Plus de 600 invités au Palais des Congrès d’Arles ce 30 janvier, des patrons de petites ou moyennes entreprises, des maires et deux spécialistes de l’économie, François Lenglet, journaliste et Philippe Dessertine, professeur à la Sorbonne et directeur de l’Institut de Haute Finance, qui étaient invités par le président de la CCI, Stéphane Paglia.
En ouvrant la soirée, il s’est exclamé : « Quel plaisir de vous retrouver » et a enchaîné « Après le Covid, en 2022 on a assisté à une augmentation des créations d’entreprises, +6,4%, bravo! Les femmes porteuses de projets représentent 36%, ce n’est pas encore la parité, mais on progresse. » Il a fait le tour de tous les dispositifs engagés sous sa mandature : « 13 local », les chèques-cadeaux lancés avec la CCI d’Aix-Marseille, 500 000€ mis en circulation dans l’économie locale, qui favorisent l’attractivité, le développement, le dynamisme et la préservation du territoire du Pays d’Arles.
“Nous sommes tous ici pour développer le Grand Marché de Provence à Châteaurenard qui se déploie sur 35 hectares.“
Stéphane Paglia, Président de la CCI du Pays d’Arles
Stéphane Paglia a poursuivi : « Nous sommes tous ici pour promouvoir nos métiers, donner l’envie aux jeunes de devenir chefs d’entreprises, aménager notre territoire avec le contournement d’Arles et la requalification de la RN 113 (qui traverse les 13km du centre ville avec un trafic quotidien de 80 000 véhicules et qui deviendrait un boulevard urbain moins polluant pour les riverains), développer le Grand Marché de Provence (à Châteaurenard qui se déploie sur 35 hectares), investir 6M€ pour le multi-modal, aménager la future tranche de la LEO qui désenclaverait le nord du département, installer des hôtels d’entreprises au coeur d’Arles, Tarascon ou Saint-Rémy pour les dynamiser, amplifier l’opération « Esprit clients » en aidant les commerçants à refaire leur vitrine, être plus attractifs, améliorer leur chiffre d’affaires, verdir l’environnement, en enlevant des camions de la route et favoriser le transport fluvial sur le Rhône et encore développer les filières d’hydrogène et de biomasse et ainsi conforter la transition écologique ».
“Nous sommes tous ici pour aménager la future tranche de la LEO qui désenclaverait le nord du département.“
Stéphane Paglia, Président de la CCI du Pays d’Arles
Le dynamique président de la CCI a rappelé son projet de mandature en 10 points : « Créer des emplois, apporter des formations d’excellence, booster le territoire, déployer le programme du port, stucturer la filière agroalimentaire (qui représente 60% de l’agriculture des Bouches du Rhône), renforcer l’incubateur de l’entrepreneuriat au féminin, ouvrir ici une école de commerce qui attirerait les jeunes et empêcherait leur exode vers Aix, Marseille, Nîmes ou Montpellier. A terme, ils seraient 130 à vivre ici et monter leur propre entreprise, inciter à saisir toutes les opportunités numériques, commerciales, artisanales et industrielles et développer l’aménagement du Pays d’Arles qui inclut La Camargue, les Alpilles, la Plaine de Crau et attire 1,5 million de touristes par an ».
Il continue d’égrener les atouts culturels et historiques de ce territoire béni des dieux : « 200 000 entrées dans nos monuments patrimoniaux, 120 000 pour la fondation LUMA dédiée au soutien de la création artistique, les Rencontres de la Photo, créées en 1970 par Lucien Clergue et Michel Tournier qui attirent le monde entier chaque été (127 000 visiteurs), La Fondation Van Gogh, les vestiges romains à l’abri du Musée Arles Antique, le Musée ethnographique d’Arlaten, les 60 000 croisiéristes sur le Rhône et les 12M€ de retombées économiques induites par les Feria de Pâques et du Riz en septembre. »
Stéphane Paglia accueille ensuite le 1er expert de cette « Soirée des Entreprises » François Lenglet, journaliste, chef du service économie TF1 – LCI qui prend la parole. « Ca fait plaisir de vous voir aussi nombreux, le bonheur d’entreprendre n’est pas si fréquent. Mon ordre de mission, ce soir, c’est parler du devenir de l’inflation. Je vous préviens, elle est là pour longtemps, nous sommes entrés dans un nouveau monde, un cycle différent. Jusqu’à présent, les Etats-Unis étaient les maîtres du monde, ils sécurisaient les transactions, ils définissaient les règles du commerce international, l’OMC suivait ses préconisations, le dollar était roi, et nous, nous baignions dans l’insouciance. Désormais, la bête américiaine est blessée, l’économie en déclin. Nous devons donc changer notre fusil d’épaule, à commencer par produire chez nous les médicaments, les semi-conducteurs, l’énergie, l’agro-alimentaire et rompre avec les illusions de la mondialisation ».
Je vous préviens, l’inflation est là pour longtemps, nous sommes entrés dans un nouveau monde, un cycle différent.
François Lenglet
« Un sujet majeur cristallise notre avenir : la démographie » explique François Lenglet. « La population active commence à diminuer, des centaines de millions de paysans chinois ont quitté leur ferme et sont arrivés en ville où ils s’entassent dans d’immenses ateliers, des usines gigantesques. C’est un afflux considérable de bras, de salaires nos qualifiés, de production à bas, très bas coûts. Chaque année la population active baisse. En Chine, justement, on recense 7 millions de personnes en moins, le vieillissement s’accélère. En Italie on a dénombré 400 000 citoyens en moins, la France est pour l’instant relativement épargnée, mais il est de plus en plus difficle de trouver du personnel, les ressources humaines se raréfient. Pour un patron, recruter relève d’une véritable compétition, le rapport employeur / employé s’inverse, désormais c’est le salarié qui choisit son patron et l’entreprise où il a envie de travailler ».
Autre préoccupation : la transition énergétique. « Produire propre coûte plus cher qu’en polluant l’environnement. Décarboner, réduire les émissions de dioxyde de carbone a un prix, ce qui renchérit la valeur des marchandises. Or, les banques centrales sont en train de faire remonter le taux pour éradiquer l’hydre de l’inflation. Après la chute du Mur de Berlin, la fin de la Guerre froide, la Chine s’est ouverte, le prix du travail a notablement baissé, les frontières ont reculé, on a pu circuler sans trop de contraintes. Mais ce monde-là c’est fini avec l’entrée en guerre de la Russie en Ukraine, une parenthèse se referme. L’hyper-puissance des USA a dégringolé, Vladimir Poutine a sans doute perçu son déclin et il a estimé qu’il avait une fenêtre de tir – au sens propre – pour envahir l’Ukraine. Il nous faut donc réorganiser l’économie mondiale suivant l’axe Chine- USA, mais est-ce si grave? »
“L’inflation n’est pas le monstre, le diable qu’on nous présente. Elle inverse le rapport de force entre travail et capital.“
François Lenglet
A cette question, François Lenglet se montre plutôt rassurant. « A la sortie de la guerre, les baby-boomers, mes parents, ont pu se constituer un patrimoine, acheter leur maison grâce à l’enflation, si, si! Elle avait progressé de 10 à 15%, mais les salaires aussi. Du coup le poids du remboursement s’est allégé, c’est l’ardoise magique. Aujourd’hui, c’est pareil. Le rapport s’est inversé, on a indexé les salaires, le SMIC, les retraites, les impôts avec de nouveaux barèmes, ce n’est pas la fin du monde. » Il conclut avec optimisme : « L’inflation n’est pas le monstre, le diable qu’on nous présente. Elle inverse le rapport de force entre travail et capital. Le monde qui pointe est plein de promesses, fécond, sans doute va-t-il gommer les inégalités, c’est tout ce que je nous, je vous souhaite! » Tonnerre d’applaudissements dans la salle comble du Palais des Congrès d’Arles.
Place au 2ème expert de la soirée, l’économiste Philippe Dessertine. « La mission que m’a confiée le président de la CCI est simple et complexe à la fois, être positif, avoir l’esprit « feria ». Je vais commencer par l’évènement majeur de notre monde actuel : le dérèglement climatique. 8 milliards d’humains sur terre nous obligent à changer de modèle économique. Le nôtre datait de 150 ans, il ne fonctionne plus, il est urgent d’en changer, ce n’est plus une option mais une obligation ». Tout a changé, une forme de révolution a frappé le monde des mathématiques, de la science, de l’astro-physique, de nos connaissances. Les algorithmes développent des informations qu’on n’avait pas, avant. Certains affirment par exemple que dans 20 ans le cancer sera vaincu. On peut désormais cumuler croissance et développement durable, ils ne sont plus antinomiques ».
“Pour oser, pour innover, il faut être petit. C’est la grande force des territoires décentralisés comme le Pays d’Arles.“
Philippe Dessertine
Comment adapter ce raisonnement au Pays d’Arles et à ses entrepreneurs? Grâce à un mot, la décentralisation. On ne dépend plus de Paris, un président a été élu sans parti politique. New-York, la ville des gratte-ciel, est morte, c’est Los Angeles qui gagne, cette ville horizontale, cette juxtaposition, cette mosaïque de communautés, reliées entre elles, connectées par le digital. Ici, la Crau, la Camargue, la Montagnette, les Baux, les Alpilles, ses parcs naturels, ses 29 communes, c’est un véritable pays de cocagne! Vous avez les paysages, le patrimoine, la culture, les bons produits du terroir, vous savez ce qu’est la déconcentration, vous avez déjà ce nouveau monde sous vos yeux, entre vos mains. Et la CCI c’est elle qui les relie, les irrigue, tous ces réseaux de grandes, moyennes, petites entreprises, qui promeut la synergie et propose cet autre mode de fonctionnement. Des entités à taille humaine où on peut innover. Comme l’agriculture qui s’équipe de drones. Dans les grosses structures, on n’y arrive plus ».
Philippe Dessertine cite alors l’exemple du business-man Mark Zuckerberg. « Il a créé Facebook, payait cher ses salariés, mais ils n’arrivaient plus à innover, à se réinventer, ils étaient trop nombreux, la structure trop lourde. Facebook dégringole, pour enrayer cette chute, il acquiert Instagram. Même scénario. Il ne faut pas oublier que le but d’un bureaucrate c’est de garder son boulot, pas de travailler dans l’intérêt de l’entreprise. Pour oser, pour innover, il faut être petit. Regardez pour les grands laboratoires pharmaceutiques avec le Covid. Ni Sanofi, ni Pasteur n’ont trouvé le vaccin, les dinosaures ont un grand corps mais une petite tête. C’est Moderna, une équipe plus réduite de biotechnologies qui l’a mis au point ».
“C’est avec le trio innovation-croissance-développement durable que vous allez gagner la bataille de demain, celle des talents.“
Philippe Dessertine
Il ajoute : ‘Ici, nous avons, vous avez un tissu de petites entreprises, une infinité de dynamismes, d’envies, d’énergies où le délai de prise de décision est immédiat, pragmatique. Votre nouveau PIB, c’est le trio innovation-croissance-développement durable. Grâce à tous ces humains, ces cerveaux, ces bras, ces jeunes que vous allez retenir sur le territoire, vous allez gagner la bataille de demain, celle des talents. Et moi, j’ai un double regret, ne plus avoir 20 ans et ne pas habiter le Pays d’Arles ».
La manifestation se conclura sur une phrase projetée sur le grand écran du Palais des Congrès d’Arles : « Notre territoire est inspirant, performant, novateur. Nous sommes les acteurs de la réussite de demain ».
Andrée Brunetti