C’est de saison, les vœux au palais des papes se succèdent. Après ceux de la Chambre d’Agriculture, la Chambre des Métiers et de l’Artisanat et la Chambre de Commerce et d’Industrie tous en chœur, place aux bâtisseurs avec Daniel Léonard.
Emu pour sa première cérémonie du genre, au Grand Tinel, le président de la Fédération du BTP 84 a souhaité ses meilleurs vœux de « Paix, santé, bonheur et réussite ». Avec son physique de rugbyman chic, il enchaîne : « Préparer l’année, c’est comme préparer un match. On se rassemble, on se parle, on se dit tout, parfois des choses qui fâchent et puis on serre les rangs, et on rentre ensemble et solidaires sur le terrain » (comme au Stade de France pour le Tournoi des 6 Nations).
Il précise : « On vit dans un monde où tout va vite, trop vite même, toujours plus connecté et virtuel. Et puis il y a les femmes et les hommes du BTP, bien ancrés dans le réel, le concret, le dur parfois. Ce monde, on y puise notre identité, nos amitiés et une force incroyable. Le BTP est peuplé de personnes étranges, obstinées, parfois agaçantes voire agacées, et disons-le carrément, ‘brut de décoffrage’, c’est d’ailleurs notre métier ! Chaque chantier est un nouveau challenge, un prototype, une aventure humaine. Nous sommes la France qui se lève tôt, qui rentre tard et qui se bat au quotidien pour remplir le carnet de commandes, créer des emplois, les maintenir et former des apprentis. »
Daniel Léonard ajoute : « Sans vous, sans nous, rien ne se ferait. Ni logements, ni bureaux, ni écoles, ni routes, ni réseaux : nous sommes les essentiels de l’économie. Nous avons la même passion de construire, de Valréas à Pertuis, d’Avignon à Sault et même au-delà, dans le Gard et les Bouches du Rhône. Avec des métiers multiples : bâtiment, travaux publics, artisans, architectes, bureaux d’études, de contrôle, fournisseurs de matériaux, carriers, avocats, assureurs, comptables et même banquiers. Une force de 400 adhérents, 5 000 salariés, 12% du poids économique du département. »
100 000€ c’est un emploi pérenne et non délocalisable
Il évoque les projets : carrefour de Bonpas, déviation d’Orange, investissements du Grand Avignon, fusion de Grand Delta Habitat et Vallis Habitat et leurs 4 000 logements à rénover, 500 à construire chaque année. Mais il insiste sur l’urgence ; « Il faut pousser et accélérer pour que ces projets sortent de terre et se voient, 100 000€ de travaux, c’est un emploi pérenne et non délocalisable. »
Avec fermeté, il martèle : « Face à la hausse exponentielle du coût des matériaux, nous nous sommes battus pour obtenir la révision des prix. Il est intolérable que nos entreprises soient pieds et poings liés par des devis signés il y a plusieurs mois et qu’elles supportent, seules, les dérapages de coûts liées à des crises internationales et à des comportements plus spéculatifs qu’économiques. C’est une question de droit, mais aussi de respect, de solidarité et de survie collective. Sinon, qu’est ce qui restera aux maîtres d’ouvrages intraitables, aux fournisseurs trop gourmands quand les entreprises du BTP auront mis la clé sous la porte ? Ils resteront tous en carafe ! Quand on sème l’indifférence, on récolte la solitude et tout le monde en sort perdant. »
Ne pas rajouter de la complexité administrative
Autre message du patron du BTP en Vaucluse : « Il ne faut surtout pas ajouter de la complexité administrative aux surcoûts des matériaux et de l’énergie. Je parle de la gestion des déchets, du foncier (avec la ZAN – Zéro artificialisation nette des sols), des contraintes engendrées par la mise en œuvre de ZFE (Zones à faible émission) qui entraînera nombre de complications pour la circulation de nos artisans en ville. »
Il dénonce l’absence de calendrier : « Rien n’est prêt, ni l’approvisionnement et le stockage de l’énergie, aucun constructeur de véhicules et d’engins de chantier n’est prêt pour des capacités de production suffisante ». Il ajoute : « Avec l’inflation, la progression des taux d’intérêt, les conditions de crédit, notamment pour les jeunes, la promotion immobilière est en panne, l’accès à la propriété insoutenable pour beaucoup de foyers. Et qui est pénalisé ? Nos salariés qui n’arrivent plus à se loger, un comble. Les décideurs doivent arbitrer entre chauffer une école ou refaire une route, c’est fou, non? »
Daniel Léonard poursuit : « Il est urgent de ne plus attendre, c’est maintenant qu’il faut accélérer, sinon dans 8, 10 mois, nos carnets de commandes seront vides et nous, dans la tempête. Passons du constat à l’action, nous sommes prêts à transformer les passoires thermiques en un parc exemplaire, nous sommes dans les starting-blocks. Cette révolution dans l’acte de construire, on la fera, mais tous ensemble avec l’union de toute la filière, pas seuls. D’ailleurs on est tellement prêts qu’avec nos anciens on a anticipé le recyclage, l’ancrage local, la formation, le compagnonnage, l’innovation. Soyez en sûrs : vous êtes un métier d’avenir. »
Déménagement du siège de la Fédération du BTP de Vaucluse
L’avenir, justement, c’est le déménagement du siège de la Fédération du BTP. Ainsi après avoir rassemblé la semaine dernière les anciens présidents et les adhérents pour un dernier ‘au-revoir’ aux locaux historiques de l’intra-muros de la cité des papes, Daniel Léonard veut ancrer la Fédé BTP 84 dans le XXIe siècle.
« Au bout de 76 ans, nous quittons l’hôtel particulier, les dorures un peu fatiguées, les parquets qui craquent pour nous installer à Agroparc. Nos racines, rue Fusterie, nos ailes, à Agroparc. Nous allons construire une nouvelles Maison du BTP 84 plus sobre en énergie, plus proche des entreprises et sans doute, en toute humilité, elle sera le plus beau bâtiment du technopôle. »
A l’issue de ce discours déterminé et humain, écrit avec le cœur, les tripes et un supplément d’âme, le président a remercié les acteurs du BTP 84, ses prédécesseurs, ses collaborateurs, les élus. Et en bon président de club de rugby, il a invité l’ensemble de l’auditoire à participer à la troisième mi-temps.