommes l’une des rares filières à posséder sa propre mutuelle et assureurs. Si la Fédération et la Capeb sont un peu les ambassadrices des fédérations, il reste un public qui n’est adhérent nulle part et n’a pas toujours accès aux informations professionnelles. La Carsat est aussi là parce qu’il n’y a pas que le côté gendarme et sanctions car la majorité de nos actions sont la prévention, l’audit, et l’anticipation.»

A quels risques sont exposés les salariés du BTP ?
Pour le bâtiment, il s’agira des troubles musculo-squelettiques (TMS) suivis de chutes de hauteur ou de plain-pied. Pour les travaux publics, il s’agira du risque d’enfouissement, notamment lors de la création de tranchées. Les autres risques ? Les diverses addictions dont peuvent être porteurs les salariés tels que la drogue et l’alcool.

Innovation et organisation du travail
«Nous constatons trop de précipitations dans la préparation du chantier et des offres anormalement basses. Lorsque l’on est à moins de 40 à 50% du coût de revient, il y a forcément des économies faites sur le personnel et la sécurité. A propos de l’innovation et de la lutte contre la pénibilité, les exosquelettes –pour lutter contre les TMS, troubles musculosquelettiques- commencent à faire leur apparition avec la mise en place du Lean management qui intègre l’organisation des chantiers. Concernant le travail en hauteur, nous avons l’exemple d’une entreprise spécialisée dans la couverture qui a investi dans un drone pour effectuer la prise de photos et vidéos. Cela permet au technicien de moins monter sur le toit, d’aller beaucoup plus vite dans la prise des côtes et de sécuriser son travail avant d’intervenir. En digitalisant son métier, il minimise le risque d’accident, tout en gagnant du temps et donc de la productivité.»

La féminisation de la profession
«Nous tenons beaucoup à la féminisation de la profession. Celle-ci se révèle plutôt importante dans la partie ‘back office’ et administrative. Sur les chantiers, les femmes œuvreront majoritairement dans le second œuvre comme la peinture, l’électricité, également le carrelage et montent en encadrement via la formation continue pour devenir conducteur d’engin, cheffe d’équipe, de chantier, conducteur de travaux…»

Olivier Cousi

Olivier Cousi, directeur du CFA Florentin Mouret (Centre de formation des apprentis) à Avignon
«Nous sommes là pour former les salariés du bâtiment de demain. Tout part d’une bonne formation à la prévention d’entrée de jeu, ce qui résout déjà beaucoup de problèmes. Car ces futurs professionnels arrivent sur les chantiers avec de vraies notions de sécurité. Au programme ? Des habilitations pour travailler en hauteur, des habilitations électriques… Nous pensons qu’on n’apprend jamais mieux que sur le tas, mais en étant sensibilisé aux risques. Les remontées des apprentis ? Ils nous disent que sur les chantiers ce que nous leur apprenons ne se fait pas toujours, alors nous leur rétorquons que lorsqu’ils seront patrons, ou chefs d’équipe, ils devront faire ce qu’ils auront appris avec nous, devenant ainsi nos relais pour la prévention. Nous avons observé que sur les grands chantiers, la prévention sécurité reste incontournable.» Le CFA Florentin Mouret d’Avignon accueille 1 000 élèves dont 40 filles, tous métiers confondus.

Mon analyse
«
Plus la prévention est inculquée précocement, dans le parcours professionnel, plus elle se révèle efficace. Ce sera, en tant que CFA, notre contribution à la prévention en souhaitant que dans les 10, 15 ans à venir, tous nos apprenants seront devenus de grands professionnels, voire des patrons, mettant en œuvre ce qu’ils auront appris.»

Emilie Pascal

Emilie Pascal, responsable de l’Unité de contrôle DDETS
«Procédez-vous à de nombreux contrôles sur les chantiers ? En 2022 l’Inspection du travail a effectué 475 interventions sur les chantiers vauclusiens. Il est le principal secteur d’activité pour nos agents. En termes de suites ? La moitié des amendes administratives du département concerne ce même secteur. Nous intervenons particulièrement sur l’hygiène, notamment sur les bases de vie. Ce que nous observons en matière de risques ? Les chutes de hauteur sont le 1er risque d’accident mortel, devant le travail illégal –de la dissimulation de l’emploi salarié à un faux statut, un faux autoentrepreneur, un emploi salarié sans autorisation de travail…»

«Concernant nos réunions trimestrielles, l’information que nous partageons au cœur du Pôle prévention, nos différentes missions permettent d’enrichir nos champs de compétence. Si le cœur de notre métier est le contrôle, assorti de sanctions, le volet sensibilisation et information des employeurs et des salariés reste fondamental.»

Yann Le Cam

Yann Le Cam, directeur de l’AIST 84 (Association interentreprises pour la santé au travail du Vaucluse)
«La sinistralité touche plutôt les petites entreprises. Notre concertation connait un vrai impact notamment lorsque nous nous penchons sur cet important réseau de petites entreprises. Notre travail principal reste la prévention, même si chacun travaille dans un cœur de métier qui est différent de celui des autres.»

Ce que l’on ne discerne pas ?
«Tous les coûts cachés indirects notamment lorsqu’un salarié est en arrêt de travail. C’est aussi un secteur d’activité qui intervient dans l’usure physique de la carrière des salariés, notamment avec les troubles musculo-squelettiques –TMS- ce qui est à prendre en compte lors de l’allongement du nombre d’années de travail, qu’actuellement nous vivons.» 

Ce que j’aimerais dire ?
«On a tous, dans nos diverses activités, l’occasion d’entrer en contact avec des apprentis, des salariés, des chefs d’entreprise. Il est donc important de véhiculer un message cohérent et complémentaire pour un même objectif. C’est aussi la raison pour laquelle se connaître permet d’orienter les professionnels vers le bon interlocuteur, parce que l’on connaît les missions de chacun.»    

Thomas Jurczyk

Thomas Jurczyk de l’OPPBTP (Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics)
«Nous sommes un organisme paritaire dont l’objet est de faire de l’accompagnement, de la sensibilisation et de la formation à la prévention. Nos partenaires sont de grandes institutions professionnelles, privées, qui militent pour la prévention, chacun avec des outils et des moyens de communication qui sont propres à leur activité. Nous en sommes le canal central sur le Vaucluse. Nous utilisons nos canaux, lors de campagnes et programmes partagés, sur le territoire de Vaucluse afin de toucher le plus grand nombre.»

La prévention ça coûte ou ça rapporte ?
«Nos études prévention et performance mettent en avant que chaque euro investi permet d’améliorer les conditions de travail du personnel, l’organisation du chantier et l’encadrement technique de l’entreprise. Cela induit une meilleure compétitivité de l’entreprise qui s’engage, alors, dans un rendement plus important.»

Pour finir
«Ces rencontres trimestrielles nous enrichissent des problématiques de chacun et permettent d’adapter notre discours aux entreprises afin d’approcher du zéro accident de chantier et du zéro arrêt de travail. Une entreprise qui va bien est une entreprise qui n’a pas d’accidents. C’est toute la légitimité de notre action commune.»

De gauche à droite, Emmanuel Méli, Thomas Jurczyk, Cédric Bosse, Olivier Cousi, Olivier Audoly, Françoise Lesauvage, Emilie Pascal et Yann Lecam

Fédé BTP 84, Face à la prévention, l’Union fait la force

Lors de son assemblée générale, la Fédé BTP 84 a fait un point sur ce que vivent les professionnels du bâtiment et des travaux publics. Si le niveau d’activité est sauvegardé grâce aux opérations commandées et amorcées en 2022, les professionnels peinent à sauvegarder emplois et savoir-faire face à un carnet de commande à l’arrêt et une trésorerie tendue. Alors que les budgets sont votés et les financements là, les projets ne sortent pas. Mais tout n’est pas sombre et certains indicateurs laissent présager des lendemains meilleurs.

Pourtant, ce temps d’inertie entamera considérablement et durablement la santé économique et sociale du département. En ce moment, également, les bailleurs sociaux revoient leurs copies, entre démolitions, réhabilitations, constructions et relogement des résidents, les équilibres financiers se fragilisent. Les maires ont compris à quel point le dispositif Zan (Zéro artificialisation nette) mettait un coup d’arrêt à la construction. Plus globalement, l’on craint que le Grand argentier de la France n’ait tout oublié des outils de défiscalisation et de prêts aidés qui favorisaient jusqu’alors l’accession à la propriété. Alors tous les opérateurs de l’acte de bâtir sonnent l’alarme.

Là, maintenant, nous sommes sur un point de bascule
Alors que tout paraît silencieux, le sous-sol gronde et les voix s’élèvent de toute part. Que se passe-t-il ? Pour le savoir nous nous rendons au nouveau siège de la Fédé du BTP 84 qui, il faut bien l’avouer, souffle depuis qu’elle s’est installée dans une partie des locaux de l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie), chemin de Fontanille à Agroparc, en attendant de construire un bâtiment à sa mesure. Plus accessible à ses adhérents, plus confortable pour les collaborateurs, les nouveaux locaux s’épanouissent en cœur de nature, où les places de stationnement sont encore disponibles.

Jean Max Diaz, Emilie Feral, Daniel Léonard, Frédéric Saintagne et Denis Mathelin

Dans la salle de conférence,
devant un parterre de journalistes ? Daniel Léonard, le président de la Fédération BTP84 entouré d’Emilie Feral, présidente branche Gros Œuvre, Vice-présidente FBTP84, de Fréderic Saintagne, président de la section Pole Habitat Vaucluse, rejoints par Jean Max Diaz, trésorier. Aux côtés des journalistes, assistent à la conférence de presse Denis Mathelin président de la branche TP, Nathalie Cayrol, déléguée régionale Pole Habitat Paca et Emmanuel Meli, secrétaire général Fédération BTP84. Les visages sont graves tandis que Daniel Léonard ouvre la séance.

La tendance ?
«Elle est mitigée parce qu’il est difficile de maintenir un niveau d’activité même si pour cette année, celle-ci est sauvegardée puisque le BTP travaille sur les contrats antérieurs à 2022. Mais voilà, le climat social –avec les manifestations contre la loi sur les retraites, la pénurie et la flambée des prix du carburant, l’inflation et la remontée des taux d’intérêt bancaires- ont porté un coup dur à la confiance et au pouvoir d’achat des ménages qui, fatalement se répercutera sur tous les échelons de l’économie, alors il va dérouler la prospective à 6 mois.»

Tout d’abord le secteur de la construction, du bâtiment et de l’artisanat 

«Sur le logement neuf, la crise est amorcée. -30% d’activité pour les constructeurs de maison individuelle et les artisans qui travaillent avec eux. Le non résidentiel neuf souffle le froid et le chaud. -14% sur les surfaces commencées sur les commerces, les bâtiments agricoles et industriels. En revanche sur les surfaces autorisées +7% de bureaux et bâtiments administratifs. L’activité en amélioration-entretien affiche un petit tassement stable à +1,4%. Le coût des matériaux grimpent avec le coût de l’énergie, notamment pour les tuiles, les produits céramiques, le verre et les produits issus du ciment. Enfin, la remontée des taux d’intérêt paralysent les ménages, les entreprises et les collectivités puisque 40% des dossiers de prêts de bancaires sont refusés.»

Pour les travaux publics
«Les coûts de production ont augmenté de 9,4% grevant considérablement le résultat des entreprises. Les appels d’offres 2023 ne sont pas au rendez-vous. Alors même que le cycle électoral à mi-mandat laisserait supposer le lancement d’opérations, nous n’observons pas de redémarrage de la commande publique. Il faut dire que pour les maîtres d’ouvrage l’inflation des coûts de l’énergie impacte tout autant les budgets et, bien sûr, l’augmentation du coût des opérations.»

Copyright Freepick

Le bilan économique
«Si les chiffres d’affaires ont augmenté, les coûts de production tels que les salaires, les matériaux et l’énergie ont explosé, alors, malgré le volume d’activité, les bilans et les résultats 2022 sont en baisse, voire en perte et tandis que les fournisseurs de matériaux voient leur cotation culminer par les assureurs-crédits, celles des entreprises se dégradent.»

Pourtant les besoins sont grands
«Constructions neuves, rénovation, entretien, infrastructures routières, le monde continue de tourner. La demande de logement des étudiants, salariés, retraités ; le maintien de l’emploi, la dynamisation du territoire avec la résolution des points noirs tels que le pont de Bonpas, la Léo (Liaison Est Ouest), le tram, les déviations de villages réclament toute notre attention comme l’accélération de la transition écologique, la décarbonation des villes et des entreprises, la déperméabilisation des sols, l’inventaire des friches industrielles et autres dents creuses, la renaturation des cours d’eau, la lutte contre les inondations et incendies et l’amélioration des réseaux d’énergie.»

C’est maintenant que tout se joue,
alors la Fédération du BTP, la Fédération française du bâtiment et la Fédération nationale des travaux publics font corps et s’accordent pour une Zan (Zéro artificialisation nette) moins paralysante via les propositions du sénateur Jean-Baptiste Blanc ; un assouplissement de l’accès au crédit immobilier ; un PTZ (Prêt à taux zéro) sur le neuf de 40% en zones B2 et C ; la relance d’un Pinel version 2022  et la révision du statut de bailleur privé.

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Au plan national
Concernant le Plan eau, les bâtisseurs promeuvent la rénovation des réseaux qui laissent filer dans la nature, au mieux 20% d’eau potable, parce que les installations ont désormais fêté leur centenaire. Quant au Plan vélo ? Il continue de prévoir 2 milliards d’euros d’ici 2027 pour développer les aménagements cyclables, soit 28 000 kilomètres en attente de réalisation.

Rénovation énergétique et neutralité carbone en 2050
Pourrait-on augmenter le montant de MaPrimRénov et instaurer un dossier unique pour ce dispositif ainsi que les C2E (Certificats d’économie d’énergie) ; pérenniser le crédit d’impôt en faveur de la rénovation énergétique des TPE et PME (Très petites et moyennes entreprises).

Des taxes déjà mises en service mais pas les filières
Et puis il y a la REP (Responsabilité élargie du producteur) qui fait grimacer. Pourquoi ? Parce qu’alors que les éco-taxes sont en place, les plateformes de collecte n’existent pas. La belle idée de l’économie circulaire n’a pas encore eu le temps de procéder au maillage du territoire sur le traitement des déchets.

Dr Désormais le collectif remplace la maison individuelle avec jardin

D’encourageants indicateurs
«Il y a fort heureusement des indicateurs qui laissent présager des lendemains très encourageants. D’abord le niveau d’épargne brut des collectivités qui ont gardé des capacités de financement solides, et parfois des budgets d’investissement en progression. Ensuite, dans notre département la création de Vaucluse ingénierie, impulsé par le Conseil départemental ; qui apporte un accompagnement technique personnalisé aux communes et intercommunalités dans leurs projets. Sans oublier le programme d’investissements d’Enedis de 11M€ sur le Vaucluse pour les infrastructures de recharge électrique.

Le Budget de l’Etat
Le budget de l’Agence de financement des infrastructures (l’AFIT) augmente de 14%. Signe de projets d’activité de l’État  sur les infrastructures routières, ferroviaires, transports en commun ; Pour la transition écologique, la mise en place du Fonds vert avec 2 milliards d’euros d’engagement dont 500M€ en 2023.

Des difficultés à recruter
Sur le sujet de l’emploi toutes les entreprises rencontrent les mêmes difficultés pour recruter, tant pour remplacer les départs en retraite que se développer pour assurer la progression des entreprises. Notre fédération départementale représente 5 000 emplois dans le Vaucluse, qu’il faut sauver développer et former. Là encore des leviers existent et peuvent nous apporter des perspectives : Par la qualité de nos formations avec le CFA Mouret et l’ECIR (l’Ecole de la Construction, des Infrastructures et des Réseaux) et au GEIQ BTP84, outil dévolu au recrutement et à l’insertion, ainsi que les publics en reconversion, notamment avec les dispositifs du Pôle emploi.

DR

Ils ont dit

Daniel Léonard
« Les coûts de constructions explosent poussés également par les nouvelles règlementations, souligne Daniel Léonard. Dans le même temps les aides tels que le PTZ -qui s’amenuise- et les outils de défiscalisation, comme le Pinel s’arrêteront dans 18 mois, évinçant du même coup les investisseurs comme, d’ailleurs le sénateur Jean-Baptiste Blanc vient de s’en faire l’écho. Les bailleurs sociaux voient leurs bâtiments classés F et G (performance énergétique) et doivent trouver des solutions pour pouvoir upgrader rapidement le classement et louer leurs logements, ce qui passe par la réhabilitation. Pourtant, pour le moment rien ne se fait. L’inertie grève notre activité. Nous attendons des élus qu’ils réalisent leurs projets sans attendre. Il faut que les projets budgétés et financés se fassent. Notre problème ? Nous subissons des augmentations de toute part, c’est comme-ci nous prenions la foudre. Nous subissons les conséquences des marchés en 2021 et pour lesquels nous prenons de plein fouet des augmentations qui n’étaient pas prévues. Les bailleurs sociaux et le promoteurs ont vendus leurs projets et ne peuvent pas répercuter les hausses de prix : coût de l’énergie, hausse des prix des matériaux, sur leurs clients finals. Alors, nous renégocions pour arriver à ce que 50% de la hausse soit absorbée par eux mais nous perdons, là encore de la marge. D’autant que s’il est possible de renégocier avec le public, cela n’est pas possible avec le secteur privé.

Frédéric Saintagne
« Nous subissons une baisse de 40% dans la construction de maisons individuelles, indique Frédéric Saintagne, constructeur de maisons individuelles. C’est de l’emploi en moins, environ 1 200 plein temps. En janvier 2022, avec un taux de 1,1%, un ménage qui gagnait 3 000€ par mois pouvait obtenir un prêt de 270 000€, à la fin de cette année 2023, ce ne sera plus que 190 000€. Ce que ça veut dire ? Les primo-accédants n’ont plus accès au marché de l’immobilier. Or, ils étaient notre première cible. Concernant le dispositif Zan, nous sommes tous d’accord pour nous y conformer car de nombreuses communes possèdent des friches et des dents creuses exploitables à la construction. C’est sur ces terrains et les modifications de PLU (Plan local d’urbanisme) que nous devons travailler, même s’il nous faut densifier puisque la loi Climat et résilience va dans ce sens ce qui exclut, de fait, la maison individuelle, alors il n’y a pas de raison de tout bloquer. »

Emilie Féral
« Les plans Anru (Opérations de l’Agence nationale de renouvellement urbain) font naître du travail mais si je prends l’exemple des bailleurs sociaux, ceux-ci doivent faire face au relogement de leurs résidents et cela demande du temps, ce qui induit des retards de réalisation des opérations de démolition, réhabilitation et construction, d’autant que si l’enveloppe n’est pas utilisée à temps, elle s’amenuise puis se perd. Actuellement le plan d’exécution du plan Anru pour le BTP ne se fait pas. Cette inertie est très préjudiciable au bâtiment et aux travaux publics. Quant aux nouvelles règlementations telles que la RE 2020 (nouvelle règlementation environnementale des bâtiments), pour atteindre des objectifs de bas carbone, elle est l’une des plus contraignantes d’Europe et s’appliquera bientôt aussi à la réhabilitation. On nous demande de trouver des solutions alors que les filières ne sont pas encore adaptées. Nous devons faire de la recherche et développement alors que nous sommes en pleine crise. Si le progrès nous enthousiasme et nous stimule, tout faire de front s’avère périlleux. »

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