22 novembre 2024 |

Ecrit par le 22 novembre 2024

Absence injustifiée : un licenciement pour faute grave est-il toujours justifié ?

Une décision de la Cour de cassation nous donne l’occasion d’aborder le sujet de l’absence injustifiée et de ses conséquences sur le contrat de travail. Un licenciement pour faute grave est-il toujours justifié ? Le licenciement disciplinaire reste-t-il envisageable avec la mise en place de la présomption de démission depuis avril ?

Lorsqu’un salarié quitte son poste ou ne se présente pas à son travail sans justifier cette absence, on peut parler d’abandon de poste ou d’absence injustifiée. Dans cette situation, le salarié est en faute et son licenciement peut se justifier. Mais la faute grave n’est pas automatique. C’est ce que nous rappelle la Cour de cassation dans une affaire où le salarié ne s’est pas présenté au travail pendant une période d’activité intense de l’entreprise, sans à aucun moment justifier de son absence, et ce, malgré une mise en demeure de son employeur au bout d’une dizaine de jours.

L’employeur a considéré que cette absence injustifiée constituait une faute grave. Mais les juges n’ont pas suivi. En l’espèce, le salarié avait 22 ans d’ancienneté sans antécédent disciplinaire. Il avait demandé des congés en plus pour assister sa mère âgée, malade qui venait de perdre son époux, puis s’était d’autorité placé en congés sans solde malgré la période d’intense activité pour l’entreprise.

Les juges en ont déduit qu’il y avait bien absence injustifiée. Mais au regard du contexte, les faits ne rendaient pas impossible son maintien dans l’entreprise. Cette décision est particulièrement intéressante aujourd’hui car on peut se demander comment appréhender la situation maintenant que la présomption de démission existe.

Le nouveau contexte lié à la présomption de démission : comment gérer une situation similaire ?

Depuis le 19 avril 2023, la présomption de démission a été mise en place quand le salarié abandonne son poste sans justification. Lorsque l’employeur constate que le salarié a abandonné son poste et « entend » faire valoir la présomption de démission, il le met en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans un délai qui ne peut être inférieur à 15 jours (Code du travail, art. R. 1237-13). Ce dispositif, destiné à contrecarrer l’indemnisation par l’Assurance chômage des salariés abandonnant volontairement leur poste et licenciés de ce fait, continue encore aujourd’hui de soulever de nombreuses questions.

La principale c’est de savoir si face à un salarié absent on peut continuer de préférer passer par un licenciement pour faute ou s’il faut utiliser la démission présumée. Sur ce point, à notre sens, vous avez le choix de la procédure car, malgré les premières indications données par le ministère du Travail, il n’est mentionné nulle part :
-que vous avez l’obligation de recourir à la démission présumée ;
-que cette possibilité exclut désormais tout recours au licenciement pour absence injustifiée.

Le ministère du Travail attend désormais l’avis du Conseil d’Etat sur ce sujet (voir notre article « Abandon de poste : le ministère du Travail refuse de se prononcer sur l’exclusivité de la présomption de démission pour l’instant »). La décision présente garde donc tout son intérêt si vous envisagez un licenciement pour faute. L’autre question intéressante c’est de savoir si, dans les faits présents, l’employeur aurait véritablement pu utiliser la présomption de démission jusqu’au bout. Car dans le cadre de cette procédure le salarié qui justifie son absence dans le délai requis (fixé par l’employeur mais pas moins de 15 jours) doit reprendre son poste.

Le Code du travail donne une liste de motifs légitimes :
-des raisons médicales ;
-l’exercice du droit de retrait ;
-l’exercice du droit de grève ;
-le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ;
-la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur (Code du travail, art. R. 1237-13 ).

Mais il faut savoir que celle-ci n’est pas exhaustive. L’accompagnement d’un proche malade et isolé pourrait donc parfaitement tenir lieu de justification. Attention, dès lors que le motif est légitime, la procédure doit donc être abandonnée. Dans une situation similaire, il semble donc compliqué de mener à terme la procédure. Notez que si le salarié reprend le travail après un abandon de poste dans les délais requis (y compris s’il le fait à plusieurs reprises), vous ne pourrez pas utiliser la présomption de démission et la procédure disciplinaire sera la seule voie possible…

Cour de cassation, chambre sociale, 17 janvier 2024, n° 22-24.589 (les faits reprochés au salarié d’absence injustifiée étaient établis. Mais au regard du contexte tenant à son ancienneté, à son passé disciplinaire irréprochable et à la nécessité de porter assistance à sa mère âgée, malade et isolée, ils ne rendaient pas impossible son maintien dans l’entreprise)

D’Anne-Lise Castell, juriste en droit social, pour les Editions Tissot

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