A la CCI (Chambre de commerce et d’industrie) de Vaucluse, les élections se suivent et ne se ressemblent pas. Si quatre listes s’étaient affrontées lors du scrutin consulaire en 2016, il n’y en aura finalement qu’une à l’occasion du prochain vote qui se déroulera par correspondance du 1er au 14 octobre 2020.
« Au terme du délai de dépôt des candidatures, seule la liste dénommée ‘Energie positive’ de la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) a été enregistrée en préfecture de Vaucluse pour toutes les catégories et sous-catégories de la Chambre de commerce et d’industrie territoriale (CCIT) de Vaucluse et de la chambre de commerce de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. » C’est en ces termes que les services de la préfecture de Vaucluse ont signifié qu’il n’y aurait qu’une seule liste lors de cette élection de l’assemblée générale de la CCI 84 qui se déroulera par correspondance du 1er au 14 octobre prochain.
Pour autant, cette annonce n’est finalement pas une surprise depuis que l’organisation patronale concurrente de l’UP-Medef 84 (Union patronale et Mouvement des entreprises de France) présidée par Jacques Brès avait notifiée, il y a quelques jours, qu’elle ne présenterait pas de liste.
On s’achemine donc vers une élection sans suspense, bien loin de celle très disputée de l’automne 2016, pour l’élection des 34 membres de l’assemblée de la CCI de Vaucluse. A cette occasion, 4 listes s’étaient affrontées : celle de l’UP-Medef conduite par Jacques Brès (17 sièges obtenus), celle de Bernard Vergier, président de la CPME (12 sièges), celle de l’Union des commerçants et artisans de Vaucluse (Ucav) de Sonia Strapelias (5 sièges), et celle de Michel Bernard, tête de liste et président du RPME (Rassemblement patronal pour la modernité de l’économie) qui n’obtiendra aucun siège. Ayant parvenu à rallier l’Ucav pour obtenir le même nombre de siège que son opposant, Bernard Vergier réussira ensuite à être élu au bénéfice de l’âge comme c’est l’usage en cas d’égalité.
Une majorité fragile
Ce rapport de force quasi-identique va immédiatement engendrer des blocages dans la gouvernance de l’organisme consulaire vauclusien. En effet, s’estimant lésée, puisque qu’étant la liste ayant recueillie le plus grand nombre de conseillers, l’UP-Medef n’a pas accepté ce résultat remporté en raison du droit d’aînesse. Pour Jacques Brès, cette situation risquait alors de ne déboucher que sur des « affrontements permanents » au risque de rendre cette CCI « ingouvernable ». Les élus de l’UP-Medef quittant d’ailleurs l’assemblée constitutive afin de protester contre ces résultats qu’ils estimaient « faussés ».
De son côté, Bernard Vergier, succédant à 15 ans de présidence de François Mariani qui ne pouvait se représenter en raison de la limite d’âge imposée dans le cadre de ces élections, assurait vouloir désormais jouer l’union. « Après une élection marquée par la division nous devons à présent nous rassembler et créer une véritable unité », expliquait le président de la CPME 84 lors de son discours d’investiture. Peine perdue, dans les semaines qui suivront le Tribunal administratif de Nîmes rejettera plusieurs recours, portés par les 2 camps, afin de contester une partie des résultats. De quoi donner le ton de la suite de la mandature.
Mise sous tutelle préfectorale en 2018
Ainsi, après le désistement de 2 élus de l’Ucav et la démission d’un membre de la CPME, l’assemblée ne sera plus en mesure de voter le budget consulaire 2018. Rebelote quelques semaines plus tard où les élus de l’UP-Medef, désormais majoritaire, refuse de valider ce budget. Ce blocage débouchera sur la mise sous tutelle de la CCI de Vaucluse, désormais chapeautée par la préfecture de région Provence-Alpes-Côte d’Azur en ce qui concerne les questions budgétaires consulaires vauclusiennes.
En octobre 2018, Pierre Dartout, préfet de Région, suspendra ensuite provisoirement l’ensemble des membres de CCI 84, dont son président qui appelle alors à une dissolution rapide suivie de nouvelles élections générales, « seule alternative possible pour permettre aux dirigeants vauclusiens de s’exprimer démocratiquement. » Dans la foulée, les services de l’Etat nomment une commission d’administration provisoire de la CCI 84 composée de Marc Chabaud, trésorier de la Chambre régionale, ainsi que de Luc Crespo et Bruno Delorme, membres de la CCI de Vaucluse. Le tout, dans une période où les ressources des CCI ont été réduit drastiquement (près de 40 % depuis 2014) et que plusieurs postes ont dû depuis être supprimés dans celle de Vaucluse.
La Région se paye le Vaucluse
Ces difficultés de la CCI vauclusienne vont aussi aiguiser les appétits de la Chambre régionale qui voit là une belle occasion de mettre la main sur sa représentation vauclusienne et les moyens qui vont avec.
« Les seules solutions viables c’est, soit de transformer la CCI de Vaucluse en CCI locale, c’est-à-dire sans personne morale et rattachée à la CCI régionale, soit, éventuellement, ce qu’appelle certains élus de leurs vœux, de fusionner la CCI de Vaucluse avec celle du Pays d’Arles, insistait alors Bernard Kleynhoff, conseiller régional de la majorité mais surtout ancien président de la CCI Nice-Côte d’Azur de 2011 à 2015, lors de sa réponse, fin 2019, à la conseillère régionale avignonnaise RN (Rassemblement national) Anne Sophie Rigault qui demandait le soutien du Conseil régional à la dissolution du bureau actuel de la CCI de Vaucluse (elle demandera ensuite, fin octobre, la tenue de nouvelles élections générales).
Bernard Kleynhoff, devenu entretemps président de ‘Rising Sud’ l’agence de développement économique de la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur (lire ici), profitera aussi de sa tribune régionale pour égratigner à le monde consulaire vauclusien : « La CCI de Vaucluse nous a surtout permis, pour l’instant, de ridiculiser le monde consulaire, tant au niveau régional qu’au niveau national ».
Dissolution de l’assemblée et report du vote
Puis, en décembre dernier, le préfet de la Région se résout à dissoudre l’assemblée et convoque de nouvelles élections dont le scrutin devait avoir lieu du 28 mai au 10 juin dernier. La covid-19 et le confinement étant cependant passés par là, ce vote, par correspondance, a finalement été décalé du 1er au 14 octobre prochains (ndlr : le dépouillement des votes se tiendra à partir du lundi 19 octobre 2020 et les résultats seront proclamés au plus tard le jeudi 22 octobre prochain).
Une décision incompréhensible pour le patron du Medef local qui ne comprend pas que « ce n’est qu’après trois ans d’incertitudes, de mises sous tutelle, de gestion par une commission provisoire et à quelques mois à peine de l’échéance du mandat 2016-2021 » que paraît, fin 2019, l’arrêté constatant cette absence de majorité pourtant effective depuis plus de deux ans maintenant.
« Cette élection était devenue indispensable pour doter à nouveau la chambre de commerce et d’industrie territoriale de Vaucluse d’instances élues après des mois de blocage de son fonctionnement normal ayant conduit le préfet de région Provence Alpes Côte d’Azur, qui exerce la tutelle, à prononcer la nomination d’une commission d’administration provisoire, par nature limitée dans son action par la réglementation aux actes essentiels et à la gestion des affaires courantes », explique laconiquement la préfecture de Vaucluse.
Un scrutin ‘inutile’ ?
Lassé par la brouille entre les deux leaders patronaux, Jacques Brès propose en début d’année, à la demande de plusieurs fédérations et organisations professionnelles, de jeter l’éponge si son adversaire est prêt à en faire de même afin de laisser la place à de nouvelles têtes. Un appel à la ‘paix des braves’ qui ne sera pas entendu, le président de la CPME estimant qu’il s’agit d’un piège pour ‘endormir’ l’action de la Confédération, particulièrement active sur le terrain dans la préparation de cette élection.
Finalement, la ‘guerre’ des chefs ne connaîtra pas un nouvel épisode à l’occasion de ce scrutin puisque Jacques Brès a fait savoir, il y a quelques jours, que son mouvement n’avait déposé aucune liste. Justifiant sa décision par « l’indécence » du maintien de ces élections consulaires en cette période de crise, l’UP-Medef de Vaucluse estime qu’à 1 an à peine du scrutin général de novembre concernant toute les CCI de France ce vote est inutile. Le président de l’UP-Medef 84 estime également indécent de consacrer des moyens pour ces deux élections successives (ndlr : estimé entre 250 000 € et 500 000 € pour les deux scrutins).
Toutefois, l’UP-Medef n’entend pas rendre les armes et annonce qu’elle sera au rendez-vous des élections générales de novembre 2021. En attendant, Bernard Vergier devrait présenter, ce jeudi 10 septembre, sa liste pour une élection qu’il est sûr désormais, faute de combattant, de remporter.
Cette présentation sera aussi l’occasion de présenter son programme pour un mandat d’un an seulement. Le président de la CPME ne pouvant ensuite se représenter pour le scrutin suivant puisqu’il sera atteint par la limite d’âge.
En attendant, pas sûr que ces querelles incessantes mobiliseront un électorat d’entrepreneurs qui n’avaient été que 16,80 % à participer au vote consulaire en 2016 contre 20,60 % en 2010. Le niveau de participation au prochain vote devrait d’ailleurs permettre de légitimer, ou non, le statut du futur président de la CCI de Vaucluse.