23 novembre 2024 |

Ecrit par le 23 novembre 2024

Salon des maires de Vaucluse : « Après les gilets jaunes, les écharpes tricolores ? »

Alors que l’assemblée générale de l’Association des maires de Vaucluse (AMV), et le salon des collectivités qui l’accompagne ont accueilli un millier de visiteurs,  l’absence de Thierry Suquet, préfet de Vaucluse convoqué à Paris par Bruno Retailleau avec l’ensemble de ses homologues de l’Hexagone pour une réunion avec le ministre de l’Intérieur, a été particulièrement mal perçue par les maires.
Beaucoup d’élus locaux et peu d’Etat, beaucoup de questions et peu de réponses, beaucoup de colère et peu d’écoute… tels pourraient être les maître-mots de la vision qu’ont nos maires de leur rapport avec un Etat ‘parisien’ qu’ils considèrent de plus en plus éloigné des territoires.

C’est Cécile Helle, maire d’Avignon qui a pris la parole pour accueillir tous les maires de Vaucluse pour cette première de l’AMV (Association des maires de Vaucluse) au parc des expositions.
« D’habitude, nous nous réunissions à Monteux. C’est nouveau de nous retrouver à Châteaublanc, à quelques jours du Congrès des Maires à Paris. Cette année le thème est ‘Les communes, heureusement!’. C’est une forme de reconnaissance pour la République décentralisée que sont nos villes et villages. Dans ces périodes d’incertitude, de crise, c’est une évidence pour les citoyens, une proximité. Ce que nous voulons, c’est que les communes soient respectées, écoutées. Elles sont le premier des services publics, parfois le seul. Ce sont elles qui maintiennent les écoles, les équipements socio-culturels, le mouvement sportif, on l’a bien vu pour le passage de la flamme Olympique dans le Vaucluse le 19 juin. Elles sont un amortisseur social après la crise sanitaire, l’inflation, la flambée des prix de l’énergie, les citoyens se tournent vers les maires, c’est l’échelon le plus proche de leur protection, du renforcement du lien, du vivre ensemble. »

©AB/l’Echo du Mardi

« Ce que nous voulons, c’est que les communes soient respectées, écoutées. »

Cécile Helle, maire d’Avignon

« On voit bien dans nos territoires que le changement climatique est une réalité, il frappe le monde agricole qui est un des piliers essentiels de l’économie du territoire. Nous avons aussi vu ces derniers jours chez nos voisins espagnols de Valence à quel point la Méditerranée est vulnérable », ajoute Cécile Helle, qui par ailleurs est géographe de formation.
« S’il n’y a pas de respect, de confiance, de soutien de la part de l’Etat, on verra, dans 5 ans, 10 ans, 20 ans à quel point la République sera fragilisée. Or là, nous n’avons aucune visibilité sur les budgets. Quel impact sur nos investissements, notre fonctionnement avec des ponctions de l’Etat de 5M€ sur les collectivités locales? Nous ne pouvons pas travailler sereinement quand on doit éponger le déficit de l’Etat dont nous ne sommes pas responsables. Nous ressentons un sentiment d’injustice alors que tous nos budgets, eux, sont en équilibre à l’euro près. »

Elle poursuit sa diatribe : « Pour Avignon, cela représente 3,6M€ sur les 150M€ de notre budget de fonctionnement. Que faire? Refermer la Médiathèque Renaud-Barrault de la Rocade que nous venons de rouvrir après l’avoir rénovée à grands frais, virer les 18 agents municipaux qui y travaillent avec les conséquences sur l’emploi et sur leurs familles que cela implique? Nous avions baissé le tarif des cantines scolaires, devons-nous y revenir? Tout ce que je demande c’est le respect et le soutien de l’Etat ».

« Ras-le-bol du traitement qui nous est infligé par certains comme si nous étions des délinquants. »

Max Raspail, maire de Blauvac

Après Cécile Helle, c’est un autre maire qui prend la parole, celui de Monteux, Christian Gros, qui d’habitude accueillait jusqu’alors l’assemblée générale des maires de Vaucluse chez lui, au Château d’eau. En l’absence de Max Raspail souffrant, maire de Blauvac et conseiller départemental, il a lu sa lettre : « Ras-le-bol du traitement qui nous est infligé par certains comme si nous étions des délinquants. On demande un peu de respect, sinon on va aller à la pêche ou jouer à la pétanque. Le découragement frappe un maire sur deux. 450 d’entre eux démissionnent chaque année, sans parler des adjoints ou des élus municipaux et 55% des sortants ne comptent pas se représenter en 2026, lors des municipales, c’est dire si le mal et la morosité ambiante sont profonds. Est-ce que l’enjeu en vaut la chandelle ? »

« A travers les maires, c’est la démocratie qui est menacée. »

Christian Gros, maire de Monteux

Christian Gros l’a ensuite martelé, comme chaque année : « A travers les maires, c’est la démocratie qui est menacée, nous portons notre mandat à bout de bras sans compter nos heures, avec passion et détermination. Que l’Etat protège ses élus locaux. Agressions physiques et morales, menaces, diffamation, harcèlement, pressions, il faut aller plus loin dans les sanctions ».
Il évoque ensuite le manque total de visibilité : « Gérer, c’est prévoir. Or aujourd’hui on est en plein brouillard avec les contraintes que nous impose l’Etat. Entre les coups de rabot, le grignotage de la TVA, la baisse des DMTO, la diminution des commandes dans le BTP, les plans sociaux qui vont se succéder avec leur cortège de licenciements, l’angoisse grimpe. La conjoncture géo-politique inquiète. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau parle d’extension de pouvoirs vers les polices municipales, c’est encore un transfert de charges supplémentaires pour nous. »

Christian Gros lors de la minute de silence en hommage aux élus disparus dont Marie-Josee Roig maire d’Avignon pendant 3 mandats, conseillère régionale, présidente du Grand Avignon, députée et ministre de Jacques Chirac. ©AB/l’Echo du Mardi

Christian Gros continue : « Le mieux comme le pire ne sont pas exclus. Bien sûr on sait gérer, on va le faire mais on va jouer sur la prudence, reporter des projets. N’étranglez pas nos communes. Certes il est normal de participer au redressement des finances de la France, mais qu’on arrête de nous tenir pour responsables de son déficit abyssal. On ne doit pas être la vache à lait de tous ».
Il conclut quand même sur une note plus douce : « Etre maire, c’est le plus beau de tous les mandats, mais c’est tout sauf un long fleuve tranquille. C’est une aventure humaine d’une grande richesse avec nombre de contradictions, mais nous avons tous la passion du service public chevillée au corps ».

« La colère gronde dans les campagnes. »

Pierre Gonzalvez, président de l’AMV et maire de l’Isle-sur-la-Sorgue

C’est ensuite au président de l’association représentant 149 des 151 maires de Vaucluse (Orange et Le Pontet ne sont pas adhérents) de s’exprimer. Pierre Gonzalvez qui a salué son ex-complice à la tête de la présidence bicéphale avec Jean-François Lovisolo. « 2024 est une année particulière aussi bien pour le climat international que pour l’ambiance anxiogène. Et la France est une société qui clive au moment où la modération a du mal à se faire entendre. Que feront les maires en 2026, certains vont baisser les bras, ne pas se représenter, mais tous les autres ont une foi indéfectible dans leur mission au service des autres. »

Il continue : « Nous devons faire des économies, mais pour certains il faut que rien ne change côté dotations, subventions. On nous a parlé de simplification administrative, mais nous nageons entre PLU, ZAN, SCOT, SRADDET. Que des sigles et acronymes qui s’ajoutent les uns aux autres dans un jargon insupportable. Comment ré-industriliser sans terre disponible, comment construire des logements sociaux, des crèches, des écoles sans foncier disponible ? C’est une aberration totale : on paie chaque année des pénalités sans fin parce qu’on n’a pas la place d’édifier assez de HLM. Ou alors, certains aménageurs sans vergogne, rasent une maison au milieu d’un pré et construisent un immeuble qui bouche la vue des voisins qui se lancent dans une bataille juridique ».

Le maire de l’Isle-sur-la Sorgue évoque ensuite les problèmes de paysans qui cultivent lavande, cerise, ou vigne. « La colère gronde dans les campagnes. Ils n’ont pas été entendus depuis le Salon de l’Agriculture en mars dernier, ils vont repartir en tracteur vers les ronds-points et les préfectures. »

©AB/l’Echo du Mardi

« Ce que nous voulons, c’est un Etat fort,
qui fasse appliquer la loi. Ce n’est pas notre rôle de nous substituer à lui. »

Pierre Gonzalvez

Autre souci auquel sont confrontés les maires : les déserts médicaux. « Les nouveaux arrivants, dans nos communes, ne comprennent pas qu’ils n’aient pas un médecin traitant, c’est encore à nous de prendre le problème à bras le corps avec des Maisons de Santé que certains salarient, comme le fait la présidente du Conseil départemental à Avignon, Apt, Cadenet et bientôt à Sorgues ».

La liste des soucis des maires, continue avec la sécurité : « Le maire n’est pas l’alpha et l’oméga de la sécurité. Ce que nous voulons, c’est un Etat fort, qui fasse appliquer la loi. Ce n’est pas notre rôle de nous substituer à lui. Certes, nous pouvons agir quand le trafic de drogue se diffuse chez nous à travers de pseudo-épiceries ouvertes toute la nuit qui provoquent embouteillages, bruits intempestifs et nuisances en tous genres pour ceux qui doivent se lever tôt le matin pour aller au travail. Mais on nous prend pour des empêcheurs de ‘dealer en rond’ et souvent des menaces sont proférées vers les policiers ».

Le Département hausse le ton
Place à la présidente du Département de Vaucluse, Dominique Santoni. Elle avait déjà poussé un coup de gueule tonitruant lors de la dernière séance plénière de l’exécutif en disant que « Macron a cramé la caisse ». Cette fois, elle a martelé avec vigueur : « Paris ça suffit ! Nous nous efforçons de tenir la barre et de garder le cap. Depuis notre dernière AG, la dissolution n’a vraiment pas arrangé la situation. Et cela au moment même où les déficits de l’Etat ont explosé. Nous en avons assez d’un Etat central qui demande toujours plus aux collectivités locales en leur laissant toujours moins de moyens. Sans concertation et en ne s’appliquant pas à lui-même ce qu’il exige des autres. C’est une situation difficilement supportable et la liste est longue. Diminution de moitié de la DGF (Dotation globale de fonctionnement), perte partielle pour les communes et totale pour les départements de l’autonomie fiscale, transferts de compétences et de charges sans compensation financière, multiplication des normes et contraintes. Et voici, comme je l’ai déjà dit que l’Etat se retourne vers les collectivités locales pour renflouer ses caisses et son déficit. »

Dominique Santoni continue : « Les départements sont les collectivités locales les plus ponctionnées dans ce projet de loi de finance, 2,2 milliards €, soit 44% de l’effort pour ses dépassements. Mes collègues présidents de conseils départementaux sont remontés et en colère comme jamais. Certains ont plein d’idées pour renflouer les caisses de l’Etat, comme vendre les préfectures ou les tribunaux, propriétés de nos départements. Je vous rassure, madame la secrétaire générale (Sabine Roussely qui représentait le préfet convoqué au ministère de l’Intérieur ce jeudi), nous n’en sommes pas là dans le Vaucluse… Pas encore. »

La Présidente, exprime une fois de plus son attachement aux maires « J’ai été maire comme vous. Je sais combien les exigences et impatiences des citoyens sont de plus en plus fortes, les contraintes et pesanteurs de plus en plus lourdes, les pressions et menaces se multiplient et je vous exprime toute ma reconnaissance et ma gratitude et je reste à vos côtés comme partenaire au quotidien, vous pouvez compter sur ma présence. »

Message reçu à Matignon ?
Venu quelques jours plus tard assister à Angers aux assises des départements de France, Michel Barnier, le Premier ministre a promis de réduire significativement l’effort demandé aux conseils départementaux. Il a ainsi proposé «  de réduire le taux de prélèvement prévu au titre du fonds de réserve », de relever le plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO à hauteur de 0,5 points sur 3 ans ainsi que de renoncer -à minima- au caractère rétroactif de la baisse du taux de fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). L’hôte de Matignon propose aussi d’étaler sur 4 ans, au lieu de 3, la hausse de cotisations des employeurs territoriaux à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et de rehausser les concours qui sont versés aux départements par la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie).

Le département sort le chéquier pour les communes
Elle a évoqué ‘Vaucluse Ingénierie’ devenue agence technique du département. « 139 communes ont été accompagnées pour leurs projets. Dans le même esprit, nous proposons une enveloppe de 7M€ pour Vaucluse territoires de demain (2023-2026) et de 28,5M€ pour le contrat Vaucluse Ambition (2023-2025). »
Elle revient sur les efforts à faire pour réduire les investissements : « Il faudra trouver au minimum 15M€ mais je ne sais pas encore comment je vais boucler le budget. J’ai écrit au Premier ministre pour lui demander que le Vaucluse, au même titre que le Gard, l’Aude et l’Hérault soit exempté d’un prélèvement de 2% sur ses recettes mais je n’ai pas de réponse. Quoi qu’il arrive, je compte sanctuariser l’agriculture, l’aide aux communes, recruter des médecins généralistes, conduire nos grands chantiers (déviation d’Orange, Carrefour de Bonpas), valoriser les véloroutes. Et je le répète : le fonctionnement centralisé de notre pays où tout se décide à Paris, ça ne marche plus, il est à bout de souffle. Il est temps d’en changer, de bouger les choses. »

« Paris, ça suffit !
Il faut donner plus de pouvoirs, de responsabilités, de libertés aux communes, aux départements et aux régions. »

Dominique Santoni, présidente du Conseil départemental de Vaucluse

La présidente de l’exécutif vauclusien réclame alors plus de décentralisation. « Nous voyons bien qu’il faut donner plus de pouvoirs, de responsabilités, de libertés aux communes, aux départements et aux régions. Nous l’avons prouvé en luttant contre les déserts médicaux, en faisant revenir des allocataires du RSA dans le monde du travail, en construisant plus vite et davantage de logements sociaux, en installant la fibre et le haut-débit sur tous nos territoires, notamment ruraux grâce à Vaucluse Numérique. Pour cela nous devons jouir d’une véritable autonomie fiscale et financière. Nous attendons donc de l’Etat qu’il assume ses 3 grandes fonctions régaliennes : protéger, instruire et soigner. Mais décentralisation veut aussi dire simplification. Stop aux normes en tous genres, arrêtez ce cercle vicieux qui épuise et décourage toute initiative locale. Cela implique une déconcentration qui donne plus de pouvoir aux préfets et aux services de l’Etat. »

Intercommunalités de France vient de dévoiler une série de données et de cartes interactives inédites, présentant les impacts de l’ensemble des dispositifs prévus dans le projet de loi de finances (PLF 2025) intercommunalité par intercommunalité, et commune par commune.

Pour un acte III de la décentralisation
Dominique Santoni a alors lancé un appel ‘transpartisan’ à tous les élus locaux pour un « Acte III de la Décentralisation » en signant une pétition. « La situation financière de la France agit comme un électrochoc chez beaucoup de Français. Elle doit servir à réaliser des changements majeurs dans l’organisation de notre pays, il y faudra du courage et de la détermination ». Cette pétition sera envoyée au Premier ministre.

« A Bercy, ils nous expliquent qu’ils savent compter et, ce sont leurs mots, ‘Qu’il s’agit d’une petite erreur technique sur les rentrées financières’.
Excusez du peu, une paille, 60 milliards ?
Il n’y aurait pas un problème dans leur logiciel ? » »

Renaud Muselier, président du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur

Venu de Marseille, le président du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier, bien que macroniste, ne mâche pas ses mots : « Paris, ça suffit ! s’insurge-t-il lui aussi en reprenant la formule à Dominique Santoni. Surtout quand on entend qu’entre mars et juin dernier, le déficit s’est aggravé de 60 milliards supplémentaires. A Bercy, les Mozart de la Finance nous expliquent qu’ils savent compter et, ce sont leurs mots, ‘Qu’il s’agit d’une petite erreur technique sur les rentrées financières’. Excusez du peu, une paille, 60 milliards ? Il n’y aurait pas un problème dans leur logiciel ? »
Le président de la Région Sud admet qu’on va tous être impactés, car si le budget n’est pas voté, il n’y a plus de gouvernement, d’Etat. « En Provence-Alpes Côte d’Azur, si l’arbitrage est confirmé cela représentera un plan minceur de -120M€, -10%. C’est colossal. Nous allons devoir faire des choix, supprimer les doublons, mais ne pas toucher à l’aide aux communes, au budget agricole, on ne fermera pas de lycées. On ressent un sentiment ambivalent. D’abord, un abandon de l’Etat, une forme d’abattement, on est exaspérés. Mais en même temps, on veut défendre notre territoire. Notre démocratie doit fonctionner de la meilleure des façons possibles, grâce à vous tous, merci pour votre détermination et votre combat » a-t-il conclu sous des applaudissements nourris.

L’Etat a du mal à être audible
Enfin, c’est la secrétaire générale de la préfecture de Vaucluse qui a longuement pris la parole en dernier, pour faire la liste de l’action de l’Etat depuis novembre 2024 et l’arrivée d’un nouveau préfet qui a succédé à l’énergique Violaine Démaret. « Nous devons partager nos efforts de façon solidaire, il ne s’agit pas d’un désengagement de l’Etat » a-t-elle résumé. Et les maires qui ont demandé le micro pour s’exprimer, on tous déclaré qu’ils avaient demandé un rendez-vous au préfet depuis son arrivée de Mayotte en février dernier et qu’ils ne l’ont toujours pas rencontré.

©AB/l’Echo du Mardi

Salon des maires de Vaucluse : « Après les gilets jaunes, les écharpes tricolores ? »

Le maire de Cannes depuis 2014 a succédé à François Baroin en novembre dernier à la présidence de l’association des maires de France et des présidents d’intercommunalité. Rencontre en amont du congrès national programmé du 22 au 24 novembre, à Paris.

Le congrès national de l’AMF, qui aura lieu du 22 au 24 novembre 2022, Porte de Versailles à Paris, portera sur le pouvoir d’agir du maire, quelles compétences lui reste-t-il ?
Depuis les grands lois de décentralisation dites lois Defferre en 1982, on constate depuis 15 ans une recentralisation qui s’est traduite de deux façons : une perte d’autonomie financière avec la suppression des fiscalités locales par l’État qui les reverse sous forme de dotations , nous rendant très dépendants, et la multiplication des contraintes administratives et normatives qui ont, sur le plan juridique, dévitalisées la capacité d’agir des communes en matière d’urbanisme, mais aussi dans beaucoup d’autres domaines. Cela ralentit l’action, multiplie les surcoûts en temps ou en argent. La culture des appels à projets fait que seules les collectivités ayant une grosse ingénierie juridique ou administrative peuvent répondre. Tout cela amplifie les fractures territoriales et alimente la crise civique.

Par quelle imbrication ?
La crise civique, même si elle est moins perceptible que la crise énergétique ou écologique, est pour moi la crise majeure que l’on affronte aujourd’hui. Elle se traduit par des taux d’abstention record, des violences verbales dans le débat public avec peu d’exercice de la raison critique, et les violences sur élus sont croissantes. J’ai vu un sondage récent sur la perception des régimes politiques où les moins de trente ans placent la démocratie et les autocraties pratiquement au même plan. Pour régler cette crise civique, il faut retrouver de l’efficacité publique. Recentrer l’État sur ses missions dont la base est la sécurité, et avoir un souffle de décentralisation pour que l‘on puisse agir. Très concrètement, c’est ne pas à avoir à modifier neuf documents juridiques opposables quand on veut faire une unité de traitement des déchets sur une commune. On a une sur-bureaucratie en France qui pénalise l’action.

« On a une dynamique des obligations, des charges et des devoirs »

La sobriété énergétique s’impose à tous les élus cet hiver, quel est l’état d’esprit des maires ?
Il a deux problématiques. Comment lutter contre les déperditions énergétiques en réduisant les consommations et comment, tout de suite, on paie nos factures. Beaucoup de maires ont dû mal à boucler le budget 2023 et même à terminer 2022. Les villes moyennes sont les plus pénalisées. Il est démontré que celles de 3 500 à 30 000 habitants ont les factures énergétiques par habitant les plus élevées, car elles portent les charges de centralité. Cela va se traduire par une baisse de l’investissement alors que nous représentons 70 % de l’investissement public. Outre un effet récessionniste, les opérations d’isolation des bâtiments (80 % des factures énergétiques) seront empêchées alors qu’elles sont la priorité à mettre en œuvre. Or si on veut régler les problèmes climatiques, faire des économies ne suffira pas. Il faut investir sur les énergies décarbonées, sur des énergies renouvelables quand c’est faisable, et investir pour isoler les 280 millions de mètres carrés de bâtiments appartenant aux collectivités.

© Arnaud Février pour l’AMF

La contrainte de la zéro artificialisation des sols pèse aussi sur elles, qu’est-ce que cela vous inspire ?
Quel est l’esprit de la loi ?  Elle dit que dans les dix prochaines années on ne pourra pas aménager plus de la moitié de la surface artificialisée les dix années précédentes. Le problème est que les Sraddet (Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires) sont territorialisés à l’échelle des grandes régions. Ils intègrent une multitude de projets utilisant déjà les droits à consommer de l’espace. Cela veut dire que toutes les communes rurales qui n’ont pas de grands projets d’échelle régionale risquent d’être pénalisées, y compris celles ayant un peu de regain démographique avec le besoin de construire une école par exemple. Cela risque d’amplifier la fracture territoriale avec une métropolisation d’un côté et une désertification de l’autre. Comme toujours l’enfer est pavé de bonnes intentions.

« On veut que l’exécutif exécute »

Paradoxalement, pour résorber cette fracture, des programmes de revitalisation des centres-bourgs sont en cours ?
On constate qu’en France il y a plus de fermetures de commerces de proximité qu’ailleurs en Europe. Pourquoi a-t-on plus de fermetures ? Parce qu’il y a plus de fiscalité sur le commerce physique que sur le grand commerce ou le numérique. Que fait l’État ? Il prévoit de soutenir le commerce de proximité avec de l’argent public à travers le programme Action cœur de ville au lieu de se demander comment recréer les conditions d’une concurrence saine, en réduisant les excès de charges. C’est un premier paradoxe. Mais parallèlement à cela, l’État engage une réforme de la valeur des baux industriels et commerciaux qui par les critères retenus par Bercy pénalisent les commerces de proximité au profit des grandes surfaces. On est dans un système ubuesque. Face à cela, il faut retrouver du bon sens et donner les moyens aux maires d’agir et de créer du contrat social local.

Concernant le projet loi de finances du gouvernement, vous évoquez un budget déconnecté…
On est encore en pleine discussion, mais ce qui est délirant c’est que le budget 2023 de l’État part sur des hypothèses un peu fragiles – une inflation de 4,2 %, une croissance de 1 % – et malgré ces hypothèses favorables, on atteint un déficit record de 155 Md€ ce qui représente près de 50 % du total des recettes et des dépenses de l’État. C’est complètement fou. On continue de nous dévitaliser sur le plan financier car parallèlement, la CVAE (Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) est remise en cause et les dotations qui sont un dû ne suivent pas l’inflation. En euro constant, elles baissent. Ce qui veut que l’État prélève sur l’argent des collectivités 500 M€.

« On a une sur-bureaucratie qui pénalise l’action »

Pourtant les services de l’État pointent des niveaux d’épargne et des rentrées fiscales en plein boom pour les communes ?
C’est totalement faux pour les rentrées fiscales, puisqu’ils ne nous restent que l’impôt sur le foncier bâti et les dotations. Ce raisonnement est là pour abuser l’opinion publique. On a une atonie des recettes alors que l’étude de la Banque Postale, sortie il y a 15 jours, démontre une hausse de nos charges imposées de 11,4 %, en raison notamment des produits alimentaires dans les cantines scolaires et de l’énergie qui augmentent plus vite que l’inflation. Il n’y a pas de dynamique des recettes, mais on a une dynamique des obligations, des charges et des devoirs. Concernant l’épargne, quand les communes ont vu que l’État avait sous-estimé le chiffre de l’inflation (1,5 %) en début d’année 2022, elles ont bloqué les projets d’investissement et temporisé la dépense. Il y a eu un effet de trésorerie, mais l’investissement a baissé de 14,8 %.

Pour conclure, un mot sur la sécurité ?
Nous voulons que l’État nous entrave moins dans nos actions, mais s’occupe plus de ce qui le regarde c’est-à-dire le régalien. Il y a peut-être des évolutions législatives à faire, mais c’est avant tout une question d’exécution. On veut que l’exécutif exécute. On ne peut pas avoir que 6 % de respect des obligations administratives de quitter le territoire français. C’est un aveu de faiblesse et cela crée du ressentiment dans la société. On a besoin de politiques nationales moins théâtrales mais plus sérieuses dans l’exécution des choses. L’explosion des phénomènes de violence des mineurs doit renvoyer à de vraies sanctions. Si elles ne sont pas effectives, elles n’ont pas de valeurs éducatives. Nous voulons revoir l’excuse de minorité afin qu’elle soit levée à partir de 16 ans et qu’en deçà, en cas d’atteintes graves à l’intégrité morale et physique des victimes, elle ne réduise plus de 50 % la potentialité de la peine. Il faut multiplier les centres d’éducation renforcée avec de la discipline et des cadres dont un ado a besoin, en donnant parallèlement de l’espérance aux gamins.

Propos recueillis par Stéphanie Veron (Essor Loire) pour RésoHebdoEco/www.reso-hebdo-eco.com

© J. Kélagopian

En coulisses
En homme à l’agenda bien chargé, David Lisnard a enchaîné cette interview après son passage dans la matinale de France Inter

Dates
2021 Élu président de l’AMF
2014 Devient maire de Cannes
2001 Élu conseiller municipal à Cannes
1996 Devient directeur de cabinet et attaché parlementaire de Jacques Pélissard, député-maire de Lons-le-Saunier, vice-président de l’Association des maires de France

Son style de management
Présent en essayant de créer de la responsabilité notamment en interrogeant chacun

Ses sources d’inspiration
Les rencontres et discussions avec ses proches et les habitants, Jacques Pélissard, Bernard Brochand (ancien maire de Cannes), Raymond Barre, Philippe Séguin, le sport et la culture

Son lieu ressource
Chez lui car il n’y est pas assez

Ses lectures
Je relis tout le temps Pompidou, le Nœud gordien est sur mon bureau


Salon des maires de Vaucluse : « Après les gilets jaunes, les écharpes tricolores ? »

Les chiffres définitifs des dons récoltés à l’occasion de la dernière édition du Téléthon organisée les 3 et 4 décembre derniers viennent de tomber.

L’opération caritative a ainsi permis de récolter 85,93M€ au niveau national, dont 5,36M€ dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Alors que le compteur affichait 73M€ en fin d’émission cette édition 2021 placée sous le parrainage du chanteur Soprano a ainsi permis de retrouver des niveaux de dons pratiquement au niveau de ceux d’avant la pandémie de Covid-19.

« Dans le contexte particulièrement incertain que nous vivons, il est réconfortant de constater, une fois de plus, que la solidarité et la générosité sont des valeurs sûres et largement partagées », se félicite Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’AFM-Téléthon.

Les Vauclusiens se sont notamment distingués lors de ce Téléthon 2021 en donnant 541 138€. Un montant bien en deçà des sommes récoltés auparavant dans le département : 388 423€ en 2019, 356 656€ en 2018 et 331 495€ en 2017.

Dans le même temps les autres départements de la région ont aussi fait preuve de générosité puisque plusieurs d’entre eux affichent des montants de dons à la hausse : 1,98M€ récoltés dans les Bouches-du-Rhône, 1,33M€ dans les Alpes-Maritimes, 1,13M€ dans le Var, 195 139€ pour les Alpes-de-Haute-Provence et 159 473€ dans les Hautes-Alpes.

Pour faire mieux : rendez-vous les 2 et 3 décembre prochains sur les chaînes du groupe France télévisions pour le Téléthon 2022.

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