La conférence ‘Zéro déchet, zéro plastique, quelles solutions locales ? à Châteauneuf-de-Gadagne, le 21 mars, a donné la parole à Jérémie Pichon, auteur de Ma famille zéro déchet et Nathalie Gontard chercheuse en science des emballages. Elle était organisée et animée par notre confrère ‘Sans transition !’ avec Julien Dézécot, directeur de publication. Plus de 200 personnes ont assisté aux deux conférences.
Organisée en deux temps, la conférence ‘Zéro déchet, zéro plastique’ avait lieu le matin en présence d’industriels locaux, des techniciens de collectivités, d’associations et d’acteurs de la consommation locale tandis que la deuxième conférence, donnée en soirée, d’accès gratuit, était dévolue au grand public. Plus de 200 personnes se sont intéressé au sujet.
Des partenaires concernés
Les partenaires des conférences étaient la Communauté de commune des Pays-de-Sorgues-Mont-de-Vaucluse, la Ville de Châteauneuf-de-Gadagne et le réseau d’entreprise Luberon-Sorgues-Entreprendre (LES) et en coopération avec les magasins Biocoop, Le beau geste, la brasserie la Comédienne, l’association Semailles, les vignerons de Châteauneuf-de-Gadagne…

Le déchet est un symptôme
«Le déchet est le symptôme de notre économie linéaire, entame Jérémie Pichon, auteur-conférencier. Nous extrayons, aujourd’hui, beaucoup de ressources transformées en des process agro-industriels, avec beaucoup d’énergies fossiles, comme le pétrole et l’eau, pour générer de la croissance et de l’économie.»
Un chiffre ?
«Un habitant, par an, produit 390kg de déchets–dont 1 tiers de plastique-, en déchetterie cela se traduira par 590kg. Pourtant, ces chiffres ne représentent que 3 à 4% de la partie visible. La plus grande partie des déchets que l’on produit est issue de process de fabrication ce qui se traduit par 14 tonnes par an et par français liés à notre agriculture, à l’industrie et au BTP (bâtiment et travaux publics), soit 14 tonnes dévolues à notre confort de vie.»
Réduire la consommation à la source, c’est réduire la fabrication
«Cela a un coût en terme de ressources prélevées, en énergies fossiles et donc en émissions de CO2 et de pollution du cycle de l’eau. L’objectif ? Détricoter ce système pour aller vers un cycle plus vertueux, une économie réellement circulaire avec des réductions à la source. En s’attaquant aux déchets, on s’attaque finalement au système.»

Ce qui pose problème ?
«Le plastique, l’emballage agroalimentaire à usage unique, jetable, le blister, l’aluminium…. Nous sommes dans une société mondialisée qui a besoin de beaucoup d’emballages parce qu’elle produit loin du lieu de consommation. Cette année, à l’échelle mondiale, nous avons produit 460 millions de tonnes de plastique dont 130 millions d’emballages, dont 15 millions de tonnes qui se retrouvent dans les océans qui sont notre poubelle.»
Comment les océans sont-ils devenus nos poubelles ?
«Cela représente un semi-remorque de déchets toute les 30 secondes se déversant dans nos océans via nos cours d’eau, soit 200 kilos par seconde. Si l’on continue dans cette logique de croissance économique : toujours plus de ressources, d’énergie, on pense que d’ici 2040 ça ne sera plus 460 millions de tonnes de déchets mais 600 millions de tonnes annuelles que nous produirons. On pense qu’il y aura plus de plastique en termes de volumes dans les océans que de poissons.»

Quels dangers associés au plastique ?
«Si le plastique a été autant utilisé c’est pour une question de confort de vie et de bien-être, explique Nathalie Gontard. Le plastique a la particularité de s’accumuler, c’est bien ce qui pose problème. Il n’est pas digérable par notre environnement. Il en a été produit, depuis les années 1950, plus de 12 milliards de tonnes, dont 10 milliards ont été accumulés, le reste ayant été incinéré. 10 milliards c’est cinq fois plus que la totalité de la biomasse animale sur terre. Le plastique est devenu un matériau prépondérant sur notre planère. Le problème ? Le plastique se fragmente, voyageant jusqu’à l’intérieur de notre propre corps. Le plastique est capable d’interagir avec son propre environnement, transportant avec lui des polluants, devenant toxique à tous les niveaux. Il s’accumule dans les organes des êtres vivants et en perturbe le bon fonctionnement : perturbations métaboliques, inflammatoires… Nous en possédons 0,5% dans le cerveau…»
Les quatre R : Réduction, Renoncer, Réutiliser, Recycler
«On ingère l’équivalent de 5 grammes de plastiques chaque semaine, relaie Jérémie Pichon. Quelles solutions ? Aller vers l’économie circulaire. Le recyclage est une fausse bonne solution puisqu’on ne change rien à cette économie linéaire qui est dans la production du toujours plus, bien au contraire et reste dans une logique de pollution. Il faut donc aller vers la réduction de la production de plastique et de notre consommation. Nous sommes 8 milliards sur terre, bientôt 12 selon les prévisions de l’ONU -Organisation des Nations Unies- et dont 3 milliards d’occidentaux qui consomment comme nous. Le vivant est en train de s’effondrer et il y a urgence. Nous devrons renoncer à consommer sans limite. Il nous faut sortir du jetable pour réutiliser la matière, allongeons la durée de vie de ce que nous utilisons. Enfin, recyclons ce que nous pouvons, sachant que le plastique est peu recyclable,» relate Jérémie Pichon.

Mesurer l’empreinte plastique
«Le plastique est recyclable à moins de 0,5%, intervient Nathalie Gontard. Tout ce que l’on nomme recyclage est en fait du décyclage. Alors que le recyclage aura certaines vertus pour limiter le plastique, de décyclage peut être catastrophique. C’est réintroduire du plastique à l’infini.» «C’est la polaire qui revient dans la machine à laver,» intervient Julien Dézécot.
«Les micro plastiques qui se redécomposent… Reprend Nathalie Gontard et la laine qui va disparaitre. Il n’est pas question que de production, d’usage et de post usage. Il y a une 4e et dernière étape : la fin de vie sur le très long terme : le plastique peut persister durant des millénaires. Le plastique et les superplastiques font partie des pires déchets. Le plastique pollue dès sa production, pendant son usage, l’eau, dont notamment les bouteilles qui produisent énormément de nano-plastiques. Le principal danger du plastique ? Les émissions de micro et nano plastiques qui ne sont pas analysés dans le cycle de vie. Le plastique utilisé dans les bâtiments, au titre de l’isolation, dans les huisseries va émettre, durant des décennies, des micro particules et constitue un danger.»
Les circuits courts
«On ne pourra pas faire l’économie d’un changement structurel, financier et culturel, reprend Jérémie Pichon. A commencer par l’alimentaire. Parce que les circuits longs génèrent beaucoup de plastique, les circuits courts font partie de la solution. On y gagnera en emploi, on préservera la santé. Il est question de résilience avec notre territoire car en GMS -Grande et moyenne surface- le ketchup vient de Turquie, la vinaigrette de Tchéquie, le yaourt de Roumanie. Le Luxembourg produit à peine 8% de ce qu’il consomme. Les circuits courts apportent, au niveau social et économique, un système beaucoup plus vertueux, particulièrement en termes de lien social. Osons le faire.»
