Le Cinéma Capitole se transforme en salle de concert
Ce jeudi 7 décembre, le cinéma Capitole MyCinewest va diffuser -M- En Rêvalité, le concert de la dernière tournée de l’artiste -M-, qui a rassemblé plus d’un million de spectateurs.
Textes, mélodies et scénographie permettront de faire vivre une expérience inoubliable au spectateur pendant 2h30, dans un univers décalé et extravagant comme seul -M- sait le faire, entouré de la bassiste et chanteuse légendaire Gail Ann Dorsey, et de ses musiciens Corentin Pujol (claviers), Fabrice Colombani (percussions), Maxime Garoute (batterie) et Feal Cool Jazz (saxophone).
Réservation en ligne ou sur place. Jeudi 7 décembre. 20h. 161 Avenue de Saint-Tronquet. Le Pontet.
V.A.
Le Cinéma Capitole se transforme en salle de concert
Alors que ‘Le 8e jour’ ressort sur les écrans au cinéma Capitole myCinewest à Avignon-Le Pontet, Eugénie maman solo de Lucile, autiste, témoignent de leur parcours. En effet, La radio RCF 84 et Cinéma Capitole myCinewest proposent la rediffusion du ‘Huitième jour’ du réalisateur Jaco van Dormael avec les comédiens Daniel Auteuil et Pascal Duquenne dimanche prochain, 15 octobre, à 16h (6€).
A l’issue de la projection, à 18h, RCF entamera le débat sur ‘La différence est-elle acceptable en société ?’ avec Emilie Bourdellot directrice de la Radio RCF Vaucluse et Marc Chabaud, producteur. L’Echo du mardi, partenaire de cet événement propose, pour l’occasion, de donner la parole à des parents et accompagnants de personnes en situation de handicap. Que vivent-ils ? Témoignages.
Eugénie B, maman solo, et Lucile, jeune adulte autiste, continuent leur bout de chemin ensemble. L’Echo du mardi les avait rencontrés en septembre 2012. Lucile avait 10 ans et Eugénie 34. Nous nous interrogions sur la place de la différence dans la société. 11 ans après, comment vont mère et fille ? Quel destin se tricotent-elles ensemble ? Eugénie nous en dit plus.
Lucile a 21 ans «Je me rappelle ce diagnostic d’autisme quand Lucile avait 4 ans, relate Eugénie B. Je vivais à Paris à l’époque et n’avais pas d’enfants autour de moi, et donc pas de comparaisons possibles, sauf, peut-être au parc. Même si Lucile était différente, elle évoluait aussi en fonction de son âge. Aujourd’hui elle a les goûts d’une jeune-femme de 21 ans. Elle est aussi beaucoup en manque d’amis qu’elle se créé au gré de poupées tels que les Ken et les Barbies. Ses personnages dessinés aident également à peupler son imaginaire.»
Parcours «Lucile a été déscolarisée dès la maternelle, puis a fréquenté l’hôpital de jour. A partir de ses 10 ans elle a commencé à faire des expositions de dessins –elle manie le crayon depuis ses 2,3 ans avec une acuité que les autres n’avaient pas-. Il s’agit de personnages très expressifs, dans le mouvement comme dans l’expression du visage, alors que les émotions sont très difficiles à décrypter pour les personnes autistes. Comme elle ne dit rien de ses dessins, c’est nous qui nous racontons des histoires qui ne sont sans doute pas les mêmes que les siennes.»
«Une période noire Mais là, nous avons vécu quelque chose d’abominable : Lucile n’a pas perçu ses aides durant 15 mois, pour des raisons administratives. A la base, j’ai eu un retard de traitement des formalités administratives de 5 mois, car m’occupant seule de Lucile -reconnue handicapée à plus de 80%- qui connaît des troubles du comportement très violents- je n’ai pas eu assez de force pour m’attaquer à l’administratif tout de suite. Les personnes dans ma situation ont besoin de relais et la Loi nous l’accorde à hauteur de 90 jours par an. Mais c’était sans compter sur le confinement et sa suite.»
«Pendant le confinement Lucile n’a plus été accueillie en institution. Les prises en charge ont cessé plus longtemps que le confinement puisqu’il fallait tout réorganiser. Il y avait le problème de la vaccination… J’ai ainsi vécu avec Lucile quasiment à temps plein et sans relais, d’où mes retards administratifs ce qui a eu pour conséquence de nous laisser toutes les deux dans le plus grand dénuement. Il y avait aussi le côté psychologique : Lucile ne pouvait plus voir personne, n’avait plus d’emploi du temps, ce qui l’a angoissé. Ce qui nous a aussi privées de sorties et l’a empêchée de se défouler.»
«Je n’ai cessé de lancer des appels à l’aide et l’on ne m’a renvoyé que des formulaires administratifs. Je n’ai pas non plus d’imprimante, ce qui me demandait de sortir pour imprimer les formulaires, chose peu aisée avec Lucile. Jusqu’à l’âge de 20 ans, les personnes handicapées sont suivies par la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) via l’AEEH (allocation d’éducation de l’enfant handicapé). Passé 20 ans c’est AAH (Allocation adultes handicapés) qui prend le relais. Cependant le transfert ne se fait pas s’il n’est pas demandé. Alors qu’elle était dans le circuit du handicap depuis ses 4 ans, d’un seul coup nous ne disposions plus de rien. Nous sortions du confinement, nous étions seules, les troubles du comportement sont très difficiles à gérer et je ne pouvais plus rien faire, j’étais bloquée.»
«Lucile a disparu du circuit parce qu’il n’y avait pas de dossier de renouvellement, alors qu’elle est toujours là. Elle n’a pas touché l’aide de base pendant 8 mois et nous avons attendu 15 mois une aide à domicile. J’ai eu l’impression d’avoir une administration où l’humain passait au second plan. Je n’avais pas d’interlocuteur et nous étions dans une situation plus que difficile. J’ai trouvé cela criminel parce que, pendant ce temps, Lucile perdait ses acquis et régressait.»
«Je me sens souvent sur le banc des accusés Je suis submergée par les formalités administratives. J’ai, comme interlocuteurs, des gens plutôt froids et je me sens souvent placée sur le banc des accusés parce que j’ai fait le choix de rester avec ma fille. Nous vivons depuis 21 ans ensemble, mais maintenant qu’elle devient adulte, sa situation va s’améliorer car on lui reconnaît un nombre d’heures d’aide pour ses besoins journaliers. Je ne me sens pas du tout soutenue dans le fait de vouloir garder mon enfant, adulte, à domicile. Je suis confrontée à des gens qui insistent sur le fait qu’il faut qu’elle aille en institut.»
«Comme si sa place n’était pas en société. Comme si l’on m’indiquait qu’en institut on savait gérer. Une aide existe qui me permettrait d’être embauchée par ma fille. Mais l’administration dit que je ne peux pas l’être. Pourtant, lorsque je décrypte les textes de loi, cela n’est pas vrai. Donc, quoi qu’il en soit, je suis vouée à la précarité. C’est comme une punition, alors qu’en institution, Lucile coûterait une fortune par jour. Et l’on me renvoie que cela est un problème. Ce que cela veut dire ? Que je suis une femme qui ne veut pas travailler et qui se sert de sa fille pour toucher une pension. Alors que j’ai été scripte dans le cinéma et que j’ai adoré un métier où je gagnais très bien ma vie.»
«Les gens ne comprennent pas ce que nous vivons, car pour cela il faudrait qu’ils le vivent. C’est mon choix, c’est ma fille. Elle a d’importants troubles, elle a besoin d’aide et d’accompagnement, mais dans sa différence elle est très cohérente et remet en question tout le temps, notre propre normalité. C’est riche parce qu’elle veut faire partie de la société. Son handicap est la norme. Pour elle, les handicapés, c’est nous. Elle ne ment pas, elle est entière, elle n’a pas été formatée puisqu’elle n’a pas été à l’école. C’est une adulte avec une âme d’enfant.»
«Là, on revient d’une semaine de résidence de musique avec un groupe (La belle brut), sur une péniche-concert à Compiègne. Ca c’est super bien passé. Il s’agit de musiciens –professionnels de la musique pour certains et professionnels de l’autisme pour d’autres- qui ont fait le choix de travailler avec elle au chant, en improvisation. Ils font aussi partie d’un groupe qui marche fort, ‘Astéréotypie’ dont les chanteurs sont tous autistes. Ce sont des copains de Lucile qui font aussi, comme elle, partie du Papotin, le journal atypique où elle intervient en tant que graphiste. Depuis un an le magazine papier, dont tous les journalistes sont autistes, est devenu une émission télé ‘Les rencontres du Papotin’ sur France 2, un samedi par mois, à 20h30.»
Prévoir la vie de ma fille sans moi ? «Lucile est très entourée par ses deux grands-mères paternelle et maternelle et voit son papa et sa famille où elle séjourne une à deux semaines par an. Elle aime être entourée et changer d’environnement. Lucile vit un parcours atypique et je continue à faire confiance à ce qu’elle entreprend. Je ne peux pas projeter quelque chose de défini. Lucile est assez autonome à la maison. J’ai bon espoir qu’une fois ses troubles du comportement apaisés, grâce à des accompagnements réguliers et un planning un peu à la carte –car planifier ses activités est essentiel-, elle puisse intégrer un Esat (Etablissement et service d’aide par le travail) artistique.»
«Je n’ai trouvé que le milieu artistique pour valoriser et laisser s’épanouir la vie de Lucile. Avant ses concerts, je compile ses dessins qui passeront en vidéo derrière le groupe. Le travail de l’image est notre point commun à toutes les deux. Lucile a trouvé une attention et une écoute par la chanson et le dessin comme nulle part ailleurs.»
«En général les gens sont très gentils avec Lucile mais la société n’est pas vraiment inclusive car le terme implique qu’ils –les personnes handicapées- fassent comme nous. Or, ils ne le peuvent pas. Notre société est très codifiée or, ces codes, ils ne les possèdent pas. Cependant nous ressentons la société, pour nous, comme excluante, et cela dès la maternelle car il n’y a pas de substitut proposé à l’école. Des personnes ont décidé que pour Lucile, la scolarité n’était pas nécessaire. Alors que l’école ça n’est pas juste apprendre à lire, à écrire et à compter mais aussi à apprendre à vivre en société.»
Demain ? «J’aimerais que Lucile puisse intégrer un Esat artistique, qu’elle puisse vivre et renter le soir dans son appartement, pas dans une institution. Qu’elle puisse obtenir une certaine liberté. Il est très difficile de faire en sorte que les personnes qui ont besoin d’aide soient respectées. C’est aussi vrai en ce qui concerne la décision, car c’est l’autre qui a le pouvoir sur les personnes handicapées. Il est très difficile d’obtenir l’accompagnement qui permet de continuer à respecter la personne en tant qu’adulte, dans les domaines où elle éprouve des difficultés. L’institution ce sont des éducateurs qui décident de la vie des jeunes et des adultes. Nous, nous voulions autre chose pour nous. J’aimerais que Lucile ait une vie sentimentale. La vie nous offrira peut-être ce cadeau. Tout évolue.» Article antérieur sur le même sujet ici. Les dessins de Lucile ici.
Le Cinéma Capitole se transforme en salle de concert
Alors que ‘Le 8e jour’ ressort sur les écrans au cinéma Capitole myCinewest à Avignon-Le Pontet, Henriette et Alain témoignent de leur vie autour de Matieu. En effet, La radio RCF 84 et Cinéma Capitole myCinewest proposent la rediffusion du ‘Huitième jour’ du réalisateur Jaco van Dormael avec les comédiens Daniel Auteuil et Pascal Duquenne dimanche prochain, 15 octobre, à 16h (6€). A l’issue de la projection, à 18h, RCF entamera le débat sur ‘La différence est-elle acceptable en société ?’ avec Emilie Bourdellot directrice de la Radio RCF Vaucluse et Marc Chabaud, producteur. Exclusion, marginalité, culture et handicaps, où en sommes-nous dans notre société ? L’Echo du mardi, partenaire de cet événement propose, pour l’occasion, de donner la parole à des parents et des accompagnants de personnes en situation de handicap. Que vivent-ils ? Qu’est-ce qui a changé en 28 ans ? Témoignages.
Henriette, Alain et leur fils Matieu vivent à Avignon. Matieu est une personne trisomique 21. A 44 ans, il est agent de service dans un collège de la cité papale et vit dans son propre appartement. Il nourrit de nombreuses relations avec son environnement, voyage, adore le vélo la randonnée en montagne et les voyages.Mais sa vie n’aurait pas été celle-ci sans la pugnacité de ses parents et des associations qui font, au quotidien, bouger les lignes.
Henriette Première grossesse «Nous étions en 1979 et c’était ma première grossesse, commence Henriette. A l’époque on ne passait qu’une échographie. J’étais sportive et je me rappelle avoir fait de la randonnée en montagne jusqu’à 15 jours avant d’accoucher. Puis a eu lieu l’accouchement qui s’est révélé très difficile. Notre enfant n’a pas crié tout de suite, il est donc parti en néonatologie, et je ne l’ai découvert que deux jours après. J’ai tout de suite reconnu les traits d’un mongolien, c’est ainsi qu’on les appelait à l’époque.»
Alain Une différence dure à exprimer «J’avais assisté à l’accouchement. Dans un premier temps c’était le bonheur, j’avais un fils. Puis j’ai été convoqué dans un service de la maternité de Sainte Marthe à Avignon. Je me suis retrouvé face à un mur de blouses blanches, tous avec le regard fuyant. Une personne, d’emblée, m’a demandé si je savais ce qu’était le mongolisme. Le trouble s’est emparé de moi. Une sage-femme ou une infirmière m’a tout de suite dit que je pouvais l’abandonner. Puis tout le monde est parti. Je me revois dévaler les escaliers à la poursuite du médecin qui accélérait. Il me fuyait. Le monde du handicap nous était totalement inconnu et nous tombait dessus.»
Henriette La galerie des horreurs «Moi, je l’ai vécu différemment parce que j’avais une formation de biologiste et je savais de quoi il s’agissait. Lors de mon adolescence, j’avais visité un établissement pour handicapés et là c’avait été la galerie des horreurs. Quant à l’annonce du handicap ? On me l’a faite deux jours après l’accouchement, avec mon enfant dans son petit berceau, dans l’étroit vestiaire du personnel.»
Un peu d’humanité «Nous avons eu la chance de connaître le chef de service de pédiatrie qui nous a parlé humainement et sans langue de bois. Il nous a dit qu’il n’y avait pas de comparaison possible entre un enfant placé en institut et un autre grandissant en famille. Ses paroles ont été détrminantes. Au moment où l’on disait qu’un mongolien était inéducable, lui tenait un tout autre discours. Pour autant, il ne nous a pas dressé un tableau idyllique. Nous, nous avons retenu que cet enfant pouvait apprendre et que nous pouvions avoir des relations et une vie avec lui. Une autre personne, une kiné, spécialisée dans les enfants handicapés, nous a également beaucoup aidés.»
Alain Un moment dramatique «Il y a eu ce moment dramatique et douloureux gravé dans notre mémoire qui a conditionné notre vie. Nous sommes repartis, tous les deux, Henriette et moi, dans la montagne –Matieu était en couveuse et devait reprendre du poids avant de regagner notre foyer-. Nous sommes restés quelques jours en réflexion. En tant que père, cela a été une 2e naissance. C’est là que j’ai accepté Matieu, cet enfant différent.»
Henriette Un nouveau départ «Un jour, alors que je venais le voir à l’hôpital, on m’a dit que je pouvais le ramener à la maison. Je suis repartie avec lui sans y être préparée et sans conseils. C’était mon premier enfant, il était en souffrance, et je devais me débrouiller seule. Très vite nous avons été entourés de nos amis et de notre famille, même éloignée, celle-ci a accepté la situation, ce qui n’était pas le cas de toutes les familles.» L’acceptation «Ensuite Matieu a été accepté dans une crèche communale parce que la directrice avait mobilisé, spontanément, son équipe. Notre enfant y était, vraiment, le bienvenu. Nous avons repris nos travails respectifs. Henriette dans un laboratoire d’analyses et moi à l’imprimerie où j’étais maquettiste. En rencontrant d’autres enfants handicapés chez notre kiné, nous avons eu l’idée de créer le Geist 21, association que nous avons portée pendant plus de 33 ans.»
La sociabilisation «La maternelle a été un peu difficile et l’équipe pédagogique un peu perdue. Tout le monde tâtonnait, y compris nous. Nous étions tous démunis parce que la société considérait les trisomiques comme des débiles profonds qui, la plupart du temps, étaient confiés aux instituts. Dans le même temps, les professionnels exerçant dans ces instituts, commençaient à remarquer le potentiel de ces enfants et jeunes adultes. Nous étions aux prémices de cette dynamique, mais nous partions tous de zéro.»
De mongolien à trisomique «Il y a eu l’association Geist 21 mais aussi l’appellation quand on est passé de mongolien –qui fermait le regard et le dialogue- à des personnes trisomique 21 et aussi cet ouvrage ‘les trisomiques parmi nous ou les mongoliens ne sont plus’. On s’est beaucoup appuyé sur ce livre qui prônait l’intégration et la considération de ces enfants avec des exigences éducatives. Tout cela a amené à la scolarité et à la vie sociale.»
Alain Les professionnels changent de paradigme «Nous, les parents avec les professionnels, avons changé l’image de ces enfants qui n’étaient plus laissés mal vêtus, les cheveux ébouriffés et la langue pendante comme les dessinait Claire Bretécher. Ils n’étaient plus cela ni dans la réalité, ni dans notre imaginaire. Nous avons défendus leurs droits. La fréquentation de l’école Maternelle puis primaire – Matieu a été 3 ans à l’école maternelle et 4 ans à l’école primaire- les a ouverts à la sociabilisation.»
Le réseau «Par notre réseau de parents et de professionnels d’enfants handicapés, nous avons rencontré le Directeur de l’Education nationale qui a évoqué l’ouverture d’une classe spécialisée dite intégrée, -la 2e en France après Saint-Etienne- à l’école Stuart Mill, en 1987, à Avignon. Des classes dactuellement appelées Ulis (Unités localisées pour l’inclusion scolaire).
Henriette Ouverture d’esprit «Pour que ça marche il faut pouvoir être en contact avec des gens ouverts, engagés et motivés sur le handicap. Les institutrices de maternelle comme de primaire l’étaient. Les enfants étaient vraiment intégrés dans l’école. Et les parents étaient très présents et proactifs.»
Alain La force d’être plusieurs «Quand on est seul, on entrouvre les portes. Quand on est tous ensemble, on peut entrer. La semaine il y avait l’école et le mercredi le centre de loisirs. Mathieu, comme les autres enfants handicapés, a pris le train pour aller à Châteauneuf de Gadagne avec les autres élèves, puis s’est mis à voyager avec nous à travers le monde. Tout cela a été rendu possible grâce à l’émulation qu’entretenait l’association.»
Henriette Maternelle, primaire, collège, apprentissage «Mathieu a ensuite été au collège puis au centre de formation des apprentis via les ateliers pédagogiques personnalisés. Il a fait ses stages dans une maison de retraite, dans le cadre du service en restauration. La direction du travail ne connaissait pas la formule. C’est dire à quel point l’administration méconnaissait le système du contrat d’apprentissage pour personne handicapée, tout comme la société en général.»
A chaque porte poussée… «A chaque porte poussée, il fallait trouver des solutions et décrypter les arcanes administratives : contrat d’apprentissage, emploi jeune… après nous nous sommes trouvés démunis et sans aide. Nous nous sommes alors tournés vers l’Agefiph pour l’accompagnement professionnel adulte et le maintien des acquis. C’est un combat permanent où vous êtes toujours à anticiper la prochaine étape. Après le milieu du travail, plus ou moins investi, il fallait penser à l’hébergement. Ces jeunes adultes devaient-ils rester chez leurs parents ou fallait-il penser à autre chose ?»
Le regard insistant «Nous avons mis en place un appartement-formation avec la Fondation de France puis un service SAVS (Service d’accompagnement à la vie sociale) avec le Département. Aujourd’hui de nombreux adultes ont un travail, plus ou moins intéressant, un appartement où ils sont plus ou moins autonomes, car leur vie ne l’est jamais totalement, tout comme nous qui dépendons des autres. Il y aura toujours ce besoin d’encadrement, d’accompagnement et de suivi. La vision du handicap a complètement changé. Quand on se promène dans la rue, on n’a plus droit à ce regard insistant. Le seul regard ? Il émane de jeunes très enfants qui s’interrogent en se disant ‘tiens, celui-là est différent.’ Plus d’une fois j’ai entendu des mamans expliquer gentiment aux enfants cette différence. Le handicapé est banalisé. La personne n’est plus considérée que sur l’angle de son handicap.»
Alain et Henriette ‘15 ans auparavant, nous avions anticipé la loi de 2005’ «La très importante loi de 2005 a instauré la compensation du handicap en partant du principe que tout citoyen avait des droits et que la personne en situation de handicap ne pouvait y parvenir sans aide matérielle ou humaine. La loi a entériné le fait que cette personne avait droit à l’accès à l’éducation, à la formation, au travail et, donc, à faire partie de la société. C’est ce que nous avions anticipé 15 ans auparavant. L’État a pris en compte toutes ces évolutions menées par les actions des associations de la sphère du handicap, et a donc légiféré de manière à donner un cadre et à assurer la pérennité de ces changements.»
Alain Aujourd’hui «La loi de 2005 a fixé un cadre dont nous nous apercevons qu’elle a ouvert beaucoup de droits. Paradoxalement elle exerce un effet inverse par rapport aux parents, car ceux-ci, avant qu’elle ne soit inscrite, inventaient des solutions, étaient combatifs et très actifs. Aujourd’hui, on s’aperçoit que beaucoup de parents demandent l’application des droits. Un exemple ? Même si la loi dit que tout enfant doit être scolarisé, ça n’est pas aussi simple que cela, parce que certains types de handicaps sont complexes à prendre en compte et, parfois, la présence à l’école de l’enfant peut apporter plus de problèmes qu’elle ne génère de bonnes réponses. Il y a également une question de moyens –car la présence d’un enfant différent suppose de nombreux moyens comme un auxiliaire de vie scolaire. Aussi, l’on détecte de plus en plus d’enfants souffrant de handicaps sociaux. C’est la raison pour laquelle les enseignants sont démunis dans une classe de 25 à 30 gamins, dont 10 sont hyper actifs. Et là, il faut reconnaître que c’est compliqué.»
Un autre phénomène ? «L’action collective a du mal, aujourd’hui, à s’exprimer. On voit que beaucoup d’associations ont du mal à exister. Ca été le cas du Geist 21. On défend son cas personnel, sa situation ce qui est tout à fait normal, mais sans s’occuper de faire avancer le collectif. Le Geist 21, c’était une réponse individuelle dans une dynamique collective. Je suis convaincu que si Matieu est arrivé à cette autonomie, c’est grâce à cette dimension collective. Sans celle-ci, on ne s’inscrit pas dans la durée. Quand nous allions voir un responsable pour lui soumettre une demande, nous disions toujours, derrière nous, nous avons 15 familles. Lorsque l’on porte la parole d’un groupe, c’est forcément plus porteur.»
Henriette Faire face aux difficultés «Également, l’avantage d’être plusieurs c’était de porter une famille si celle-ci se trouvait en difficulté, on ne la lâchait pas. Il y avait cette solidarité. Quels genres de difficultés ? Des familles qui n’avaient pas la capacité à gérer cette situation de handicap, perdues dans les démarches administratives. On leur indiquait quelles aides demander. L’association était représentée dans différentes instances qui pouvaient être des leviers pour accéder à l’école, à la création de services –SAVS, Service d’accompagnement à la vie sociale, comme la MDPH (Maison départementale pour les personnes handicapées). Nous avions créé un réseau avec nos entrées. Nous avions convaincus des élus. Ce n’était pas du favoritisme mais nous étions convaincants et avec des projets collectifs et réfléchis. C’était un labourage permanent.»
Alain Le parcours, pour nous, n’est pas fini. «Maintenant, Matieu a 44 ans. Nous avons passé les 70 ans. La question est comment Matieu va-t-il nous survivre ? Car le vieillissement des personnes trisomiques est un phénomène nouveau. Désormais, ils survivent à leurs parents, alors, comme d’habitude, il faut anticiper. Les moyens existent comme avec le Mandat de protection future, les tuteurs-curateurs mais la difficulté est de trouver la bonne personne. Il est vrai que nous sommes très exigeants pour notre enfant, ce qui a toujours été notre moteur. On n’avance pas avec des solutions médiocres.»
On commence à passer le relais On commence à passer un peu le relais avec la PCH (Prestation de compensation du handicap), nous faisons appel à un service d’aide à la personne. Après nous devrons prendre une personne pour régler les affaires plus intimes comme l’accompagnement à la santé, à la solitude… Les services d’aide à la personne ne sont pas formés pour cela. Matériellement, on s’est organisés car Matieu est notre fils unique. Nous avons préparé la succession. Matieu est propriétaire de son logement. Il dispose de suffisamment de biens pour vivre, mais c’est l’accompagnement humain qui sera compliqué car il faut quelque chose de plus qu’un tuteur ou curateur –qui gère de très nombreux dossiers) tel qu’il fonctionne actuellement.»