23 novembre 2024 |

Ecrit par le 23 novembre 2024

Le Doliprane donne le tournis

Le Doliprane, un des fleurons de l’industrie pharmaceutique française va passer sous pavillon US. Sanofi, le géant français du médicament va céder une participation majoritaire de 50 % au fond américain Clayton Dubilier & Rice (CD & R). Cette opération financière, la plus grosse acquisition par emprunt de l’année (8,65 milliards d’euros) a de quoi interroger. La finance sera-t-elle toujours plus forte que la santé ? N’y a-t-il pas là un risque pour notre souveraineté sanitaire, déjà bien mise en mal ?

« La finance sera-t-elle toujours plus forte que la santé ? »

Élaboré par le pharmacien français Henri Bottu au début des années 60, le Doliprane est le médicament le plus consommé en France. 400 millions de boites y sont vendues chaque année. Et la France ne pèse que pour 10 % dans l’activité d’Opella, la filiale de Sanofi qui produit le Doliprane aux côtés d’une quinzaine d’autres médicaments. Avec un CA de 5,2 milliards d’euros Opella est numéro 3 mondial des médicaments sans ordonnance. La société revendique de répondre aux besoins de plus d’un demi-milliard de patients-consommateurs dans le monde. En d’autres termes, il s’agit là d’une vraie pépite (au propre comme au figuré) qui ne pouvait que susciter la convoitise.

« Faire de la France la première nation européenne et souveraine en matière de santé »

Business is business. Sauf que là, le sujet est sensible. On a tous en mémoire les difficultés d’approvisionnement en paracétamol pendant la première crise du Covid en mars 2020. On pourra aussi se souvenir des déclarations du Président de la République, en 2021, qui avait fixé comme objectif de faire de la France la première nation européenne et souveraine en matière de santé (réunion du conseil stratégique des industries de santé 2021). En février 2024, pour lutter contre la pénurie de certains médicaments le gouvernement avait annoncé un nouveau train de mesures. Cette feuille de route qui engageait plusieurs ministères devait également permettre de renforcer la souveraineté de notre pays dans ce domaine. Tout cela semble bien peu de chose face à la puissance de la finance internationale.

Cette opération qui devait être à l’origine une cession de parts devient alors un accord tripartite

En réponse aux inquiétudes de l’opinion publique et d’une grande partie de la classe politique nationale, la BPI (Banque Publique d’Investissements) a été appelé à rescousse pour s’inviter au board de l’entreprise moyennant une prise de participation de 2 %. Histoire de pouvoir être associé aux devenirs de l’entreprise. Cette opération qui devait être à l’origine une cession de parts devient alors un accord tripartite où Opella s’engage à maintenir les sites de productions en France et à y investir en développement 70 M€, mais uniquement sur une période de 5 ans. Quid après ?

On appelle cela aussi la technique de la vache à lait

Cette opération financière, qualifiée par le quotidien Les Echos de « deal de l’année » pour les 22 banques d’affaires qui y sont associées, est réalisée sous forme de LBO (Leveraged buy-out – rachat avec effet de levier). Une technique de financement qui consiste à acheter une entreprise en l’endettant. Le remboursement de la dette se fait alors sur « l’optimisation de son activité » : augmentation de la productivité, des prix, la réduction de ses coûts… et tout cela sur pression des financiers. On appelle cela aussi la technique de la vache à lait. On est loin des considérations thérapeutiques du pharmacien du Calvados qui mis au point cet antalgique au début des années 60…


Le Doliprane donne le tournis

Les néobanques ont le vent en poupe et poursuivent leur percée dans le paysage bancaire français. Ces établissements, dont les services sont 100 % digitaux et orientés sur le mobile, répondent aux nouveaux besoins et modes de consommation dans le secteur bancaire et séduisent de plus en plus de monde. Les analystes du département Market Insights de Statista prévoient que la valeur des transactions du marché des néobanques en France devrait atteindre plus de 250 milliards d’euros en 2023, soit une croissance annuelle de plus de 40 %.

Comme le détaille notre infographie, trois acteurs se partagent environ la moitié des parts de marché en France (données de 2022). Il s’agit de l’application mobile française Bankin’ (20 %), de l’allemande Stocard (16 %) et de l’appli britannique Revolut (15 %). Ma French Bank, néobanque du groupe La Banque Postale lancée en 2019, s’est hissée au quatrième rang l’an dernier (9 %), juste devant N26 et Nickel (chacun 7 %).

Tristan Gaudiaut pour Statista


Le Doliprane donne le tournis

Michel Terrisse, le maire d’Althen-des-Paluds n’arrive pas à obtenir des financements à taux fixes pour engager des investissements sur sa commune. En cause ? Le rejet des prêts de certaines collectivités par les établissements bancaires pour cause de taux d’usure trop bas. Conséquences ? Les investissements des collectivités territoriales sont à l’arrêt. Fâché, l’édile décide de saisir le Député de la 3e circonscription, les Sénateurs, l’Association des Maires de France, l’Association des Maires de Vaucluse et l’Association des Maires Ruraux de Vaucluse sur le problème. Comme lui d’ autres maires se sentent dans l’impasse.

«Aujourd’hui, nous ne pouvons plus nous faire financer à taux fixe, relate Michel Terrisse, maire d’Althen-des-Paluds. Pourquoi ? Parce que le calcul du taux de l’usure se fait sur trimestre -1. Or, nous subissons une forte et rapide remontée du taux d’inflation et des taux des prêts bancaires. Le taux d’usure est devenu plus faible que ce que les banques doivent appliquer, leur taux de refinancement ayant augmenté. Si elles ajoutent leur marge plus les assurances qui entrent dans le TEG (taux effectif global), les banques sont au-dessus du taux d’usure et ne peuvent donc pas prêter à taux fixe, mais à taux variable. »

Les taux d’emprunt ? Sur le long terme ça change tout !
« Par exemple, la Caisse d’Épargne prête à Althen-des-Paluds à 2% + sa marge à 0,5 ce qui fait un prêt à 2,50% pour un emprunt sur 30 à 40 ans, sauf qu’il y a 3,4, mois en arrière, le taux de prêt bancaire était à 1,30%, et cela change tout, analyse l’ancien banquier. Or, les banques ne veulent pas proposer de crédit à taux variable ‘capé’ c’est-à-dire avec un taux maximum qui ne serait pas dépassé. Nous collectivités, sommes un peu coincées car pour investir, nous sommes obligées d’emprunter et ne voulons pas prendre le risque d’un taux variable.»

Agrandissement de l’accueil de loisir, du restaurant et de la cuisine
«Nous avons actuellement un projet qui se monte à un peu plus 1,8M€, qui nécessite d’emprunter 800 000€ pour boucler le plan de financement. Je vais donc accepter le taux de la Caisse d’Épargne qui est à 2,50%. Ce sera pour financer l’agrandissement de l’accueil de loisirs, la démolition-reconstruction du restaurant scolaire et la cuisine qui sera elle-aussi agrandie et mise aux normes CSCCT (Commission santé, sécurité et conditions de travail) et ‘marche en avant’ (Ndlr : démarche qualitative de l’hygiène où les produits sains ne croisent pas les produits souillés de la fabrication des repas jusqu’à leur consommation).»

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