Le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce a publié sur son site internet un nouveau référentiel (Référentiel CNGTC, fiche n° 628, 7 nov. 2019) qui reproduit l’avis rendu le 1er juillet 2019 par le Comité de coordination du Registre du commerce et des sociétés (CCRCS) et publié, le 21 novembre 2019, sur le site du ministère de la justice (CCRCS, avis n° 2019-001, 1er juill. 2019). Il répond à la question suivante : la tenue, par une personne physique, d’un « blog » ou « blogue » assurant la diffusion de publicités génératrices de revenus confère-t-elle à l’intéressée la qualité de commerçant, assujettie à ce titre à l’immatriculation au Registre du commerce et des sociétés (RCS) ? Cet avis précise que la création et la tenue d’un blog, par une personne physique, ne sont pas nécessairement constitutives ou révélatrices d’une activité commerciale. En effet, les blogs sont souvent sans but lucratif, au sens de revenus financiers qui en sont directement tirés. Même dans le cas contraire, l’activité génératrice de tels revenus peut être de nature civile et non pas commerciale.
La question du caractère commercial peut, en revanche, se poser pour un blog empiétant sur le domaine des sites marchands (vente en ligne, par exemple, de produits acquis à cette fin) ou servant de vecteur, contre rémunération, à la diffusion de publicités pour le compte d’annonceurs désirant promouvoir leurs produits ou services, voire leur image de marque.
D’une manière générale, la loi répute notamment acte de commerce « toute entreprise de fournitures », disposition dont il a été jugé qu’elle « s’applique à la fourniture de service » et confère à l’activité correspondante un caractère commercial dès lors qu’elle « n’est pas purement intellectuelle» et qu’elle « est exercée à titre habituel et lucratif ».
Cette solution est transposable à la tenue, par une personne physique, d’un blog assurant la diffusion de publicités à titre habituel et lucratif, même présentée comme secondaire, sauf à réserver l’incidence éventuelle du principe selon lequel un acte de commerce par nature devient civil s’il n’est que l’accessoire d’une activité ou d’un acte civils. Il en résulte que la personne physique qui se livre à une telle activité a la qualité de commerçant et est donc tenue à immatriculation au RCS, lorsque la diffusion de publicités à titre habituel et lucratif ne peut être considérée comme accessoire à une activité ou à des actes civils. Il en va ainsi lorsque la diffusion en cause :
– seule lucrative exercée au travers du blog, est génératrice de revenus excédant de façon sensible la simple compensation des frais exposés pour la création et la tenue de celui-ci, ou bien,
– est la source de revenus qui, s’ajoutant le cas échéant à ceux résultant d’une autre activité commerciale exercée au travers du blog, est supérieure à plus de la moitié de l’en- semble des revenus tirés de celui-ci.
■ Rappel des notions d’actes de commerce et de commerçant
Le Registre du commerce et des sociétés (RCS) a notamment pour objet de recevoir, « sur leur déclaration », l’immatriculation des « personnes physiques ayant la qualité de commerçant » (C. com., art. L. 123-1, I), qualité emportant soumission des intéressés, sur certains points, à un régime juridique dérogatoire au droit civil, pour l’essentiel défini au code de commerce.
Remarque : l’admission de la preuve par tout moyen à l’égard des -commerçants, à moins que la loi n’en dispose autrement (C. com., art. L. 110-3) ; la compétence des tribunaux de commerce pour connaître des litiges entre commerçants (C. com., art. L. 721-3), mais également des obligations spécifiques en matière comptable et bancaire (C. com., art. L. 123-12 et L. 123-24).
Ce même code précise que « Sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle » (C. com., art. L. 121-1), étant observé que :
– les actes concernés doivent s’entendre d’actes de commerce par nature énumérés audit code (C. com., art. L. 110-1 et L. 110-2), dont « tout achat de biens meubles pour les revendre » (C. com., art. L. 110-1, 1°) dans un but lucratif voire, entre autres actes dans le même but, « toute entreprise de fournitures, d’agence, bureaux d’affaires » (C. com., art. L. 110-1, 6°) ; – la condition de profession habituelle, d’une « occupation sérieuse de nature à produire des bénéfices et à subvenir aux besoins de l’existence » (CA Paris, 30 avr. 1906 ; CCRCS, avis nos 93-1 et 93-2, 8 avr. 1993 ; Rép. min. n° 83995 : JOAN Q, 29 août 2006, p. 9184), exercée de façon indépendante, c’est-à-dire en leur nom et à leurs risques et périls.
Le commerçant peut l’être au titre de sa profession principale ou, si cette dernière n’est pas commerciale, au titre d’une activité secondaire (Cass. soc., 3 nov. 1977, n° 76-10.697). Mais, dans ce dernier cas, l’activité secondaire doit être indépendante de la principale. En effet, un acte de commerce par nature devient civil s’il n’est que l’accessoire d’une activité ou d’un acte civils (Cass. 1re civ., 25 févr. 2016, n° 15-10.735 ; CCRCS, avis n° 2015-02, 5 févr. 2015). Remarque : à l’inverse, un acte normalement civil devient commercial par accessoire s’il est accompli par un commerçant pour les besoins de son commerce.
■ Définition et pratique de la tenue d’un blog
Selon une première approche, un « blog » ou « blogue » – termes issus de la contraction des mots anglais « web log » peut se définir comme un « site web sur lequel un internaute tient une chronique personnelle ou consacrée à un sujet particulier » (dictionnaire Larousse) dans des domaines des plus divers correspondant en principe à ses centres d’intérêt : musique, divertissements, politique, santé, hygiène, maquillage, coiffure, couture, bricolage, formation…
Remarque : le terme « log » désigne un « logbook » ou « journal de bord ». Dans le « vocabulaire de l’informa- tique et de l’internet » publié au Journal officiel du 16 septembre 2014, établi par la délégation générale à la langue française dans le cadre de la Commission d’enrichissement de la langue française placée sous l’autorité du Premier ministre, le mot « blogue » est ainsi défini : « Site, souvent personnel, présentant, du plus récent au plus ancien, de courts articles ouverts aux commentaires des internautes ». Dans la pratique, le blog est large- ment ouvert à la consultation du public même si des restrictions d’accès sont envisageables pouvant lui conférer, lorsqu’elles sont suffisantes, le caractère de correspondance privée. En effet, le blog est surtout conçu comme une alternative aux médias traditionnels par ceux – simples particuliers inclus – éprouvant le besoin de s’exprimer publiquement.
Tous les modes d’expression y sont possibles : écrits, mais également images et sons. Le blog est fréquem- ment assorti d’un espace (sorte de forum de discussion) dédié aux remarques, critiques ou interroga- tions des visiteurs sur le thème trai- té. A ce titre, il est source d’interac- tivité sans commune mesure avec les « courriers des lecteurs » qu’offrent parfois les médias traditionnels.
Les créations de blogs ont connu un développement exponentiel au cours des dernières années. Le nombre de plusieurs millions est avancé. Même si leur vie est souvent éphémère, on a pu y voir un « phénomène de société ».
Ce phénomène tient tout autant à l’engouement pour un tel « média personnel », constitutif d’un espace nouveau de liberté et d’épanouis- sement individuels, qu’aux facili- tés offertes par des plates-formes d’hébergement permettant au plus grand nombre, même dépourvu de connaissance en informatique, de créer et exploiter un tel instrument à faibles frais.
■ Création et tenue d’un blog constitutives ou non d’une activité commerciale
D’une manière générale, la création et la tenue d’un blog par une personne physique ne sont pas nécessairement constitutives ou révélatrices d’une activité commerciale. Il en est de même lorsque les publicités interviennent au seul profit de l’hébergeur du blog. En effet, les blogs sont souvent exclusifs de but lucratif, au sens de revenus financiers qui en sont directement tirés par celui qui en assure la tenue. Même dans le cas contraire, l’activité génératrice de tels revenus peut être de nature civile et non pas commerciale. A cet égard, il doit être observé que l’énumération légale des actes de commerce par nature ne s’étend pas, par exemple, aux activités pure- ment intellectuelles d’un auteur ou créateur, comme à leurs prolongements en constituant l’accessoire. Tel peut être le cas d’un auteur ou créateur assurant l’édition ou la vente, au travers de son blog, de sa propre production littéraire, artistique ou scientifique.
Remarque : doivent, de même, être également réputées civiles des activités telles que : vente de produits d’un fonds rural, par son propriétaire, fermier ou cultivateur (Cass. civ., 30 nov. 1931) ; chef d’établissement d’enseignement assurant lui-même l’instruction de ses élèves avec le concours de collaborateurs, même s’il pourvoit à leur logement et nourriture (Cass. civ., 20 avr. 1931).
La question du caractère commercial peut en revanche se poser pour un blog empiétant sur le domaine des sites marchands (vente en ligne, par exemple, de produits acquis à cette fin) ou servant de vecteur, contre rémunération, à la publicité d’annonceurs désireux de promouvoir leurs produits ou services, voire leur image de marque.
Dans la pratique, le recours à un tel vecteur (bannières publicitaires visualisées lors de chaque visite du blog ; insertion dans le blog d’articles « sponsorisés » pour le compte d’annonceurs ; présence de liens personnalisés redirigeant vers le site de ces derniers…) est de moins en moins exceptionnel.
Il est d’ailleurs favorisé par des régies spécialisées prêtant leur assistance pour la prospection des annonceurs, l’élaboration et la mise en œuvre des messages publicitaires ainsi que le recouvrement de leur prix, tandis que nombre de sites internet célèbrent les avantages de cette « monétisation », encore que parfois avec un optimisme excessif, eu égard à l’importance du trafic que doit générer un blog pour que ces avantages soient significatifs. Cas où la tenue d’un blog exige une immatriculation au RCS
En tout cas, comme rappelé ci-dessus, la loi répute acte de commerce « toute entreprise de fournitures » (C. com., art. L. 110-1, 6°). La jurisprudence précise que cette disposition « s’applique à la fourniture de service » et confère à l’activité correspondante un caractère commercial dès lors qu’elle « n’est pas purement intellectuelle » et qu’elle « est exercée à titre habituel et lucratif » (Cass. com., 5 déc. 2006, n° 04-20.039 ; Cass. com., 5 déc. 2006, n° 05-21.258).
Cette solution, consacrée dans des domaines autres que les sites inter- net, est transposable à la tenue, par une personne physique, d’un blog assurant la diffusion de publicités à titre habituel et lucratif, même présentée comme secondaire, sauf à réserver l’incidence éventuelle du principe selon lequel un acte de commerce par nature devient civil s’il n’est que l’accessoire d’une activité ou d’un acte civils.
Il en résulte que la personne physique qui se livre à une telle acti- vité a la qualité de commerçant et se trouve tenue à immatriculation au RCS, lorsque la diffusion de publicités à titre habituel et lucratif ne peut être considérée comme l’acces- soire d’une activité ou d’actes civils. Tel est le cas lorsque la diffusion en cause :
– seule lucrative exercée au travers du blog, est génératrice de revenus excédant de façon sensible la simple compensation des frais exposés pour la création et la tenue de celui-ci, ou bien,
– est la source de revenus qui, s’ajou- tant le cas échéant à ceux résultant d’une autre activité commerciale exercée au travers du blog, sont supérieurs à plus de la moitié de l’ensemble des revenus tirés de celui-ci.
Les Référentiels du CNGTC, la référence métier des tribunaux de commerce. Éditions Législatives www.elnet.fr. Article extrait du Bulletin d’actualité des greffiers des tribunaux de commerce n° 136, décembre 2019 : www.cngtc.fr